La Turquie face à ses grands défis

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La Turquie face à ses grands défis
La Turquie se trouve en face de grands défis qui vont de la rigueur instaurée par le Gouvernement
de M.Tayyip Erdogan, dans la gestion financière et la consolidation de leviers de l économie nationale comme le tourisme à la question de l’adhésion à l’Union européenne. Une économie donc en
progrès constant dans un pays charnière des civilisations, un trait d’union entre l’occident et l’Orient
et l’espoir que les réserves imposées à son entrée dans l’UE par certains gouvernements dont ceux
de la France et de l’Allemagne, soient levées au plus tôt. Ankara est, en tout cas, plus que jamais
déterminée à faire valoir sa place au sein de l’Union européenne, lors d’un prochain élargissement.
nkara ne manque pas d’arguments, ni de repère de base,
historique, géographique. Politique,
stratégique ou culturels pour revendiquer sa place légitime en Europe.
La Turquie figure parmi les nations
qui peuvent être, outre l’un des
puissants moteurs de l’économie
européenne à l’avenir, l’un des
puissants facteurs d’intégration au
plan de la civilisation universelle. A
l’heure où les incompréhensions, le
repli sur soi et les préjugés de culture ou de religion conduisent vers
le fanatisme et l’extrémisme, le
monde a bien besoin de s’appuyer
sur les nations comme la Turquie
s’il espère vaincre ces fléaux et
réaliser la convivialité entre les peuples. A condition, bien sûr, que les
quelques rares pays mais néanmoins influents de l’Union européenne, la France et l’Allemagne, ou
pour être plus précis le président
Nicolas Sarkozy et la chancelière
Angela Merkel, cessent de s’opposer à l’entrée de la Turquie dans
l’Union européenne. Sur le plan
concret et pour répondre à l’opposition franco-allemande, réitéré lors
du sommet Paris-Berlin de décembre dernier, dans la capitale allemande, un dirigeant suédois a fermement rappelé que l’on ne pourrait pas dans tous les cas élever
un mur entre l’UE et la Turquie.
A
42 Diálogo Mediterráneo 47
Pourtant, nombreux sont les pays
européens de premier plan qui
comme l’Espagne, sous le gouvernement conservateur de José
María Aznar ou celui actuel du président Zapatero, appuient sans
réserves l’entrée de la Turquie
dans l’UE, une entrée qui apporterait un plus culturel et une plus
importante intégration économique
de l’espace commun.
La Turquie est, faut-il le rappeler,
l’un des parrains, avec l’Espagne,
du processus d’Alliance des civilisations qui se met en place, afin
qu’entre l’occident et le monde
musulman il n’y ait plus ce fossé
d’incompréhension, préjudiciable à
la convivialité des peuples et des
nations. C’est sur cette base et non
sur des préjugés de religion et de
culture que se construisent les
espaces communs. C’est cette
vérité historique incontournable
que guide l’action pour la consolidation du dialogue entre les cultures et les religions pour restaurer le
berceau commun à l’humanité : la
civilisation commune.
Madrid est l’un des plus chauds
défenseurs du droit de la Turquie à
faire partie de l’Union européenne.
Avec elle beaucoup de pays européens de l’ouest n’ont pas la
mémoire courte. La Turquie,
comme ils le soutiennent à juste
titre a toujours été un allié de premier plan pour l’occident, depuis la
guerre froide à ce jour. La contribution de la Turquie à la consolidation de l’Alliance Atlantique (OTAN)
dont elle a toujours fait partie, donc
à la défense des valeurs de l’occident, face à l’ancien pacte de
Varsovie dont pratiquement tous
les membres sont dans l’OTAN et
l’UE aujourd’hui, laisse penser qu’il
y a quelque part une certaine
amnésie. Autant que toutes les
nations européennes, la Turquie a
sa place dans l’UE, estiment, la
grande majorité des leaders européens et des représentants de la
société civile.
