Louise WEISS
1893 - 1983
par Charles REICH
Ce n'est pas l'étroitesse de ses liens avec le judaïsme qui a rendu
Louise Weiss célèbre. Elle est née à Arras en 1893 d'une famille
d'origine alsacienne et protestante par son père (La Petite-Pierre)
et d'une famille juive allemande et tchèque par sa mère (*). A 21
ans, elle est agrégée de lettres et diplomée d'Oxford. Pendant la
première guerre mondiale, elle s'engage comme infirmière et fait
ses débuts dans le journalisme.
Trois engagements majeurs marqueront sa vie : l'Europe, le
féminisme et le journalisme.
L'Europe
Au lendemain de la Grande Guerre, comme toute sa génération, elle est profondément touchée
par l'hécatombe et les profondes dévastations que subit l'Europe.
En 1918, à l'âge de 25 ans, elle fonde une revue l'Europe nouvelle qu'elle dirige jusqu'en
1934, elle en fera un instrument pour la paix et pour la coopération en Europe.
En 1919, elle est correspondante à Prague de l'Information et rencontre la toute nouvelle
classe politique tchécoslovaque, issue de l'indépendance toute récente de ce pays.
En 1924, Louise Weiss fait la connaissance d'Aristide Briand à Genève au cours de
l'Assemblée générale de la Société des Nations .Elle surnommera Briand : "le Pèlerin de la
Paix".
Dans sa revue l'Europe nouvelle, elle se prononce en faveur de la réconciliation franco-
allemande et de l'instauration d'une paix stable en Europe. Elle effectue de nombreux voyages
sur le continent ravagé pour visiter les nouveaux Etats nés au lendemain de la guerre et
participe à de nombreuses conférences internationales.
En 1934, elle quitte avec fracas, la direction de sa revue : l'arrivée d'Hitler au pouvoir
constitue un échec de toute son action pour la paix et la réconciliation. Elle n'hésite pas, dés le
début, à dénoncer le nazisme et la persécution des juifs en Allemagne.
En 1939, elle nommée Secrétaire générale du Comité chargé d'accueillir les réfugiés
d'Allemagne et d'Europe centrale.
A ce titre, elle intervient en faveur des passagers du Saint-Louis qui transportait un millier de
juifs allemands provenant de Hambourg refoulés de Cuba. Elle parvient à convaincre le
gouvernement français d'accueillir un quart des passagers, les autres réfugiés étant répartis
entre l'Angleterre, la Belgique et les Pays-Bas.
Durant la deuxième guerre mondiale, elle entre dans un réseau de Résistance sous le nom de
Valentine et participe à la rédaction du journal clandestin Nouvelle République.
Elle assiste au procès de Nuremberg comme journaliste en 1945.
Aprés la deuxième guerre mondiale, elle parcourt davantage les autres continents.
Elle publie en 1968, le premier tome des Mémoires d'une Européenne qui en comptera cinq.
En 1979, élue à 86 ans sur la liste gaulliste aux premières élections européennes du Parlement
européen au suffrage universel direct, elle prononce, comme doyen d'âge un discours qui
restera célèbre du point de vue de la forme littéraire et poétique et de son message historique,
politique et culturel. Elle lance un vibrant appel à l'unité : "l'Europe ne retrouvera son
rayonnement qu'en rallumant les phares de la conscience, de la vie et du droit;"
Le féminisme
Paul Weiss, son père est opposé à ce que les filles bénéficient d'une instruction trop poussée.
Elle suit des cours d'instruction ménagère, puis réussit par sa ténacité à terminer ses études
secondaires et supérieures, malgré l'opposition de son père.
Dés les années vingt, elle s'intéresse au droit de vote des femmes et estime que le suffrage des
femmes pourrait empêcher un nouveau conflit en Europe.
En 1934, elle se lance dans la bataille féministe et fonde un nouveau journal La Française.
Elle préfère amuser que prêcher et pour ce faire invente des événements destinés à attirer
l'attention de la presse. Une boutique s'ouvre sur les Champs Elysées : une mappemonde
indique les pays dans lesquels les femmes votent. Pour les élections municipales de 1935, les
mouvements féministes organisent des élections symboliques dans plusieurs villes de France
dans des cartons à chapeaux .Le jour de ces élections municipales, sur la place de la Bastille,
elle harangue la foule et déclare que les auteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme ont
oublié la femme.
Elle fonde dans la lancée une association "La Femme nouvelle" qui comptera plusieurs
dizaines de milliers d'adhérentes. En 1936, elle répond à Léon Blum qui lui propose un poste
ministériel : "j'ai lutté pour être élue pas pour être nommée".
A son initiative, le Parlement est saisi d'un projet de loi sur le droit de vote des femmes qui
sera finalement, une fois de plus, refusé par le Sénat. Ce n'est que vers la fin de la deuxième
guerre mondiale qu'une ordonnance du 21 avril 1944 signée par le Général De Gaulle
accordera aux françaises le droit de vote.
Elle publiera en 1946 ses souvenirs de la IIIéme République sous le titre non équivoque et
ironique: Ce que femme veut.
Elle sera promue au grade de Grand Officier de la Légion d'honneur, seules deux femmes
avaient reçu ce grade avant elle.
La journaliste
Dés la fin de la Grande guerre, elle
effectue de nombreux voyages dans les
nouveaux pays de l'Europe; elle se rend
en Union soviétique et rencontre les
dirigeants de ce pays.
Après la deuxième guerre mondiale, elle
coopère avec Gaston Bouthoul le
fondateur de la polémologie et étudie par
ses voyages à travers le monde les racines
des différents conflits qui surviennent
dans le contexte Est-Ouest et des guerres
coloniales.
Elle ramène plusieurs récits de voyage :
en 1949, L'or, le camion et la croix, récit
d'un voyage du Mexique en Alaska, en
1954 en Inde elle visite le Cachemire d'ou
elle tire un guide de voyage qui sera
publié dans la collection des Guides bleus.
Elle multiplie ses voyages en Orient et prépare plusieurs documentaires. Elle fonde à
Strasbourg en 1971, l'Institut des Sciences de la Paix.
Louise Weiss décède en 1983, à l'âge de 90 ans. Pour honorer ses origines alsaciennes , elle
fait don peu avant sa mort de ses collections au Musée du Château des Rohan de Saverne qui
contient aujourd'hui une section qui lui est consacrée. Elle lègue à la Bibliothèque nationale
l'ensemble de sa correspondance et de ses manuscrits, et ses livres à la Bibliothèque nationale
et universitaire de Strasbourg.
Depuis 1999, le bâtiment principal du Parlement européen édifié à Strasbourg porte son nom.
Note :
Le père de Louise Weiss, Paul Weiss est issu d'une famille alsacienne de La Petite-Pierre, et ses parents se sont
installés à Phalsbourg. Ils étaient membres de l'Eglise luthérienne d'Alsace. Sa mère, née Jeanne Javal,
appartient à une famille juive de Seppois-le-Bas ; ses grand-parents étaient venu vivre à Paris dès 1808
(N.d.l.R.).
Le buste de Louise Weiss au Château des Rohan de Saverne
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