lemniscale. Ces fibres - grâce aux collatérales qu'elles envoient sur les neurones d'origine du
faisceau spino-réticulo-thalamique (SRT) (découvertes en 1909 par Ramon y Cajal) -
inactivent les voies nociceptives à destination extralemniscale : il s'agit de la gate control
theory [7]. Ces travaux aboutirent à l'avènement des méthodes d'électroanalgésie par
stimulation des voies afférentes primaires inhibitrices, soit au niveau des nerfs périphériques
(Wall et Sweet [8]), soit au niveau des cordons postérieurs [9]. Parallèlement, Mazars [10,
11], se fondant sur les conceptions de Head et Holmes [12] selon lesquelles les voies de la
sensibilité lemniscale (c'est-à-dire épicritique et proprioceptive) contrôleraient l'activité des
voies de la sensibilité extralemniscale (c'est-à-dire douloureuse) au niveau thalamique, mit au
point la méthode de stimulation thalamique intermittente antalgique par implantation
d'électrodes au niveau du noyau ventro-postéro-latéral (VPL), relais des voies somesthésiques
lemniscales et véritable « filtre » des afférences douloureuses. Plus récemment vit le jour la
technique de stimulation du cortex cérébral moteur (c'est-à-dire précentral) à visée antalgique.
Cette technique fut introduite par Tsubokawa en 1991 [13] après la constatation empirique
que la stimulation du cortex, en avant du sillon central de Rolando, avait des effets
antalgiques. Le mécanisme d'action est encore loin d'être complétement élucidé.
L'importance des systèmes de contrôle inhibiteur sur les mécanismes de la douleur est étayée
par les travaux sur la désafférentation sensitive de Loeser et Ward [14] et de l'école
lyonnaise [15]. Ces travaux ont prouvé que l'interruption des afférences sensitives par section
des racines postérieures entraîne, au niveau central, en l'occurrence au niveau de la corne
postérieure, une augmentation de fréquence des potentiels d'action des neurones s'y trouvant.
Cette « hyperactivité de désafférentation », susceptible d'être réduite par des drogues
anticonvulsivantes telles que son chef de file, la carbamazépine, pourrait expliquer un certain
nombre de douleurs survenant après lésion des voies sensitives. Lorsqu'une interruption des
« voies de la douleur » est envisagée, le risque d'augmenter la désafférentation doit inciter à
faire appel à des interventions d'interruption aussi sélectives que possible. C'est de cette
préoccupation que procèdent des interventions telles que, pour le trijumeau, les radicotomies
sélectives juxtaprotubérantielles ou pour la zone d'entrée des racines spinales dorsales dans la
moelle, la DREZotomie (DREZ : dorsal root entry zone) [16].
À partir des études sur les mécanismes neurochimiques intervenant dans le contrôle de la
douleur s'est dégagée la possibilité d'intervenir directement sur les cibles neurochimiques.
C'est ainsi qu'en 1974, Richardson et Akil effectuèrent des stimulations de la substance grise
périaqueducale (SGPA) et périventriculaire (SGPV) [17], dans le but d'augmenter la sécrétion
des systèmes endomorphiniques et sérotoninergiques. Puis, sous l'impulsion de Yasksh [18] et
Lazorthes [19], se développèrent les méthodes de morphinothérapie intrathécale, en
particulier au niveau lombaire. Ces travaux ont ouvert la voie du concept de la neurochirurgie
pharmacologique intrathécale.
La tendance actuelle de la neurochirurgie de la douleur est à différencier les méthodes
neurochirurgicales, en interventions interrompant les voies de la nociception et en
interventions renforçant les mécanismes de contrôle inhibiteur, ces dernières entrant dans le
cadre de la « neuromodulation ». Le clinicien doit donc s'efforcer de comprendre quels sont
les niveaux d'origine et les mécanismes des douleurs auxquelles il est confronté. S'agit-il de
douleurs par excès d'afférences nociceptives ou de douleurs par défaut du contrôle inhibiteur,
ou des deux à la fois, ce qui est fréquent. Le succès de la chirurgie antalgique dépend de cette
reconnaissance anatomique et physiologique.