INTRODUCTION Le terme "embryologie" signifie l'étude de la formation et du développement des êtres vivants. Toutefois, il est rare d'employer le terme dans le cas des êtres unicellulaires, même si ceux-ci peuvent passer par différents stades durant leur vie. On parle plutôt de cycle cellulaire ou cycle vital. L'embryologie suppose l'étude du développement d'êtres pluricellulaires, résultant de la reproduction sexuée de leurs parents. Néanmoins, les eukaryotes multicellulaires ont évolué à partir de protozoaires unicellulaires et c'est chez eux que sont apparus les caractères de base du développement. Le sexe et la reproduction sont deux processus distincts et qui peuvent être séparés: la reproduction consiste en la création de nouveaux individus; le sexe consiste en la combinaison de gènes de deux individus différents en un nouvel arrangement. La reproduction en l'absence de sexe est fréquente chez les unicellulaires, chez qui se confondent reproduction et division cellulaire. Le mécanisme de la mitose équationnelle assure en principe la transmission conforme de l'information génétique, les nouveaux individus étant identiques à leurs prédécesseurs. Certains organismes pluricellulaires se reproduisent également par un simple processus de mitoses successives suivies d'une fragmentention de l'organisme parental, le fragment détaché du parent constituant le nouvel individu: il s'agit du bouturage chez les plantes, du bourgeonnement ou de la scissiparité chez les animaux. Dans la reproduction non sexuée il n'y a pas de brassage de gènes. Le sexe sans la reproduction se retrouve communément chez les unicellulaires. Les bactéries transfèrent des gènes d'un individu à l'autre par des piliers sexuels sans qu'il y ait reproduction. Les protozoaires en font de même par conjugaison. En permettant le brassage des caractères héréditaires, la sexualisation a introduit la notion de variation dans l'espèce, favorisant ainsi les phénomènes d'évolution. L'union des deux processus distincts, sexe et reproduction, en reproduction sexuée se rencontre pour la première fois chez certains eukaryotes unicellulaires, tel Chlamydomonas. Les individus sont morphologiquement identiques (pas de mâles et de femelles) et haploïdes. Quand deux individus se rencontrent, disons un + et un -, ils joignent leurs cytoplasmes et leurs noyaux pour former un zygote diploïde, seul stade diploïde du cycle cellulaire. Le zygote subit une méiose pour former quatre nouvelles Chlamydomonas haploïdes. Il s'agit 1 d'une reproduction, car plusieurs nouveaux individus sont formés, sexuée, car il y a réarrangement des chromosomes lors de la méiose. Dans ces premières tentatives de reproduction sexuée chez des unicellulaires, deux avancements ont été accomplis: - la méiose: le complément diploïde des chromosomes est réduit à l'état haploïde 2 - la formation d'un tube de fertilisation, grâce à la polymérisation de la protéine actine, mécanisme qui permettra la reconnaissance et la fusion du spermatozoïde et de l'oeuf chez les pluricellulaires sexués. Les organismes pluricellulaires ont pour la plupart adopté la voie de la reproduction sexuée. Ils se constituent à partir d'une cellule diploïde initiale, le zygote, par une succession de mitoses équationnelles. Ce processus conduit à l'établissement d'une communauté formée, d'une part, d'un grand nombre de cellules diploïdes qui sont spécialisées morphologiquement et fonctionnellement: la lignée somatique, et, d'autre part, d'un autre type cellulaire diploïde qui évolue de façon particulière: la lignée germinale. Au terme de leur évolution, les cellules de la lignée germinale entreprennent la méiose et donnent naissance à des cellules haploïdes spécialisées en vue de la reproduction: les gamètes. L'union des gamètes mâle et femelle, la fécondation, conduit à la formation du zygote diploïde, qui est à l'origine d'un nouvel organisme. 3 Le cycle vital des métazoaires comprend trois phases principales: phase progressive: qui elle-même comprend trois étapes importantes: - pro-ontogenèse ou progenèse: qui inclut - gamétogenèse: formation des gamètes: soit spermatogenèse soit ovogenèse - fécondation: union des gamètes mâle et femelle donnant le zygote. - embryogenèse: le développement embryonnaire comme tel, qui comprend: - segmentation: série de mitoses qui résulte en la formation de la blastula - gastrulation: mouvements morphogénétiques des cellules de la blastula (blastomères) résultant en l'établissement des trois feuillets fondamentaux: endoderme, ectoderme, mésoderme. - organogenèse: division, réorganisation et migration des cellules des trois feuillets pour former les organes. La plupart des organes contiennent des cellules provenant de plus d'un feuillet. - croissance: période davantage caractérisée par une augmentation volumétrique des composantes de l'animal (et de l'animal entier) que par la formation de nouvelles structures. Dans cette période s'accomplit aussi la maturation des fonctions. phase adulte: arrêt général de la croissance, maintien de l'organisme phase sénile: vieillissement de l'organisme, dégénérescence et mort éventuelle. 4 GAMETOGENESE (cours 1) Gamétogenèse: différenciation des cellules germinales ou reproductrices, les gamètes. L'isogamie est la condition selon laquelle les gamètes des deux sexes sont semblables. Mais chez la plupart des espèces, les deux types de gamètes sont morphologiquement différents; il s'agit d'anisogamie ou hétérogamie: gamète mâle: spermatozoïde gamète femelle: oeuf La gamétogenèse prend le nom de spermatogenèse ou d'ovogenèse, selon le sexe. Elle se produit dans des organes spécialisés, les gonades: gonade mâle: testicule gonade femelle: ovaire Les gonades des Vertébrés jouent aussi un rôle endocrinien en renfermant dans leur tissu des cellules endocrines, d'où le terme de glandes génitales. Chez les espèces dites gonochoriques, spermatogenèse et ovogenèse se déroulent chez des individus différents. C'est le cas de la plupart des Vertébrés, sauf certains poissons et reptiles. Le sexe des individus gonochoriques est déterminé génétiquement dès la fécondation par la nature des chromosomes sexuels, symbolisés par X et Y chez les mammifères et Z et W chez les oiseaux. - L'un des sexes est homogamétique et ne forme qu'une catégorie de gamètes: la femelle (XX) chez les mammifères et le mâle (ZZ) chez les oiseaux. - L'autre sexe est hétérogamétique et forme deux catégories de gamètes différents par la nature d'un chromosome sexuel: le mâle (XY) chez les mammifères et la femelle (ZW) chez les oiseaux. Chez les espèces dites hermaphrodites, un même individu porte les gonades mâle et femelle, comme on le rencontre fréquemment chez les Invertébrés. - Hermaphrodite spontané: un même individu peut avoir simultanément des activités mâle et femelle, et la fécondation entre partenaires est réciproque. Ex. ver de terre, escargot. - Hermaphrodite successif: un même individu est successivement à activité mâle puis femelle. Ex. certains mollusques. La différenciation des gamètes présente une certaine uniformité dans le règne animal. Ainsi peut on décrire des stades communs à la spermatogenèse et à l'ovogenèse de toute espèce. 1- phase de multiplication: la gamétogenèse commence par une phase de multiplication pendant laquelle les cellules germinales diploïdes, spermatogonies et ovogonies, se divisent par mitoses et augmentent leur nombre. 2- phase d'accroissement: les gonies cessent de se diviser par mitoses et prennent le nom d'auxocytes primaires: spermatocytes I et ovocytes I; leur volume augmente par 5 accroissement du cytoplasme. Les auxocytes I entrent en prophase de la première division méiotique et répliquent leur ADN. 3- phase de maturation: marquée par la méiose. Les auxocytes I deviennent haploïdes, auxocytes secondaires: spermatocytes II et ovocytes II, puis, après la 2e division de méiose, spermatides et ovotides. Pendant cette phase se produit aussi une cytodifférenciation conduisant à l'anisogamie et résultant en la formation de gamètes fonctionnels mâle: spermatozoïde, et femelle: oeuf. GAMETOGENESE MALE: SPERMATOGENESE Voir schéma sur le système reproducteur mâle (humain) 6 La spermatogenèse a été décrite pour la première fois dans le testicule du ver nématode Ascaris par Hertwig en 1880. Chez la plupart des Vertébrés et de nombreux Invertébrés, les tissus séminifères sont organisés en tubules, nombreux et souvent contournés: les tubules séminifères. Ils sont séparés les uns des autres par du tissu conjonctif interstitiel renfermant, entre autre, des cellules à fonction endocrine, sécrétrices d'hormone, les cellules interstitielles de Leydig qui produisent la testostérone. Le testicule est entouré d'une capsule de tissu conjonctif, la tunique albuginée du testicule. Les tubules séminifères convergent vers la sortie du testicule et fusionnent en quelques tubules efférents, puis en un tubule unique, le canal de l'épididyme, long et maintes fois replié sur lui-même. Le canal de l'épididyme forme la structure appelée épididyme qui repose à la surface du testicule. Il se continue en un tube à paroi plus épaisse, le canal déférent, ou canal de Wolff. Les canaux déférents gauche et droit se jettent dans l'urètre, unique. L'urètre traverse le pénis, organe copulateur. Epididyme, canal déférent et 7 urètre constituent les voies génitales mâles que doivent traverser les spermatozoïdes pour aller féconder la gamète femelle. Un tubule séminifère est fait d'une paroi comprenant un épithélium stratifié souligné d'une membrane basale, elle-même sous-tendue de cellules contractiles appelées cellules péritubulaires ou myoïdes et de tissu conjonctif délicat. L'épithélium est composé de deux types cellulaires: 1- les cellules de la lignée germinale (spermatique), à renouvellement continu et qui se différencient en spermatozoïdes qui seront largués dans la lumière du tubule, et 2- les cellules de Sertoli, de soutien et nourricières des cellules germinales. Elles s'étendent de la base à l'apex