Après ‘’Le monde fantastique des abysses’’, première partie de mon exposé sur les profondeurs marines, je
vais vous présenter une faune merveilleusement irréelle dans ‘’Monstres et merveilles dans les profondeurs
des abysses‘’.
Je vous rappelle que le milieu abyssal où règnent le froid et l'obscurité, couvre 307 millions de kilomètres
carrés soit les deux tiers de la surface du globe. Il a longtemps été considéré comme un désert : pas de
lumière donc pas de photosynthèse, et la seule matière organique qui alimente la chaîne alimentaire provient,
par gravité, de la surface en se dégradant au cours de la descente. Il fonctionne comme un égout, réceptacle
des cadavres et des déjections de la zone éclairée de l'océan.
Plus on descend, plus la température chute rapidement. Elle se stabilise à 2°C environ en dessous de 2.000
mètres. La pression, elle, augmente. A 10.000 mètres, elle atteint 1 tonne/cm². En dessous de 300 mètres la
lumière ne passe plus. Alors, dans des conditions aussi inhospitalières, comment la vie a-t-elle pu se
développer ? Pour ne pas être écrasés par la pression, les animaux des grands fonds ont éliminé de leurs
corps les cavités remplies de gaz compressible, au profit d’organes pleins d’eau, indéformables. En effet,
contrairement aux poissons de surface, ceux des grands fonds n'ont pas de vessie natatoire remplie de gaz.
Leurs tissus sont essentiellement liquides ou gélatineux, et leur pression interne s'équilibre simplement avec
l'extérieur. Cependant impossible pour eux de remonter à la surface sous peine de se dilater et d'exploser.
Jusqu’à 3 000 mètres environ règnent d’étranges animaux. La plupart se distinguent par des gueules
monstrueuses munies de dents acérées. Pourtant, tous ces monstres ne dépassent pas une dizaine de
centimètres. En effet, dans cette zone intermédiaire, l’évolution semble avoir favorisé les petites tailles. C’est
à partir de 4 000 mètres que l’on entre vraiment dans le désert abyssal. Pourtant les espèces qui y vivent
sont d’une taille bien plus impressionnante. Des requins qui atteignent 7m ont été filmés à 4.500 m.
Requin-lézard Requin à ailettes. Requin griset
Selon la profondeur, il existe beaucoup de requins différents dans la colonne d’eau. Je vais me contenter d’un
seul : le requin lutin où Mitsukurina owstoni. Bien qu’il ait été découvert il y a presque un siècle, on ne sait
que fort peu sur cette espèce difficile à trouver. Seule une vingtaine de spécimens de ce poisson d'aspect
préhistorique a été capturée. D'après la légende son apparition a tellement surpris les pêcheurs japonais
qu'ils l'ont surnommé «lutin». Difficile à trouver il fréquente les eaux profondes, en général entre 550 et 900
mètres. La plupart des spécimens ont été observés à environ 250 m de profondeur. Cependant, il peut des-
cendre à plus de 1.000 m. Il a été repéré dans
l'Atlantique Est au large des côtes de France, du
Portugal et de la Guinée, et aussi dans le Pacifique
Ouest au large des côtes du Japon, et dans l'océan
Indien, au large des côtes de l'Afrique du Sud et de
l'Australie. L'un des endroits pour l’étudier se situe
près de Tokyo. Le requin lutin adulte a été repéré
dans les profondeurs de la fosse de Tokyo et se rapprocherait des côtes, juste aux abords de la ville afin de
pondre. Grâce aux rejets de la ville, le plancton se développe en très grande quantité, comme de la neige
d’après les japonais. Ceci permettrait aux petits de se nourrir généreusement. Les adultes retournent dans
les profondeurs. Ce choix permettrait la survie de l'espèce en laissant la nourriture en priorité aux petits.
