Accompagnement et évaluation : Une éthique pragmatique de « l

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10ème journée d’étude à l’attention des référents professionnels
10 mars 2017
Évaluer, accompagner : inconciliable, indissociable ?
Accompagnement et évaluation :
Une éthique pragmatique de « l’entre-deux »
Véronique Cabaret
Présentation du parcours professionnel et de formation
Pour faciliter la compréhension de mon point de vue, je vous exposerai rapidement mon
cheminement professionnel et de formation. Successivement infirmière puis cadre de santé
formatrice auprès d’étudiants infirmiers, pour être aujourd’hui cadre supérieur de santé,
formatrice en Institut de Formation de Cadres de Santé. Un parcours de formation
universitaire m’est apparu nécessaire pour me distancier de ma pratique professionnelle,
comprendre au regard de problématiques quotidiennes, relatives, notamment à
l’accompagnement en formation.
Depuis 2005, dans l’ordre chronologique, mes objets de recherche sont : l’accompagnement
en formation (pas uniquement dans le domaine de la santé mais en général), l’éthique (de
l’accompagnement, de la recherche) puis plus particulièrement l’éthique pragmatique, et
depuis deux ans la pensée critique en formation en lien avec l’évaluation (notamment
perçue et vécue par les étudiants). Pour résumer mon parcours, en tant que formatrice
(praticienne), la recherche constitue une voie privilégiée pour continuer à me former et
échanger des savoirs dans un collectif de travail.
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INTRODUCTION
Aujourd’hui, dans les formations professionnelles en alternance, les référentiels ont aboli la
notion d’objectifs pour la remplacer par celle de compétence professionnelle. À titre
d’exemple, « le diplôme d'État d'éducateur spécialisé atteste des compétences
professionnelles pour exercer les fonctions et les activités telles que définies à l'annexe I "
référentiel professionnel » de l’arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d'État d'éducateur
spécialisé. La compétence professionnelle apparaît dans la réingénierie des formations et
des référentiels professionnels puisqu’elle permet d’appréhender les activités des
professionnels dans leur globalité et au cœur des situations de travail. Elle correspond à une
« prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des situations professionnelles
auxquelles il est confronté » (P. Zarifian, 2001, p. 65). C’est également « une intelligence
pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme, avec
d’autant plus de force que la diversité des situations augmente » (P. Zarifian, 2001, p. 69).
Les connaissances alimentent la compétence qui se développe au fur et à mesure de
confrontation à des situations. Dans un contexte les progrès techniques abondent, être
compétent signifie que l’on est capable de s’adapter à l’évolution de son environnement, du
travail, résoudre de nouveaux problèmes et faire évoluer les systèmes et procédures de
travail.
En formation, et plus particulièrement en stage, l’évaluation des compétences d’un étudiant
pose un défi de taille aux professionnels puisque la compétence n’est pas uniquement « une
affaire de rationalités énoncées » mais une « construction de réponses ajustées aux données
situationnelles », dans laquelle les ressources internes du sujet sont essentielles (M. Sorel,
1998). Comment accompagner un étudiant afin qu’il développe ses compétences ?
Comment s’assurer qu’il développe des compétences requises pour l’exercice du métier
dans ce terrain de stage ? Si un professionnel travaille quotidiennement avec un étudiant,
comment peut-il l’évaluer « en toute objectivité » ? Est-ce qu’au travers de l’évaluation d’un
étudiant, le professionnel n’évalue-t-il pas aussi son accompagnement et sa pratique ?
Finalement, comment évaluer l’étudiant de manière « la plus juste possible » ?
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Au regard de ce questionnement initial, je vous propose de relater ma réflexion déclinée en
quatre parties :
Une première partie permettra d’ancrer ma flexion dans des éléments de
contexte, notamment les logiques en tension dans une formation professionnelle et de
préciser ma conception de la personne qui se forme.
Dans une deuxième partie, j’aborderai distinctement l’évaluation et
l’accompagnement.