de l'épithélium. Elles émettent de nombreux bras cytoplasmiques qui s'insèrent entre les cellules germinales et les entourent mais elles demeurent isolées des cellules germinales par une membrane basale. Leur noyau est volumineux, avec une chromatine diffuse et un gros nucléole, indications d'une activité de synthèse d'ARN, et leur cytoplasme contient des inclusions de réserves: gouttelettes lipidiques, glycogène et phosphatases. Elles phagocytent les cellules germinales qui dégénèrent ainsi que les résidus des spermatozoïdes mûrs (voir plus loin). Dans le testicule foetal, elles sécrètent des hormones anti-mülleriennes (AMH), qui dictent la dégénérescence du canal de Müller (voir Développement du système reproducteur), et la substance SGF: "spermiogenesis growth factor" (voir plus loin). La spermatogenèse comprend deux étapes, spermatogenèse proprement dite et spermiogenèse. Spermatogenèse (voir schéma) 8 1- phase de multiplication: Processus continu commençant dès la vie foetale, il devient très actif à la puberté (début de la maturité sexuelle et de la vie reproductrice) et se poursuit jusqu'à la sénescence. Les spermatogonies, diploïdes, se divisent par mitoses et augmentent leur nombre. Certaines de leurs cellules-filles demeurent cellules-souche à la base de l'épithélium du tubule séminifère; leur chromatine est condensée. D'autres cessent de se diviser et sont repoussées vers l'apex de l'épithélium; leur chromatine est diffuse. C'est à partir de ce moment qu'est calculé le début du cycle spermatogénique (voir plus loin). Ces cellules plus petites sont riches en ribosomes et sont reliées entre elles par des ponts cytoplasmiques (gap junctions). Elles portent maintenant le nom de spermatocytes I. S'entame maintenant la phase suivante. 9 2- phase d'accroissement: De brève durée. Les spermatocytes I, diploïdes, répliquent leur ADN (début de la première division méïotique) et accroissent leur volume total. Les spermatocytes issus d'une même spermatogonie restent reliés par des ponts cellulaires permettant l'échange d'informations et assurant la synchronie de leur différenciation. 3- phase de maturation: Commence à la puberté. La première division méiotique (réductionnelle) des spermatocytes I se termine. Ceux-ci sont maintenant appelés spermatocytes II, haploïdes et de taille deux fois moindre. Cette phase comprend aussi une synthèse active d'ARN dans les autosomes (les chromosomes non sexuels), ARN qui contrôle probablement la différenciation des spermatides. Les spermatocytes II subissent la deuxième division méiotique (méiose équationnelle) et prennent le nom de spermatides, repoussées de plus en plus vers la lumière du tubule séminifère. Ainsi, un spermatocyte I donne naissance à quatre spermatides. Font aussi partie de la phase de maturation les changements morphologiques et biochimiques que subissent les spermatides pour devenir spermatozoïdes. Ces changements constituent la spermiogenèse. Le cycle spermatogénique est la durée nécessaire à la différenciation d'une spermatogonie devenue post-mitotique (donc prenant le nom de spermatocyte I) en spermatozoïde mûr, incluant la spermiogenèse décrite ci-après. Ce temps est déterminé précisément pour chaque espèce, et à l'intérieur du cycle, chaque étape de différenciation a une durée précise. Par exemple, le cycle spermatogénique de la souris est de 26 jours, celui du rat de 40 jours (dont 12,8 jours dans l'épithélium séminifère) et celui de l'homme de 76 jours. Dans toute région de l'épithélium séminifère sont superposées des cellules germinales à différentes étapes de la spermatogenèse; une nouvelle génération de spermatogonies commence à se multiplier avant que les cellules de la génération précédente ne soient devenues spermatozoïdes. Des vagues de mitoses se succèdent à un rythme régulier. Toutefois, la vague mitotique n'est pas entamée simultanément sur toute la longueur d'un tubule séminifère donné. Une vague mitotique commence à l'extrémité d'un tubule et se poursuit le long du tubule jusqu'à l'autre extrémité. Ceci explique que des coupes transversales passant par différentes régions d'un même tubule ne présentent pas toutes le même stade de la spermatogenèse (voir Laboratoire 1). Etant donné la durée précise du cycle spermatogénique et celle précise de chaque étape du cycle, en coupe de testicule on peut identifier différents stades de la spermatogenèse, i.e., différentes combinaisons possibles de cellules spermatiques présentes à un niveau donné du tubule vu en coupe transversale. Le nombre de stades identifiables (combinaisons possibles) dépend de la durée du cycle et de la durée de chaque étape, ces paramètres étant spécifiques à une espèce animale. Ainsi, chez le rat, on peut décrire 14 stades du cycle spermatogénique (voir Laboratoire I). Spermiogenèse: cytodifférenciation de la spermatide en spermatozoïde La structure générale des spermatozoïdes est, à quelques exceptions près, uniforme chez toutes les espèces. On retrouve une tête qui comprend le noyau haploïde, coiffé sur sa face apicale de l'acrosome, le tout entouré d'une mince pellicule de cytoplasme; une pièce 10 intermédiaire qui comprend la base du flagelle et l'appareillage énergétique de la cellule; une queue qui comprend surtout un flagelle assurant la motilité du spermatozoïde. Le processus de spermiogenèse débute dans l'épithélium séminifère et se poursuit après que le spermatozoïde en soit expulsé. Une bonne partie des processus de différenciation décrits ici se produit une fois que les spermatozoïdes sont dans l'épididyme. 1- À partir de l'appareil de Golgi se forment des granules glycoprotéiques, les granules pro-acrosomiens, contenus dans des vésicules cytoplasmiques qui migrent vers le pôle apical de la spermatide. Ces vésicules fusionnent et forment l'acrosome, ou capuchon céphalique, qui coiffe la surface apicale du noyau cellulaire. L'acrosome est riche en phospholipides et glycoprotéines, en enzymes lytiques associées à ces molécules (hyaluronidase et hydrolases) et en une enzyme analogue à la trypsine. C'est donc un gros lysosome modifié. 2- Les deux centrioles de la spermatide migrent vers le pôle basal. L'un d'eux, le centriole distal, forme le corpuscule basal, ou cinétosome, à l'origine du flagelle. 3- La taille du noyau se réduit, la chromatine nucléaire se condense et l'acrosome adapte sa forme à celle du noyau, recouvrant environ les deux tiers apicaux de celui-ci. 4- Des microtubules ancrés au cinétosome commencent à former le flagelle. Ce dernier se compose de deux microtubules centraux entourés de neuf doublets de microtubules, tous fusionnés au niveau du centriole. Le tout est entouré de microfibrilles. 5- Le cytoplasme, avec le reste des organites, se déplace vers la région basale de la cellule et entoure la partie proximale du flagelle en formation. La forme du noyau et de l'acrosome devient de plus en plus caractéristique de l'espèce. La chromatine nucléaire achève de se condenser. Le flagelle 11 continue de s'allonger. Presque tout le cytoplasme est éliminé avec les organites qu'il renferme (Golgi, ribosomes, etc.) et ce résidu est phagocyté par les cellules de Sertoli. 6- Les mitochondries, regroupées derrière le noyau, se disposent les unes derrière les autres et forment une chaîne enroulée autour de la base du flagelle, dans la pièce intermédiaire; c'est l'hélice mitochondriale. Les ARN synthétisés durant la phase d'accroissement, avant la méiose (et éliminés avec le cytoplasme résiduel), codaient pour la synthèse de protéines nécessaires à la formation des organites des spermatozoïdes, entre autres les protéines microfibrillaires et microtubulaires, les enzymes de l'acrosome, les protéines nucléaires. L'ADN haploïde forme 20% du poids sec du spermatozoïde mûr. Les protéines nucléaires autres que les histones sont éliminées; les histones conservées contribuent à la condensation et à la stabilisation de la chromatine, la protégeant contre les altérations qu'elle pourrait subir pendant le passage des spermatozoïdes dans les conduits génitaux mâles, puis femelles (pour les animaux à fécondation interne). Le spermatozoïde mûr est donc une cellule extrêmement spécialisée, dépourvue de nombreux organites cytoplasmiques, n'ayant conservé que ceux indispensables à sa fonction: le transfert du patrimoine génétique mâle vers l'oeuf de la femelle. Chez les mammifères, il mesure de 40 à 250µm de longueur (53µm chez l'homme) et son volume est considérablement réduit, comparé à celui de l'oeuf. Par exemple, le spermatozoïde du taureau, avec un volume de 30µm3, n'atteint que le 1/20 000 du volume de l'oeuf de la vache (oeuf pourtant petit, relativement - voir chapitre suivant). La motilité du spermatozoïde est assurée par la pièce intermédiaire et le flagelle. La majeure partie du flagelle, l'axonème, consiste en deux microtubules centraux entourés de neuf doublets de microtubules. Dans chaque doublet, un seul microtubule est complet, avec 13 protofilaments, l'autre ayant la forme d'un C, avec 11 protofilaments. Les protofilaments sont composés exclusivement de la protéine dimérique tubuline. La dynéine, une protéine attachée aux microtubules, hydrolyse les molécules d'ATP et convertit l'énergie chimique libérée en énergie mécanique qui propulse le spermatozoïde. L'hélice mitochondriale de la pièce intermédiaire possède l'équipement nécessaire aux phosphorilations oxydatives apportant l'énergie nécessaire aux battements du flagelle et à la survie des spermatozoïdes. Les sources d'énergie sont fournies soit par des éléments externes, tel le fructose du liquide séminal, soit par des réserves endocellulaires, comme des phospholipides. Elles sont dégradées par les processus de la glycolyse en l'absence d'oxygène, avec formation d'acide pyruvique et lactique. En présence d'O2, les enzymes mitochondriales achèvent leur dégradation complète avec formation de CO2 et H2O. Ce mécanisme permet aux spermatozoïdes d'effectuer de longs parcours. Chez l'homme, ils peuvent se déplacer à une vitesse de 2-3µm/min. à 37°. La motilité est acquise dans l'épididyme, sous l'effet des sécrétions fournies par cette glande, additionnées des sécrétions des vésicules séminales et de la prostate rejetées dans le canal déférent. (Chez certaines espèces, Ascaris par exemple, les spermatozoïdes se meuvent par mouvements amiboïdes, grâce à des pseudopodes.) Au sortir du testicule, les spermatozoïdes n'ont pas encore la capacité de féconder l'oeuf. Pour ce faire, il leur faut subir encore deux séries de transformation: l'acquisition du pouvoir fécondant dans les voies génitales mâles, et la capacitation dans les voies femelles (chez les animaux à fécondation interne). 