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Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
4. Consommation, épargne et investissement
Il existe deux manières d’utiliser les ressources dont nous disposons : la
consommation et l’investissement. Ménages et État consomment, Entreprises et État
investissent. Dans le chapitre précédent, nous avons étudié le comportement de l’État. C’est
pourquoi, ici, nous allons plutôt analyser le comportement de consommation des ménages et
celui d’investissement des entreprises privées. Néanmoins, il ne faut jamais oublier la part
socialisée de la consommation et de l’investissement dans l’activité économique, ce sont de
véritables leviers de politique économique.
A – L’arbitrage consommation/épargne
Rappelons que consommer et détruire peuvent être pris comme synonymes. Pour le
macro-économiste, la consommation signifie la disparition des biens et services du circuit
économique. Soit ils disparaissent pour de bon (un kilo de pommes de terre avalé), soit ils
rendent un service qui ne passe plus par le marché, c’est-à-dire domestique (une machine à
laver familiale)1.
Avec l’épargne, il s’agit au contraire de conserver. Pourtant nous allons voir ici en quoi le
comportement d’épargne ne peut se concevoir indépendamment de la consommation.
1. Définitions
En termes comptables, la consommation finale (CF) est donnée par la valeur des biens et
services marchands et non marchands utilisés pour la satisfaction des besoins individuels.
Cela inclut aussi bien les dépenses privées des ménages que les dépenses socialisées faites par
l’État au nom des ménages à savoir les services collectifs individualisables et les services
collectifs non individualisables déjà évoqués dans la section B du chapitre précédent. La
consommation des ménages (C) à proprement parler correspond donc uniquement aux
dépenses privées supportées directement par les ménages en fonction de leur revenu
disponible après impôts et transferts.
Graphique 8. Part de la consommation finale dans le PIB
dans cinq pays de l’OCDE de 1987 à 2002
90%
85%
80%
75%
70%
65%
60%
1987
1988
1989
DENMARK
1990
1991
1992
FRANCE
1993
1994
1995
JAPAN
1996
1997
1998
SPAIN
1999
2000
2001
2002
UNITED STATES
Le graphique 8 et le tableau 15 présentent respectivement la part des consommations finales
1
L’achat de logement, en revanche, n’entre pas dans la consommation des ménages, mais dans leurs
investissements.
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Introduction à la macro-économie
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dans le PIB et celle des consommations socialisées dans la CF.
Tableau 15. Part de la consommation socialisée dans la consommation finale
dans plusieurs pays de l’OCDE en 2002
Canada
Danemark
France
Allemagne
Grèce
Irlande
Italie
25,4%
35,4%
30,3%
24,6%
18,8%
25,1%
23,7%
Japon
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Norvège
Pologne
Portugal
23,8%
29,6%
14,4%
33,0%
32,7%
21,2%
26,0%
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
23,4%
36,5%
18,8%
17,4%
23,2%
18,1%
Les américains « détruisent » un pourcentage particulièrement élevé de leurs ressources pour
leur consommation, et cette consommation est essentiellement privée car le pourcentage de la
consommation finale prise en charge par les APU américaines est au contraire l’un des plus
faibles. Quant aux Danois qui ne sont pas de gros consommateurs de leurs ressources, 35,4%
de leurs consommations sont en fait régies par l’État ! Ces dernières informations sont
cohérentes avec les taux de prélèvements obligatoires vus précédemment.
Pour simplifier les raisonnements qui suivent, on va dans un premier temps négliger la part
socialisée de la consommation.
Soit RD le revenu disponible des ménages après impôts et transferts. Quel usage/utilisation
font-ils de ce revenu disponible ? Soit ils transforment ce revenu en achats et consommations
de biens et services, soit ils conservent ce revenu sous forme d’épargne (E). Il y a un choix,
un arbitrage. Ce qui s’écrit aussi : RD = C + E.
L’épargne est ainsi la partie non consommée du revenu disponible, et on appelle taux
d’épargne le rapport de l’épargne au revenu disponible : E .
RD
Les motifs qui incitent les ménages à épargner sont de trois ordres :
•
l'épargne de précaution : elle permet de se prémunir contre les risques potentiels de la
vie (chômage, maladie) ou de se constituer un complément retraite ;
•
la constitution d'un patrimoine : l’objectif est de devenir propriétaire de son logement
pour éviter de payer un loyer, ou d’augmenter son capital pour le léguer à ses enfants,
etc.,
•
l'épargne de liquidités (par exemple, sous la forme de billets ou d’un compte bancaire
non rémunéré) : la monnaie constitue ici une réserve de valeur et un moyen d'échange
qui permet d'acquérir des biens.
On peut donc considérer que l’épargne est une renonciation à consommer aujourd’hui pour
pouvoir consommer demain, voire consommer plus demain. On parle d’arbitrage
intertemporel. Pour consommer plus dans le futur, étant donné l’inflation2, il faut qu’un euro
de renonciation aujourd’hui soit récompensé par plus d’un euro dans x années. Deux moyens
de faire fructifier un euro s’offrent à nous :
•
2
le placement sur le marché financier : étant donné le taux d’intérêt r du marché, l’euro
Cf. chapitre 5.
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épargné aujourd’hui me permettra de consommer (1+r)n euros dans n années3.
• l’investissement dans l’activité productive (achat de capital pour produire) : étant
donné la rentabilité du capital avancé ou investi rc4, l’euro investi me permettra de
consommer (1+rc)n euro dans n années.
La variable déterminant le partage entre consommation et épargne devrait donc être le taux
d’intérêt ou la rentabilité du capital investi. Ici, on va supposer que les ménages n’investissent
jamais directement. Ils placent uniquement leur argent sur le marché financier et les
intermédiaires financiers se chargent de leur faire rencontrer les projets d’investissement des
entreprises.
Comme
variable
déterminante
dans
l’arbitrage
intertemporel
consommation/épargne, on ne retient donc que le taux d’intérêt r.
2. L’acte premier : consommer ou épargner ?
Entre consommer et épargner, quel est le comportement qui sera déterminé le premier, le
second étant relégué au rang de comportement résiduel ? Deux écoles économiques5
s’opposent en la matière :
•
L’école néo-classique considère que les consommateurs vont d’abord déterminer leur
taux d’épargne en fonction du taux d’intérêt r, la consommation est le résidu de ce
calcul économique.
Schéma 4. Épargne et consommation selon l’école néo-classique
taux d’intérêt r
taux d’épargne : E/RD
consommation : C = RD (1-E/RD)
•
L’école keynésienne considère au contraire que la consommation est déterminée en
premier en fonction du revenu disponible (et ce de manière assez stable), l’épargne
étant le résidu.
Schéma 5. Consommation et épargne selon l’école keynésienne
revenu disponible RD
consommation C = pc RD
propension à consommer pc
Épargne E = RD - C
taux d’intérêt r
placements financiers
monnaie
3
Si n = 3 ans et r = 5%, 1€ au bout d’un an vaut 1×(1+0,05) = 1,05€, qui placé un an de plus à 5% donne
1,05×(1+0.05) = 1,1025€, qui placé la troisième année donne 1,1025×(1+0,05) = 1,157625€. Ce raisonnement
revient à calculer directement 1×(1+0,05)3.
4
Sans entrer dans les détails : rc est le rapport entre le bénéfice escompté d’un placement productif et la valeur
de cet investissement (qualifié aussi de capital avancé).
5
Ces écoles seront succinctement présentées dans le dernier chapitre.
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Selon l’approche keynésienne que l’on va privilégier ici, le choix de consommation prime sur
la décision d’épargne, car l’arbitrage repose moins sur un prix (taux d’intérêt r) que sur un
comportement psychologique des consommateurs : la « loi psychologique fondamentale ».
Cette loi est formulée par Keynes (chapitre 8 de La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et
de la monnaie) qui s’appuie, dit-il, sur des facteurs psychologiques propres « à la nature
humaine » et sur « les enseignements détaillés » des faits économiques. Elle affirme que :
•
la consommation augmente à mesure que le revenu disponible augmente,
•
mais la consommation augmente moins vite que le revenu.
Cette loi est résumée dans un concept très spécifique à l’approche keynésienne : la
propension à consommer, pc. Elle se définit comme le rapport de la consommation totale au
revenu disponible : donc pc = C , ou encore C = pc RD. Il faut bien noter que le paramètre
RD
pc n’est pas qualifié de « part » ou de « pourcentage » (ce que pc est pourtant d’un point de
vue mathématique) mais de « propension », à savoir de penchant, d’inclination à faire quelque
chose. Ce paramètre qui détermine le niveau de consommation, ainsi nommé, représente bien
un comportement qui relève du psychologique et non pas du calcul.
Comme on parle de propension à consommer, on peut parler de propension à épargner.
E = RD – C = RD – pc RD = (1 – pc) RD
La propension à épargner (1 - pc) est donc égale à E , le taux d’épargne. Mais cette fois-ci
RD
E ne dépend pas de r (un prix), mais de pc (un facteur psychologique).
RD
De manière inverse à la consommation, la loi psychologique fondamentale implique que :
•
l’épargne augmente à mesure que le revenu disponible augmente,
•
mais l’épargne augmente plus vite que le revenu.