Le requin lutin est affublé d'un museau allongé et plat en forme de glaive. Il possède de petits yeux, un corps
mou et flasque, de longues mâchoires protractiles garnies de grandes dents effilées semblables à des
aiguilles ainsi qu'une longue nageoire caudale surbaissée. Son alimentation est constituée de petites proies à
corps mou : petits poissons, crevettes et calmars.
L’insaisissable calmar géant que l’on ne connaît que par des cadavres retrouvés à la surface vit à de grandes
profondeurs. Quelle taille ces mystérieux prédateurs peuvent-ils atteindre ? Les dépouilles les plus grandes
mesuraient une vingtaine de mètres. Mais les cicatrices laissées sur les cachalots démontrent que certains
de ces monstres atteindraient des tailles bien plus imposantes.
Un cachalot peut mesurer jusqu'à 20 m pour 70 tonnes. Il chasse en grande profondeur et semble être le seul
à oser s’attaquer au calmar géant. On imagine l’intensité des combats. Certains cachalots harponnés
portaient encore les stigmates de la lutte, des fragments d’énormes tentacules encore fixés sur le corps.
Malheureusement, aucun calmar géant n’a été observé vivant à cette profondeur.
Calmars géants Cachalot
Si les calmars géants nous fascinent depuis longtemps, il existe d’autres prédateurs tout aussi passionnants.
La nourriture ; une préoccupation permanente. Les organismes vivants dans ces conditions doivent être
d'habiles prédateurs ou être capables de survivre à de longues périodes de disette. En effet, la nourriture est
rare. Il n'y a pas de production de matière organique (pas de photosynthèse) au fond des océans. Faute de
lumière, on ne trouve ni algue, ni phytoplancton en dessous de 300 mètres. Comme signalé plus haut, toute
la nourriture vient donc de la surface. La faune récolte les miettes du festin des espèces de la surface.
Cadavres, débris végétaux, particules organiques s’enfoncent dans les profondeurs. Grâce à cette aumône la
vie peut se maintenir. Les uns se nourrissent de ces débris, les autres dévorent les premiers. L'apport
énergétique tombant au fond des océans, de nombreuses espèces abyssales vivent à proximité du fond,
fouinant la vase en quête de nourriture, et pas en pleine eau. Autre conséquence de la rareté de la
nourriture : la gueule des poissons abyssaux est devenue une arme redoutable. Ainsi les dents de la
baudroie sont acérées et reculées dans sa gueule de façon à bien maintenir ses proies.
Baudroie femelle juvénile larve Baudroie abyssale blanche
Juste une petite anecdote sur la reproduction de la baudroie des abysses : Ces poissons ont un mode
de reproduction tout à fait remarquable. En effet, le mâle s'accroche au corps de la femelle en la mordant. Sa
bouche fusionne avec sa peau et se connecte à la circulation sanguine. Le mâle est alors totalement
dépendant de la femelle pour se nourrir. Puis il dégénère progressivement en un sac à spermatozoïdes.
Diaphus
metopoclampa
Quant au poisson Diaphus metopoclampa, il
possède un estomac et un corps élastique ce
qui lui permet d'avaler des proies plus grosses
que lui.
Cadavres de baleines, source de vie dans les
abysses. Les baleines qui sont les plus grands
mammifères, se rencontrent dans toutes les
mers du globe et leur nombre est estimé
actuellement à au moins deux millions
d’individus. 70.000 baleines meurent tous les
ans, dont 10 % s’échouent sur les plages, les 90
% restant coulant au fond des océans. D’après
le professeur Craig Smith, océanographe
et biologiste de l’université d’Hawaï, les baleines joueraient un rôle très important depuis plus de trente
millions d’années. L’humain, en les pourchassant industriellement au cours du XXème siècle, a fortement
diminué leur population et très certainement altéré l’équilibre alimentaire des abysses. 80 % des écosystèmes
Cadavre d’une baleine rongée par des colonies d’
Osedax frankpressi
Colonie d’
Osedax frankpressi
ont ainsi disparu et la raréfaction des cadavres de grands cétacés a provoqué l’extinction de milliers
d’espèces abyssales. Sur ce cadavre de baleine vit une colonie de vers, sans
doute spécifiques à cet endroit car pour l’instant, ils n’apparaissent que là :
les Osedax frankpressi. Ces vers se nourrissent des os de la baleine en
partenariat avec des bactéries. Normalement, seul le panache rose et le
tronc sont visibles. Les parties vertes et blanchâtres sont dans l'os. Ces vers
sont des femelles ; elles abritent dans leur corps des dizaines de mâles
microscopiques qui restent sous forme de larve et produisent de
grandes quantités de spermes.