12 Le pouvoir fécondant est acquis lors de la traversée de l'épididyme, grâce à ses sécrétions. L'hélice mitochondriale achève alors sa mise en place et l'acrosome adopte sa forme définitive. Des sécrétions glycoprotéiques de l'épididyme se déposent à la surface membranaire du spermatozoïde et contribuent à la stabilisation de la membrane: elles masquent les sites antigéniques à la surface du spermatozoïde, lui assurant une impunité contre d'éventuelles agressions dans les voies femelles, et inhibent les enzymes de l'acrosome, évitant que celles-ci ne s'attaquent aux cellules des voies mâles ou femelles. Chez les animaux aquatiques à fécondation externe, motilité et pouvoir fécondant sont acquis au contact de l'eau. La capacitation se produit pendant le séjour de plusieurs heures qu'effectuent les spermatozoïdes dans les voies génitales femelles (chez les animaux à fécondation interne), et consiste en modifications des propriétés de leur membrane cytoplasmique. Par l'action d'enzymes protéolytiques du liquide utérin, la membrane est débarassée des sécrétions de l'épididyme qui lui étaient accolées; ses sites antigéniques sont démasqués et l'inhibition des enzymes acrosomales est levée. Il se produit une augmentation du métabolisme cellulaire. La capacitation est facilitée en période d'ovulation car le liquide utérin est enrichi en enzymes protéolytiques. La capacitation est réversible si les spermatozoïdes sont replacés dans le liquide séminal. La durée de vie des spermatozoïdes dans les voies femelles varie selon les espèces. Elle ne dépasse guère quelques jours chez les mammifères (sauf les chauves-souris dont les spermatozoïdes ont une plus longue viabilité). Notons un cas extrême, celui de l'abeille reine, chez qui ils peuvent survivre deux ou trois ans dans la spermathèque. L'activité mitotique de l'épithélium séminifère est très intense et dure pendant toute la vie reproductrice. Le lapin, par exemple, produit 80 000 spermatozoïdes/ minute. Chez l'homme, le volume de l'éjaculat est de 3 à 3,5cc et renferme de 60 000 000 à 120 000 000 spermatozoïdes/cc; environ 300 000 000 spermatozoïdes sont donc émis à chaque éjaculation. Le taureau éjacule 4cc de sperme qui renferme 1 000 000 000 de spermatozoïdes/cc Le chien éjacule 6cc de sperme qui renferme 200 000 000 de spermatozoïdes/cc L'étalon éjacule 70cc de sperme qui renferme 100 000 000 de spermatozoïdes/cc Le verrat éjacule 250cc de sperme qui renferme 200 000 000 de spermatozoïdes/cc Le liquide séminal est le véhicule liquide des spermatozoïdes. Sa production commence dans les tubules séminifères (fluide tubulaire), par le transport de plasma à partir des capillaires du tissu conjonctif interstitiel du testicule jusque dans la lumière des tubules. Le plasma exsudé doit donc traverser l'épithélium séminifère et, ce faisant, sa composition est modifiée par des sécrétions des cellules de Sertoli. Le fluide et les spermatozoïdes sont amenés dans l'épididyme. Les cellules sécrétices de la paroi épithéliale des tubules de l'épididyme ajoutent considérablement au fluide séminal, de même que les cellules des autres glandes des voies génitales mâles, jusqu'à l'obtention du fluide final qui sera éjaculé: le sperme. Contrôle endocrinien de la spermatogenèse: deux hormones glycoprotéiques de structure voisine, élaborées par l'hypophyse antérieure: 13 FSH: follicle-stimulating hormone, joue un rôle dans la croissance testiculaire et le déclenchement de la spermatogenèse à la puberté, en plus de stimuler l'activité mitotique de l'épithélium séminifère. ICSH: interstitial cell stimulating hormone, stimule la synthèse d'hormones androgènes, notamment la testostérone élaborée par les cellules interstitielles, et agit sur l'apparition des caractères sexuels secondaires. Elle stimule aussi l'activité mitotique des spermatogonies et agit sur les cellules péritubulaires en contrôlant la libération des spermatozoïdes dans la lumière des tubules séminifères. C'est l'analogue de la LH femelle. Les hormones hypophysaires sont elles-mêmes sous le contrôle d'hormones déclenchantes (releasing hormones), FSH-RH et ICSH-RH, sécrétées par l'hypothalamus. Par voie hypothalamique (système limbique), les stimuli externes peuvent agir sur l'activité spermatogénique. Par exemple, la lumière chez les oiseaux et les mammifères peut provoquer une décharge d'ICSH qui résulte en un pic de testostérone. Les androgènes, en concentration suffisante dans le sang, ont un effet rétro-inhibiteur sur l'activité de l'hypothalamus. Les androgènes, notamment la testostérone, élaborés pas les cellules interstitielles de Leydig contrôlent en partie le développement des caractères sexuels gonochoriques et somatiques chez l'embryon. Chez l'adulte, tel que mentionné, la testostérone augmente l'activité de l'épithélium germinal, donc la spermatogenèse, par action directe (par diffusion locale plutôt que par la circulation sanguine) sur les tubules séminifères. De plus, elle agit sur les cellules de Sertoli, pour que celles-ci créent l'environnement optimal à la fonction spermatogénique, et sur la vascularisation. Les hormones stéroïdes sécrétées par les gonades dérivent du cholestérol et en conservent la structure polycyclique. Un facteur de croissance sécrété par les cellules de Sertoli, le SGF (spermiogenesis growth factor) stimule la prolifération cellulaire dans l'épithélium séminifère et la synthèse de protéines nécessaires à la spermatogenèse. Durant l'ontogenèse (étudiée chez la souris), le SGF déclenche l'activité mitotique des cellules de Sertoli, des cellules péritubulaires (myoïdes) et des cellules interstitielles (de Leydig), en plus de stimuler la formation de vaisseaux sanguins dans le testicule. Il existe donc une interaction complexe entre les cellules interstitielles, les cellules de Sertoli, les cellules péritubulaires, les cellules germinales et la vascularisation. Voir tableau de construction des principales structures du spermatozoïdes. D'autres facteurs affectent la spermatogenèse: température: une fois produits, les spermatozoïdes sont amenés dans l'épididyme où ils sont emmagasinés pendant un certain temps. Dans l'épididyme, selon que l'espèce possède des testicules externes (dans le scrotum) ou en position abdominale, les spermatozoïdes se retrouvent à température inférieure de quelques degrés à la température corporelle. À température corporelle, le sperme serait moins viable. Cette théorie est de plus en plus contestée, à cause notamment du plus grand nombre d'espèces ayant des testicules internes (voir p. 120). nutrition: une carence en vitamines A et E et en acides gras résulte en une diminution de la spermatogenèse. 14 radiations ionisantes: les spermatogonies, qui se divisent très activement, y sont très sensibles. Une exposition à des radiations au dessus d'un certain seuil peut résulter en stérilité définitive. Les pesticides ont aussi une action stérilisante. Les anomalies de la spermatogenèse, résultant en une structure anormale du spermatozoïde qui perd son pouvoir fécondant, sont plus fréquentes chez les espèces à faible taux de fécondité. Le spermatozoïde peut être bicéphale, microcéphale, biflagellé, etc. Généralement, les spermatozoïdes porteurs de chromosomes anormaux dégénèrent. Chez le mulet, résultat du croisement d'un âne et d'une jument, l'appariement des chromosomes se fait difficilement et les gamètes dégénèrent au stade spermatocyte I. Pour que le sperme soit normalement fécond, il faut que moins de 20% des spermatozoïdes soient anormaux. Lorsque plus de 50% le sont, on parle de tératospermie. La stérilité peut aussi être due à une émission insuffisante de sperme, à un nombre insuffisant de spermatozoïdes dans le sperme (oligospermie), à l'absence de spermatozoïdes dans le sperme (azoospermie) ou à des spermatozoïdes insuffisamment mobiles (athénospermie). GAMETOGENESE FEMELLE: OVOGENESE (cours 2) La formation des cellules reproductrices femelles, les oeufs, se déroule dans les gonades femelles, les ovaires. Les cellules de la lignée germinale ne sont pas organisées dans des tubules comme chez le mâle, mais dispersées dans le stroma conjonctif de l'ovaire. Chaque cellule germinale est entourée de cellules de soutien appelées cellules folliculaires; la cellule germinale et les cellules folliculaires qui y sont associées forment ensemble le follicule ovarien. L'ovaire comprend deux régions histologiques, la médulla centrale et le cortex. Le cortex renferme les follicules séparés les uns des autres par du tissu conjonctif délicat et des petits 15 vaisseaux sanguins, la médulla renferme du tissu conjonctif et des vaisseaux plus gros. Les premières étapes de l'ovogenèse se produisent dans l'ovaire embryonnaire. 