cas-image Virologie 2007, 11 (6) : 471-3 L’herpesvirus aviaire de la maladie de Marek : discordance entre infectiosité et particules virales physiques observées en microscopie électronique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. C. Denesvre C. Blondeau Laboratoire de virologie moléculaire, INRA, UR1282, Infectiologie animale et Santé publique, IASP, 37380 Nouzilly <[email protected]> L e virus de la maladie de Marek aussi appelé Gallid herpesvirus de type 2, est un alpha-herpesvirus, qui présente des propriétés biologiques particulières par rapport aux autres virus de cette sous-famille : oncogénicité, tropisme pour les lymphocytes et infectiosité strictement associée aux cellules vivantes en culture cellulaire. Ce virus pour lequel on n’a jamais détecté d’infectiosité dans les surnageants de culture se propage cependant efficacement en culture cellulaire. Les infections ne peuvent donc être réalisées que par coculture à partir de cellules infectées vivantes. De ce point de vue, le MDV est très proche d’un autre alphaherpesvirus, le virus humain de la varicelle et du zona (VZV). Cependant, à la différence du VZV, il n’est même pas possible actuellement d’obtenir des particules de MDV infectieuses à partir de lysats de cellules infectées. Cela a une conséquence directe dans le procédé de fabrication des vaccins MDV homologues utilisés en élevage aviaire. En effet, ceux-ci sont constitués de cellules infectées et doivent donc être conservés en azote liquide. Afin de mieux comprendre à quoi attribuer cette infectiosité restreinte du MDV, nous avons entrepris d’étudier la morphogenèse de ce virus, jamais décrite jusqu’alors. doi: 10.1684/vir.2007.0133 Les herpesvirus présentent un processus de morphogenèse complexe et unique au sein des virus enveloppés, débattu depuis plusieurs années. Le processus le plus couramment admis est celui du double enveloppement : les nucléocapsides assemblées dans le noyau bourgeonnent au niveau de la membrane nucléaire interne dans l’espace périnucléaire des cellules infectées. Les virions issus de ce premier enveloppement, aussi appelés virions primo-enveloppés, fusionnent avec la membrane nucléaire externe libérant ainsi des capsides « nues » dans le cytoplasme. Ces capsides s’enveloppent enfin une seconde fois au niveau du complexe de Golgi, du réseau trans-golgien ou des endosomes. Les particules enveloppées matures sont alors exportées vers la surface cellulaire et libérées dans le milieu extérieur. L’ensemble de ce processus est très bien décrit et discuté dans plusieurs revues [1, 2]. Afin d’étudier la morphogenèse du MDV, nous avons produit un MDV recombinant fluorescent dont la protéine de tégument VP22 était fusionnée à la protéine fluorescente EGFP. La VP22 est spécifique des alpha-herpesvirus et aucune mutation dans cette protéine n’a jamais été associée à une inhibition de la formation des particules virales. Ce virus recombinant, qui se réplique efficacement en culture Tirés à part : C. Denesvre Virologie, Vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2007 Figure 1. Vue par microscopie à épifluorescence de cellules primaires de poulet infectées par un virus recombinant de la maladie de Marek, le Bac20 EGFPVP22. Ce virus exprime une protéine de tégument VP22, codée par le gène UL49, fusionnée en N-terminal à la protéine fluorescente, GFP. Les cellules ont été triées par cytométrie de flux sur la base de la fluorescence verte et ré-ensemencées sur des lamelles de verre pendant 1 h 30 avant fixation. Les images ont été prises avec un microscope Zeiss équipé d’un système apotome. Les cellules triées sont positives pour la protéine majeure de capside. Le niveau d’expression de la protéine VP5 et sa localisation montrent que les cellules triées sont à un stade tardif du cycle viral. VP22, vert ; VP5, rouge ; ADN, bleu. barre, 20 lm. 471 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. cas-image cellulaire, nous a permis de trier par cytométrie en flux les cellules infectées à un stade tardif