Voilà un autre combat qu’Ankara
est déterminée à mener jusqu’au
Madrid est l’un des plus chauds défenseurs du droit
de la Turquie à faire partie de l’Union européenne.
Avec elle beaucoup de pays européens de l’ouest
n’ont pas la mémoire courte. La Turquie, comme ils
le soutiennent à juste titre a toujours été un allié
de premier plan pour l’occident, depuis la guerre
froide à ce jour. La contribution de la Turquie à la
consolidation de l’Alliance Atlantique (OTAN)
dont elle a toujours fait partie, donc à la défense des
valeurs de l’occident, face à l’ancien pacte de
Varsovie dont pratiquement tous les membres sont
dans l’OTAN et l’UE aujourd’hui, laisse penser qu’il
y a quelque part une certaine amnésie.
bout pour faire valoir ses droits à
intégrer l’espace naturel auquel la
Turquie appartient. Avec l’appui de
Madrid, de la Commission européenne, et de nombreuses autres
capitales d’Europe, le président
Gul et le premier ministre Erdogan
multiplient leurs démarches au plan
européen. Ankara ne manque pas
de conviction. Le ministre turc des
Affaires étrangères Ali Babacan
avait déclaré, en décembre à
Athènes, que « l’adhésion (de son
pays) à l’Union européenne se
ferait à la fois au profit de l’UE et
de la paix dans el monde », et que
ce serait une « grave erreur » de
maintenir son pays hors de l’Union
européenne, en fixant arbitrairement des « frontières » à cet espace commun. Avec l’Espagne, la
Grèce, pour ne citer que ce pays
de l’UE est favorable depuis le
début à l’adhésion de la Turquie,
dont les négociations, lancées en
octobre 2005, avaient été bloquées, l’année suivante à travers 8
des 35 chapitres de discussions.
Voilà un défi majeur qui n’est pas
seulement celui de la Turquie,
mais un enjeu de taille pour l’avenir
de la région Euromed condamné à
réaliser, comme c’est venu dans le
processus de Barcelone, un espace de paix, de concorde et de
prospérité communes. La Turquie
peut être un élément-clé de cette
intégration culturelle. Elle peut
aussi contribuer à l’essor de l’économie Euromed, grâce aux performances qu’elle réalise avec succès
ces quatre ou cinq dernières années.
L’afflux des capitaux étrangers en
est la preuve tangible.
Record des IDE
La Turquie a réalisé, en 2007,
un véritable record en matière
d’Investissements Directs
Etrangers (IDE), avec un montant
de 14,85 milliards d’euros, ce qui
place ce pays au premier rang des
économies émergentes au monde,
pouvant se classer aussi parmi les
plus performantes. Il s’agit d’une
hausse de plus de 8% par rapport
à l’année précédente avec 13,58
milliards d’euros en IDE.
Le premier ministre turc, Tayyip
Erdogan, au pouvoir depuis les
élections de 2002, a axé son programme de gouvernement sur l’attrait de l’investissement étranger,
en avançant deux arguments
essentiels : « la confiance et la stabilité » dans son pays.
Avant l’arrivée au pouvoir du Parti
de la Justice et du Développement
(AKP) de M.Erdogan, les IDE étaient
en situation de stagnation. Avant
2002, ils étaient nettement au-dessous des 800 millions d’euros. Les
experts n’hésitent donc pas à conclure que le gouvernement Erdogan
a réalisé une véritable prouesse
économique, pour avoir convaincu
les entreprises étrangères à orienter leurs investissements vers le
marché turc, l’un des plus attractifs
de la Méditerranée.
Ankara a su tirer les leçons de la
grave crise économique qui avait
frappé le pays en 2001 et faire en
sorte que son économie devienne
beaucoup plus résistante aux
chocs extérieurs, comme la hausse
du prix du baril du pétrole et les
perturbations financières au plan
international. Luttant contre tout
Avenue vers le mausolée de Kemal Atatürk, Ankara.
laxisme financier, le Gouvernement
Erdogan a pratiqué une stricte discipline fiscale et budgétaire tout en
adoptant un ensemble d’instruments et de dispositions techniques et juridiques pour renforcer le
secteur bancaire.