Puis, dans une troisième partie, je croiserai évaluation et accompagnement en
abordant les notions de fonction et de postures, ce qui m’amènera à relier l’ensemble en
posant la problématique suivante :
En quoi les tensions entre évaluation et accompagnement offrent-elles des espaces pour
penser et mettre en œuvre l’évaluation d’un étudiant « la plus juste possible » ?
Enfin, la quatrième partie me permettra de relater ma réflexion à partir de
l’hypothèse suivante :
Penser la construction de repères favorisant l’évaluation du stagiaire « la plus juste
possible » repose sur une éthique pragmatique de l’accompagnement et de l’évaluation.
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PREMIÈRE PARTIE
Le contexte d’une formation professionnelle : l’apprenant au cœur de trois logiques en
tension
Lors d’une formation basée sur le principe de l’alternance, et c’est le cas des formations du
travail social, l’étudiant-stagiaire développe des capacités en se situant au cœur de trois
logiques en tension (M. Fabre, 1994) à savoir :
- La logique sociale de l’adaptation aux contextes culturels ou professionnels,
- La logique psychologique. C’est celle de l’évolution de la personne, du développement
personnel de l’apprenant,
- La logique didactique, celle des contenus et méthodes. C’est en lien avec la logique
didactique que l’alternance est un principe pédagogique en formation professionnelle.
Elle favorise la transformation des savoirs en action.
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Fig. 1 : Dynamique du champ pédagogique (M. Fabre, 1994, p. 124)
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Dans une pédagogie par l’alternance, le sujet agit en situation socio-professionnelle pour
construire ou modifier un objet. Cependant, ses actes peuvent agir également sur
l’organisation sociale et/ou professionnelle dans laquelle le sujet se situe (J. Clénet, 1998,
p. 33), c’est d’ailleurs ce que je développerai dans la suite de mon exposé. L’action met donc
en relation l’acteur avec l’objet et son environnement. Au vu des changements permanents
que connaissent les organisations, c’est principalement cet effet qui est recherché dans les
périodes de professionnalisation, par les professionnels et également par les employeurs.
Nous pouvons dire que la logique didactique organisée sur ce principe d’alternance est en
adéquation avec la logique sociale. La pratique n’est pas l’application de savoirs théoriques
mais une construction opérante qui se réalise dans l’agir (M. Sorel, 2008). Par ailleurs, dans
une logique sociale, être professionnel signifie obtenir un diplôme qui résulte d’une réussite
aux épreuves de l’évaluation certificative.
Enfin, pour terminer avec ces éléments de contexte et avant d’aborder l’évaluation et
l’accompagnement, il me semble indispensable de fonder mon propos sur une conception
de la personne en formation. Je considère la formation dans une visée émancipatrice dans
laquelle une personne s’autonomise par la connaissance. Je prends ici la connaissance au
sens de J. Legroux (2008, p. 198), « un savoir du dedans », intime, qui s’incorpore à la
personne. On observe ce type de savoirs dans la pratique des professionnels experts. En
considérant l’autonomie d’un point de vue biologique (E. Morin, 1980), l’étudiant se réfère à
lui - même et à ses propres finalités, en se centrant sur son environnement et sa réalité. Lors
des stages, l’étudiant évolue dans différents environnements, sources de tensions, entre des
dispositifs de formation conçus en extériorité par rapport à lui avec une part relative de
négociation, son histoire et ses projets personnel et professionnel. Dans ces contextes,
l’étudiant en formation est un sujet dépendant de son (ses) environnements et il développe
une aptitude stratégique (une intelligence, une intelligence pratique) à capter, exploiter des
informations afin de s’en émanciper (Ibid.). Dans une approche complexe, l’autonomie ne
signifie donc pas non-contrainte ou non-dépendance. Elle suppose un ensemble de
possibilités d’invention, de choix, de décision et d’actions stratégiques qui permettent de
transformer les contraintes et d’agir (Ibid.). En formation, l’autonomie et la connaissance de
l’apprenant se nourrissent l’une de l’autre, et contribuent à la construction de sa posture
professionnelle.
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