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Introduction
Au milieu des années 1990, la situation du marché du logement semblait s'améliorer après une
baisse importante des prix de l'immobilier suggérant que l'on était parvenu à un équilibre entre
l'offre et la demande. Les prix se stabilisaient et l'on détruisait des barres de logements sociaux
construits hâtivement après la guerre pour faire face au déficit criant de logements.
Malheureusement, quinze années après, l’accès à un logement décent, ou même tout simplement à
un logement est redevenu un problème majeur en France en particulier dans les zones tendues
comme la région parisienne. Les prix de l'immobilier ont augmenté en moyenne de 6 % par an entre
1996 et 2012, nettement plus vite que l'inflation et que les revenus disponibles des ménages. Les
loyers quant à eux ont progressé à un rythme moins soutenu sur la même période, de l'ordre de
2,5 % par an, néanmoins plus rapidement que l'inflation et avec des tensions dans les grandes
agglomérations. Le logement est, selon divers sondages d’opinion, l’une des préoccupations majeures
des Français quand on réalise qu'il est de très loin le premier poste de consommation. Il représente
22,1 % du revenu disponible des ménages français
(soit le double de l'alimentation qui est de
11,4 %). Selon Accardo et Bugeja (2009), le logement constitue leur principale contrainte budgétaire
qui s’est renforcée dans les vingt dernières années puisque les dépenses de logement ne
représentaient que 18 % de leur revenu disponible en 2004. Le logement est aussi très présent dans
le budget de l’État puisque 40 Milliards d'euros sont dépensés par les pouvoirs publics en aides et
systèmes dérogatoires en matière de fiscalité dans le domaine du logement.
Cette note s'interroge sur les causes de ces augmentations du prix de l'immobilier et des loyers, puis
évalue la pertinence des interventions publiques dans le secteur du logement et en particulier les
aides à la pierre. En préalable, il faut expliquer pourquoi il faudrait s'inquiéter d'une augmentation du
prix d'un bien ? Au-delà de l'évident problème de la charge du logement pour les ménages,
l'économiste doit s'interroger sur les deux raisons possibles d'une telle hausse : il peut s'agir soit
d'une évolution due à la désirabilité de ce bien, soit due à sa rareté, toutes deux exprimées en termes
relatifs par rapport à d'autres biens. Lorsque le marché fonctionne correctement, les changements de
prix, y compris à la hausse, sont alors un signal utile qui permet une allocation correcte et raisonnée
des ressources des ménages et des investisseurs, permettant notamment à l'offre de réagir. En
revanche, si ce signal est perturbé, soit par une bulle, soit par des régulations publiques inadaptées,
l'allocation correcte des ressources en est affectée, pour un bien auquel les Français consacrent entre
un quart et un cinquième de leur budget.
De plus, comme l'interrogation porte sur une possible surappréciation de l'immobilier et non sur une
décote, cette perte de pouvoir d'achat se double de problèmes de risque sur les patrimoines et de
questions distributives. Ce sont les ménages défavorisés qui font les frais en premier lieu de prix trop
élevés sous la forme d'une diminution de leur bien-être et d'une constitution différée ou avortée de
leur patrimoine. Une hausse artificielle du prix du logement est donc porteuse d'une perte de bien-
être et d'un accroissement des inégalités. En fin de compte, c'est cette interrogation que nous
cherchons à lever en organisant la discussion en présentant dans une première partie notre
diagnostic avant de livrer nos recommandations dans une seconde partie. Nous tenterons de
démontrer que la situation représente un dilemme pour les ménages et les finances publiques :
Source : Comptes du logement 2012.