Le niveau d’épargne n’est donc pas calculé (il est indépendant de la rentabilité des marchés
financiers). En revanche, la composition de l’épargne, elle, est étroitement liée au taux
d’intérêt. Selon r, l’attrait des placements est plus ou moins grand comparé à l’utilité de
disposer de monnaie (c’est-à-dire de liquidités) qui, certes, ne rapporte rien mais est
instantanément disponible pour régler des transactions (le principe même de la liquidité)6.
3. La propension à consommer est-elle immuable ?
A la lecture du graphique 8, il semble que la propension à consommer est relativement stable
C(t)
sur le long terme, mais non constante pour autant. Par conséquent,
peut fluctuer en
RD(t)
fonction de la date t (avec C(t) la consommation des ménages à la date t et RD(t) le revenu
disponible des ménages à la date t). Au niveau individuel, de manière évidente, la propension
à consommer évolue avec l’âge. Au niveau macro-économique, on peut lister un certain
nombre de facteurs qui vont influencer dans un sens ou un autre l’arbitrage intertemporel
consommer aujourd’hui / épargner pour consommer demain.
Niveau individuel
Individuellement, les personnes sont attachées à la stabilité de leur consommation. Donc
même si leur revenu disponible vient à changer, elles maintiennent leur niveau de
6
On n’abordera pas la question des motifs de détention de la monnaie ou de moyens de paiement ; cf. cours de
deuxième année.
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consommation. Grâce au crédit et à l’épargne, elles lissent leur niveau de consommation
tout au long de leur cycle de vie. En fait, la contrainte de revenu est intertemporelle.
L’important n’est pas de ne pas consommer plus que son revenu disponible à chaque période
t, mais de ne pas consommer plus que la somme de ses flux de revenu sur l’ensemble de sa
vie. Jouant sur la possibilité de s’endetter ou de se créer un patrimoine pour consommer
quand il sera inactif, l’individu peut rendre sa consommation présente indépendante de son
revenu présent. On peut parler d’un revenu permanent : le revenu moyen d’une personne au
80
cours de sa vie
∑RD(t) 7
18
80−18
.
Du coup, la relation en vigueur n’est pas : C(t) = pc RD(t), pour toute date t.
80
∑RD(t)
Il s’agit d’une égalité avec une moyenne sur le cycle de vie :
C(t) = pc (
18
80−18
).
Bien sûr, cela nécessite des marchés financiers parfaits, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas
rationnement du crédit. Si les banques rationnent les ménages dans leur demande de crédit
par peur de ne pas être remboursées, alors ces ménages devront bien se résoudre à consommer
moins aujourd’hui si leur revenu présent est moindre ! Et le concept de revenu permanent,
d’ailleurs beaucoup plus néo-classique que keynésien, n’est pas vérifié.
Niveau national
En agrégeant l’ensemble des ménages, au niveau national, étant donné la coexistence de
toutes les générations qui sont à des stades différents de leur cycle de vie, on s’attend à ce que
la propension moyenne à consommer soit stable. Pourtant, différents effets macroéconomiques peuvent changer le comportement moyen des ménages dans leur arbitrage
consommation/épargne. Énumérons quatre effets.
1. Une récession, impliquant une détérioration des ressources des ménages, oblige les
ménages à épargner moins ou à désépargner pour maintenir leur niveau de vie : pc
augmente. (C’est ce que le Centre d’observatoire économique – COE – diagnostique
concernant le fléchissement des réserves financières des ménages français au second
semestre 2003).
2. Une augmentation (baisse) du taux d’intérêt incite à épargner plus (moins) ou à
s’endetter moins (plus) : pc diminue (augmente).
3. L’insécurité économique (chômage plus important impliquant une probabilité d’être
au chômage plus grande, ou crise du système de Protection sociale qui fait craindre un
non financement possible des retraites) incite à épargner plus pour le motif de
précaution : pc diminue.
4. La dette et le déficit publics peuvent entraîner des effets dits « ricardiens », c’est-àdire un surcroît d’épargne des ménages qui anticipent la hausse du paiement des
impôts futurs pour rembourser cette dette cumulée par les APU : pc diminue.
Dans le cas de la France, sur longue période, on a observé au moins jusqu’en 2002 une
tendance à la hausse du taux d’épargne depuis le milieu des années 1980. On considère que le
deuxième effet joue. « L’épargne en vue de la retraite est en hausse continue », mais l’effet
80
∑RD(t)
7 18
est une écriture mathématique signifiant une somme (RD(18) + RD(19) + … + RD(79) + RD(80))
80−18
divisée par 62, avec l’hypothèse que l’on reçoit des revenus à partir de 18 ans et que l’on meurt à 80.
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Introduction à la macro-économie
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« peur de l’avenir » joue depuis plus longtemps (chômage, précarisation de l’emploi). « Les
Français ont le pessimisme chevillé au corps. Si 76% d’entre eux pensent que « leurs
conditions de vie sont meilleures que celles de leurs parents », 55% estiment que celles de
leurs enfants seront moins bonnes. » (extraits des Échos, mars 2004). Ce comportement est
aussi visible en Italie qui est celui, parmi les pays vieillissant, qui s’attend à voir la part de ses
prestations retraites le plus exploser. Quant aux Américains, on ne peut qu’apprécier leur
confiance dans l’avenir pour régler leurs dettes !
Tableau 16. Taux d’épargne des ménages France (% du revenu disponible)
1985-1990
12,5
1990-1995
14,7
1995-2000
15,7
2001
16,4
Tableau 17. Taux d’épargne des ménages dans quatre pays de l’OCDE
en 2000 (% du revenu disponible)
États-Unis
- 0,1
Royaume-Uni
4,7
Allemagne
9,8
Italie
11,5
Encadré 4. L’épargne ajustée de la consommation socialisée
Réintégrer la consommation finale socialisée revient d’une part à augmenter le revenu disponible et la
consommation des ménages d’autant et, d’autre part, à modifier le rapport entre les deux. En fait, si l’on tient
compte de toutes les dépenses que les Français ne supportent pas directement (alors qu’elles le sont au RoyaumeUni ou aux États-Unis – exemple de l’enseignement supérieur subventionné en France, financé par les familles
dans les modèles libéraux), la propension à consommer des ménages français s’accroît (nous sommes plus
dépensiers que l’on croit) et leur taux d’épargne diminue de trois points en moyenne ! La même prise en compte
des dépenses socialisées au Royaume-Uni a un moindre impact, celles-ci étant plus faibles (cf. tableau 15).
Tableau 18. Taux d’épargne traditionnel et ajusté en 20028
Taux d’épargne
traditionnel*
Taux d’épargne
ajusté**
France
16.7
13.6
Royaume-Uni
5.2
4.3
RD - C
.
RD
RN - CF
**
en tenant compte du revenu national et de la consommation finale totale, privée et socialisée :
.
RN
*
en tenant compte du seul revenu disponible des ménages et de leur consommation « privée » :
B - Investissement des entreprises
Nous nous intéressons à présent au comportement d’investissement des entreprises et à
une des spécificités de cet agrégat, ses fluctuations à court terme (d’une année à l’autre). De
nouveau, telle la consommation, l’investissement (I) ou Formation brute de capital fixe
(FBCF) ne dépend pas d’un seul type d’acteurs économiques, ici les entreprises. En fait, la
Comptabilité nationale englobe essentiellement dans la FBCF :
- les achats de biens de production ou d’équipement des entreprises privées,
- les achats de biens de production ou d’équipement des APU,
- et les achats de logements des ménages.
8
Données extraites du rapport de l’IEM Finance, « Y-a-t-il une exception française des comportements
d’épargne ? », avril 2004.
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Introduction à la macro-économie
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Dans ce qui suit, toujours pour simplifier les raisonnements, on ne s’intéressera qu’à la
première composante représentant 60% de l’investissement en 2002 (pour l’ensemble des
sociétés financières et non financières et des entreprises individuelles). Comme on peut voir
dans le graphique 9, la part de l’investissement des ménages décroît depuis plus de 25 ans
(passant de 38% de l’investissement national en 1978 à 23% en 2003) et celle des APU est
stable (entre 15 et 16%).
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Introduction à la macro-économie
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Graphique 9. Évolution de la décomposition de la FBCF en France de 1978 à 2003
(données INSEE)
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Sociétés non financières et entreprises individuelles
Sociétés financières
Administrations publiques
Ménages hors entrepreneurs individuels
Nous cherchons donc à expliquer les décisions d’investissement motivés par la recherche de
profit (motif propre aux entreprises)9. Fixons quelques notations.
Soit Y(t) la production de biens et services marchands à la date t. Y(t) est produit à partir de
facteurs de production, essentiellement du capital et du travail.
Soit K(t) le capital fixe ou physique des entreprises (l’ensemble des biens de production ou
d’équipement dans les entreprises privées, ou encore « outil de production ») à la date t.
Soit I(t) l’investissement total des entreprises privées à la date t.
Le profit Π(t) est égal à la différence apparaissant entre le chiffre de vente ou d’affaires et le
total des coûts de production. Ces coûts sont essentiellement composés des frais d’achat et
d’entretien du capital et de la rémunération du travail. Mais les stocks sont coûteux
également, on veut donc écouler toute la production.
