www.planetemere.org Les miracles de la Vie (Extrait du livre « Les Mains de la Terre ») A moins d’ingérer la terre directement, tout ce que nous mangeons, absolument tout, même chez Mac-Do, est produit par des êtres vivants. Qu’il s’agisse de plantes ou d’animaux mangeant des plantes, nos aliments sont issus du monde vivant. Voir et comprendre les cycles de la Vie, voir et comprendre que nous en faisons partie, nous conduit nécessairement à changer de regard sur notre alimentation et les moyens que nous mettons en œuvre pour la produire. La Vie produit de la matière La Terre grossit. Pour remonter dans le temps, pour étudier le passé, il nous suffit de creuser. Quelques mètres pour mettre à jour les voies romaines, des dizaines de mètres pour découvrir les squelettes de dinosaures, des centaines de mètres pour trouver les forêts primaires, devenues pétrole ou charbon. La Terre bouge, évolue. Les plaques continentales se déplacent, se chevauchent et s’entrechoquent plus ou moins au fil du temps. Ces mouvements ont mélangé l’ordre des strates, brouillé les cartes de l’histoire. Mais où que nous soyons, nous avons le passé sous nos pieds. Comment la Terre peut-elle grossir ? Le végétal capte l’énergie solaire sous forme de lumière. Le jour, les plantes absorbent le gaz carbonique de l’air en libérant de l’oxygène. En association avec l’eau et les nutriments de la terre, les plantes produisent de la matière. C’est la photosynthèse. La nuit, elles redonnent une part du gaz carbonique qu’elles ont pris. En retournant au sol, le végétal nourrit la Vie. Des milliards d’êtres microscopiques vivent sous la tiédeur humide du tapis végétal, à l’abri de la lumière, en respirant l’oxygène de l’air. En digérant la matière végétale, elles donnent naissance à l’humus. L’humus est fertile, chaleureux et spongieux. Les racines de toute vie y trouvent de l’eau et des nutriments. L’humus est source et océan de Vie. En se formant, il libère aussi du gaz carbonique, redonnant à l’air cet ingrédient nécessaire à la Vie. Grâce à la photosynthèse, les plantes redonnent au sol plus d’humus qu’elles n’en ont pris. Elles produisent en moyenne cinq unités carbonées pour seulement trois consommées. C’est ainsi que la Terre grossit. C’est un miracle de la Vie. La Vie est énergie Du point de vue de la Nature et de ses cycles, l’Homme est un animal. Contrairement au végétal, l’animal prend plus de matière qu’il n’en rend. Mais l’animal a un atout que les plantes n’ont pas : le mouvement. N’ayant pas de racines pour puiser des nutriments directement dans le sol, nous devons nous déplacer pour les trouver sous forme végétale et les manger. La digestion transforme cette nourriture en nutriments assimilables par nos millions de radicelles internes : les villosités intestinales. À la différence du végétal, nous n’utilisons pas le gaz carbonique de l’air, nous dépendons de son oxygène. L’essentiel de l’oxygène que nous respirons est produit par les forêts et le plancton des océans. C’est une autre dépendance au règne végétal. Comme nous rejetons du CO2 que les plantes absorbent, nous sommes complémentaires. Pour capter cet oxygène, nos poumons sont notre feuillage : ils absorbent ce dont le corps a besoin, ils rejettent le gaz carbonique qu’il a produit. Chaque alvéole pulmonaire est à l'image d’une feuille : la feuille inspire le jour, respire la nuit, nos alvéoles alternent inspirations et expirations à chaque instant. Nous sommes un peu comme un arbre qui aurait été retourné comme une chaussette. Toutes les parties externes et ouvertes de l’arbre, ses racines, sa couronne, sont chez nous à l’intérieur : l’intestin, les poumons. Et chez nous tout va plus vite, beaucoup plus vite. Sans racine plongée dans un sol susceptible de la stocker, nous sommes particulièrement dépendant de l’eau. Sans elle, nous ne survivons pas longtemps. Comme pour notre nourriture, notre capacité au mouvement nous permet de nous déplacer pour la trouver. Selon les espèces, les animaux doivent trouver de l’eau plusieurs fois par jour. La nourriture des végétaux est digérée par les bactéries de la terre ; notre nourriture est digérée par