452 BERNARD SOLASSE
L'apparition de cette conjoncture nouvelle - et ceci constitue une premiere
explication d'ordre sociologique du reflux des situations et de l'action revolution-
naires - est li6e objectivement 'a la transformation des techniques de production
et a ses consequences sur le travail ouvrier : la quasi-disparition de l'autonomie
professionnelle, le morcellement et la diff6renciation croissante des taches, leur
subordination "a
l'organisation du travail, que complete le sentiment de participer
a la creation des conditions d'une production 61argie
et finalement b6n6fique
pour
tous, sentiment qu'entretient et d6veloppe le culte de la productivit6'4.
Ces transformations objectives du travail ouvrier, conjugu6es a% la diminution du
temps de travail, donc " l'extension des loisirs et 'I l'augmentation croissante du
niveau de consommation, cr6ent 'a leur tour un ensemble de conditions favorables
< a l'assimilation des besoins et des aspirations au niveau de vie, des activit6s de
loisirs, des activit6s politiques >>
5, favorisant ainsi l'int6gration sociale, culturelle
et politique de la classe ouvriere dans la soci6t6. Inlassablement, ce theme revient
comme un leit-motiv dans l'oeuvre
d'Herbert Marcuse, dans ses livres, ses articles,
en r6ponse aux questions et aux critiques qui lui sont adress6es. Aux theses de
Serge Mallet, sur < La nouvelle classe ouvriere >>
et sa politisation probable,
Herbert Marcuse r6pond en 6voquant les faits, ou encore en citant C. Wright Mills,
lorsqu'il affirme que la syndicalisation des cols blancs, si elle se produisait, ne
produirait, dans le meilleur des cas, qu'une conscience syndicale, c'est-a-dire, dans
l'optique nord-am6ricaine, 6conomico-professionnelle et non pas une conscience
politique radicalel 6. Les seules concessions qu'il accorde " ses interlocuteurs
-
elles sont r6centes
- concernent le caractere plus radical des luttes menees par
certaines organisations syndicales europ6ennes en France et en Italie notamment.
C. LES STRUCTURES
POLITIQUES
La situation politique int6rieure dans les soci6t6s capitalistes est, dans une large
mesure, le reflet des caract6ristiques pr6c6dentes.
L'analyse de la classe dominante et l'analyse de l'Etat ne sont qu'ai peine
esquiss6es. Sur ces questions, la pens6e d'Herbert Marcuse semble fort proche de
celle de Berle, C. Wright Mills, Vance Packard, William H. Whyte qu'il cite dans
L'homme unidimensionnel"7.
La r6alit6 du pouvoir appartient aux technocrates,
aux militaires, aux repr6sentants des trusts, mais c'est un pouvoir impersonnel,
difficile 'a
circonscrire, c'est le pouvoir des grandes organisations, des hierarchies
bureaucratiques. Les institutions d6mocratiques ne sont qu'une facade; aux
Etats-Unis, le bipartisme n'offre aucune alternative politique r6elle. Herbert
Marcuse emploie l'expression < enfermement de l'univers politique >>18.
Simul-
tan6ment, l'absence d'opposition permet d'6viter le recours a% la violence.
Cette soci6t6, close 'a
l'int6rieur, est mobilis6e en permanence contre l'ennemi
ext6rieur, c'est-a-dire en Occident contre le communisme international; cette
mobilisation renforce, 'a son tour, le caractere clos unidimensionnel de la soci6t6 :
14Cette analyse, 6parse dans l'ensemble de l'oeuvre d'Herbert Marcuse, est pr6sent6e sous une
forme ramass6e et synth6tique dans l'article publi6 dans le num6ro 8 de la Revue internationale du
socialisme, 135.
"5Marcuse, L'homme unidimensionnel, 55.
6Ilbid.,
83.
7lbid.,
22-3.
18Ibid., chap. II.
This content downloaded on Tue, 8 Jan 2013 01:00:40 AM
All use subject to JSTOR Terms and Conditions