Soit Yd(t) la demande globale de biens et services marchands émanant des consommateurs sur
le marché à la date t. Afin d’éviter d’avoir à stocker, l’entreprise cherche à respecter l’égalité
suivante : Y(t) = Yd(t). Cette égalité est ce qu’on appelle la contrainte de débouchés.
1. Investissement de remplacement / investissement net
L’investissement de remplacement (ou de renouvellement) permet de maintenir le niveau
du capital physique (l’outil de production) dans les entreprises, étant donné l’usure ou
l’obsolescence du capital fixe, qu’il faut remplacer.
Soit δ le taux d’usure du capital :
a) en t-1, on avait un outil de production de niveau K(t-1) ;
b) entre t-1 et t, δK(t-1) est devenu obsolète (consommation, amortissement ou usure du
capital fixe, déjà évoqué au chapitre 2) ;
c) si on veut au moins maintenir le niveau des moyens de production, c’est-à-dire
K(t) = K(t-1), il faut un minimum d’investissement, noté Ir(t), avec Ir(t) = δK(t-1). Ir(t)
est l’investissement de remplacement.
9
Les investissements des APU peuvent se comprendre selon le principe de la production de biens collectifs
(chapitre 3). Quant aux achats de logements des ménages, ils peuvent relever d’un comportement à mi-distance
des considérations d’épargne et de consommation.
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Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Exemple : K(t-1) = 1000, δ = 15%, Ir(t) = 150
Mais une entreprise qui souhaite augmenter ses parts de marché (ou résister à la concurrence),
ne peut se contenter de maintenir à l’identique son outil de production. Elle doit investir pardelà le simple remplacement. D’où l’investissement net, noté Inet(t), qui mesure l’effort
supplémentaire d’investissement.
Inet(t) = K(t) – K(t-1) : l’accroissement net de l’outil de production
Or, la FBCF, ou I(t), correspond à l’investissement total (ou brut) : Inet(t) + Ir(t)
I(t) = K(t) – K(t-1) + δK(t-1)
Inet(t) = I(t) – Ir(t)
Donc :
Remarquons que c’est par l’investissement net que passe le processus d’accumulation du
capital. En effet, comme Inet(t) = K(t) – K(t-1) :
•
si K(t) > K(t-1) : il y accumulation de capital,
•
si K(t) < K(t-1) : il y a « décapitalisation » de l’économie.
Pour vérifier sa bonne compréhension, le lecteur peut s’entraîner à remplir les cases laissées
vides du tableau suivant en utilisant les informations (K(1)=1000 ; δ = 0.15) et la contrainte
d’un investissement net égal à 100 à chaque période.10
Tableau 19. Exercice 1.
Période
Capital
présent dans
l’entreprise
Usure du
capital avec
δ = 0.15
1
1000
150
Investissement total
ou FBCF
Investissement de
remplacement
Investissement net
100
2
100
3
100
2. Pourquoi l’investissement est-il si fluctuant à court terme ?
Dans la section A, on s’est interrogé sur l’apparente stabilité de la propension à consommer.
Ici, on relève au contraire les fortes variations de l’investissement. « La volatilité dans le
temps des dépenses d’investissement est, en effet, la principale composante des cycles
économiques de court terme de l’économie »11.
La FBCF est un des emplois possibles du PIB (cf. chapitre 2 : PIB = CF + FBCF + X – M).
Or, parmi ces emplois, la FBCF est la composante la plus instable à court terme. On a vu qu’à
cause de la propension à consommer – facteur psychologique – la CF était au contraire peu
fluctuante à courte terme même si sur deux décennies elle a eu à souffrir d’une propension à
épargner croissante.
10
La correction de cet exercice est donnée en fin de chapitre.
Introduction au numéro spécial d’Économie et Statistiques consacré aux investissements des entreprises
françaises, n°341-342, 2001, p. 3.
11
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42
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Graphique 10. Taux de croissance de la formation brute de capital fixe et
de la consommation finale en France entre 1979 et 2002 (données INSEE)
20,0
15,0
10,0
5,0
0,0
1979
1984
1989
1994
1999
-5,0
-10,0
FBCF
CF
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder dans le graphique 10 les taux de variation ou taux
de croissance de ces deux agrégats (en acceptant les cas où la croissance puisse être négative).
Auparavant on rappelle que :
•
∆I(t) = I(t)-I(t-1) et ∆CF(t) = CF(t) – CF(t-1) sont des variations.
•
∆I(t)
∆CF(t)
et
sont des taux de variation ou de croissance.
I(t−1)
CF(t−1)
Exemple : quand l’investissement total passe de 277 à 282, il croît de ∆I(t) = 5, et son taux de
∆I(t)
variation (ou de croissance) est de
= 5 = +1.80% (cas entre 2000 et 2001) et quand
I(t−1)
277
il passe de 282 à 277, le taux de variation ou de croissance est de −5 = - 1.77% (cas entre
282
2001 et 2002).
Pour justifier les fluctuations du taux de croissance de l’investissement qui, d’une année à
l’autre, peut être positif puis négatif et inversement (contrairement à la CF qui suit un trend
moins accidenté), au moins deux facteurs explicatifs peuvent être mobilisés : la rentabilité
escomptée du capital et la demande globale.
La rentabilité escomptée du capital
Dans la section précédente, on déjà introduit la rentabilité escomptée du capital avancé ou
investi : rc. Cette rentabilité dépend des flux de profits futurs de l’activité productive rendue
possible grâce à l’investissement. Or, la rentabilité escomptée rc est comparée à la rentabilité
escomptée des placements financiers r. En effet, l’entreprise doit arbitrer entre deux types
d’investissement :
•
acheter du capital neuf (acheter de nouvelles machines sur le marché des biens et services
pour produire plus – dans le « F » de FBCF, il y a bien cette idée de capital nouveau) ;
•
acheter du capital déjà existant (acheter des actions sur le marché boursier, c’est-à-dire
acheter des parts du capital d’autres entreprises).
Keynes notait cette alternative : il serait absurde de créer une entreprise nouvelle à un certain
coût si l’on peut acquérir à un coût moindre une entreprise existante du même genre.
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43
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Donc il y a concurrence entre investissement productif et investissement financier.
•
Quand la rentabilité des marchés financiers r est élevé, tel que r > rc, il est plus
intéressant d’investir sur le marché boursier.
•
Quand la rentabilité des marchés financiers r est faible, tel que rc > r, il est plus
intéressant d’acheter de nouvelles machines pour produire.
Par conséquent, on s’attend à ce que la FBCF soit décroissante avec le taux d’intérêt. Or,
comme la rentabilité des marchés financiers est volatile, cela implique des variations à court
terme de la FBCF.
La demande globale
Nous allons ici mettre en valeur un principe important de la macro-économie, à savoir le
principe de l’accélérateur simple.
La rentabilité d’un investissement dépend également de la demande globale Yd(t). Pour
produire Y(t) = Yd(t) (à savoir produire une offre égale à la demande pour éviter des stocks
coûteux), on suppose qu’il faut un montant de capital fixe égal à K(t) = v Y(t). Le paramètre v
est une donnée technologique connue à court terme, appelé coefficient de capital. On
considère qu’en France ce coefficient est égal à 3.
Soit la variation de la demande ∆Yd(t) = Yd(t) – Yd(t-1). Il faut adapter la variation de la
production (c’est-à-dire de l’offre) à cette variation de la demande. Cela implique une
variation de la production ∆Y(t) = ∆Yd(t).
Inet(t) = ∆K(t) = v∆Y(t) = v∆Yd(t).
Par conséquent :
L’investissement net des entreprises dépend donc, non pas du niveau de la demande
globale, mais de la variation de celle-ci.
Enfin, en ce qui concerne l’investissement total :
FBCF(t) = I(t) = Inet(t) + Ir(t) = v∆Yd(t) + δ K(t-1)
De nouveau, l’étudiant peut s’essayer à compléter le tableau suivant en utilisant les données
du problème indiquées.
Tableau 20. Exercice 2 sur l’accélérateur simple
date Yd(t) Capital nécessaire Capital disponible
avec v =3
avec δ = 0.2
0
0
1
10
2
15
3
15
4
13
5
10
6
14
0
0
Investissement de
remplacement
Investissement
net
Investissement
total
0
0
0
La correction est donnée à la fin du chapitre, mais dès à présent l’étudiant peut vérifier que
ses résultats correspondent au schéma 6. On constate que les faibles retournements ∆Yd(t) de
la conjoncture occasionnent de fortes variations ∆I(t) de l’investissement. Il y a accélération
ou amplification des variations .
Université de Paris X – Nanterre
44
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Schéma 6. Évolution de la demande et de l’investissement total du tableau 20.
35
30
25
20
15
10
5
0
0
1
2
3
4
5
6
7
-5
demande globale
investissement total
De fait, d’un point de vue économétrique, « le résultat empirique le plus robuste est la
relation très forte et assez stable dans le temps entre l’investissement et la croissance de la
production. » […] « l’accélérateur et le taux de profit sont toujours les seules variables
macroéconomiques explicatives du comportement d’investissement et toutes les autres
variables […] comme le taux d’intérêt ou le taux d’utilisation des capacités de production
n’apparaissent pas significativement. »12
*
Pour conclure ce chapitre, observons la part de la FBCF dans le PIB des cinq pays dont nous
avons déjà observé la part de la CF au début du chapitre. Doit-il y avoir un lien logique entre
les deux ? Oui, si l’on répète qu’il s’agit de deux emplois différents de ce même PIB.