Osedax frankpressi
Une nouvelle anémone vivant sur le cadavre des baleines a été découverte, son nom scientifique Anthosactis
pearseae , elle est petite, blanche et en forme de cube. Elle a la taille d'une molaire d’homme et ressemble à
une dent avec de petits tentacules sur un côté.
Sur la photo de droite on peut voir des crabes et un poulpe vivant sur le crâne du cadavre d’une baleine. Le
poids attaché à la ligne jaune est muni d'une bouée et d’une balise qui permet aux chercheurs de retrouver la
baleine lors des plongées suivantes.
Comment voient-ils leurs proies ? L'obscurité et la rareté de la nourriture ont favorisé l'évolution et
l'adaptation des poissons des grands fonds. Certains ont des yeux très réduits et sont parfois aveugles, mais
la plupart ont des yeux qui fonctionnent. Ils mettent alors à profit la bioluminescence qui permet à certains
organismes d'émettre de la lumière. Les poissons savent aussi tirer profit d'odeurs, de vibrations pour se
déplacer et avaler leurs proies.
Bref rappel : Les fonds océaniques sédimentaires abritent la plus grande densité de bactéries, les
populations les plus actives se trouvent dans un lieu assez inattendu : les intestins des poissons abyssaux.
En effet, de nombreuses créatures pélagiques des grands fonds et des animaux benthiques concentrent dans
leurs tissus organiques une grande variété d'organismes qui les assistent dans leur activité nourricière. Ces
bactéries installées dans leurs intestins produisent diverses enzymes qui dégradent la nourriture au bénéfice
à la fois de l'animal et des bactéries.
Le métabolisme au ralenti : Au-delà de 500 m de profondeur, ces organismes voient toutes leurs fonctions
métaboliques diminuées. Requins et raies, par exemple, perdent leur agilité et évoluent lentement sans faire
trop d'efforts. En effet, certaines enzymes fonctionnent mal à haute pression, et tous ces animaux marchent
littéralement au ralenti.
Les éclairages de secours : A 100 m de profondeur, il fait nuit noire. Dans un monde sans lumière, certains
ont développé des organes bioluminescents afin d'attirer des proies. Ce thème sera traité par Jean-Michel.
Le poisson hachette conserve des bactéries luminescentes sous son épiderme, le poisson lanterne fait de
même mais dans les appendices qu'il utilise comme appâts.
Poissons lanterne Poissons hachette
A - Tête du poisson dragon, l’Idiacanthus atlanticus
qui ne mesure que quelques dizaines de
centimètres, vit à une profondeur entre 2.000 et
2.800 m. Il produit sa propre lumière grâce à ses
organes photophores.
B - Le poisson pécheur barbu, capte grâce à son
organe blanc spécifique situé sur le devant des yeux,
les composés chimiques libérés par les femelles
A B
Jean Michel nous ayant déjà parlé des poissons des abysses, je me contenterai de vous présenter une petite
galerie de ces derniers afin de justifier la première partie de mon titre ‘’ Monstres ‘
Poisson vipère
Poisson pêcheur Poisson football
Lotte
Chiasmodon
niger Polyodon spathula
Tripode Anguille pélican Grand gousier
Lasiognathus
Chimere Dragon noir Rouge gorge des mers Vise en l’air
Avec ses dents de lapin, sa trompe d'éléphant et sa couleur argentée, il est surnommé en anglais la chimère
éléphant. Mais il est également appelé Masca laboureur. Ce proche parent des requins utilise son
excroissance de chair pour labourer le sédiment en quête de mollusques qu'il broie à l'aide de dents aplaties
en plaques puissantes. Au printemps les femelles pondent des œufs de 25 cm de long qui mettront entre 6
mois et 1 an à éclore. Il vit à environ 230 mètres de profondeur, sa taille est de 125 cm.