1- phase de multiplication: Dans l'ovaire embryonnaire des Vertébrés, les cellules germinales se multiplient activement et portent le nom d'ovogonies. Cellules diploïdes arrondies, d'aspect indifférencié et de grande taille, leur noyau renferme un ou deux nucléoles et une chromatine finement granulaire, et leur cytoplasme possède peu d'organites: quelques mitochondries, peu de réticulum endoplasmique et un appareil de Golgi réduit. Les ovogonies issues d'une même cellulesouche sont reliées par des ponts cytoplasmiques et leurs divisions sont synchrones. Leur activité mitotique est limitée dans le temps chez de nombreuses espèces. Chez les amphibiens et les téléostéens, l'activité mitotique des ovogonies est saisonnière: les mitoses surviennent après chaque ponte et reconstituent un lot d'ovogonies qui, après croissance, fourniront une ponte ultérieure; des nids d'ovogonies dormantes subsistent en permanence dans les ovaires. Chez les autres Vertébrés, les mitoses cessent avant la fin de la vie embryonnaire ou après la naissance. Par exemple, chez le poussin les divisions mitotiques cessent 4 à 8 jours après l'éclosion. Chez l'humain, les ovogonies cessent de se diviser à la 15e semaine de vie utérine; elles sont alors au nombre d'environ 4 millions. 2- phase d'accroissement: Plusieurs ovogonies dégénèrent; environ la moitié seulement des 4 millions (chez l'humain) entame la phase d'accroissement: on les appelle ovocytes I. Les ovocytes I ne sont plus reliés 16 par des ponts cytoplasmiques. La longue phase d'accroissement peut se scinder en deux sousphases. Une sous-phase de petit accroissement s'étend de la vie foetale à la puberté (âge de la maturité sexuelle) ou même plus tard (voir plus loin) et voit la dégénérescence de plusieurs ovocytes I. Par exemple, chez l'humain il en reste environ 500 000 à la naissance et 7 000 à la puberté; de ceux-ci environ 500 seulement termineront la seconde sous-phase d'accroissement, celle de grand accroissement. L'ovocyte I des mammifères accoît son diamètre de 30µm à 140µm, soit d'un facteur d'environ 4.5; celui de la grenouille d'un facteur de 27 000. La phase d'accroissement se caractérise par des activités de synthèses intenses: ADN, ARN et protéines, et par l'accumulation de différents matériaux exogènes, en vue du développement de l'embryon. L'accumulation de vitellus se produit pendant la sous-phase de grand accroissement et son importance varie selon les espèces. Au début de la phase d'accroissement, les ovocytes I, diploïdes, entrent en prophase de la première division méiotique. Le noyau est volumineux, avec de gros nucléoles. La première division de méiose se poursuit par une spiralisation des chromosomes au stade leptotène et leur appariement par éléments homologues au stade zygotène. Ils ont alors un aspect bien particulier selon les espèces: en écouvillon chez les amphibiens, en filament épais chez l'humain (noyau dictyé). Au stade pachytène apparaissent les complexes synaptosémaux qui représentent les aires d'appariement des chromosones homologues. Dans le cytoplasme des ovocytes I, les organites se rassemblent en grande partie dans une aire limitée, voisine du noyau, anciennement appelée noyau vitellin de Balbiani. Le stade diplotène est atteint peu après la naissance chez la plupart des Vertébrés, les complexes synaptosémaux disparaissent, les chromosomes homologues n'étant plus appariés qu'aux chiasma (crossing over). L'ovocyte I reste au stade diplotène jusqu'à la phase de maturation, qui débute à la puberté ou plus tard. 3- phase de maturation: Caractérisée par la poursuite de la méiose, elle commence à la puberté ou plus tard dans la vie adulte, jusqu'à la ménopause. Donc, tous les ovocytes I n'entament pas cette phase en même temps; la maturation se produit selon un cycle précis et n'implique que quelques ovocytes à la fois. Ainsi, dans l'ovaire d'une femelle amniote sexuellement mûre, on trouve des ovocytes I à l'état "dormant" et d'autres en processus actif de maturation. La première division méiotique résulte en deux cellules haploïdes de taille très inégale: un gros ovocyte II et un tout petit globule polaire, destiné à dégénérer. Chez l'humain, la ponte ovulaire, ou ovulation, se produit juste après la première division méiotique. C'est donc un ovocyte II qui est largué par l'ovaire et capté par le pavillon de l'oviducte. Chez d'autres espèces, l'ovulation peut se produire un peu plus tôt ou un peu plus tard dans le cycle méiotique. Chez l'humain, généralement un seul ovocyte II est émis tous les 28 jours environ, depuis la puberté jusqu'à la ménopause, par chacun des ovaires alternativement. Le nombre total de gamètes produits par une femme pendant sa vie entière est de l'ordre de 500 au maximum. Que différent de l'homme! L'ovocyte II entame la seconde division méiotique, qui reste bloquée en métaphase (blocage dû à l'action de la kinase sérine-thréonine de la protéine Mos ainsi qu'à l'activation du complexe cyclin-p34cdc2). Elle ne peut s'achever qu'en présence du spermatozoïde, qui produit un effet activateur en dégradant le complexe. L'ovocyte II qui achève la seconde division méiotique donne naissance à deux cellules haploïdes, elles aussi de taille fort 17 différente: un gros ovotide et un petit (deuxième) globule polaire qui dégénérera. Chez certaines espèces, le spermatozoïde pénètre l'oeuf avant même la fin de la première division méiotique, alors que l'oeuf est encore diploïde. Synthèses pendant l'ovogenèse Alors que le spermatozoïde n'a conservé que le strict nécessaire à la fécondation, l'oeuf, au contraire, conserve tout son cytoplasme et en emmagasine même davantage par des synthèses et par la capture de substances exogènes. C'est parce qu'il doit contenir le matériel nécessaire au début du développement de l'embryon. La rapidité et l'autonomie des premiers stades de développement dépendent de la quantité de substances accumulées pendant l'ovogenèse. Ceci s'éclaircira en étudiant le développement embryonnaire. Quelles sont ces synthèses effectuées durant la formation de l'oeuf? 1) réplication de l'ADN: L'ovocyte I réplique d'abord son ADN nucléaire (chromosomique) puis son ADN cytoplasmique (mitochondrial). À la fin de l'ovogenèse, il y a 100 fois plus d'ADN mitochondrial que d'ADN nucléaire. 2) synthèses d'ARN: ARNt: Les ARNt sont synthétisés tout au long de l'ovogenèse et s'accumulent, pour la plupart, dans le cytoplasme sous forme de particules ribonucléiques qui contiennent aussi des 5S ribosomaux: les informosomes. Un oeuf mûr d'amphibien, par exemple, contient 60,000 X plus d'ARNt qu'une cellule somatique. Ils sont associés aux acides aminés correspondants et à des aminoacyl-t-ARN synthétases. Ces ribonucléoprotéines sont stables et les ARNt seront utilisés pendant la segmentation de l'embryon. ARNm et ARNn: Les ARN nucléaires sont aussi appelés ARN hétérogènes à cause de leur coefficient de sédimentation variable. Avec les ARNm ils constituent les ARN informationnels. Ils sont synthétisés au stade diplotène sur les boucles des chromosomes écouvillons (voir ci-bas), durant la sous-phase de petit accroissement. ARNr: L'assemblage des ARN dans les ribosomes se fait pendant la sous-phase de grand accroissement de l'ovocyte; la réserve de ribosomes accumulée pendant l'ovogenèse est stable et servira au début de la vie embryonnaire. Elle suffira à assurer les synthèses protéiques en début de développement, jusqu'à ce que les synthèses d'ARN à partir du génome de l'embryon soient opérantes et suffisantes. Chez les amphibiens, par exemple, les ARNr maternels sont fonctionnels jusqu'à des stades larvaires avancés, ce qui n'est pas le cas chez les mammifères. Les chromosomes écouvillons se retrouvent dans les ovocytes au stade diplotène chez tous les groupes zoologiques mais se voient particulièrement bien chez les amphibiens à cause de la grande taille de leurs chromosomes. Les redondances géniques sont nombreuses. 18 Chaque chromosome d'une paire d'homoloques comporte deux chromatides dont la chromatine est condensée à certains niveaux: les chromomères. L'activité transcriptionnelle y est nulle au stade diplotène. À d'autres niveaux la chromatine est décondensée en boucles symétriques d'environ 50nm; ce sont des sites de transcription génique pendant l'ovogenèse. Ces sites actifs représentent 5 à 10% de la longueur totale des chromosomes. Le chromosome écouvillon n'est pas une structure statique mais dynamique: les boucles se déplacent le long des chromatides. Donc, c'est plus que 5 ou 10% des gènes qui sont transcrits pendant l'ovogenèse. La position et la taille des boucles d'un chromosome écouvillon sont caractéristiques de l'espèce. Une grande partie des ARN synthétisés par les chromosomes écouvillons consiste en ARN informationnels, synthèse qui commence pendant la sous-phase de petit accroissement. 90% de l'ARN informationnel est répétitif. Les espèces moléculaires sont donc présentes en plusieurs milliers d'exemplaires. Un grand nombre de gènes sont transcrits dans l'ovocyte. Une portion des ARN se dégrade durant l'ovogenèse, notamment des ARN hétérogènes, mais la plupart sont stables. Une façon de stabiliser les ARNm est la poly-adénylation. Les acides poly-adényliques sont eux-mêmes très stables et ils stabilisent les ARNm auxquels ils sont liés: ARNm-poly-A. Si les ARN étaient libérés des complexes qui les séquestrent, ils pourraient être traduits; il est donc important qu'ils soient séquestrés pendant l'ovogenèse pour n'être utilisés que pendant les premiers stades embryonnaires. Dans les petits oeufs alécithes (voir plus loin), les ARN sont synthétisés en moindre quantité et consistent surtout en ARNt et ARNr. 3) Synthèses de protéines: Synthétisées pendant la phase de grand accroissement, elles consistent principalement en: 19 histones: protéines qui entrent en quantité égale à l'ADN dans la composition de la chromatine, les histones synthétisées durant l'ovogenèse serviront notablement durant la segmentation de l'embryon, quand le nombre de cellules augmente exponentiellement. Bien que les gènes codant pour les histones soient répétitifs, leur transcription et leur traduction par l'embryon durant sa segmentation ne seraient suffisamment rapides; il faut donc les accumuler durant l'ovogenèse. tubulines: protéines qui entrent notamment dans la composition des microtubules, les tubulines synthétisées et emmagasinées pendant l'ovogenèse serviront surtout à former les fuseaux mitotiques pour la segmentation de l'embryon. La transcription et la traduction des tubulines ne pourraient s'effectuer suffisamment rapidement par les cellules embryonnaires qui se divisent rapidement; elles doivent donc elles aussi être accumulées pendant l'ovogenèse. actine: pour la cytocinèse des cellules embryonnaires protéines ribosomales: qui entrent dans la composition des ribosomes, sont abondantes vue la quantité importante de ribosomes formés durant l'ovogenèse. Les ribosomes servent pendant la synthèse des protéines. ADN- et ARN-polymérases: abondantes. Certaines des protéines synthétisées pendant l'ovogenèse sont fondamentales pour le développement de l'embryon. Une mutation les affectant peut arrêter le développement. 