Une fois encore, PIB = CF + FBCF + X – M. Dans une économie fermée, c’est-à-dire sans
commerce international (sans importations ni exportations : M = X = 0), alors FBCF = PIB –
CF. Ce qui n’est pas consommé est investi. Donc des niveaux élevés de consommation et
d’investissement ne sont pas possibles simultanément dans une économie fermée.
Au contraire, dans une économie ouverte, on peut avoir une situation où CF + FBCF > PIB, il
faut que le solde commercial X-M soit négatif (on importe plus que l’on n’exporte pour
« nourrir » cette consommation et cet investissement nationaux trop élevés par rapport aux
richesses produites). La situation opposée (CF + FBCF < PIB) implique bien sûr une balance
commerciale X-M positive (comme on ne consomme et n’investit pas tout ce que l’on
produit, on peut exporter plus que l’on n’importe).
Dans le graphique 11, on observe que, depuis la fin des années 90, les États-Unis, le
Danemark et la France ont des parts relatives de leur FBCF dans leur PIB respectif assez
proches alors même que leur niveaux de consommation se distinguaient plus fortement (cf.
graphique 8). En pourcentage du PIB, les États-Unis consomment beaucoup plus que la
France mais n’investissent pas significativement moins, de son côté le Danemark
consomment moins que la France et investit de manière équivalente. Comment expliquer
cela ? par le commerce extérieur évidemment. On doit s’attendre à ce que la balance
commerciale (X-M) soit meilleure au Danemark qu’en France, tandis que celle des États-Unis
doit être manifestement négative. Pour le Japon et l’Espagne, les tendances de consommation
et d’investissement des graphiques 8 et 11 semblent plus complémentaires et ne présagent a
priori rien de leur commerce extérieur. (on peut vérifier ces conjectures avec le graphique 13)
12
Introduction au numéro spécial d’Économie et Statistiques, n°341-342, 2001, p. 3 et p. 10.
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45
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Graphique 11. Part de la formation brute de capital fixe dans le PIB
dans cinq pays de l’OCDE de 1987 à 2002
0,35
0,3
0,25
0,2
0,15
0,1
0,05
0
1987
1988
1989
1990
DENMARK
1991
1992
FRANCE
1993
1994
1995
1996
JAPAN
1997
1998
SPAIN
1999
2000
2001
2002
UNITED STATES
Correction de l’exercice 1 :
Capital présent
dans
l’entreprise
Usure du
capital avec
δ = 0.15
Investissement total
1
1000
2
3
Périodes
Investissement net
FBCF
Investissement de
remplacement
150
250
150
100
1100
165
265
165
100
1200
180
280
180
100
Correction de l’exercice 2 :
date Yd(t)
Capital
nécessaire
Capital
disponible
Investissement de
remplacement
Investissement
net
Investissement
total
K(t) = 3 Yd(t)
0.8 K(t-1)
Ir(t) = 0.2 K(t-1)
Inet(t) = 3∆Yd(t)
I(t) = Ir(t)+Inet(t)
0
0
0
0
0
0
0
1
10
30
0
0
3×10=30
30
2
15
45
0.8×30=24
0.2×30=6
3×5=15
21
3
15
45
0.8×45=36
0.2×45=9
0
9
4
13
39
0.8×45=36
0.2×45=9
3×(-2)=-6
3
5
10
30
0.8×39=31.2
0.2×39=7.8
3× (-3)=-9
-1.2
6
14
42
0.8×30=24
0.2×30=6
3×4=12
18
5. Les politiques économiques et leurs théoriciens
On appelle politiques économiques les différentes interventions de l’État pour
« aménager » l’économie, soit dans le sens d’un infléchissement de la conjoncture (politiques
conjoncturelles), soit pour réformer plus en profondeur les mécanismes et les règles du jeu
économique (politiques structurelles13). Une autre typologie possible des politiques
économiques est celle de Richard Musgrave (The Theory of Public Finance, 1959) : les
interventions de l’État ont trois fonctions, l’allocation, la stabilisation et la redistribution. Les
13
Tel est le cas de la politique industrielle ou d’aménagement du territoire.
Université de Paris X – Nanterre
46
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
fonctions d’allocation (en fait, la production des biens collectifs étant donné les défaillances
de marché) et de redistribution ont déjà été exposées dans le chapitre 3 ; nous allons donc ici
présenter les politiques de stabilisation, qui sont des politiques conjoncturelles. Elles tentent
de réguler l’évolution des variables macro-économiques de façon à éviter ou à limiter les
principaux déséquilibres susceptibles d’affecter l’économie nationale.
Si les politiques économiques ne font jamais l’unanimité, c’est parce qu’elles reposent sur des
théories économiques d’inspirations variées et parfois contradictoires. Une fois encore, aucun
modèle n’est neutre dans sa manière de représenter la société. Néanmoins, un consensus
semble exister entre les écoles de pensées macro-économiques : la nécessité d’une croissance
soutenue.
Dans une première section, nous réunirons quelques informations sur la croissance dans
l’histoire et listerons les deux grands types de déterminants de la croissance. Dans la
deuxième section, nous mettrons en évidence l’impossible réalisation simultanée des
principaux objectifs de politiques économiques traditionnels en termes de croissance,
d’inflation, de chômage et de commerce extérieur. La dernière section donnera un aperçu des
principales théories économiques sur ces questions.
A – La croissance
Ce qu’on appelle la croissance est en fait le taux de croissance du PIB entre deux
PIB(t) - PIB(t-1)
années, à savoir :
. Mais, plus communément, on parle de croissance lorsque
PIB(t-1)
ce taux est positif plusieurs années de suite.
1. Perspective historique
La croissance nous renseigne donc sur l’augmentation durable de la taille du gâteau, de la
valeur ajoutée, à se partager année après année. Une autre manière d’interpréter les chiffres de
la croissance consiste à faire un petit calcul fondé sur la relation suivante : si le taux de
ln 2
croissance est de x%, alors le PIB double en ln (1+x) années14.
Tableau 21. Correspondance entre le taux de croissance et le temps de doublement.
Taux de croissance :
0.5 %
1%
1.5%
2%
3%
5%
11%
Doublement du PIB en : 139 ans 70 ans 47 ans 35 ans 23 ans 15 ans 7 ans
Le phénomène d’une croissance soutenue est relativement récent. « Au cours du dernier
millénaire, la population mondiale a été multipliée par 22, le revenu par habitant par 13 et le
PIB mondial par près de 300. Cette progression contraste radicalement avec celle enregistrée
au cours du millénaire précédent : la population mondiale n’avait alors augmenté que d’un
sixième et le revenu par habitant stagné. » (Angus Maddison, L’économie mondiale, une
perspective millénaire, 2001, cité dans les Cahiers Français, n°315). En fait, du Moyen-Age
au XVIIIe siècle, on constate d’amples fluctuations plutôt qu’un progrès continu. Le Tableau
22 permet de comparer les performances des principaux pays européens sur les quinze
derniers siècles15. Bien sûr, étant donné le manque de statistiques fiables avant le XXe siècle,
ces chiffres sont fragiles mais l’on peut se fier à leur ordre de grandeur.
14
« ln » est la notation du logarithme népérien.
Il s’agit toujours des travaux de Maddison (Les phases du développement capitaliste, 1981), cités par
Abraham-Frois, (Dynamique économique, Dalloz), dont je me suis beaucoup inspirée pour la rédaction de cette
section.
15
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47
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Tableau 22. Performances caractéristiques de quatre époques
de la
population
du PIB par
tête
du PIB total
Période agraire 500-1500
0.0 %
0.0 %
0.0 %
Période agraire progressive 1500-1700
0.2 %
0.1 %
0.3 %
Capitalisme commercial 1700-1820
0.4 %
0.2 %
0.6 %
Capitalisme 1820-1980
0.9 %
1.6 %
2.5 %
Taux de croissance annuelle :
Durant la période qualifiée d’« agraire » par Maddison, à savoir le millénaire qui suit la chute
de l’Empire Romain, l’Europe apparaît en situation de stagnation totale16. De 1500 à 1700, le
rythme de progression est si lent qu’il n’est pas perceptible par les contemporains
(doublement des richesses en 231 ans !). Puis, l’époque du capitalisme commercial est
marqué par le développement du commerce international : « les pays européens leaders
exploitent la supériorité technologique dont ils disposent dans la navigation, la construction
navale et les armements en vue de développer le commerce international. »17 Un taux de
croissance moyen de 0.6 % signifie que les richesses sont doublées en 115 ans ; étant donnée
la faible espérance de vie de l’époque, le processus d’enrichissement des nations reste
impossible à percevoir. Quant au capitalisme fondé sur l’industrie, il peut à son tour être
découpé en sous-périodes (cf. tableau 23).
