Journal Identification = VIR Article Identification = 0562 Date: April 18, 2014 Time: 3:42 pm
revue
Introduction
La maladie de Marek (MD) est une maladie associée à
une immunosuppression transitoire et à des lymphomes T
mortels chez la poule. La MD est à l’origine de pertes éco-
nomiques importantes dans le monde, estimées à plus d’un
milliard de dollars par an [1]. Bien que la MD ait été décrite
en 1907 par Joszef Marek, le virus responsable de cette
maladie, nommé virus de la maladie de Marek (MDV) ou
Gallid herpesvirus de type 2 (GaHV-2), ne fut isolé qu’en
1967, indépendamment au Royaume-Uni [2] et aux États-
Unis [3]. Ce virus appartient à la famille des Herpesviridae,
à la sous-famille des Alphaherpesvirinae, au genre Mardi-
virus (pour « Marek Disease Like Viruses »). En raison de
ses propriétés biologiques, il a longtemps été classé dans
les Gammaherpesvirinae. En 2002, suite au séquenc¸age
complet de son génome, il a été reclassé dans un nou-
veau genre d’alphaherpesvirus, les Mardivirus, dont il est
le prototype [4]. À ce jour, quatre autres espèces virales
appartiennent à ce genre, dont deux proches du MDV au
plan génétique et antigénique mais non pathogènes pour les
gallinacés, le Gallid herpesvirus de type 3 (GaHV-3) et le
Meleagrid herpesvirus (MeHV), communément dénommé
Herpesvirus du dindon (HVT).
Le premier vaccin efficace contre la MD a été obtenu en
1969, époque à laquelle cette maladie induisait une forte
mortalité et morbidité [5-7]. Il s’agissait du 1er vaccin effi-
cace contre le développement de tumeurs viro-induites. Une
importante vaccination, pratiquée dans les élevages aviaires
dès 1971, a permis l’essor de la production industrielle
d’œufs et de viande de poulet. Trois types de vaccins sont
actuellement utilisés, tous « vivants » : une souche atténuée
de GaHV-2 (CVI988/Rispens) [8], une souche de GaHV-3
(SB-1) ou une souche de HVT [7, 9].
Le virus de la maladie de Marek
Une particule infectieuse d’herpesvirus est constituée d’une
capside centrale contenant le génome viral, d’une couche
protéique complexe (plus de 15 protéines) appelée tégu-
ment, et d’une bicouche lipidique aussi appelée enveloppe
virale, dans laquelle sont ancrées une dizaine de glycopro-
téines d’enveloppe. Le génome du MDV est un ADN double
brin linéaire d’environ 175 kb. Il est composé de deux
séquences uniques, une courte (US) et une longue (UL),
encadrées de séquences répétées terminales (TR) et internes
(IR). Ce génome comporte une centaine de phases ouvertes
de lecture et code plus de 70 protéines dont la plupart pos-
sèdent des orthologues chez les autres alphaherpesvirus.
Parmi les protéines conservées, on trouve des enzymes,
des protéines de capside (comme la protéine majeure de
capside VP5 codée par UL19), des protéines de tégument
(comme les protéines VP13/14 et VP22 codées par UL47 et
UL49 respectivement) ou des protéines d’enveloppe. Un
faible nombre de protéines sont spécifiques au MDV
comme l’oncoprotéine Meq, la phosphoprotéine pp38 ou
bien la protéine vIL8, homologue de l’interleukine 8 de
poule. Le MDV code aussi des ARN qui ne sont pas traduits
en protéines, comme les ARN LAT (latency-associated
transcripts), des microARN ou une sous-unité ARN de la
télomérase (vTR) [10-12].
Comme avec tous les herpesvirus, l’infection cellulaire
aboutit soit à un cycle lytique, produisant des particules
virales infectieuses soit à la latence virale, où le génome
viral persiste dans le noyau des cellules infectées, sans pro-
duction de particules virales. Contrairement à la plupart des
alphaherpesvirus, le MDV ne rentre pas en latence dans les
neurones, mais dans les lymphocytes T. Il est important
de noter que la protéine Meq s’exprime aussi bien durant
l’infection lytique que durant la latence [13].
En culture, la réplication virale est efficace uniquement sur
des cellules primaires de poule ou de canard. De plus, le
virus MDV ne peut pas être purifié à partir de lysats ou de
surnageants de culture. Cela implique que les infections par
MDV s’effectuent uniquement par co-culture de cellules
infectées avec des cellules naïves. Cela a également des
conséquences sur la nature unique des vaccins GaHV-2,
qui sont constitués de cellules vivantes infectées congelées
en azote liquide.
Les virus MDV sont classés en fonction de leur pathotype :
faiblement virulent (mMDV), virulent (vMDV), très viru-
lent (vvMDV) et hypervirulent (vv + MDV) [14]. Il existe
aussi des souches atténuées utilisées en vaccination, comme
déjà mentionné.
Physiopathologie de la maladie
de Marek
Le modèle actuel de la physiopathologie de la MD, sché-
matisé sur la figure 1, a été initialement proposé par Bruce
Calnek [15, 16]. Le MDV entre dans l’organisme par voie
respiratoire, après inhalation de poussières contaminées
[17, 18]. Là, il y infecte les lymphocytes B associés au
tissu lymphoïde des bronches [19], avant d’être transporté
dans les principaux organes lymphoïdes (bourse de Fabri-
cius, thymus, rate). Rappelons ici que les oiseaux n’ont
pas de ganglions lymphatiques comme les mammifères et
que la bourse de Fabricius est un organe spécifique des
oiseaux où s’effectue la sélection des lymphocytes B. Après
son amplification dans les lymphocytes B, le MDV infecte
les lymphocytes T activés, principalement CD4 positifs.
Un très faible nombre de ces lymphocytes T subiraient
76 Virologie, Vol 18, n◦2, mars-avril 2014
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