4) Synthèses de facteurs morphogènes: Ils dirigeront la différenciation cellulaire de l'embryon; ils sont distribués différentiellement aux cellules du jeune embryon. Vitellus: Le vitellus n'est pas une substance chimique bien définie. Il comprend des protéines, phospholipides, graisses neutres et glycogène. Le vitellus est assemblé dans l'ovocyte mais ses précurseurs sont synthétisés ailleurs. Protéines et phospholipides proviennent du foie et passent dans la circulation sanguine, atteignent la thèque interne où ils sont rejetés hors des capillaires sanguins, dans l'espace intercellulaire d'où ils sont captés par les cellules folliculaires, puis transférés à l'ovocyte. Le vitellus servira de réserve nutritive à l'embryon jusqu'à ce qu'il puisse se nourrir par lui-même. Son importance varie selon les groupes zoologiques. La localisation du vitellus dans le cytoplasme varie parmi les groupes dont les oeufs en contiennent beaucoup. Quantité et localisation du vitellus affecteront la fécondation et le développement embryonnaire. Ainsi, selon la quantité et la localisation cytoplasmique du vitellus, il est possible de décrire cinq grands types d'oeufs: alécithes: n'accumulent pas de vitellus, tels ceux des mammifères euthériens. oligolécithes: accumulent peu de réserves vitellines, tels ceux des oursins. isolécithes: les oeufs alécithes et oligolécithes sont aussi dits isolécithes: qui accumulent peu ou pas de vitellus 20 mésolécithes: accumulent une certaine quantité de vitellus, initialement distribué uniformément dans le cytoplasme (homolécithes) mais devenant ségrégé du cytoplasme actif à la fécondation (hétérolécithe), tels ceux des amphibiens et de certains poissons. télolécithes: accumulent une très grande quantité de vitellus qui est ségrégé, en masse compacte, du reste du cytoplasme. Ce dernier prend le nom de cytoplasme actif, réduit à un petit disque à la surface du vitellus. Ces oeufs se retrouvent chez les mollusques bivalves, les céphalopodes, les poissons téléostéens, les reptiles et les oiseaux. centrolécithes: les oeufs des insectes accumulent un abondant vitellus qui forme une masse compacte au centre de la cellule. Le noyau est au centre du vitellus et le cytoplasme actif est périphérique. Les oeufs mûrs sont généralement sphériques; ils sont allongés, ovoïdes, chez certains animaux: les insectes, certains poissons. Développement du follicule ovarien mammalien Follicule primordial Chez l'embryon, les ovogonies sont des cellules arrondies et indifférenciées, de diamètre d'environ 20µm, retrouvées en groupes dans le cortex ovarien, particulièrement à la périphérie du cortex. Par la suite, l'ovocyte I, d'environ 30µm de diamètre après la sousphase de petit accroissement et bloqué au stade diplotène de la première division méiotique, s'entoure d'une assise de petites cellules somatiques pavimenteuses, reliées par des ponts cytoplasmiques et desmosomes: les cellules folliculaires. Ovocyte I et épithélium folliculaire pavimenteux forment ensemble le follicule primordial. Plusieurs d'entre eux dégénèrent. Follicule primaire À partir de la puberté et au premier jour de chaque cycle sexuel, un petit nombre d'ovocytes primaires s'engage dans la sous-phase de grand accroissement puis dans la phase de maturation, tel que décrit ci-haut. Les cellules folliculaires autour d'un ovocyte I deviennent 21 cuboïdales, puis cylindriques. L'ovocyte I sécrète une membrane basale qui devient épaisse et facilement identifiable, la zona pellucida; cette sécrétion glycoprotéique entoure l'ovocyte, le séparant de l'épithélium folliculaire, et agit comme barrière contre la pénétration de substances de haut poids moléculaire, comme des protéines et des polysaccharides. Les membranes cytoplasmiques de l'ovocyte et des cellules folliculaires ne sont pas lisses; elles décrivent de nombreuses petites digitations, genre de microvillosités, qui pénètrent dans la zone pellucide et se touchent l'une l'autre; elles donnent une apparence striée à la zone pellucide (autrefois appellée zona radiata). Les microvillosités permettent d'augmenter considérablement la surface membranaire (celle de l'ovocyte de grenouille est augmentée d'un facteur de 35) et sont l'indice de transports membranaires intensifs. Par pinocytose, elles permettent les échanges de substances de haut poids moléculaire que la zone pellucide empêche de traverser. Les substances exogènes captées par l'ovocyte passent donc d'abord par les cellules folliculaires, qui agissent comme filtre. Le transfert de substances s'effectue moindrement en sens inverse (de l'ovocyte vers les cellules folliculaires). Les cellules folliculaires sécrètent une membrane basale à leur face basale, moins épaisse que la zone pellucide. Les cellules et fibres du tissu conjonctif entourant le follicule se disposent de façon concentrique autour de lui: ébauche de la thèque. Le terme de zone pellucide s'emploie surtout chez les mammifères; on parle d'enveloppe vitelline chez les autres animaux. Follicule secondaire (schéma) L'ovocyte I continue d'accroître son volume. Les cellules folliculaires se divisent par mitoses, formant un épithélium bi- puis pluri-stratifié autour de l'ovocyte, épithélium entouré d'une membrane basale. Elles sont reliées par des ponts cytoplasmiques permettant l'échange de substances de faible poids moléculaire. À cause de la petite taille des cellules, donc du taux nucléoplasmique élevé, l'épithélium folliculaire a une apparence granulaire et porte le nom de zona granulosa. Comme tout épithélium, il est invasculaire; ses cellules, comme l'ovocyte, sont nourries par diffusion à partir des capillaires de la thèque. 22 La thèque s'épaissit et se subdivise en deux zones: thèque interne, davantage cellulaire que fibreuse, très vascularisée et dont les cellules se différencient en cellules endocrines sécrétrices d'oestrogènes, et thèque externe, plus fibreuse que cellulaire, moins vascularisée, elle a l'aspect habituel du tissu conjonctif, celui-ci arrangé de façon concentrique autour du follicule. Le fluide (liqueur) folliculaire est un sérum qui diffuse à partir des capillaires avoisinants et s'accumule entre les cellules folliculaires, créant ainsi des petits lacs entre elles. Il est riche en oestrogènes, en partie sécrétés par les cellules de la thèque interne. Ovocyte et sa membrane basale, zona granulosa, sa membrane basale et le fluide folliculaire, ainsi que les thèques interne et externe forment ensemble le follicule secondaire. Plusieurs follicules secondaires dégénèrent. 23 Follicule tertiaire (schéma) De plus en plus de fluide folliculaire diffuse à partir des capillaires de la thèque interne vers la zone granulaire; les lacs deviennent de plus en plus grands et fusionnent en un bassin unique, l'antre folliculaire. L'antre devient tellement volumineux qu'il forme la plus grande partie du follicule. Il se trouve à diviser la zone granulaire en deux régions: une région interne qui entoure l'ovocyte et sa zone pellucide, de quelques assises cellulaires d'épaisseur et appelée corona radiata, et, autour de l'antre, le reste de la zone granulaire. Cette dernière région demeure rattachée à la couronne radiaire par un pont de cellules folliculaires appelé cumulus oophorus. Pendant ce temps, l'ovocyte I accroît toujours son volume, étant en processus actif de synthèses. Le follicule ovarien à ce stade de développement est appelé follicule tertiaire par certains auteurs et follicule secondaire avancé par d'autres. Plusieurs d'entre eux dégénèrent, phénomène appelée atrésie. Les follicules avancés qui dégénèrent portent le nom de follicules atrésiques. Follicule mûr ou follicule de De Graaf Le follicule continue son développement. L'ovocyte I cesse de synthétiser ARN et protéines, les chromosomes se condensent et la diacinèse commence; la première division méiotique s'achève et le premier globule polaire est émis; il demeure accollé contre le gros ovocyte II sous la zone pellucide. Le follicule mûr est tellement gros qu'il fait saillie à la surface de l'ovaire. Chez l'humain, il atteint de 10 à 15mm de diamètre. 