notre ventre. Il est naturellement tiédeur, humidité et obscurité. Là, des milliards de vies microscopiques font le même travail que leurs consœurs du tapis végétal. Notre ventre est un composteur accéléré. L’oxygène arrive des poumons par l’intermédiaire de la sève animale : le sang. Les villosités de la paroi intestinale sont les racines du corps : elles plongent dans les matières digérées pour y puiser les nutriments. La sève sanguine se charge de les diffuser là où ils sont utiles. Séparées de la terre, toutes les matières que le composteur digère sont issues des végétaux : le règne végétal est le cordon ombilical reliant la terre aux animaux. Après l’oxygène qu’il nous offre, ce cordon est notre deuxième dépendance à ce règne. Il semblerait donc logique que nous en prenions soin. Nos excréments, riches en vies microscopiques, sont un ferment pour la terre. En stimulant et en accélérant le compostage des débris végétaux du sol, les rejets des animaux nourrissent les cycles des végétaux. Nous offrons ainsi à la terre et aux plantes la possibilité d’accélérer leurs propres cycles. En pâturage raisonné, les prairies reverdissent chaque année grâce aux ferments que les animaux ont laissés. Après avoir mangé ses fruits, je peux faire un trou au pied de l’arbre et faire mes besoins en pensant « merci, à l’année prochaine ». Pour construire ses muscles et sa chair, l’animal a besoin de beaucoup de matière. Il lui faut dix à quinze protéines végétales pour produire une seule de ses protéines animales. Mais une fois qu’il est formé, le muscle révèle sa destinée. L’activité musculaire peut produire cinq kilojoules d’énergie mécanique pour seulement trois kilojoules alimentaires consommés. Destiné au mouvement, l’animal consomme moins d’énergie qu’il n’en rend. C’est un autre miracle du Vivant. Nous autres, les Humains, avons créé des outils nous permettant de transcender cette énergie. Grâce à la roue et à la mécanique, nous pouvons par exemple parcourir de nombreux kilomètres à vélo sans devoir ingérer des milliers de calories. Nos outils et autres poulies nous permettent de réaliser divers travaux avec ce même rendement. Toutes les civilisations se sont contentées de cette énergie. Egyptiens, Grecs, Romains, Amérindiens… ce n’est que très récemment que les muscles ont été remplacés par des moteurs, à explosion ou à vapeur. L’ère de la combustion et de la thermodynamique n’a connu son essor qu’au cours du siècle passé. A l’échelle de l’histoire de l’Humanité, ce n’est qu’un battement de cil, une parenthèse déjà sur le point de se refermer. La pénurie de ressources naturelles s’approche aussi vite que les conséquences des excès de pollution s’aggravent. Au regard de ce que la Vie permet, polluer et manquer d’énergie relève de l’hérésie. Comme l’ensemble du règne animal, notre nature est mouvement. Nous sommes une source d’énergie. Le métabolisme vital de notre corps est cette source. Ayant dénigré la sueur, n’ayant pas su nous contenter de nos possibilités, nous avons demandé à des moteurs de créer le mouvement à notre place ou à la place de des animaux. Nous sommes devenus sédentaires et dépendants d’autres sources d’énergie. Nos corps se meurent, usés de ne pas fonctionner. Nous sommes sortis des cycles de la Vie. Si nous savons y reprendre place, le besoin d’énergie n’est plus un souci. La Vie est énergie. Génétiquement résistante La Vie produit donc de la matière, elle produit de l’énergie et elle tend aussi à se multiplier, à s’adapter et à évoluer pour résister. Les graines portent le secret de la Vie. Chaque variété, chaque espèce a ses codes. La combinaison de millions de gènes détermine la Vie à naître. Ces gènes sont portés par la clé universelle de Vie : la molécule d’ADN. Des bactéries aux éléphants, des virus aux arbres les plus grands, nous portons tous cette molécule dans toutes nos cellules. Ce support de codification de la Vie n’est pas notre seul point commun. Nous partageons aussi des millions de gènes. Les mystères de ces codes et des combinaisons possibles dépassent notre entendement. Tout cela est pourtant contenu dans chaque graine. Lorsque des variétés ou