Masca laboureur ou chimère éléphant
Rassemblement supposé de certains poissons : Malgré le peu d'information que nous possédons sur les
abysses, des scientifiques ont établi une hypothèse sur la question de la reproduction. En effet, grâce à des
filets de pêche et des instruments acoustiques, une équipe a observé que les poissons des profondeurs se
rassemblent en grand nombre près des montagnes sous-marines en vue de s'y reproduire. Cela impliquerait
que les poissons auraient un instinct d'orientation qui les guiderait vers des lieux en particulier. Ils seraient
donc moins nomades que certain scientifiques le pensaient. Toutefois il est difficile d'établir des "familles"
directes de poissons à cause du manque d'échantillons et dans certains cas, mâles, femelles et bébés sont
catalogués différemment. La reproduction de la majorité des poissons des abysses reste encore un mystère
pour la science.
Et voici la partie préférée de mon exposé, les ‘’ merveilles ‘’
Les méduses :
1 - Non, ce n'est pas une soucoupe volante. Mais une méduse nommée Benthocodon de 4 cm de diamètre à
la cloche translucide, qui se déplace entre 500 et plus souvent 3.500 m de profondeur. Sa myriade de
tentacules (près de 2.000) lui permet d'attraper des minis crustacés.
2 - Desmonemia glaciale est une méduse dont la cloche atteint 1m de diamètre et les tentacules semblables
à de longs rubans 5 m.
3 - Colobonema sericeum petite méduse soyeuse de 5 cm vivant entre 500 et 1.500 m de profondeur. Elle
est transparente avec l’extrémité de ses tentacules blanches. En cas d’attaque, ces derniers se
détachent du corps et s’éclairent ce qui surprend le prédateur et protège sa fuite.
4 - La grande rouge. Sa taille peut atteindre un mètre de diamètre. Cette grosse boule sombre et veloutée vit
à une profondeur de 1.500 m. Pour capturer ses proies, elle n’utilise pas des tentacules urticants, comme
la plupart des méduses, mais déploie de longs bras charnus, elle en possède, étrangement, entre quatre
et sept selon les spécimens.
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5 - Aglantha : taille 2 cm ; profondeur 320 m.
6 - Crossota millsae : taille environ 3 cm ; profondeur 1.000 à 3.800 m
7 - Scripptia pacifica : taille 10 cm ; profondeur 400 m.
8 - Vampyrocrossoto childressi : taille 1,5 cm ; profondeur 600 à 1.500 m. Cette méduse engloutit toute
lumière qui l’atteint, mais reste noire le reste du temps.
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9 - Salmissus où méduse assiette de la baie de Monterey se nourrit principalement de grandes proies
gélatineuses : taille 20 cm ; profondeur 700 à 1.000 m.
10 - Ptychogastria polaris : taille 7 cm sans les tentacules ; profondeur normalement à 3.000 m, mais remonte
à la surface aux pôles.
11 - Periphylla periphylla où méduse casquée : taille 1m ; profondeur normalement à 7.000 m, mais remonte
à la surface aux pôles.
12 - Pandéa rubra où méduse lanterne en papier : taille 15cm ; profondeur 550 à 1.200 m L’ombrelle rouge
vif de la méduse lanterne montre des capacités à se friper, se rider et former des angles droits qui sont
tout à fait exceptionnels pour un animal gélatineux.
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