Une telle discipline financière a
permis de ramener le niveau de la
dette intérieure et extérieure du
pays à 141 milliards d’euros. La
dette de la Turquie auprès du
Fonds Monétaire International (FMI)
est tombé de 23,5 milliards de
dollars en 2002 à 6,9 milliards de
dollars début 2008. Il faut dire que
la Turquie, grâce à une adroite
politique financière, a su éviter l’effondrement financier certain qui se
précisait avec la crise de 2001.
Il est évident aussi que tous les
indicateurs économiques ne sont
pas au vert. L’inflation a galopé, en
2007, pour atteindre 8,4%, soit le
double de ce que le gouvernement
avait prévu. Mais cette réalité est
globale en Europe où les économies les plus performantes,
comme celles de l’Espagne qui
réalise un taux de croissance stable de 3,8% depuis des années,
n’y ont pas échappé. C’est donc la
deuxième année consécutive
qu’Ankara peine à contrôler son
inflation dans les limites du programme tracé avec le FMI. La
Banque Centrale a expliqué ce
taux particulièrement élevé par la
hausse des prix du pétrole qui ont
franchi, comme on le sait, la barre
des 101 dollars, le 21 février dernier. C’est pourquoi la lutte contre
l’inflation est priorité dans le plan
triennal, ce qui a occasionné un
prêt de 10 milliards de dollars
auprès du FMI, remboursable en
2009. Il y a deux ans l’inflation était
encore plus élevée car elle se
situait à 9,65%. Au regard de ce
que l’inflation était, les années passées, on peut conclure que le gouvernement Erdogan a réalisé là
encore une prouesse, en ramenant
son taux de 29,7% en 2002 à 7,7%
en 2005. Hélas, la hausse soutenue du prix du baril qui a continué
grimper jusqu’à plus de 100
dollars, en février dernier, a limité
les efforts consentis par Ankara
pour juguler l’inflation.
Le gouvernement Erdogan a trouvé
une alternative énergétique pour
soutenir son programme de croissance économique. A partir de
2013, la Turquie sera en mesure
d’utiliser l’électricité produite par
ses premières centrales nucléaires
dont les travaux sont en cours..
Début novembre 2007 le parlement
turc avait autorisé le gouvernement
à construire ses premières centrales nucléaires d’une capacité
moyenne de 5.000 mégawats, c’est
à dire à usage seulement civil.
Bien sûr les écologistes ont réagi à
cette annonce, comme partout
ailleurs dans le monde, mais le
gouvernement paraît décidé à conduire ses projets à terme, dans le
respect des règles de l’AIEA et des
normes en matière écologique et
de sécurité.
La Turquie poursuit ainsi avec succès son rythme de développement.
dont la dernière Foire internationale d’Istanbul a montré ses grandes
aptitudes à s’imposer parmi les
nations les plus prospères de
l’Europe. Un exemple : en 2006, la
Turquie a exporté pour 18,2
milliards de dollars de voitures utilitaires, soit une augmentation de
35,5% par rapport à l’année précédente. Un meilleur exemple encore :
depuis le début de l’année en
cours, plus de 6 millions de touristes ont visité Istanbul, soit 21 % de
plus que l’année 2007 à la même
époque. La ville turque a été choisie comme capitale de la culture en
2010, est une destination touristique qui a été choisie par 6,5
millions de touristes durant la
période janvier-novembre 2007,
contre 4,9 millions l’année d’avant.
Voilà un atout majeur, le facteur
humain et culturel, qui peut contribuer à donner un sens concret à la
convivialité et à l’alliance des cultures et civilisations. La Turquie se
présente, grâce à ces atouts,
comme la place incontournable
d’une véritable alliance de nature à
dépasser les conflits qui pèsent sur
la paix et la sécurité dans el
monde, en Méditerranée et la zone
Euromed en particulier. ANDRES LOCHER
Diálogo Mediterráneo 47 43
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