des espèces se croisent, la Vie choisit des combinaisons de gènes viables. Certains gènes propices à une espèce peuvent provoquer la dégénérescence d’une autre. La Nature évite cela. La Vie aspire au sain, au vigoureux et au durable. Pour s’adapter à l’environnement, pour résister et durer, les gènes sont même capables de muter. Dans toute tentative d’extermination, il y a des survivants ; lorsque les survivants reviennent, ils se sont adaptés aux risques précédents. N’en déplaise aux agrochimistes, c’est aussi un miracle de la Vie. Une vie féconde Enregistrée sur sa molécule d’ADN, cette juste combinaison génétique est contenue dans la graine. Couvée dans son nid douillet, bercée par la symphonie de la Vie, la graine germe, prend racine, et donne naissance à un nouvel être vivant. Cet être va lui-même consacrer son existence à propager la Vie. Un seul grain de blé semé peut donner jusqu’à 150 grains. Un grain de maïs peut donner plusieurs épis portant chacun des centaines de grains. Un kilo de pommes de terre planté peut en donner 15 à 25 kg. Une graine de courge donne plusieurs fruits de plusieurs kilos. Un mètre carré de terre peut porter plus de 10 kilos de carottes. Un seul pommier produit des dizaines de kilos de pommes. Etc. N’est-ce pas miraculeux ? À l’exception de la viande, tout ce qui nous nourrit est la conséquence d’une seule et même volonté de la Nature : propager et prolonger la Vie. La chair de la pomme par exemple, est en fait vouée à se composter. Les graines de pommiers qu’elle contient (les pépins), sont protégées par une enveloppe antibiotique leur permettant de résister à l'ouvrage des bactéries. Au retour du printemps, la pomme compostée au sol offre le maximum de chances à un nouvel arbre de prendre racine. Au fil des saisons, plus le pommier vieillit, plus le sol devient riche et fertile. À la fin de sa vie, ce sont plusieurs jeunes arbres qui pourront assurer la continuité de la variété « pommier ». Chaque fruit fait partie du cycle de Vie d’une variété. Chaque fruit porte en lui deux plantes : celle qui l’a porté, celle qu’il porte en lui. Lorsque nous mangeons une pomme, c’est le cycle de Vie du pommier qui nourrit le cycle de la Vie humaine. Chaque cycle de Vie en nourrit un ou plusieurs autres. La Vie est un perpétuel recommencement. Je m’émerveille de cela. Interdépendance et biodiversité Pour s’étendre, pour se multiplier, la Vie aime les mariages réussis. Lorsque règne l’harmonie entre les éléments, le Vivant s’étend rapidement. L’eau, l’air, la terre, la lumière et la tiédeur, lorsqu’ils s’accordent, font résonner la symphonie de la Vie. Chaque forme de Vie dépend elle-même de nombreuses autres vies. Dans la Nature, les règles d’interdépendance sont une évidence. Le partage, l’entraide et la solidarité s’imposent aux vivants, naturellement. Dans les forêts primaires, où la Vie est la plus dense, des centaines de formes de Vie s’épanouissent au ras du sol. Elles dépendent directement des arbres s’élevant vers le ciel. Sans leur ombre, les buissons et plantes moyennes n’existeraient pas. Sans elles, les mousses et les lichens disparaîtraient. Sans ce tapis végétal, les micro-organismes régresseraient, l’humus disparaîtrait, le sol s’éroderait, l’eau s’écoulerait plus rapidement… et les grands arbres dépériraient. Une telle complémentarité, une telle harmonie, n’est-ce pas merveilleux ? Les forêts primaires sont les plus grandes productrices de biomasse. Leur sol est une véritable éponge, souple et fertile. Pourtant, ce sol n’a jamais été travaillé par un outil ni aucun tracteur, pas plus qu’il n’a besoin d’engrais chimiques ni de pesticides ou d’OGM. Sur ce point, notre prétention à « améliorer le vivant » relève d’un orgueil et d’une mauvaise foi incommensurables. Si nous étions capables de produire sur un hectare de terre la même quantité de biomasse que produit le Vivant sur un hectare de forêt primaire, nous aurions sans doute de quoi nourrir des dizaines de fois l’Humanité. Ce n’est pas le Vivant qui a besoin d’être amélioré, mais notre façon de l’appréhender. Si notre regard sur la Nature était celui d’un élève face à un maître, un