Tableau 23. Évolution de la croissance mondiale18
de la
population
du PIB par
tête
du PIB total
Doublement
du PIB en :
1820-1870
0.3 %
0.6 %
1.0 %
70 ans
1870-1913
0.8 %
1.3 %
2.1 %
33 ans
1913-1950
0.9 %
0.9 %
1.9 %
37 ans
1950-1973
1.9 %
2.9 %
4.9 %
14 ans
1973-1998
1.7 %
1.2 %
3.0 %
23 ans
Taux de croissance annuelle :
Au XIXe siècle, la croissance de l’ère de l’Industrialisation reste encore modeste. C’est durant
la période 1870-1913, bien que marquée par la première crise du capitalisme, que la
croissance économique se diffuse dans le monde. De 1913 à 1950, la croissance est ralentie
par les deux guerres mondiales et la crise majeure des années 1930. La période de croissance
qui apparaît après la Deuxième Guerre mondiale est exceptionnelle par sa durée, son intensité
et sa régularité. « Le taux de croissance moyen annuel du PIB est de l’ordre de 5 % pour
l’ensemble des pays industrialisés de l’OCDE ; aux deux extrêmes, on trouve le Japon dont le
taux de croissance moyen annuel est de l’ordre de 11 % et la Grande-Bretagne où il n’est
« que » de 3 % ; la France se situe un peu au-dessus de la moyenne, aux alentours de
5.5 %. »19 Le « Français moyen » pendant la période dite des Trente Glorieuses20, selon
l’expression de Jean Fourastié, a vu son niveau de vie multiplié par 2 en 13 ans, par 3 en 21
16
En fait, cette apparente stagnation cache des périodes de déclin de la population suivies de périodes de
rattrapage.
17
Abraham-Frois, op. cit.
18
Inspiré de Maddison, L’économie mondiale, une perspective millénaire, 2001.
19
Abraham-Frois, op. cit.
20
Qui ont duré moins de 30 ans.
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48
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
ans !! La période actuelle n’a pas la même vigueur, mais la croissance mondiale demeure
forte par rapport à la moyenne des deux derniers siècles, en grande partie grâce à la croissance
des pays asiatiques (excepté l’année de la crise de 1998) ou du dragon celtique !
Graphique 12. Taux de croissance du PIB dans six pays de l’OCDE de 1990 à 2003.
14,0%
12,0%
10,0%
8,0%
6,0%
4,0%
2,0%
0,0%
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
-2,0%
-4,0%
-6,0%
-8,0%
Denmark
France
Ireland
Japan
Korea
United States
Pour finir sur le cas français, si une croissance moyenne de +1,8 % devait perdurer (cf.
tableau 24), alors le jeune « Français moyen », moins chanceux que son Grand-Père, devrait
s’attendre à voir son niveau de vie multiplié par 1,5 en 21 ans et non par 3. Les Trente
Glorieuses (période totalement « insolite » dans l’histoire humaine ?) sont loin dernière nous !
2. Les facteurs de la croissance
La croissance du PIB se constate mais ne se décrète pas. On peut néanmoins chercher à
expliquer ses déterminants. Dans ce cas on distingue les facteurs de la croissance potentielle
des facteurs de la croissance effective.
Dans le premier cas, il s’agit de considérer le PIB selon l’optique de la production
(∆PIB=∆Y–∆CI). Le PIB croît parce que l’offre de biens et services augmente. On invoque
principalement les effets bénéfiques de la productivité du capital et du travail qui permettent
d’accroître la force productive de la nation (par conséquent, la croissance potentielle, ce que
l’on peut produire). Les commentaires économiques et politiques qui expliquent la faible
croissance française du fait du faible temps de travail des Français s’inscrivent dans cette
manière d’approcher les déterminants de la croissance. On a alors tendance à prôner des
politiques d’offre (des politiques visant à soutenir ou relancer la production, par l’incitation
au travail, la défiscalisation des entreprises, etc.).
Les facteurs de la croissance effective correspondent, quant à eux, aux différentes
composantes du PIB selon l’optique des emplois ou de la demande
(∆PIB=∆CF+∆FBCF+(∆X–∆M)). A quoi a-t-on effectivement employé le PIB
supplémentaire ? Il s’agit de constater comment la consommation, l’investissement et le
commerce international ont « tiré » ou « ralenti » la croissance (cf. Tableau 24). Cette fois-ci,
on insistera sur ces déterminants de la croissance pour recommander des politiques de
demande (dites aussi politiques de relance keynésienne fondée sur l’effet multiplicateur, cf.
encadrés 5 et 8). Typiquement, on retrouverait ici les commentaires selon lesquels la
croissance française est faible parce que, le niveau de vie des Français stagnant, ils ne peuvent
consommer plus.
Université de Paris X – Nanterre
49
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Tableau 24. Contribution des principaux emplois au taux de croissance du PIB en France de
1993 à 2003 (données INSEE)
Dépense de consommation
finale des ménages
Dépense de consommation
finale des APU
FBCF (ajustée de la variation
des stocks)
Balance commerciale =
Exportations - Importations
Effet total : Croissance du
Produit intérieur brut
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
moyenne
93-03
-0,32 0,65 0,67 0,70 0,07 1,86 1,74 1,44 1,41 0,83 0,78
0,89
1,07 0,17 -0,03 0,54 0,51 -0,03 0,35 0,65 0,69 1,08 0,57
0,51
-2,50 1,22 0,96 -0,59 0,03 2,03 1,41 1,89 -0,21 -0,48 -0,25
0,32
0,77 -0,01 0,05 0,44 1,23 -0,49 -0,33 -0,20 0,11 -0,24 -0,65
0,06
-0,89 2,07 1,67 1,10 1,90 3,40 3,21 3,79 2,10 1,18 0,47
1,82
Encadré 5. L’effet multiplicateur d’une relance keynésienne de l’investissement.
Imaginons une économie fermée, sans commerce extérieur. Les emplois du PIB sont la consommation C et
l’investissement I.
1/
PIB = C + I
Or, le niveau de consommation est déterminé par la propension à consommer pc. Par conséquent :
2/
C = pc PIB
Des équations 1/ et 2/ on déduit : PIB = pc PIB + I ; ou encore : (1-pc) PIB = I. C’est-à-dire :
et
1
I
1-pc
3/
PIB =
4/
∆PIB =
1
∆I
1-pc
1
est le multiplicateur keynésien. Avec pc = 0.8, si les entreprises décident d’augmenter leurs
1-pc
1
investissements de ∆I = 20, alors ∆PIB =
20 = 5× 20 = 100 : le PIB augmente de 100. L’augmentation de
0.2
départ est multipliée par 5.
où
B - Le carré « magique » de Kaldor
Dans Conflicts in Policy Objectives, publié en 1971, Nicholas Kaldor remarque très
judicieusement qu’il existe un consensus parmi les gouvernants sur les objectifs économiques,
à défaut d’une unanimité sur les moyens. Tous souhaitent une économie « prospère », avec
l’augmentation continue du niveau de vie en évitant les déséquilibres tels le chômage,
l’inflation et le déficit commercial. Cela se résume en quatre objectifs à poursuivre
simultanément : (i) profiter d’une croissance élevée, (ii) maintenir l’inflation à un niveau
raisonnable, (iii) baisser le taux de chômage et (iv) avoir un excédent plutôt qu’un déficit
commercial.
Par exemple, un gouvernement efficace pourrait se vanter d’une situation où la croissance est
de +10 %, où le solde commercial est excédentaire (de 3% du PIB) et les taux d’inflation et de
chômage nuls. Cet état économique idéal est représenté dans le schéma 7 (où chaque axe
orienté représente un objectif économique) : en reliant les points extrêmes (l’atteinte
maximale des objectifs visés), apparaît alors la forme d’un carré. En fait, ce carré est qualifié
de « magique » par Kaldor, car tout porte à croire que la réalisation simultanée des quatre
objectifs relève de l’exception, voire de l’impossible ! Il est beaucoup plus vraisemblable
qu’une économie soit résumée par une forme moins esthétique (à l’intérieur du carré).
Université de Paris X – Nanterre
50
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Schéma 7. Le carré « magique » de Kaldor
Kaldor va plus loin : ces quatre objectifs se révèlent le plus souvent antinomiques (la reprise
de la croissance peut se traduire par un déficit extérieur, une baisse du chômage entraîne
généralement des pressions inflationnistes). Il peut y avoir un véritable dilemme entre deux
objectifs économiques (on ne peut atteindre l’un qu’au détriment de l’autre). Comme nous
avons déjà évoqué la croissance dans la section précédente, il faut maintenant examiner les
trois autres objectifs.
1. Pourquoi éviter un solde commercial déficitaire ?
Pourquoi les ministres français s’enorgueillissent-ils toujours d’une balance commerciale
positive, (X-M) > 0 ? On remarquera dans le graphique suivant que la première économie
mondiale, les États-Unis, accuse de manière pour ainsi dire structurelle une balance
commerciale négative, sans crise majeure (cf. graphique 13).
Un premier argument pour la défense d’une balance commerciale positive est le fait qu’elle
soutient la croissance nationale lorsque la demande intérieure (la consommation et les
investissements des résidents) s’essouffle. On a vu en effet, dans la section précédente, que la
balance commerciale était un facteur de la croissance effective. C’est le mécanisme invoqué
lorsque l’on espère que la croissance du Reste du monde va « tirer » la croissance nationale,
leurs importations, c’est-à-dire nos exportations, croissant.
