ÉDITORIAL
L
a publication de ce numéro d’Unasylva coïncide avec deux
événements marquants pour les forêts. Les 196 Parties à la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques viennent de se réunir à la Conférence Paris climat
2015 en vue de négocier un accord qui soit en mesure de chan-
ger la donne en matière de changement climatique. Toujours à
Paris, le Global Landscapes Forum 2015, Forum mondial sur les
paysages, a été le théâtre de discussions de haut niveau portant
sur la recherche et les politiques qui sous-tendent les questions
d’utilisation des terres. La restauration des paysages forestiers
est une pièce clé du puzzle.
Le dictionnaire Oxford de la langue anglaise dénit la «restau-
ration» comme «l’action consistant à ramener quelque chose à un
état ou à une position précédente». La restauration du paysage
forestier (RPF), toutefois, confère à ce terme un rôle bien plus
vaste que le simple retour à un état antérieur. Sur une planète
où la marque de l’activité humaine est presque omniprésente, le
concept de restauration doit nécessairement prendre en compte
le bien-être humain et les changements en cours.
Dans l’article d’ouverture de cette édition, Sabogal, Besacier
et McGuire explorent non seulement le concept mais aussi les
approches disponibles à cet égard – qui varient de manière signi-
cative selon le lieu, l’échelle, la taille et l’objectif –, soulignant
l’importance d’identier les facteurs de la dégradation des forêts et
des terres. Leur article est suivi d’un aperçu historique de la RPF,
donné par Laestadius, Buckingham, Maginnis et Saint-Laurent.
De toute évidence, la démarche a considérablement évolué, de
ses origines dans la foresterie dans les années 90 à l’objectif
ambitieux établi en 2011 par la table ronde ministérielle du Dé
de Bonn, qui appelle à restaurer 150 millions d’hectares des terres
déboisées et dégradées de la planète d’ici à 2020.
La RPF revient en outre à regarder le paysage comme un tout
intégré, ce qui suppose de prendre en considération différentes
utilisations des terres à la fois, leurs connexions et leurs inte-
ractions, ainsi qu’une mosaïque d’interventions qui, ensemble,
sont susceptibles de rendre la restauration plus efcace que ne
le ferait une approche axée sur une seule utilisation des terres.
Dans cette optique, Janishevski, Santamaria, Gidda, Cooper et
Brancalion explorent le rôle des aires protégées, soulignant que
celles-ci ne doivent pas être vues isolément mais qu’elles doivent
être entretenues et remises en état en même temps que d’autres
parties du paysage, pour garantir la connectivité entre les zones
et en particulier, en regard du changement climatique, assurer
la conservation de la biodiversité. Les initiatives de restauration
doivent de surcroît faire en sorte que soit choisi pour les sites
de plantation un matériel de plantation approprié et diversié
sur le plan génétique. Dans le cas contraire, la restauration pour-
rait se solder par un échec, même si cela ne pourrait devenir
apparent que longtemps après le début des activités ou bien à la
lueur d’événements exceptionnels, comme le montrent Thomas,
Jalonen, Loo et Bozzano.
Plusieurs articles se penchent sur les spécicités de différents
biomes et régions. Berrahmouni, Parfondry, Regato et Sarre
examinent les démarches de restauration des paysages forestiers
dégradés en zone aride, illustrées par une étude de cas dans la
région d’Ica, Pérou. Sacande, Berrahmouni et Hargreaves pré-
sentent les expériences africaines menées dans le cadre de
l’Initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le
Sahel, et la façon dont elles s’appuient sur l’engagement des
communautés.
Appanah, Shono et Durst mettent également l’accent sur l’impor-
tance de la participation locale dans leur tableau des activités de
restauration en Asie du Sud-Est, une région qui a connu aussi
bien des succès éclatants que des échecs. La restauration de la
zone du Baekdudaegan, une chaîne de montagnes qui s’étend le
long de la péninsule coréenne, a elle aussi rencontré de nombreux
écueils, comme le décrivent Cho et Chun, mais elle a cependant
fait des avancées considérables et l’expérience pourrait servir de
base à une collaboration régionale future.
Daoxiong, Wenfu, Zhilong et Dongjing se concentrent spé-
ciquement sur le reboisement et présentent des approches
expérimentales menées en Chine pour transformer les plan-
tations forestières et les terres dégradées nationales en forêts
proches de la nature.
Le cas de l’Europe du Sud, une région qui a été soumise à une
dégradation et à des facteurs de stress climatique signicatifs, est
examiné en détail par Coello, Cortina, Valedecantos et Varela,
qui soulignent la nécessité de renforcer l’appui aux programmes
de restauration si l’on veut avoir des chances de succès.
Le bambou pourrait constituer une solution intéressante dans
certaines zones, comme le soutiennent Rebelo et Buckingham,
qui explorent le potentiel qu’il représente pour relever les dés
de la restauration, notamment au travers d’approches novatrices
impliquant le secteur privé. Dans l’article nal, Gutierrez et
Keijzer considèrent de façon plus ample les options de nan-
cement de la RPF, se concentrant également sur les moyens de
susciter l’engagement du secteur privé.
Pour pouvoir être une réussite à long terme, les initiatives de
restauration des paysages forestiers devront impliquer efcace-
ment un vaste éventail de parties prenantes, des responsables
politiques aux communautés locales et des gouvernements aux
acteurs privés. Ce numéro dresse la carte de certains des progrès
accomplis et des dés qui nous attendent. u