-la DE a tendance à une auto-aggravation [2, 4, 16] ce qui souligne
l’intérêt d’une prise en charge précoce.
Paradoxalement, ces bouleversements contribuent en quelque sorte,
à“désexualiser” [2, 3] la DE en mettant en avant : a) sa valeur de
symptôme clinique de la santé non sexuelle (physique et psy-
chique), b) son rôle de marqueur de la qualité de vie de l’homme (et
du couple). En démystifiant la DE, ils facilitent sa médicalisation
avec le double avantage de replacer la santé sexuelle dans la pra-
tique quotidienne de chaque médecin (qu’il soit généraliste ou spé-
cialiste) et de favoriser une prise en charge plus globale de la santé.
Ainsi, ce bilan raisonné et cette recherche ciblée d’une DE appa-
raissent comme un bon modèle d’une prise en charge moderne glo-
bale (privilégiant une approche biopsychosociale et environnemen-
tale) et éthique, c’est à dire humaniste de service rendu au niveau
individuel et civique de santé publique [2-4] au niveau collectif en
s’inscrivant dans :
-une démarche-qualité car un objectif actuel est de ne plus faire un
bilan systématique mais ciblé en fonction des données de la cli-
nique chez tout sujet ayant une DE.
-un dépistage opportuniste et proactif d’états de “non santé” par-
fois potentiellement dangereux (que la DE soit ou non le motif de
la consultation ou un problème pour le patient).
-plusieurs priorités majeures de santé publique : dépistage et pré-
vention des facteurs cardio-vasculaires, amélioration de la qualité
de vie des patients atteints d’une maladie chronique, sensibilisa-
tion à une démarche de prévention, éducation à la “bonne santé”.
CONCLUSIONS
De façon inattendue, la DE est en train de déborder largement le
seul cadre de la sphère sexuelle du fait de son intrication avec de
multiples pathologies chroniques et des priorités de santé publique
(cardiovasculaires notamment). Le corps médical (généraliste et
spécialiste) ne peut plus méconnaître ou négliger la DE en raison de
sa valeur de marqueur pertinent de l’état de santé globale (sexuelle,
physique et psychique) et de son impact négatif fréquent sur la vie
quotidienne du patient (et du couple) quel que soit l’âge, à l’origi-
ne d’une demande réelle mais souvent masquée. Son potentiel de
symptôme révélateur de multiples pathologies (tout particulière-
ment cardio-vasculaires en tant qu’“angine de verge”) et de situa-
tions à risque pour la santé a ouvert la prometteuse perspective d’un
dépistage ciblé opportuniste et proactif de la DE notamment chez
les patients à risque vasculaire en prévention primaire des accidents
vasculaires aigus, la DE apparaissant alors comme un marqueur du
risque cardio-vasculaire potentiel. En concordant avec plusieurs
priorités de santé publique, la DE apparaît de plus en plus comme
un problème de santé publique, d’où l'accord professionnel actuel
d’inscrire le bilan de toute DE dans une démarche de prise en char-
ge globale de la santé. Pour toutes ces raisons, ce symptôme d’un
état de “non santé” demande une évaluation minimale de la santé du
patient réalisable par tout médecin, quelle que soit sa qualification
en distinguant les objectifs de qualité de vie et de santé. Cette prise
en charge moderne de la DE s’inscrit dans une démarche humanis-
te et éthique de santé publique. Cette “révolution” respecte les exi-
gences d'une démarche scientifique de qualité, c'est à dire qui asso-
cie harmonieusement les concepts de la Médecine Fondée sur les
Preuves (EBM) et sur le Raisonnement et la preuved'un service
rendu au patient car se préoccuper de leur santé sexuelle (et non de
leur sexualité) revient aussi à se préoccuper de leur santé tout court.
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