telle est votre volonté, soyez conséquent et rendez-moi votre passeport. Car le passeport
néerlandais, c'est plus qu'un document de voyage : c'est une partie de votre identité et un
engagement de défendre la société ouverte fondée sur le compromis qui est celle des Pays-Bas. Si
vous ne vous reconnaissez pas dans ces valeurs, partez et allez demander à M.Baghdadi [chef de
l'organisation État islamique] de nouveaux papiers d'identité ! Ce disant, j'assume mon désaccord
avec la politique actuelle du gouvernement, qui confisque les passeports des candidats au djihad afin
de les empêcher de partir.
Et que faire des mineurs tentés par la violence?
Ceux-là ne sont pas conscients de ce qu'ils font et nous devons les ramener dans le droit chemin, en
leur prenant leur passeport et en leur fournissant toute l'aide psychologique nécessaire. Il faut les
protéger. Et si nous considérons qu'ils sont en danger, il est possible de les soustraire à leurs parents.
Le problème est de déterminer à partir de quel moment, lorsqu'on s'oppose à la société, on se met
en danger.
Et pour ceux qui passent à l'action violente?
Arrêtons de les appeler «radicaux». Être radical, c'est un droit dans une société démocratique.
Mais ceux qui recourent aux armes, comme en France, sont des criminels qui relèvent de la police
et des services de sécurité. Il faut les mettre hors d'état de nuire.
Comment devient-on un extrémiste?
J'en ai débattu avec le conseil municipal. Certains élus mettent en avant les conditions sociales
défavorables, les discriminations, l'échec scolaire, le racisme... Franchement, je ne vois aucune
preuve à l'appui de cette thèse. Pourquoi des millionnaires saoudiens partent-ils pour Raqqa? À
cause de la misère, du racisme? En réalité, ces gens-là se construisent leurs propres vérités, qu'ils
souhaitent imposer à d'autres à coups de kalachnikov. À la différence des terroristes d'extrême
gauche de la Fraction armée rouge, dans les années 1970, qui étaient politiquement motivés, c'est
leur interprétation de la religion qui les pousse à agir.
À quel niveau est-on le plus efficace pour combattre la tentation djihadiste, celui de l'État ou celui
de la ville?
Au niveau local, assurément. L'État définit les règles et est responsable des forces de sécurité. Mais
ce sont les élus locaux qui sont directement en butte aux extrémistes. Je sens chaque jour sur ma
nuque le souffle de ces gars. C'est pour cela que j'ai organisé, dans les quartiers de Rotterdam, huit
rencontres avec le public consacrées aux attentats de Paris, afin que les opinions divergentes
puissent se confronter. Comprenez- moi bien : c'est aux familles, aux imams, aux enseignants, aux
travailleurs sociaux et aux élus de sonner l'alarme lorsque pointe la menace de la violence. Quand
j'entends à Amsterdam un gosse de 6 ans crier dans la rue «Mort aux juifs !», je me doute bien que
de tels mots de haine ne lui sont pas venus spontanément à la bouche. C'est pour cela que, lors des
cérémonies de citoyenneté à l'hôtel de ville, au moment de remettre aux immigrants leurs nouveaux
passeports néerlandais, j'insiste pour leur dire qu'en recevant une nouvelle identité ils obtiennent les
droits conférés par la Constitution, mais aussi le devoir de protéger nos libertés fondamentales
intangibles. Ici, rien ne vous empêche de brandir un Coran dans la rue; en Arabie saoudite, si vous
brandissez une Bible, vous pouvez être tué.
Estimez-vous que la France et les Pays-Bas sont dans une situation comparable?