d’infection (figure 1) pour les étudier en microscopie électronique à transmission. Grâce à cette méthode d’enrichissement cellulaire, plus de 90 % des cellules observées en TEM présentaient au moins une capside virale intracellulaire (figure 2). Aucune particule virale extracellulaire n’a pu être détectée à partir de ces cellules bien que toutes les autres formes virales l’aient été. Nous avons dénombré dix fois moins de capsides nues dans le cytoplasme que dans le noyau. De plus, les particules virales cytoplasmiques enveloppées, comme celle présentée dans la figure 3, se sont révélées très rares. Cela est très différent des autres alphaherpesvirus, pour lesquelles de nombreuses particules virales enveloppées sont visibles dans le cytoplasme de chaque cellule mais aussi dans le milieu extracellulaire. Ainsi nous avons montré que le MDV semble déficient pour trois étapes cruciales de la morphogenèse virale : la sortie du noyau, le second enveloppement et le processus d’exocytose [3]. Afin d’augmenter nos chances de visualiser des particules virales extracellulaires, nous avons récemment analysé la surface de ces cellules infectées triées par microscopie électronique à balayage. Nous n’avons observé aucune image évoquant des particules d’herpesvirus à la surface des cellules comme c’est le cas avec le VZV dans certaines cellules [4]. Bien que nous n’ayons observé aucune particule virale de MDV par ces deux techniques de microscopie électronique, nous ne pouvons affirmer l’absence totale de telles particules en culture de cellules. Néanmoins, si elles existent, ces particules doivent être très peu nombreuses. Ces résultats sont en accord avec les propriétés biologiques du MDV en culture cellulaire, comme l’absence d’infectiosité à partir 0.5 µm * * * * * go N C go * * 2 µm Figure 2. Vue en microscopie électronique à transmission (MET) d’une cellule primaire de poulet infectée par le virus Bac20 EGFPVP22. Les cellules infectées fluorescentes ont été triées par cytométrie avant leur préparation pour la MET. Des capsides nues sont visibles dans le noyau et le cytoplasme et indiquées par des astérisques rouges. Aucune particule enveloppée (périnucléaire, cytoplasmique ou extracellulaire) n’est visible sur cette section. N, noyau ; C, cytoplasme ; go, complexe de Golgi. L’encadré montre des capsides cytoplasmiques nues à plus fort grossissement, dont deux de type C (têtes de flèche rouges). 472 Virologie, Vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2007 cas-image des surnageants et des lysats de cellules infectées. En revanche, ces résultats semblent en contradiction avec une réplication virale efficace et laissent penser que, en culture cellulaire, l’infection par le MDV se fait exclusivement par passage de cellule à cellule. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Remerciements. C. Blondeau a été financée par une bourse doctorale de la région Centre. Les auteurs remercient tous les membres de la plateforme RIO de microscopie de la faculté de médecine de Tours pour leur contribution dans ce travail. Nous remercions également la région Centre pour son soutien. Les auteurs sont membres de l’IFR136. Références 1. Mettenleiter TC. Herpesvirus assembly and egress. J Virol 2002 ; 76 : 1537-47. 2. Campadelli-Fiume G, Gianni T. HSV glycoproteins and their roles in virus entry and egress. In : Sandri-Goldin RM, ed. Alpha herpesviruses. Norfolk, UK : Caister Academic Press, 2006. Figure 3. Vue en MET d’une particule virale cytoplasmique enveloppée mature située dans une vésicule. Ce type de particules a été rarement trouvée sur l’ensemble des sections observées. La taille de cette particule enveloppée est de 230 nm x 195 nm. barre, 0,2 lm. 3. Denesvre C, Blondeau C, Lemesle M, et al. Morphogenesis of a highly replicative EGFPVP22 recombinant Marek’s disease virus (MDV) in cell culture. J Virol 2007 ; (in press). 4. Harson R, Grose C. Egress of varicella-zoster virus from the melanoma cell : a tropism for the melanocyte. J Virol 1995 ; 69 : 4994-5010.