En 2003, avec des exportations de 402 milliards d’euros, la France est le cinquième
exportateur mondial (derrière l’Allemagne21, les États-Unis, le Japon et la Chine). Ainsi, le
commerce extérieur est-il le « soutien le plus constant de la croissance jusqu’à l’an 2000.
21
L’Allemagne, qui représente seulement 4% du PIB mondial est la première puissance exportatrice mondiale en
assurant 10% des exportations de la planète. En cette période morose, la croissance outre-Rhin repose presque
exclusivement sur cette machine exportatrice.
L'Allemagne renoue avec la croissance mais creuse son déficit en 2004
La progression du PIB s'établit à 1,7 % sur l'année, son niveau le plus élevé depuis 2000. Les
exportations restent le socle de la croissance, 1,2 point étant imputable au seul commerce extérieur.
Les investissements des entreprises progressent pour la première fois depuis 2000, de 1,2 %, mais la
consommation des ménages recule de 0,3 %. Par ailleurs, les finances de l'Etat fédéral se détériorent
une fois encore : le déficit public allemand s'élève à 3,9 % du PIB, supérieur pour la troisième année
consécutive à la limite des 3 % fixée par le pacte de stabilité européen. L'Allemagne avait connu une
récession en 2003 (- 0,1 % de croissance), une quasi-stagnation en 2002 (+ 0,1 %) et une timide
croissance en 2001 (+ 0,8 %). Son déficit public avait atteint 3,8 % du PIB en 2003 et 3,7 % en 2002.
La lettre éco du Monde – 13 janvier 2004
Université de Paris X – Nanterre
51
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
Mais, depuis la tendance s’est inversée. ″Le fort ralentissement de l’activité en 2003 est
intégralement imputable au commerce extérieur, alertait une note de la direction de la
prévision en mars. Alors que la croissance de la demande intérieure est restée stable entre
2002 et 2003, la contribution des échanges extérieurs est devenue négative de –0,9% point de
PIB (…), les exportations de biens et services ont baissé de près de 2,1%, une contraction de
cette ampleur n’a pas été observée depuis 1978.″ » (Le Monde – Économie, daté du 9
novembre 2004).
Graphique 13. Part de la balance commerciale (X-M) dans le PIB
dans cinq pays de l’OCDE de 1987 à 2002
8,0%
6,0%
4,0%
2,0%
0,0%
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
-2,0%
-4,0%
-6,0%
DENMARK
FRANCE
JAPAN
UNITED STATES
SPAIN
Avançons à présent un autre argument en termes de financement des échanges commerciaux
avec le Reste du monde. Imaginons qu’il n’existe que deux monnaies dans le monde : le
dollars et l’euro. Dans ces conditions, comment paie-t-on les importations M, hors zone
euro ? avec des dollars. On a donc besoin de devises. Comment obtient-on ces devises ? Un
moyen direct : on exporte une partie de nos biens et services X qui sont vendus en échange de
devises.
Mais si (X-M) < 0, cela signifie que nous manquons de devises collectées lors de nos
transactions internationales sur biens et services. On a donc besoin de dollars
supplémentaires. Comment faire ? Deux techniques sont connues :
•
soit on laisse l’euro se déprécier par rapport au dollar : le prix des exportations en euros
devient plus compétitif (donc X augmente) et le prix croissant des importations en dollars
induit une baisse de la demande intérieure en biens importés (donc Y diminue) ; la
combinaison d’une contraction des importations et d’un accroissement des exportations
conduit à une amélioration de la balance commerciale ;
•
soit on augmente le taux d’intérêt pour attirer les capitaux de l’étranger : le Reste du
Monde place son épargne en dollars chez nous (mais cela est mauvais pour
l’investissement des entreprises nationales pour qui le coût du crédit augmente).
Les deux solutions ont des inconvénients majeurs pour une économie qui n’aurait pas la
puissance productive des États-Unis qui peuvent laisser leur devise se déprécier sans
dommage (elle reste la devise internationale de référence), et qui, de toute façon, attirent les
capitaux du Monde entier22. C’est pourquoi, pour un pays comme la France, il est a priori
22
« D’où l’idée que le « reste du monde » finance les États-Unis. C’est ainsi que la position nette des États-Unis
est passée d’une situation créditrice au début des années 1980 [à l’époque, les États-Unis finançaient le reste du
Université de Paris X – Nanterre
52
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
préférable de se trouver dans une situation où (X-M) > 0 assurant un flux de devises
avantageux.
Enfin terminons ce point par un des dilemmes du carré « magique ». Si une balance
commerciale positive peut soutenir la croissance quand la demande intérieure fléchit, en
revanche, une reprise de la croissance peut entraîner par la suite un déficit extérieur. Dès que
le PIB augmente pour une raison indépendante du commerce extérieur, les revenus distribués
dans l’économie croissent. Consommation et investissements augmentent, or, une partie de
cette consommation et de ces investissements supplémentaires est satisfaite par des
importations supplémentaires, qui augmentent donc. En revanche, les exportations dépendent
de la croissance du Reste du monde et non pas forcément de la croissance intérieure. Par
conséquent, en supposant X inchangé (si le Reste du monde n’est pas en croissance) et M en
augmentation, alors l’excédent commercial faiblit, voire devient un déficit extérieur (cf. les
bonnes années 1998 et 1999 dans le tableau 24). Les objectifs d’accélération de la croissance
et d’excédent commercial peuvent donc entrer en conflit.
2. Deux fléaux macro-économiques : chômage et inflation
Chômage et inflation sont deux déséquilibres graves pour des raisons économiques
différentes.
Le chômage est coûteux :
•
non seulement pour les chômeurs mais pour l’ensemble de la population active qui par
ses cotisations supporte le coût de l’indemnité chômage ;
•
par le manque à gagner du fait d’un PIB effectif inférieur au PIB potentiel (on
produirait plus si toute la population en âge de travailler était occupée, c’est-à-dire
avait un emploi).
En fait, il s’agit de constater que le chômage est un gaspillage de richesses potentielles, les
ressources humaines de l’économie.
Graphique 14. Taux de chômage (BIT) selon le genre et l’âge en France
(données INSEE)
35,0
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
00
3
.2
00
1
04
00
0
.2
12
99
9
08
.2
99
7
.1
04
.1
99
6
Femmes 15-24 ans
12
99
5
08
.1
99
3
.1
04
99
2
.1
12
08
.1
99
1
98
9
.1
04
98
8
.1
.1
Hommes
12
.1
98
7
08
.1
98
5
04
.1
98
3
12
97
9
Femmes
12
97
5
.1
12
97
1
.1
12
.1
12
12
.1
96
7
0,0
Hommes 15-24 ans
Le problème structurel français est la pauvreté en emplois de sa croissance, « il faut compter
monde] à une situation débitrice d’un montant de 2600 milliards de dollars fin 2002 (soit environ 25% du PIB),
avec 9000 milliards de dollars d’actifs américains [capitaux présents aux États-Unis] détenus par les nonrésidents. » Le Monde – Économie, daté du mardi 30 novembre 2004.
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53
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
entre 1 % et 1,2 % d'augmentation de croissance du PIB pour créer de l'emploi », ce qui
permet d’absorber les entrants sur le marché du travail, mais il faut que cette fourchette
atteigne 1,7 à 2 % pour « enregistrer des baisses de chômage ». (Le Monde, daté du 12 août
2004). « La raison en serait, selon l'Unedic, que les entreprises qui constatent l'amélioration
de leur situation attendent au moins six mois avant d'embaucher, et privilégieraient, dans un
premier temps, l'emploi d'intérimaires. » (ibid.) La conséquence en est des taux de chômage
fortement liés à la conjoncture et défavorisant systématiquement les jeunes et les femmes. En
fait, ce phénomène d’appauvrissement en création d’emplois de la croissance est due à de
forts gains de productivité : on peut toujours produire plus sans mettre au travail beaucoup
plus de personnes23.
Encadré 6. Calcul du taux de chômage et de l’inflation
• Le taux de chômage est le pourcentage des individus chômeurs dans la population active (la population active
rassemblant tous les individus présents sur le marché du travail ayant un emploi ou désirant un emploi).
D’après le Bureau International du Travail, est considérée au chômage toute personne : (i) qui n’a pas travaillé,
ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence ; (ii) qui est disponible pour travailler dans un
délai de deux semaines ; et (iii) qui a entrepris des démarches spécifiques pour trouver un emploi au cours des
quatre semaines précédant la semaine de référence.
Suivant cette définition, la France compte 2 341 000 chômeurs en mars 2002.
• L’inflation mesure le taux de croissance du niveau général des prix p.
p est une construction statistique, à savoir le prix moyen du panier de consommation moyen des ménages. Pour
constituer ce panier de consommation moyen, l’INSEE prend en considération plusieurs centaines de postes
budgétaires (alimentation, transport, etc.), chacun comprenant plusieurs articles. Pour mesurer l’évolution du
prix moyen, l’INSEE relève périodiquement les prix des articles retenus dans 30 000 points de vente.
L’inflation redistribue les revenus de manière arbitraire :
On accuse l’inflation de ronger le pouvoir d’achat. Celui-ci mesure le volume de biens et
services que permet d’acheter un revenu. Si un revenu en euros reste constant et qu’il y a une
inflation alors son pouvoir d’achat diminue.