24 Ovulation ou ponte ovulaire L'accroissement volumétrique du fluide folliculaire dans l'antre exerce une pression considérable sur le tissu folliculaire et entraîne sa rupture à la surface de l'ovaire, rupture qui est également sous le contrôle de l'hormone hypophysaire lutéinisante. Le cumulus oophorus et la zone granulaire se brisent, les thèques cèdent et l'ovocyte, sa zone pellucide et sa couronne radiaire, ensemble l'ovule, sont relâchés dans la cavité pelvienne. Le fluide folliculaire est aussi expulsé. L'ovaire étant recouvert par l'ampoule de l'oviducte (les deux n'étant pas continus mais apposés), l'ovule émis est donc facilement capté par l'ampoule et s'engage dans l'oviducte qui le transporte vers l'utérus. Ce qui reste du follicule mûr dans l'ovaire, le follicule déhiscent, se transforme en corpus luteum (corps jaune): les capillaires sanguins de la thèque interne envahissent l'espace entre les cellules folliculaires restantes qui, sous l'effet de FSH et LH circulantes, se transforment en cellules endocrines sécrétant progestérones et oestrogènes. Ces hormones gagnent la circulation et préparent la paroi utérine à une nidation éventuelle. S'il y a fécondation le corps jaune est maintenu par l'action d'hormones, sinon il dégénère et une cicatrice se forme, le corpus albicans (corps blanc). contrôle hormonal de l'ovogenèse À partir de la puberté, l'hypothalamus sécrète des hormones déclenchantes (releasing hormones - RH) qui stimulent l'activité de l'hypophyse antérieure. Celle-ci, en réponse, élabore deux hormones glycoprotéiques gonadotrophes de structure assez voisine: FSH: follicle stimulating hormone, active la croissance des follicules ovariens, dont la sécrétion d'oestrogènes par les cellules de la thèque interne. L'atrésie folliculaire est due au fait que le taux de FSH circulante ne suffit pas à assurer la croissance de tous les follicules engagés dans la phase de maturation durant un cycle donné. Seulement quelques follicules, généralement un seul chez l'humain, complètent la maturation. La FSH stimule ensuite la formation du corps jaune. LH: luteinizing hormone, provoque la rupture du follicule mûr et l'ovulation en plus de déclencher la poursuite de la première division méiotique de l'ovocyte I. La LH stimule la transformation du follicule déhiscent en corps jaune. Un équilibre doit exister entre les deux hormones: le contrôle de la phase finale de croissance du follicule nécessite un maximum de FSH en présence de LH. Ces hormones déterminent aussi le nombre de follicules qui mûrissent simultanément et qui dégénèrent. Le cycle sexuel de la femelle peut être divisé en plusieurs phases: phase folliculaire: Au début du cycle le taux des hormones stéroïdes sexuelles circulantes est faible, ayant pour effet de stimuler la production de FSH-RH par l'hypothalamus, qui stimule la production de 25 FSH par l'hypophyse. En favorisant la croissance des follicules ovariens, la FSH stimule la production d'oestrogènes par eux, hormones qui atteignent un pic peu avant le milieu du cycle. L'augmentation du taux d'oestrogènes sanguins incite la production hypothalamique de LHRH qui provoque une libération massive de LH hypophysaire. phase ovulatoire: Le taux de LH est maximal au milieu du cycle et provoque l'ovulation. phase lutéale: Après l'ovulation LH et FSH stimulent la formation du corps jaune (luteum), donc la production de progestérones et d'oestrogènes qui agissent sur l'utérus en le préparant pour la nidation éventuelle. phase gestationnelle: Si la nidation a lieu, le chorion produit une hormone, HCG (human chorionic gonadotropin), dont l'effet est analogue à celui de la LH: elle stimule la production de progestérones par le corps jaune et favorise le développement de l'embryon et du placenta. Le placenta produira lui-même des oestrogènes et progestérones durant la gestation. phase menstruelle: Si la nidation n'a pas lieu, le taux élevé de progestérones et d'oestrogènes circulantes exerce un effet négatif sur l'hypothalamus qui diminue alors sa synthèse d'hormones déclenchantes. Celles-ci ne sollicitant plus l'hypophyse, la production de FSH et LH diminue, et par conséquent la production d'hormones sexuelles par l'ovaire à la fin du cycle sexuel. Le corps jaune devient corps blanc. La paroi utérine privée de stimulation subit une vasoconstriction et une nécrose de ses couches superficielles, suivies d'une vasodilatation et d'une hémorragie. Dans le contrôle de la gamétogenèse, l'hypothalamus représente l'échelon de la perception, l'antéhypophyse celui d'exécution et les gonades constituent les glandes cibles. La régulation de l'activité endocrine des gonades s'effectue suivant le principe du rétrocontrôle négatif: une diminution du taux circulant d'une hormone stéroïde sexuelle donnée signale la sécrétion hypothalamique de RH correspondante. L'hypophyse, sollicitée par la RH, élabore la stimuline correspondante. L'hormone hypophysaire active la production par la cible (gonade) de l'hormone sexuelle en quantité nécessaire pour rétablir le niveau "normal" de celle-ci. En concentration supérieure, cette hormone inhibe la production de RH hypothalamique. L'hypothalamus n'agit pas qu'en réponse à des concentrations d'hormones circulantes mais possède aussi une régulation cyclique fort complexe et peut répondre à des stimuli externes. chez les amphibiens: L'activité mitotique des ovogonies est saisonnière: les mitoses surviennent après chaque ponte et reconstituent un lot d'ovocytes qui, après croissance, formeront une ponte ultérieure; des nids d'ovogonies dormantes subsistent en permanence dans les ovaires. La croissance des follicules provenant d'une même vague mitotique saisonnière est synchrone. Le follicule mûr consiste en l'ovocyte entouré d'une membrane basale appelée enveloppe vitelline, d'une assise de cellules folliculaires sous-tendue d'une membrane basale et d'une thèque interne 26 vascularisée. Celle-ci n'est pas immédiatement entourée par la thèque externe mais par un épithélium simple appelé épithélium ovarien interne, discontinu en une région qui est reliée à la thèque externe. Cette dernière englobe plusieurs follicules ovariens. Les follicules amphibiens subissent une croissance importante à la fin de leur cycle, ceci par l'accumulation de vitellus dans l'ovocyte pendant la fin de la phase diplotène (sous-phase de grand accroissement). L'ovocyte accroît son volume de 27 000 fois chez la grenouille. La sousphase de petit accroissement correspond donc à la période de prévitellogenèse et celle de grand accroissement à celle de vitellogenèse. Parallèles entre spermatogenèse et ovogenèse durée du cycle: Le cycle se définit comme étant le temps nécessaire à la transformation d'une gonie nouvellement post-mitotique en gamète. La spermatogenèse est de plus courte durée que l'ovogenèse, différence d'autant plus marquée chez les Vertébrés supérieurs, chez qui un cycle 27 spermatogénique ne dure que quelques semaines et un cycle ovogénique peut s'étendre sur toute la vie sexuelle de la femelle, des décennies parfois. localisation temporelle de la période de multiplication: Elle dure toute la vie génitale chez le mâle. Chez la femelle des anamniotes (poissons, amphibiens), des vagues de mitoses et de pontes alternent. Chez les amniotes, les ovogonies cessent de se multiplier pendant la vie foetale ou périnatale. importance de l'accroissement: Le volume des spermatocytes I augmente peu par rapport à celui des spermatogonies. L'accroissement des ovocytes I, qui accumulent des réserves parfois volumineuses, est considérable et de longue durée. place de la méiose dans le cycle: Sur la lignée mâle, après une phase de synthèse dans les spermatocytes I, les deux divisions méiotiques précèdent la différenciation morphologique en spermatozoïdes (spermiogenèse). La "différenciation" de l'ovocyte, qui consiste en réalité en accroissement volumétrique, a lieu dans la cellule diploïde. résultat de la méiose: À l'issue de la méiose, un spermatocyte I aura donné naissance à quatre spermatozoïdes identiques et fonctionnels. Un ovocyte subit des divisions méiotoques très inégales quant à la quantité de cytoplasme partagé entre les cellules-filles: une seule conserve toutes les réserves cytoplasmiques et sera fonctionnelle, l'ovocyte II puis l'ovotide, les globules polaires dégénérant. Quelques caractéristiques des oeufs Avant de décrire la fécondation, apportons quelques détails additionnels sur les caractéristiques des oeufs, outre ce qui a déjà été dit de la quantité de vitellus qu'ils renferment et de sa localisation, puisque ces caractéristiques influencent la fécondation et le développement embryonnaire. polarité: À la fin de l'ovogenèse, on note une distribution inégale des composantes cellulaires dans le cytoplasme de l'oeuf, lui imputant une polarité. Dans les oeufs vitellins, le pôle animal se retrouve du côté du noyau (excentré) et le pôle végétatif du côté du vitellus. Lors des divisions méiotiques, le premier globule polaire est émis au pôle animal. Cette observation aide à définir le pôle animal dans les oeufs isolécithes. Outre la distribution préférentielle de certaines composantes cytoplasmiques, la polarité de l'oeuf mûr peut s'exprimer au niveau moléculaire. Par exemple, dans certains oeufs mammaliens, sans polarité évidente, la 28 membrane cytoplasmique n'est pas identique sur toute sa surface. Durant l'ovogenèse, il apparaît une région membranaire dépourvue des microvillosités qui caractérisent le reste de la membrane. Les composantes moléculaires diffèrent quelque peu dans cette région lisse. De plus, le cytoplasme cortical sous la membrane lisse renferme plus de filaments d'actine, qui sont ancrés dans la membrane. Or, il s'avère que cette région membranaire lisse se situe à l'antipode du point d'émission du premier globule polaire (tiré de Talansky et al., Molec. Reprod. Devel., 28(1991):183-188). L'hétérogénéité de la membrane ovocytaire est probablement plus la règle que l'exception chez les différents groupes zoologiques. L'axe A-V de l'oeuf, déterminé durant l'ovogenèse, définit la future polarité antérieure - postérieure de l'embryon. L'origine de la polarité est obscure. Elle peut être multiple. On soupçonne qu'elle est prédéterminé par la localisation cytoplasmique d'information dans l'oeuf. La position du centrosome (région cytoplasmique renfermant les centrioles) par rapport au noyau établit une polarité dont l'axe est la ligne passant par le noyau et le centrosome. Cette polarité affecte la distribution des composantes cytoplasmiques et même la structure du noyau. Au stade leptotène de la méiose, les chromosomes convergent vers la face du noyau la plus près du centrosome et présentent une configuration qui mérite à ce stade le nom de "stade en bouquet". Ces facteurs qui pourraient attribuer une polarité à l'oeuf sont intrinsèques à la cellule. Existet-il des facteurs extrinsèques ayant le même pouvoir? L'établissement de la polarité sera discuté au dernier chapitre. granules corticaux: Vésicules cytoplasmiques sphériques renfermant des enzymes protéolytiques et retrouvées dans le cortex de l'oeuf sous la membrane cytoplasmique, les granules corticaux proviennent de l'appareil de Golgi dans le cytoplasme interne, durant la phase de grand accroissement. Ils jouent un rôle important lors de la fertilisation. Ils se retrouvent dans les oeufs de plusieurs groupes d'animaux: annélides, oursins, mollusques bivalves, poissons, anoures, certains mammifères (hamster, lapin, humain). Ils sont absents chez les insectes, les mollusques gastropodes, les urodèles, les reptiles, les oiseaux et certains mammifères (cobaye, rat). pigmentation: Dans les oeufs pigmentés, les granules de pigment se retrouvent surtout dans le cytoplasme cortical. Le pigment peut être concentré au pôle animal, et particulièrement dans une moitié du pôle qui correspond à la future face dorsale de l'embryon. Le pigment peut être uniforme tout autour de l'oeuf et n'être que plus tard distribué inégalement aux cellules-filles, à la segmentation. Le pigment n'est probablement pas important pour le développement de l'embryon. Certains animaux ont des oeufs non pigmentés et se développent de la même façon que des espèces voisines pigmentées. Mais le pigment s'avère un repère permettant de suivre le développement embryonnaire. Enveloppes: À part la membrane cytoplasmique qui délimite toute cellule, des enveloppes additionnelles entourent l'oeuf de toutes les classes zoologiques, sauf certaines éponges et certains coelentérés. Il existe deux catégories d'enveloppes: les enveloppes primaires se développent autour de l'oeuf quand il est encore dans l'ovaire tandis que les enveloppes secondaires sont sécrétées par les tissus des voies génitales parcourues par l'oeuf après l'ovulation. 