
Quecette réalité,qu’il faudrait bien sûr illustrer plus longuement, soit souvent niée par le forestier,
vient du fait quecelui-cin’aplus l’expériencedecequ’est réellement une forêt primaire,c’est-à-
diregénéralement après deux àplusieurs siècles sans intervention humaine. EnEurope moyenne,
seule laforêt de Bialowiezaen Pologne offre un tel exemple,et mieux encore,en milieu tropicalet
territoirefrançais,laforêt de Guyane. Leforestier ou l’économiste,quiparlent d’une forêt “àl’aban-
don”,ne voient et ne considèrent justement quele stade relativement court et jeune de laforêt qui
se“ferme” et où effectivement labiodiversité tend àdiminuer momentanément.De tels stades ne
durent tout au plus quequelques dizaines d’années,cequiest peu au regarddela succession
complètequiatteint plusieurs siècles.Mais l’aversion de l’économistepour ce“laisser faire” de
l’évolution naturelle est quejustement laproductivitééconomique y évoluedefaçon décroissante.
Eneffet,les taux de croissancedes bois sont optimaux dans les stades jeunes et diminuent dans
les stades âgés où,de plus,les perturbations,citées plus haut, tendent àdiversifier les essences et
les diamètres,cequinefacilitepas lacommercialisation,d’autant plus quelaqualitédes fûts
vieillissants est aussiaffectée. Pourtant,c’est encorelaforêt primaire,lors de sapremièreexploi-
tation,quiproduit les plus forts volumes et les meilleurs bois,mais au prix d’une “gestion” naturelle
de plusieurs siècles,incompatible avecles notions actuelles de rendement économique. L’exemple
fameux des forêts vierges du Nord-Ouest des États-Unis,et de l’attrait qu’elles exercent sur les
exploitants,est encorelàpour nous le rappeler.
Àlaboutade classiquedel’écologiste selon laquelle ce sont les lianes,les chablis,les arbres morts,
etc…quifont la richessed’une forêt, s’opposelagestion économiquequicherche àoptimiser la
croissancedes bois et les rendements àl’hectare. Pour cela, s’imposent la sélection des seules
essences les mieux adaptées,l’uniformisation des classes de taille,l’élimination de tout parasiteou
compétiteur,ainsiquela suppression des facteurs défavorables (drainage,amendement du sol,pro-
tection contreles incendies ou les tempêtes),et bien sûr l’élimination des arbres morts ou mal
formés,en unmot de tout cequi tend àfavoriser labiodiversité!Minimiser les coûts finaux d’ex-
ploitation est aussi unobjectif économiquedeplus en plus présent.Tout cequipermet d’augmen-
ter la taille et l’uniformisation des parcelles,leur coupe àblancet leur dessertepar un réseau de
routes devient alors l’objectif quiluiaussi vaàl’inversed’une optimisation de labiodiversité.
UN CONTEXTE GÉNÉRAL CHANGEANT
Tout d’abord,lorsque tous les coûts environnementaux directs et indirects sont inclus,il n’est jamais
certain quelebois soit unmatériau plus “écologique” qued’autres matériaux alternatifs quiexistent
pour beaucoupd’usages du bois.Àl’économistequi voit dans lapromotion du bois l’assuranced’un
débouché sûr,d’une valorisation de laforêt et doncd’une gestion sylvicole durable,l’écologiste
tend à substituer une “exploitation” de la valeur patrimoniale quipourraêtred’autant plus priseen
comptequela valeur économiqueet le besoin en bois diminueront.C’est ainsipar exemple quele
débat sur l’écocertification est devenu complexe. Initialement proposédans l’idée de réduirel’ex-
ploitation des forêts (tropicales),le concept aété retourné contre ses promoteurs en unargument
de ventequipourrait augmenter à terme laconsommation de certains bois en obtenant l’adhésion
de consommateurs apriorihostiles àl’utilisation excessivedebois.
La position générale des naturalistes d’autrefois,qui voyaient dans nos forêts tempérées des lieux
privilégiés de conservation des richesses naturelles, s’est sensiblement nuancée devant les excès
de bien des aménagements sylvicoles.L’attitude des producteurs de bois aégalement évolué.
Considérés autrefois comme les garants contrelacrainted’unmanquedebois quiguidait les poli-
tiques forestières,ils doivent maintenant promouvoir leurs produits pour en assurer la ventefaceà
laconcurrenced’autres bois et d’autres matériaux.
Sans nuireaux besoins économiques de la société,le consommateur écologisted’aujourd’huipeut,
lorsquelebois est irremplaçable,privilégier certaines essences et certains modes de gestion au
détriment d’autres qui remplissent les mêmes fonctions en ayant même parfois une rentabilité supé-
J.-M.THIOLLAY
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