Exemple : soit un revenu de 100 €, soit un taux d’inflation annuel de 2%. L’année prochaine,
avec 100 €, je ne pourrai acheter qu’un panier de consommation valant aujourd’hui 98,04 € (=
100 €
1+0,02 ) : j’aurai accès à un panier de consommation moins volumineux, le pouvoir d’achat
d’un billet de 100 € aura baissé, je me serai donc « appauvrie ».
Dans les faits, l’inflation ne ronge pas de façon systématique le pouvoir d’achat des salaires.
A court terme, ces derniers augmentent tantôt plus rapidement que les prix, tantôt plus
lentement. Et, sur le long terme, les salaires ont plutôt tendance à progresser plus rapidement
que les prix. Le véritable déséquilibre est plus sûrement que l’inflation redistribue les
revenus des créanciers vers les débiteurs.
Exemple : Soit un taux d’intérêt nominal de 4 %, un individu place 100 € à la date t. Un an
plus tard, en t+1, il reçoit 104 € = (1+0,04)×100 €. Si durant l’année, l’inflation a été de 2 %,
104 €
alors le pouvoir d’achat des 104 € en t+1 est équivalent à 101,96 € en t (= 1 + 0,02 ). Par
conséquent, le véritable rendement du placement (ou taux d’intérêt réel) n’a été que de
23
Les États-Unis n’échappent pas au problème : « De 1980 à 1990, pour 1 point de croissance, l'emploi a
augmenté de 0.19 en Europe et de 0.59 outre-Atlantique. Entre 1991 et 2000, les performances sont
respectivement de 0.27 pour le Vieux Continent et de 0.43 aux États-Unis. Si on réduit la période (1995-2000),
la convergence des deux courbes devient plus nette : 0.33 pour l'Europe et 0.38 pour les États-Unis. Et la
tendance pourrait se poursuivre. » (Le Monde, daté du 15 avril 2003)
Université de Paris X – Nanterre
54
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
1,96%.24
Ce qui désavantage les épargnants, ou les prêteurs ou encore les créanciers, avantage donc les
emprunteurs. Cette redistribution des épargnants vers les emprunteurs est considérée
arbitraire, non économiquement justifiée, car elle ne relève d’aucune productivité ni d’aucune
volonté politique. Elle vient au contraire pénaliser les comportements de prévoyance.
De plus, l’inflation détériore la compétitivité – prix de nos biens et services par rapport à nos
concurrents internationaux. D’où la volonté inverse plutôt d’une « désinflation compétitive ».
De nouveau, on termine avec un dilemme du carré « magique », le dilemme chômageinflation. Pour diminuer le chômage, l’État décide de relancer la demande intérieure par une
expansion des dépenses gouvernementales. Que se passe-t-il ?
•
pour satisfaire cette demande supplémentaire, les entreprises embauchent ⇒ le taux de
chômage baisse sur le marché de l’emploi ;
•
la demande globale augmentant (grâce à la consommation supplémentaire des nouveaux
embauchés), les entreprises peuvent augmenter leurs prix ⇒ il y a inflation des prix sur le
marché des biens et services.
Les objectifs de maintien de taux de chômage et de taux d’inflation faibles peuvent donc
entrer en conflit.
C – Les grandes écoles de pensée économique et leurs prescriptions de politiques
économiques
Avant le XVIIe siècle, il y eut bien quelques ouvrages traitant d’« économie » (Éthique
à Nicomaque d’Aristote au IVe avant JC, la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin au
XIIIe), mais il n’y eut pas d’économiste ou d’école économique. Nous allons terminer ce
cours en listant six écoles25 de pensée, du XVIIe à nos jours qui, d’une manière ou d’une
autre, inspirent ou rationalisent les politiques économiques.
1. Physiocrates contre mercantilistes
Mercantilistes et physiocrates divergent sur de nombreux points. Leur opposition est
révélatrice de la révolution des idées qui s’est opérée parmi les esprits éclairés entre les XVIIe
et XVIIIe siècles.
Représentant du mercantilisme français, Antoine de Montchrestien théorise dans son Traité de
l’économie politique (1616) l’idéal d’un capitalisme commercial protectionniste. Comme
source des richesses, seule importe l’industrie et non l’agriculture. Les ennemis de l’économie
nationale sont les marchands étrangers qui font sortir l’or et les richesses du pays. L’État doit
intervenir pour soutenir l’industrie nationale (exemple des Manufactures royales) et
réglementer le commerce extérieur, favorisant les exportations et freinant les importations.
C’est la politique qu’on a pu qualifier de « colbertisme », du nom du Ministre de Louis XIV,
Jean-Baptiste Colbert, qui cherchait ainsi à augmenter la richesse intérieure. De nos jours,
certains hommes politiques ont encore des accents très mercantilistes dans leur défense des
grandes industries françaises ou dans leur attachement à une balance commerciale
excédentaire (assurant l’entrée de devises et non plus d’or).
Dans le chapitre introductif, nous avons déjà évoqué la figure emblématique des physiocrates,
François Quesnay. Cette fois-ci, c’est la théorie d’un capitalisme agraire libéral que défend
24
Le plus souvent, on fait l’approximation suivante : taux d’intérêt réel = taux d’intérêt nominal – taux
d’inflation.
25
Liste non exhaustive.
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55
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
son Tableau économique (1758). Les richesses d’un pays sont issues de la terre (agriculture)
et non de la transformation de ce qu’elle donne (l’industrie). Par ailleurs, les flux
économiques obéissent à des lois naturelles (telle la circulation du sang dans un corps) qui ne
doivent pas être contrariées par des politiques protectionnistes. Turgot est aux physiocrates ce
que Colbert est aux mercantilistes, mais en moins chanceux. Contrôleur des Finances de
Louis XVI de 1774 à 1776, Turgot abolit les lois protectionnistes et rétablit la liberté du
commerce des grains, il tente aussi de supprimer les corporations d’artisans (exemple type
d’un secteur réglementé et non producteur direct de richesses). Cette parenthèse libérale se
referme avec sa disgrâce en 1776. Il faudra attendre la Révolution Française pour que les
idées libérales reviennent.
2. Les classiques (1770-1870)
Apparu également au XVIIIe siècle, le courant des économistes anglo-saxons qualifiés de
« classiques »26 a fait souche (en fait, à l’origine des sciences économiques actuelles)
contrairement à la physiocratie oubliée dans les limbes de l’histoire économique. Mêmes les
hommes politiques libéraux français ne se rattachent pas aux physiocrates mais bien plutôt
aux libéraux classiques.
L’approche des classiques est holiste. Le comportement de chacun dépend de sa classe
sociale : ouvrier, producteur ou rentier. Mais ces classes ne sont pas en conflit, au contraire le
paradigme de cette école est l’équilibre. Or, il existe des forces économiques, telles des
forces naturelles, qui assurent à long terme cet équilibre. Il s’agit de l’effet auto-régulateur de
l’harmonie spontanée des intérêts ou encore de la Main invisible d’Adam Smith, le père
fondateur de l’économie politique avec ses Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations (1776). Par conséquent, toute intervention autoritaire, non marchande, de
la part de l’État, risquerait d’enrayer le bon fonctionnement de ces forces et de mener
l’économie à un déséquilibre. On en vient donc à prôner le « laissez-faire », sauf exception,
comme pour les biens collectifs (cf. chapitre 3).
Outre la figure incontournable de Smith, deux autres Britanniques ont marqué le courant
classique : David Ricardo, Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), et Robert
Malthus, Essai sur le principe de population (1798).
Un autre classique est resté célèbre, car une des fameuses lois économiques porte son nom, il
s’agit du Français Jean-Baptiste Say, auteur du Traité d’Économie Politique (1803). La loi de
Say ou loi des débouchés assure que toute production trouve sa demande, il n’y a jamais de
contrainte de débouchés ou de crise de surproduction. Si l’on produit plus, on vend plus, on
écoule toujours une production supplémentaire. L’optimisme de la loi des débouchés peut être
relié à l’hypothèse que la monnaie n’est qu’un voile. Dans les transactions, la monnaie est un
intermédiaire qui facilitent les échanges par rapport à un économie où seul le troc existerait,
mais en réalité les produits s’échangent contre d’autres produits. Ainsi, dans une lettre, Say
explique-t-il à Malthus : « Puisque chacun de nous ne peut acheter les produits des autres
qu’avec ses propres produits […] les hommes achèteront d’autant plus qu’ils produiront
davantage. De là cette conclusion […] : si certaines marchandises ne se vendent pas, c’est
parce que d’autres ne se produisent pas ; […] c’est la production seule qui ouvre des
débouchés aux produits ».
Cette loi est sous-jacente à ce qu’on a qualifié de politiques d’offre dans la section A. Il faut
produire plus (encourager les facteurs de la croissance potentielle), la demande suivra. Mais
aussi, c’est contre la croyance en cette loi que s’élèvera Keynes : elle empêchait les
économistes académiques d’accepter que la crise de 1929 était une crise de surproduction.
26
En fait, ce label est dû à Keynes.
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56
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
3. Les néo-classiques
La révolution néo-classique se produit dans les années 1870 et, aujourd'hui, l’économie
standard est néo-classique. L’auteur déterminant est Léon Walras avec ses Éléments
d’économie pure (1874-1877).
