14 FÉVRIER 2009 - LE FIGARO MAGAZINE • 4746 • LE FIGARO MAGAZINE - 14 FÉVRIER 2009
taires et en défavorisent d’autres.
C’est ce que Darwin appelle la “sélec-
tion naturelle” qui, à partir d’une même
espèce, en génère de nouvelles. Ce qu’il
avait imaginé, nous sommes en me-
sure de le prouver, grâce aux données
moléculaires et à la génétique. »
■ Un nouveau temple pour
la science de l’évolution
Cette année, on célèbre le bi-
centenaire de la naissance de
Darwin et tout particulièrement
l’Angleterre, où il a vu le jour.
Jusqu’en avril, le muséum d’His-
toire naturelle de Londres ac-
cueille une exposition sur sa vie et
ses recherches, à grand renfort
d’archives et de spécimens rares.
En septembre, le muséum ouvrira
un vaste atrium de verre abritant
un cocon en maçonnerie de 3 500 mè-
tres carrés. Ce temple de la science de
l’évolution dédié à Darwin abritera
des salles d’exposition et des labo-
ratoires pour la crème des cher-
cheurs internationaux. Au sud
de la capitale anglaise, à Down
House, la maison familiale où
le naturaliste a écrit sa théo-
rie, les conservateurs s’acti-
vent pour un classement au
patrimoine mondial de
l’humanité. Penseur, obser-
vateur, Darwin, qui a révolu-
tionné notre vision du vivant, fut
aussi homme de lettres et de convictions,
anti-esclavagiste et progressiste, dans le
droit fil du siècle des Lumières.
■ Vingt ans de réflexion
Né le 12 février 1809 à Shrewsbury, ville
anglaise proche du pays de Galles, Dar-
win rencontre son destin à 22 ans. Après
des études de médecine et de théologie, il
se joint en tant que naturaliste à un voyage
d’étude autour du monde à bord du Beagle,
un vaisseau anglais. Pendant cinq ans, au
Chili, en Australie ou en Terre de Feu, il ob-
serve la faune et la flore, note et collecte. La
légende veut qu’il ait eu sa première in-
tuition de l’évolution des espèces en ob-
servant la faune des Galápagos.
A son retour, il se marie et s’installe en
1842 à Down House, en pleine campa-
gne. Il multiplie ses études, aidé de ses
dix enfants devenus assistants natura-
listes : ils observent des plantes grim-
pantes dans la chambre, des vers de terre
sur le piano, des fourmis et des abeilles
dans les serres.
Pendant près de vingt ans, Darwin re-
tourne sa conception de l’évolution dans sa
tête, lors de longues heures de marche
sous les arbres de sa propriété. Sa théorie
naît d’une intuition déjà dans l’air du
temps. De nombreux chercheurs dont le
grand-père de Charles, Erasmus Darwin,
ou Wallace avaient déjà conscience que les
espèces ne traversent pas le temps de ma-
nière immuable et que l’humain fait partie
de cette chaîne de l’évolution. Darwin est
le premier à aller au bout de cette réflexion
et à présenter sa théorie. En 1859, il publie
la première édition de L’Origine des espè-
ces au moyen de la sélection naturelle, ou la
préservation des races favorisées dans la lutte
pour la vie. Mille deux cent cinquante exem-
plaires sont vendus en quelques jours,
Darwin devient célèbre. En 1871, il publie
La Filiation de l’homme et la sélection liée au
sexe, sur l’évolution de l’espèce humaine.
En 1872, nouvel ouvrage : L’Expression des
émotions chez l’homme et chez les animaux.
Darwin explique l’évolution
de l’homme sans référence à
une divinité ou à une quel-
conque force spirituelle, ce
que lui reprochent depuis
plus d’un siècle différents
courants chrétiens et mu-
sulmans. La controverse em-
poisonne toujours la vie in-
tellectuelle américaine et
s’est même étendue à l’Eu-
rope. Aux Etats-Unis, sous
la pression des mouvements
créationnistes, qui défen-
dent la théorie du « dessein
intelligent », l’étude de l’évo-
lution, considérée comme
« contraire au récit de la Ge-
nèse », est bannie de nom-
breuses écoles et universi-
tés. En Europe, en 2006, le
vice-ministre polonais de
l’Education a déclaré que la
théorie de l’évolution était
«
un mensonge, une erreur
légalisée ».
En Allemagne,
dans le Land de Hesse, de-
puis deux ans, on enseigne
dans les écoles qu’un créa-
teur est à l’origine des diffé-
rentes espèces d’animaux.
En 2007, Harun Yahya, un
Turc intégriste musulman, a
diffusé à la chaîne dans un
très grand nombre d’écoles
européennes un
Atlas de la
création,
ouvrage dans le-
quel la théorie de Darwin est
décrite comme l’origine de
tous les maux du XXesiècle.
La même année, un rapport
alertant des dangers du
créationnisme dans l’ensei-
gnement était remis au
Conseil de l’Europe par le
député français Guy Lenga-
gne. Mais le Conseil a refusé
d’en débattre...
•••
Et Dieu dans tout ça ?
REPORTAGE
LES ENFANTS DE DARWIN
•••
Downe House, au sud de Londres :
le bureau de Darwin, où il a rédigé
sa théorie de l’évolution (en haut
à gauche). Planche naturaliste
du XIXesiècle représentant
un zooplancton (en bas à gauche).
Oliver Crimmen, du département
de zoologie du muséum d’Histoire
naturelle de Londres, devant
des échantillons d’animaux collectés
par Darwin pendant son voyage sur le
« Beagle » de 1831 à 1836 (en haut).
Muséum d’Histoire naturelle de
Londres : Le Dr George W. Beccaloni,
spécialiste des insectes, devant la
collection de papillons de Wallace, un
chercheur contemporain de Darwin.
A Londres, Ruth Padel, auteur,
descendante de Charles Darwin, publie
une biographie en poésie de son ancêtre.
Randal Keynes, arrière-arrière-petit-
fils de Darwin, a rapporté des Galapagos
des « oiseaux de Darwin » (détail à
droite), pièces maîtresses de l’exposition
Charles Darwin qui se tient à Londres.
Dans les mains de Ruth Padel, l’édition
originale de « L’Origine des espèces »,
de Charles Darwin, publiée en 1859.
DARWIN FUT AUSSI HOMME DE LETTRES,
ANTI-ESCLAVAGISTE ET PROGRESSISTE