regard rempli de respect, d’humilité et d’intérêt, le monde agricole pourrait commencer à évoluer. Si nous portions tous ce regard sur la Nature, nos modes de vie et notre modèle de société de consommation ne seraient-ils pas eux-mêmes mis à mal ? Les plantes et le sol interagissent Même si ce n’est pas le seul paramètre, la réussite des cultures dépend largement du sol qui les porte. Nous savons aujourd’hui que les cultures de certaines variétés de plantes peuvent appauvrir le sol en certains éléments et l’enrichir en d’autres. Contrairement à certaines idées reçues, les racines des plantes apportent globalement plus d’éléments au sol qu’elles n’en prennent. Les racines des végétaux sont capables de modifier la structure du sol pour le rendre plus propice à leur propre épanouissement. Par exemple, dans un sol argileux et imperméable, une plante peut enduire son système racinaire de silice pour faciliter l’aération de ses racines. A l’inverse, cette même plante évoluant dans un sol sablonneux très perméable peut enduire ses racines d’argile pour retenir le plus possible l’humidité. Les racines des chênes infiltrant la roche calcaire est un des exemples parmi les plus remarquables de cette capacité : ces racines sécrètent un acide dissolvant la roche. La dissolution chimique de la roche apporte à la fois des nutriments aux racines tout en libérant le passage nécessaire à leur croissance et leur enfoncement. N’est-ce pas remarquable ? Certaines plantes sont aujourd’hui connues pour leurs capacités particulièrement marquées à travailler le sol par leurs racines ou à fixer l’azote de l’air. Ces vertus peuvent être mises à profit en cultivant ces variétés en alternance avec des cultures vivrières. Moutarde, phacélie, luzerne, mélilot, lin… sont quelques unes de ces plantes appelées « engrais verts ». Des plantes qui agissent sur le sol pour l’améliorer et le rendre plus propice à leur propre développement, n’est-ce pas magique ? S’inspirer des talents de la Nature, les observer et les imiter est pour moi la démarche la plus avant-gardiste aujourd’hui en terme de production de nourriture. Je pense que nous avons encore énormément de choses à découvrir et à apprendre sur la Nature et la magie dont elle est capable. Cette Nature étant notre nature, nous avons certainement beaucoup de choses merveilleuses à découvrir sur nous-mêmes à travers elle. Dans ce domaine, les plus grandes découvertes ne se font pas sous des microscopes ou dans des tubes à essai : elles se font sur le terrain, par l’observation et la contemplation. Tout est là, sous nos yeux. Pour découvrir de nouvelles réalités, il suffit de changer de regard… Tout est là (extrait du livre « Prendre de la Hauteur) Il y a quelques centaines d’années, Se produisait un incroyable changement pour l’Humanité : La Terre est devenue ronde ! Avant cette révolution sensationnelle, la Terre était plate. Comment aurait-elle pu être ronde ? La surface des océans serait donc convexe ? Cette hypothèse semblait ridicule : il n’y avait pas plus plat que la surface d’un lac au crépuscule. Seuls quelques hérétiques pouvaient avancer de telles idées ! Qui d’autres que les simples d’esprit pouvaient y adhérer ? Beaucoup ont été brûlés, pendus ou décapités, Pour avoir affirmé de telles absurdités. Pourtant, En posant sur quelques phénomènes un regard curieux, Des chercheurs de vérité ont ouvert les yeux. En contemplant un navire s’éloignant à l’horizon, Certains ont deviné le rond. Ceux qui se sont donné la peine d’observer ont alors constaté Qu’en s’éloignant les bateaux semblaient s’enfoncer : Si la Terre avait été plate, Voilà ce qu’ils auraient dû constater : Tout est déjà là, Sous nos yeux, en chaque chose, en chaque phénomène. L’ignorance n’est jamais dans l’objet observé, Mais dans le regard qui lui est porté. Celui qui cherche à comprendre la Vie L’appréhende en l’observant, en l’observant vraiment, Avec son cœur et son regard d’enfant ; Un regard libre de peurs, de préjugés et d’idées arrêtées. C’est en renonçant à l’idée d’être arrivé, Que nous devenons chercheur de nouvelles vérités. Parce que nous cherchons, un jour nous allons trouver.