Bien sûr, cette école s’inscrit dans la foulée du précédent courant, en ce qui concerne le
concept-clé d’équilibre. Mais, à présent on conçoit que l’équilibre puisse être obtenu à court
terme, et il faut trouver ses conditions d’obtention. De la sorte, l’économie est réductible en
équations mathématiques que l’on résout à la recherche des conditions instantanées
d’équilibre. Il faut alors organiser le « laissez-faire » des classiques : les conditions
mathématiques sont interprétées comme les conditions de concurrence pure et parfaite.
Distinction fondamentale d’avec les classiques, l’approche néo-classique est individualiste :
on part du comportement « humain » économique. On considère la nature humaine tel un
principe invariant dans le temps et l’espace : l’homme cherche à obtenir le plus de satisfaction
possible au moindre coût (en minimisant les efforts financiers ou physiques). Quelle que soit
la catégorie considérée dans la société, travailleur, chômeur, femme au foyer, entrepreneur,
actionnaire, homme politique, tous cherchent à maximiser leur satisfaction sous contraintes
technique et budgétaire. La seule différence entre les agents précités n’est pas leur logique
d’action mais les contraintes qui s’imposent à eux.
Si, de la sorte, on considère qu’un chômeur fait des calculs, on peut expliquer le chômage
comme étant un chômage volontaire. Étant donné ce que sont d’une part les indemnités de
chômage, et d’autre part les salaires et conditions d’emploi, le travailleur faisant un arbitrage
pourra préférer rester au chômage. De son côté, l’employeur, étant donné d’une part le coût
total du travail d’un « Smicard », et d’autre part la faible productivité du travail non qualifié,
l’employeur pourra préférer ne pas embaucher. Du coup, si on adopte la démarche néoclassique, on préconise la réduction des indemnités chômage et l’abaissement des charges
sociales pour le travail non qualifié. Les raisonnements économiques sont donc des calculs
fondés sur des prix ou des coûts.
Encadré 7. Les monétaristes
Il s’agit d’une sous-famille des néo-classiques ayant une théorie monétaire originale. En fait, les monétaristes,
dont le chef de ligne est Milton Friedman, sont des libéraux très attachés au bon pilotage de la masse monétaire.
Selon eux, l’inflation résulte du laxisme des autorités monétaires, qui cèdent aux pressions des « demandeurs de
monnaie » et créent un désajustement entre la masse monétaire en circulation et le volume des transactions
nécessitant de la monnaie. Ce désajustement entraîne une hausse des prix.
Soit M, la masse de monnaie en circulation ; soit V, la vitesse de circulation de cette monnaie (nombre de
transactions que peut effectuer une même unité monétaire : une pièce d’euros sert à T échanges) ; soit p, le
niveau général des prix (cf. encadré 6) ; et soit T, le nombre de transactions ; on a l’égalité suivante :
M×
×V = p×
×T
A court terme, V et T sont quasiment constants, donc il ne reste qu’une relation entre M et p. Si on augmente la
masse monétaire (∆M>0), à court terme cela n’a qu’un effet totalement indésirable, l’inflation (∆p>0). On
justifie ainsi l’indépendance d’une Banque centrale qui pilote la masse monétaire dans le seul but d’éviter
l’inflation.
4. Les keynésiens
Formé par les néo-classiques, en particulier par Alfred Marshall, John Maynard Keynes les
rejette tout en sachant conserver leur langage dans la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt
et de la monnaie (1936).
La démarche de Keynes est à son tour holiste. Sans abandonner totalement le concept
d’équilibre, il privilégie celui de circuit, épine dorsale du présent cours qui, nous l’avons écrit
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57
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
en introduction générale, est très keynésien. De plus, l’horizon des mécanismes économiques
qui intéressent Keynes est celui de court terme : peu lui importe qu’à long terme les forces
auto-régulatrices du marché nous mènent à l’équilibre, c’est aujourd’hui que les pères de
famille ont besoin de travailler pour nourrir leur famille.
L’approche en terme de circuit permet de mettre en avant le fait que toute politique a un effet
en retour, un feedback positif ou négatif, dont il faut tenir compte. C’est le principe de
l’accélérateur ou du multiplicateur keynésien. Un État interventionniste, en utilisant ces
leviers, peut alors relancer la machine capitaliste grippée. Il faut bien noter que Keynes n’est
pas ce qu’on appelle communément un « homme de gauche », c’est un « libéral » qui montre
que l’État doit intervenir pour le bon fonctionnement et la pérennité du système capitaliste
qu’il défend. Ce qu’il ne croit pas c’est que celui-ci se régule à court terme. Pour Keynes,
contrairement aux prédictions de la loi de Say, il existe des crises de surproduction
capitalistes car la monnaie n’est pas un voile (la monnaie est demandée pour d’autres motifs
que faciliter les transactions).
Une des qualités essentielles de cette théorie fut la facilité avec laquelle on a pu l’appliquer,
l’utiliser pour produire des prédictions fiables et échafauder des politiques économiques
pendant au moins trois décennies.
Encadré 8. Une relance keynésienne financée par les dépenses de l’État
Imaginons une économie fermée, sans commerce extérieur, où l’État ponctionne les revenus (impôts T) pour
financer la production de biens collectifs (G). Les emplois du PIB sont donc la consommation C,
l’investissement des entreprises privées I et les dépenses gouvernementales G.
1/
PIB = C + I + G
Or, le niveau de consommation est déterminé par la propension à consommer pc en fonction du revenu
disponible (PIB-T). Par conséquent :
2/
C = pc (PIB-T)
Des équations 1/ et 2/ on déduit : PIB = pc (PIB-T) + I + G ; Ou encore : (1-pc) PIB = I +G - pcT. C’est-à-dire :
et
1
(I + G - pcT)
1-pc
3/
PIB =
4/
∆PIB =
1
(∆I + ∆G - pc∆T)
1-pc
1
est le multiplicateur keynésien. Avec pc = 0.8, si l’État décide d’augmenter les investissements publics
1-pc
1
∆G = 30, alors ∆PIB =
30 = 5× 30 = 150 : le PIB augmente de 150. Pour un endettement public qui s’aggrave
0.2
de +30, le PIB augmente de +150. C’est le coût de la croissance ; or, le remboursement de la dette n’est pas un
problème tant qu’il y a une telle croissance.
où
Malheureusement, une relance keynésienne peut « s’évaporer » sans avoir l’effet multiplicateur souhaité, si :
•
l’économie a un taux d’utilisation de son capital faible (des machines achetées qui ne tournent pas à plein
régime, des salariés en chômage technique), ce qui permet de produire plus sans rémunérer de nouveaux
facteurs de production, et donc sans engendrer un nouveau flux de revenus dans l’économie ;
•
l’économie a des stocks qu’elle peut écouler sans produire plus ;
•
l’économie peut produire plus sans investir ni embaucher plus grâce aux gains de productivité des facteurs
(progrès technique) ;
•
la demande additionnelle est satisfaite par des importations : la relance permet de soutenir les débouchés de
producteurs étrangers embauchant à l’autre bout du monde !
Les relances keynésiennes connaissent ainsi leur efficacité optimale en économie fermée, sans stocks et sans
sous-utilisation des facteurs de production.
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58
Introduction à la macro-économie
Guillemette de Larquier
5. Les marxistes
Je ne respecte pas l’ordre chronologique adopté jusqu’à présent pour exposer l’approche
marxiste, très décalée par rapport à ce cours. Karl Marx est l’auteur de nombreux ouvrages
dont le Capital (tome I, 1867 ; le tome II, 1885, et le tome III, 1894, inachevé, furent publiés
par Engels d’après ses brouillons).
Par de nombreux côtés, Marx est le « dernier des classiques », il doit beaucoup entre autres
aux thèses de Ricardo sur la valeur-travail. Son approche est également holiste (mais cette
fois-ci, les classes sociales ont des intérêts contradictoires) et son raisonnement à long terme.
Son idée majeure est de substituer le concept de reproduction à celui d’équilibre. La question
devient : comment une société se reproduit-elle pour maintenir ses structures sociales ?
Comment l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme perdurent-ils jusqu’au moment où ils
disparaissent, détruits par leurs propres contradictions ?
Du coup, ce n’est pas chez Marx que l’on trouvera la préconisation d’un mode d’action à
mener au sein du carré « magique » de Kaldor. Quand on est marxiste, on ne cherche pas à
améliorer le capitalisme : on considère au contraire qu’il est condamné à long terme.
Du coup, la recommandation serait plutôt : il faut en accélérer la chute par la révolution
générale. Le système capitaliste est dénoncé car il dépouille les travailleurs du fruit de leur
travail. Les travailleurs sont ceux qui produisent les richesses (théorie de la valeur-travail), ils
doivent donc en être les premiers bénéficiaires. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas des
chefs et des directeurs pour organiser le travail ; ce qui est dénoncé, c’est le fait que ces chefs
et directeurs s’approprient le profit de ce travail au prétexte qu’ils possèdent le capital. Marx
utilise la métaphore suivante : pour une symphonie harmonieuse, un chef d’orchestre est
évidemment indispensable, mais rien ne justifierait que ce chef d’orchestre soit également
propriétaire de tous les instruments de musique ! Il faut donc que la classe ouvrière prenne le
pouvoir et se réapproprie ses outils de production, bref le capital.
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