Forum Med Suisse 2010;10(51–52):892–893 892
Actuel
Malgré beaucoup de questions encore ouvertes:
le dépistageducancer du poumon par CT-scan sauve
des vies!
Albrecht Breitenbücher
Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Bruderholz
Le carcinome pulmonaire est responsable de la majo-
rité des décès par cancer dans notre pays, avec chaque
année quelques 2800 morts pour env. 3600 nouveaux
diagnostics. Vu que malgré les progrès en oncologie une
guérison n’est possible par résection qu’aux stades ini-
tiaux et que le cancer du poumon évolue sur des an-
nées, il est logique de le rechercher par dépistage à un
stade précoce dans les groupes à risque. Mais cela n’a
pas été recommandé jusqu’ici pour ce cancer, car dans
les années 1970 plusieurs grandes études randomisées
ayant examiné le bénéfice d’un dépistage par radiogra-
phie du thorax et/ou cytologie des expectorations ont
été négatives. Il y a certes eu davantage de carcinomes
à un stade initial dans les groupes intervention, mais
aucune diminution des stades avancés ou des décès n’a
par contre pu être démontrée. L’ explication retenue a
été un overdiagnosis bias, mais il y aurait aussi eu des
insuffisances méthodologiques telles qu’une compliance
insuffisante dans le groupe dépistage ou une «contami-
nation» par des radiographies aussi effectuées dans le
groupe témoin. Les femmes n’ont en outre pas été ad-
mises, elles qui ont fréquemment des carcinomes péri-
phériques et qui pourraient donc profiter davantage
d’un dépistage par imagerie diagnostique. Le carcinome
épidermoïde central a également diminué depuis lors
par rapport à l’adénocarcinome périphérique.
Au début des années 1990, l’intérêt du dépistage du
cancer du poumon a été réanimé par l’introduction du
CT-scan hélicoïdal low-dose, qui s’est avéré 3–4 fois
plus sensible que la radiographie conventionnelle du
thorax. Avec les appareils multibarrettes surtout, il
permet d’obtenir des images en une seule inspiration,
ce qui supprime une grande partie des artéfacts. Un
produit de contraste n’est pas nécessaire pour déceler
les ganglions périphériques et le recours à des algo-
rithmes spéciaux (protocole low-dose) a permis de ré-
duire nettement la dose de rayonnement tout en conser-
vant unequalité d’image suffisante. Jusqu’à récemment,
nous n’avions que les résultats d’études de faisabilité à
un bras dans lesquelles les deux techniques ont été
comparées sur un même collectif. Pour répondre à la
question si le dépistage par CT-scan abaisse la morta-
lité spécifique et générale du cancer du poumon, des
études randomisées à deux bras sont nécessaires.
Les premiers résultats d’une telle étude ont été publiés
le 4 novembre 2010 dans un communiqué de presse
par le National Cancer Institute, sponsor du National
Lung Screening Trial (NLST) [1, 2]. Il s’agit d’une
grande étude multicentrique qui a recruté de 2002 à
2004 53000 fumeurs et ex-fumeurs de 55 à74ans ayant
une anamnèse tabagique d’au moins 30 pack-years et
les a répartis dans deux groupes. Dans le groupe dépis-
tage ont été effectuées 3 CT-scans hélicoïdaux à inter-
valle d’une année et dans le groupe témoin 3 radiogra-
phies du thorax conventionnelles et les participants ont
été suivis 5 ans. Cette étude a été interrompue avant
terme le 20 octobre 2010 car dans le groupe CT-scan il
y a eu 20,3% de moins de décès par cancer du poumon
(354 contre 442). La mortalité globale n’a cependant
été que de 7% inférieure et nous en attendons les rai-
sons dans la publication de cette étude ces prochains
mois. Mais il vaut la peine de noter que c’est la toute
première fois que la mortalité du cancer du poumon a
pu être diminuée dans une étude de dépistage rando-
misée bien conduite.
Plusieurs petites études à deux bras européennes ne
sont pas encore terminées, comme l’étude italienne
DANTEdont les résultats intermédiaires ont été publiés
il y a un an [3]. Elle a recruté 2472 fumeurs ou ex-fu-
meurs (020 pack-years) de sexe masculin uniquement
qui ont été suivis pendant 4 ans soit par CT-scan low-
dose soit uniquement par contrôles cliniques. Après
seulement 33 mois en moyenne, la mortalité par cancer
du poumon et globale a été comparable dans les deux
bras. L’ étude NELSON est en cours depuis 2004 aux
Pays-Bas et en Belgique avec plus de 15000 patients à
risque des deux sexes, dont le groupe dépistage a béné-
ficié d’un CT-scan low-dose au départ et après 1et3ans
[4]. L’ étude Danish Lung Cancer Group (DLCG) arecruté
plus de 4000 participants et le bras dépistage a subi un
CT-scan low-dose annuel pendant 5 ans [5]. Ces études
sont différentes du NLST nord-américain dans le sens
que les groupes témoins n’ont pas eu de radiographies
du thorax conventionnelles et qu’elles permettent donc
d’évaluer le véritable bénéfice du dépistage. Leurs ré-
sultats définitifs ne sont attendus qu’à partir de 2015.
Il y a cependant plusieurs doutes sur le dépistage du
cancer du poumon par CT-scan, dont notamment de
nombreux résultats faux positifs, non malins. Les résul-
tats du NLST ne sont pas encore connus mais dans une
étude pilote en préparation de cette étude 33% des pa-
tients ont eu un dépistage faux positif après deux exa-
mens à une année d’intervalle. Ces résultats ont pour la
plupart été contrôlés par CT-scan, ce qui a générale-
ment suffi pour réfuter la suspicion de cancer. Mais 7%
des participants ayant un dépistage faux positif ont dû
subir des examens complémentaires invasifs [6]. Les
résultats faux positifs du dépistage ont souvent des
conséquences psychologiques et les données du NLST
doivent encore être analysées à ce sujet et sur la qualité
de vie. Le risque d’irradiation cumulée par CT-scan à
répétition ne doit en outre pas être négligé. Il est vrai
L’ auteur certifie
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est
lié à cet article.