Antibioprophylaxie chirurgicale : quoi de neuf en 2010 ? Joseph HAJJAR Service d’hygiène et d’épidémiologie Valence Rappel • Burke, 1961 – Démonstration sur modèle animal de l’efficacité de l’ABP si débutée avant l'intervention • Vachon, 1984 – L’ABP a pour objectif de « Participer à la réduction en fréquence et en gravité d'un risque d'infection hypothétique mais précis, lié à une intervention chirurgicale donnée » 2 1. Justification de l’ATP • L’infection, un risque permanent en chirurgie – Contamination du site opératoire par des bactéries • • • • Flore propre du patient et sources exogènes Dans 90 % des plaies opératoires lors de la fermeture Quels que soient la technique et l’environnement Différents facteurs favorisant la prolifération 3 1. Justification de l’ATP • L’infection, la complication postopératoire la plus fréquente – Toutes chirurgies confondues, taux brut d’ISO estimé à 2%, à rapporter aux 7 millions annuels d’opérés et pour un coût moyen par infection de 3 000 € (France) 4 1. Justification de l’ATP • L’antibioprophylaxie, technique validée – S’oppose à la prolifération bactérienne – Fait partie des mesures préventives, mais… à condition de respecter • Ses indications ET • Ses règles de prescription ET • Les autres mesures préventives 5 2. Justification de recommandations • Prescription fréquente – 10 à 15 % des hospitalisés – 30 % à 50 % des antibiotiques prescrits • Souvent inappropriée – Jusqu’à 90 % • Choix inadapté de l’antibiotique • Moment du début d’administration inadéquat • Durée de prescription inutilement prolongée • Avec des conséquences – Résistance bactérienne – Diffusion de la résistance (transmission croisée) 6 2 bis. Recommandations • Sfar. Conférence de consensus. Pratique de l’antibioprophylaxie en chirurgie, 1992 • Sfar. Actualisation des recommandations pour la pratique de l’antibioprophylaxie en chirurgie, 1999 • Sfar. Antibioprophylaxie en chirurgie et médecine interventionnelle (Patients adultes). Actualisation, 2010 www.sfar.org 7 3. Indications prioritaires • Certaines interventions de chirurgie – Propre-contaminée (à risque infectieux élevé) – Propre (à risque infectieux faible mais grave) 8 3. Autres indications • Certains patients à risque particulier – Colonisés par une flore nosocomiale, soumis à une réintervention précoce pour cause non infectieuse (réanimation, long séjour ou rééducation) • Modification possible du choix de la molécule habituelle – Patients ayant radiothérapie, chimiothérapie ou corticothérapie, diabète déséquilibré, très âgés, obèses ou très maigres • Aucune modification justifiée – Transplantés • Patient ambulatoire (choix en fonction de l’organe greffé) • Patient colonisé par une flore nosocomiale 9 3. Prophylaxie de l’endocardite • Restreinte pour la chirurgie dentaire – Uniquement si intervention gingivale ou de la région péri-apicale de la dent, ou perforation de la muqueuse orale • Envisagée pour les cardiopathies suivantes – Valve prothétique ou matériel prothétique (réparation valvulaire) – Antécédent d’endocardite infectieuse – Cardiopathie congénitale • cyanogène non opérée, ou avec fuite résiduelle, ou mise en place d’une dérivation chirurgicale • avec réparation prothétique, placée chirurgicalement ou percutanée, jusqu’à 6 mois après la mise en place • avec fuite résiduelle au site d’implantation d’un matériel prothétique, mise en place chirurgicalement ou par voie percutanée 10 3. Exclusions • Non concernés par l’ABP – Les risques infectieux autres – L’infection du site opératoire déjà présente au moment de l’intervention 11 4. Règles de prescription • Un antibiotique actif sur les bactéries les plus fréquemment responsables d’infections du site opératoire ; par exemple : – S. aureus et bacilles à gram négatif (cardiaque, vasculaire, orthopédie et traumatologie) – E. Coli et Bacteroides fragilis (chirurgie colorectale) – Bacilles à gram négatif (chirurgie gastro-duodénale) • Un