29 enveloppes primaires La zona pellucida est sécrétée pas l'ovocyte (et les cellules folliculaires?) durant l'ovogenèse. Il s'agit d'une épaisse membrane basale, riche en mucopolysaccharides (PAS+) et en protéines fibreuses. Chez les groupes sous-mammaliens, l'on ne parle pas de zone pellucide mais de membrane ou enveloppe vitelline. Les cellules folliculaires retenues autour de l'ovocyte et de sa zone pellucide (ou enveloppe vitelline) à l'ovulation ne font pas partie de l'enveloppe primaire. Elles seront détachées au fur et à mesure que l'oeuf parcourt l'oviducte. enveloppes secondaires (voir schémas): Sécrétées par les cellules de la paroi de l'oviducte, les enveloppes secondaires sont déposées à la surface de l'oeuf. Chez les mammifères, une substance gélatineuse qui a la propriété d'absorber l'eau entoure la corona radiata. Chez les reptiles et les oiseaux, une couche fibreuse est ajoutée à l'enveloppe vitelline dès que l'oeuf atteint l'oviducte. Elle est considérée comme faisant partie de l'enveloppe vitelline. Dans les trois heures suivantes, l'albumen (blanc de l'oeuf) est déposé autour. Entourant l'albumen, les deux membranes coquillères, interne et externe, se composent de kératine. Finalement, la coquille de carbonate de calcium délimite l'oeuf entier. Nous reviendrons sur cela. Chez les amphibiens, les poissons et les invertébrés aquatiques, une gelée, ayant aussi la propension de retenir l'eau, permet aux oeufs de s'agglutiner, d'adhérer aux plantes aquatiques ou flottantes, aux roches, etc. 30 31 SEGMENTATION OU CLIVAGE (cours 4) Chez toutes les espèces connues, la production d'un organisme pluricellulaire commence par une étape appelée segmentation, qui consiste en une série de divisions mitotiques. L'oeuf fécondé, plus ou moins considérable selon les groupes zoologiques, est segmenté en de nombreuses petites cellules appelées blastomères. La masse de cellules résultante s'appelle blastula et est généralement creusée d'une cavité, le blastocoele, remplie de fluide. La segmentation est le résultat de deux processus coordonnés: caryocinèse: division mitotique du noyau, dont l'agent mécanique est le fuseau mitotique avec ses microtubules composés de tubuline. cytocinèse: division de la cellule entière, dont l'agent mécanique est l'anneau contractile de microfilaments composés d'actine. Chez la plupart des espèces il n'y a pas de gain volumétrique total durant la segmentation. Ceci résulte de l'absence de période de croissance interphasique (entre les divisions) qui caractérise normalement le cycle cellulaire. Durant la segmentation, la cytocinèse s'effectue à un rythme accéléré tandis qu'aucun cytoplasme nouveau est ajouté aux cellules-filles: la masse cytoplasmique de l'oeuf leur est répartie. Ainsi les cellules-filles deviennent de plus en plus petites au fur et à mesure que progresse la segmentation. Les asters du fuseau mitotique dictent le plan de division cellulaire: ce dernier est toujours perpendiculaire à l'axe du fuseau mitotique. Le premier plan de clivage est spécifié par le point d'entrée du spermatozoïde dans l'oeuf, qui amène une réorganisation du cytoplasme de l'oeuf, notamment du cytosquelette, incluant une protéine importante de celui-ci, la vimentine. Donc, le centriole mâle agit comme centre organisateur. Outre cette influence directe du centre organisateur mâle sur le premier plan mitotique du zygote, d'autres facteurs agissent sur la segmentation: 1) des facteurs dans le cytoplasme (morphogènes) de l'oeuf peuvent influencer le fuseau mitotique, dont le moment de sa formation; 2) la quantité et la localisation du vitellus dans le cytoplasme. Le vitellus détermine où peuvent s'effectuer les divisions, leur cinétique, la taille relative des blastomères et du blastocoele ainsi que la durée totale de la période de segmentation. Les divisions se déroulent plus rapidement au pôle pauvre en vitellus, le pôle animal, qu'au pôle riche en vitellus, le pôle végétatif. Ceci sera clarifié bientôt. Tout en tenant compte de l'influence du centre organisateur mâle sur le premier plan de clivage, le type de segmentation, c'est-à-dire la séquence des plans de division, des cinétiques mitotiques et la grosseur relative des blastomères, est caractéristique à un groupe zoologique et est invariable (sous contrôle génétique). Les oeufs ne contenant pas une grande quantité de vitellus subissent une segmentation holoblastique: les plans de clivage traversent l'oeuf entier. Selon l'angle de ses axes, elle peut être: radiaire 32 spiralée bilatérale rotationnelle Les oeufs renfermant beaucoup de vitellus subissent une segmentation méroblastique: seulement une portion du cytoplasme se segmente car l'axe de division ne pénètre pas ou ne pénètre qu'incomplètement le vitellus. La segmentation méroblastique peut être: discoïde chez les oeufs télolécithes: vitellus abondant au pôle végétatif superficielle chez les oeufs centrolécithes: vitellus abondant central 1) Clivage holoblastique radiaire: Ex.1: le concombre de mer Synapta, un échinoderme: 33 Le concombre de mer présente la forme la plus simple de segmentation. L'oeuf des échinodermes est oligolécithe, il renferme peu de réserves vitellines et celles-ci sont réparties uniformément dans le cytoplasme. Après l'union des deux pronoyaux, l'axe du premier fuseau mitotique se forme perpendiculaire à l'axe A-V de l'oeuf fécondé; donc le premier clivage passe directement au travers des pôles animal et végétatif. Comme le plan de clivage coupe ces deux pôles, on dit qu'il est méridional. Comme les deux blastomères obtenus sont de taille égale, c'est un clivage égal. Les fuseaux mitotiques de la seconde division sont également perpendiculaires à l'axe A-V, mais à angle droit par rapport au premier fuseau. La division coupe les pôles A-V, se produit simultanément dans les deux blastomères et résulte en la formation de 4 blastomères égaux. Elle est méridionale et égale. Le troisième clivage ne passe plus par les pôles A-V de l'embryon mais, pour chacun des 4 blastomères, est perpendiculaire à cet axe car les fuseaux mitotiques sont dans l'axe A-V. On dit que le clivage est équatorial. Il sépare l'embryon en 8 blastomères égaux. La quatrième division est méridionale et produit 16 blastomères égaux. Les divisions successives se font en alternance selon les plans équatorial et méridional, jusqu'au stade 256 cellules. Le résultat de la segmentation est une petite boule, la blastula, dont le volume est sensiblement égal à celui de l'oeuf initial et dont les petits blastomères ont tous la même taille. Au cours des divisions, les contacts intercellulaires se sont relâchés de sorte que les blastomères ne s'agrègent pas en une masse compacte, mais décrivent une sphère d'une seule assise cellulaire autour d'une cavité remplie de fluide, le blastocoele. Les cellules qui se jouxtent établissent des jonctions entre elles. La blastula est entourée de l'enveloppe de fertilisation. Les blastomères sécrètent des protéines dans le blastocoele; le fluide qu'il renferme devient sirupeux et a la propension de retenir beaucoup d'eau. Ainsi, au cours de la segmentation, de l'eau pénètre dans le blastocoele par osmose, à partir du milieu aqueux externe, et fait enfler la blastula. Cette pression exercée sur les blastomères pourrait aider à les orienter de sorte à ce qu'ils décrivent une sphère d'une seule assise cellulaire autour du blastocoele. Les cellules possèdent des cils à leur surface externe. Leur battement impute à la blastula un mouvement de rotation à l'intérieur de l'enveloppe de fertilisation. Peu après la fin de la segmentation, les blastomères sécrètent une enzyme, l'enzyme d'éclosion, qui digère l'enveloppe de fertilisation. L'embryon devient une larve nageant librement. À n'importe quel moment pendant la segmentation, un embryon coupé en deux selon n'importe quel méridien produira deux moitiés qui sont identiques. Ce type de symétrie est caractéristique d'une sphère ou d'un cylindre, il s'agit de la symétrie radiaire. Ex.2: l'oursin, un échinoderme L'oursin possède lui aussi un oeuf oligolécithe. 