antibiotique n’induisant pas de résistance 12 • Un antibiotique présent au niveau du site opératoire (diffusion), à une concentration adéquate au moment de l’acte (CMI), et se maintenant pendant toute l’intervention (demi-vie) • Un antibiotique aussi peu toxique que possible et sans interférence avec les drogues anesthésiques • Un antibiotique avec un bon rapport coût-efficacité • Un antibiotique injecté par voie IV (perfusion brève) pour atteindre rapidement un taux plasmatique élevé et une concentration tissulaire appropriée 13 • Un antibiotique administré avant l’incision L’étude clinique de Classen (1992) a montré que les antibiotiques ne réduisaient le taux d’infection que s’ils sont donnés avant l’acte chirurgical 14 Taux d’infection en fonction du début de l’ABP chez 2847 opérés en classe 1 et 2 : 6 SSI rate (%) 5 4 3 INCISION 2 1 0 2 1 Hours before – – – – 1 2 3 4 5 6 7 Hours after incision Plus de 2 à 24 heures avant l’incision : De 0 à 2 heures avant l’incision : Dans les 3 heures suivant l’incision : Plus de 3 heures après l’incision : 8 9 10 >10 3,80 % 0,59 % 1,40 % 3,30 % 15 • Une durée d’ATP aussi courte que possible pour limiter la sélection et la diffusion de bactéries résistantes – Le plus souvent limitée à la période per-opératoire, – Parfois 24 heures, – Jamais au-delà de 48 heures 16 5. Points essentiels (Sfar 2010) • Pas de recommandations pour l’ensemble des situations cliniques (nombreux actes sans évaluation scientifique) • En l’absence de recommandations, possibilité ou non, de choisir de prescrire une ABP (se rapprocher de pathologies ou techniques similaires) • ABP pour certaines chirurgies « propres » ou « proprecontaminées » • Diminution d’environ 50 % du risque d’ISO par l’ABP • Cible bactérienne fonction type de chirurgie, flore endogène du patient et écologie de l’unité d’hospitalisation 17 5. Points essentiels (Sfar 2010) • Administration 30 minutes avant début de l’intervention d’environ (injection des produits d’induction séparée de 5 à 10 minutes de celle de l’ABP) • Application de la « check-list » (vérification de l’administration de l’ABP) • Médecin responsable de la prescription de l’ABP (anesthésiste-réanimateur, chirurgien, gastroentérologue, imageur…) • Dose initiale au double de la dose usuelle. – Chez l’obèse (IMC > 35kg/m2), même en dehors de la chirurgie bariatrique, dose de bêtalactamines encore doublée (dose habituelle de la prophylaxie x 2) 18 5. Points essentiels (Sfar 2010) • Durée de prescription la plus courte possible (injection d’une dose unique) • Protocoles d’ATB écrits, cosignés par les anesthésistesréanimateurs et les opérateurs, validés par les instances (Clin, COMEDIMS, CAI,…) • Protocoles disponibles et éventuellement affichés (salles de consultation pré-anesthésique, d’intervention et unités de soin) • ABP « à la carte » pour les patients présentant un risque particulier (éviter autant que possible les molécules à très large spectre) • Dérogations aux protocoles habituels exceptionnelles et argumentées 19 6. En pratique • Protocoles écrits – Par spécialité • • • • Liste des actes avec ou sans ABP Antibiotique choisi et alternative (allergie) Dose, durée Cas particuliers • Evaluation régulière – Audit des pratiques + + + 21 Questions en suspens • Orthopédie – ABP locale (ciment avec antibiotique pour la chirurgie prothétique) • Ophtalmologie – Injection dans la chambre antérieure (céfuroxime intra camérulaire pour la cataracte) • Cardiaque – ABP locale (compresses résorbables imprégnées) 22 L’ATP en chirurgie ne doit, ni ne peut, se substituer aux autres mesures de prévention • Concernant le patient – Durée du séjour préopératoire – Toilette et dépilation préopératoire – Préparation du champ opératoire • Concernant l’équipe opératoire – Tenue des opérateurs – Hygiène des mains – Surveillance des infections • Concernant la salle d’opération – Discipline – Ventilation – Nettoyage 23