34 Ses 3 premiers clivages ressemblent à ceux du concombre de mer Synapta. Au 4e clivage, les 4 blastomères de l'hémisphère animal se divisent selon l'axe méridional et donnent une assise de 8 blastomères de taille égale appelés mésomères; les blastomères de l'hémisphère végétatif se divisent selon l'axe équatorial mais inégalement, en réalité sous l'équateur, et donnent 4 grosses cellules appelées macromères, sous les mésomères, et 4 petits micromères, sous les macromères. Au clivage suivant, les 8 mésomères se divisent équatorialement (également), donnant deux assises animales, l'une au dessus de l'autre: an-1 et an-2. Les macromères se divisent méridionalement, donnant une assise de 8 macromères; les micromères, en se divisant, forment un petit amas sous les macromères. Tous les plans de clivage de la 6e division sont équatoriaux; les macromères forment donc deux assises végétatives, l'une au dessus de l'autre: vég-1 et vég-2. Les 7e divisions sont méridionales. Il en résulte une blastula de 128 cellules, creusée d'un blastocoele rempli de fluide, et entourée de l'enveloppe de fertilisation. Une larve se forme comme chez Synapta. Ex.3: les amphibiens L'oeuf mésolécithe d'amphibien possède plus de vitellus que celui des échinodermes, vitellus qui devient concentré au pôle végétatif 35 après la fécondation (oeuf hétérolécithe), et le noyau migre au pôle animal. La 1ère division commence au pôle animal de l'oeuf et s'étend lentement vers le pôle végétatif; elle est méridionale et égale. Avant que cette division ne soit achevée, un second clivage méridional s'amorce au pôle animal, perpendiculaire au premier, lui aussi égal. Le 3e clivage est équatorial; il ne s'effectue pas au centre de l'embryon mais plus près du pôle animal (donc, sus-équatorial), là où les plans de clivages des deux divisions précédentes ont achevé de traverser; il est donc inégal. Les plans de clivage méridionaux, du moins le second, n'ont pas encore achevé de traverser le cytoplasme de l'hémisphère végétatif quand a lieu ce 3e clivage sus-équatorial. Cette division sépare l'embryon en 4 petits blastomères animaux, les micromères, et 4 gros macromères végétatifs (qui éventuellement s'individualisent). Ce clivage holoblastique inégal établit deux régions embryonnaires majeures: une région de micromères qui se diviseront rapidement, dans l'hémisphère animal, et une région de macromères qui se diviseront lentement, dans l'hémisphère végétatif. Les embryons amphibiens aux stades 16 à 64 cellules portent le nom de morula, à cause de leur aspect de mûre. Au stade 128 cellules l'embryon est considéré une blastula, creusée d'un blastocoele de volume proportionnellement moindre que celui des échinodermes. Il occupe l'hémisphère animal; son plafond est constitué de plus d'une couche de micromères et son plancher de plusieurs assises de macromères. Le blastocoele est une cavité qui permettra l'occurrence des migrations cellulaires pendant la gastrulation. Il empêche une interaction prématurée entre les cellules qu'il sépare. Par exemple, si les cellules du toit du blastocoele étaient apposées à celles du plancher, au lieu de se différencier en ectoderme comme elles le font normalement, elles se différencieraient en mésoderme. Les cellules du plancher du blastocoele, qui se différencieront en endoderme, induisent la différenciation des cellules qui leur sont voisines en mésoderme. Nous reviendrons sur ces notions. Donc, le blastocoele permet aux cellules de la blastula de conserver leur identité. 2) Clivage holoblastique spiralé Se rencontre notamment chez les mollusques bivalves et les annélides, qui ont des oeufs isolécithes, pauvres en vitellus. Au lieu de se produire parallèle ou perpendiculaire à l'axe A-V de l'oeuf, le clivage se produit à angle oblique. En général, les deux premières divisions sont à peu près méridionales et égales. 36 À chaque clivage subséquent le plan de segmentation est oblique à l'axe A-V et perpendiculaire au plan de segmentation précédent. Chaque blastomère produit deux cellules de tailles différentes: un micromère dans l'hémisphère animal et un macromère dans l'hémisphère végétatif. Pour que les micromères et les macromères aient cette localisation préférentielle, ils migrent vers leur hémisphère respectif après la division. C'est ce mécanisme qui crée la relation en spirale caractéristique de ce type de clivage. L'orientation du plan de clivage à gauche: spirale senestre (sens contraire aux aiguilles d'une montre), ou à droite: spirale dextre (dans le sens des aiguilles d'une montre), est contrôlée par des facteurs cytoplasmiques et déterminée génétiquement. Cette blastula ne renferme pas de blastocoele et porte le nom de stéréoblastula. Ses cellules sont en contact sur une plus grande surface que ne le sont les blastomères qui subissent un clivage radiaire et qui abritent un blastocoele. Ces embryons accomplissent un moins grand nombre de divisions avant d'entreprendre l'étape subséquente de développement. 3) Clivage holoblastique bilatéral Se rencontre chez les ascidiens qui possèdent des oeufs oligolécithes, pauvres en vitellus. Le 1er plan de segmentation, méridional, établit le seul plan de symétrie de l'embryon. Chaque division successive s'oriente selon ce plan de symétrie; le demi-embryon d'un côté de ce plan (et seulement de ce plan) est une image-miroir de l'autre. Le 2e clivage est méridional mais ne passe pas par le centre de l'embryon. Il crée 2 gros blastomères antérieurs et 2 petits blastomères postérieurs. Ainsi, chaque moitié (établie par le premier clivage) possède un gros et un petit blastomère. Aux 3 divisions suivantes, les différences de taille et de forme cellulaires accentuent la symétrie bilatérale de l'embryon. Au stade 32 cellules, un blastocoele est formé et la gastrulation commence. 4) Clivage holoblastique rotationnel Se retrouve chez les mammifères dont les oeufs appartiennent au type alécithe. La segmentation est tardive et lente chez les mammifères. Ceci est relié au fait que l'ovocyte a accumulé peu de réserves durant sa phase d'accroissement. Le premier clivage peut ne se 37 produire qu'un jour après la fertilisation et les divisions peuvent être espacées de 12 à 24 heures, allouant une certaine interphase qui permet la transcription du génome embryonnaire. La 1ère division est méridionale et égale. La seconde diffère de tous les patrons déjà vus: un des deux blastomères se divise méridionalement, l'autre équatorialement; c'est le clivage rotationnel. De plus, les deux mitoses du second clivage peuvent ne pas se produire en synchronie, permettant des stades 3, 5, 6 cellules. La segmentation des mammifères présente une autre singularité, le phénomène de compactage. Suivant le troisième clivage (stade 8 cellules), les blastomères maximisent les surfaces de contact entre eux. Quelques uns adoptent une forme généralement arrondie, en boule compacte: c'est la masse cellulaire interne ou bouton embryonnaire. D'autres blastomères adoptent une forme pavimenteuse et entourent la MCI; ils sont reliés entre eux par des jonctions cellulaires serrées: c'est le trophoblaste ou trophectoderme. Un blastocoele se forme sous la MCI, délimité de l'autre part par une portion du trophoblaste. L'embryon entier prend le nom de blastocyste. 38 Le trophoblaste ne produira pas de structures embryonnaires proprement dites mais formera une portion externe du placenta. La MCI formera l'embryon ainsi que des structures extraembryonnaires. Les cellules de la MCI diffèrent morphologiquement, fonctionnellement et biochimiquement de celles du trophoblaste. Néanmoins, le destin de chacun de ces deux types de cellules peut être inversé pendant toute la période de segmentation en faisant occuper à une la place de l'autre. L'appartenance des cellules à la MCI ou au trophoblaste dépend de leur position relative dans le blastocyste. Nous reviendrons sur ces notions au dernier chapitre. La création de la MCI constitue le phénomène crucial des premiers stades du développement mammalien. Une fois le trophoblaste formé, l'embryon est capable de s'implanter dans la paroi utérine. Des cellules se séparent de la MCI et forment l'hypoblaste qui tapisse le blastocoele et donnera naissance à l'endoderme du sac vitellin, une structure extra-embryonnaire. Ce qui reste de la MCI, au dessus de l'hypoblaste, est l'épiblaste. Ses cellules ne sont pas reliées par des jonctions serrées et l'épiblaste se délamine: la couche profonde produit l'épiblaste embryonnaire, et la couche supérieure produit la paroi de l'amnion, une autre structure extra-embryonnaire. Entre l'épiblaste embryonnaire et la paroi amniotique, la cavité amniotique est remplie du fluide amniotique; elle sert d'amortisseur et empèche la dessication de l'embryon. 5) Clivage méroblastique discoïdal Il se retrouve chez les oiseaux, les reptiles et plusieurs poissons, dont les oeufs accumulent une grande quantité de vitellus. La plus grande portion de l'oeuf télolécithe étant occupée par le vitellus, le noyau et le cytoplasme actif sont repoussés au pôle animal, seul affecté par la segmentation. Les 8 premiers blastomères, résultats de divisions méridionales, forment une assise sur la masse vitelline; leur membrane cytoplasmique est continue avec celle entourant le vitellus et leur cytoplasme repose sur le vitellus. 39 Des clivages équatoriaux amènent la formation de quelques assises de cellules complètement délimitées, mais l'assise inférieure repose toujours sur le vitellus. Les blastomères complets forment un disque à la surface de la masse vitelline, c'est la discoblastula ou disque germinal (non pas dans le sens de sexuel mais dans celui d'embryon). Sous le disque de blastomères complets se crée un espace, la cavité sous-germinale ou blastocoele primaire. L'ensemble des blastomères complets prend le nom de blastoderme. La structure entière constitue la blastula primaire. Vu de surface le disque blastodermique se distingue en deux régions: l'aire pellucide, au centre du disque et qui se trouve au dessus du blastocoele primaire, d'où son apparence claire, et l'aire opaque, à la marge de l'aire précédente et qui repose sur le vitellus. Des cellules du blastoderme se détachent et sont rejetées dans le blastocoele primaire, formant une lâche couche appelée hypoblaste; la couche supérieure constitue l'épiblaste. Le blastocoele primaire se trouve maintenant divisé en deux par l'hypoblaste, et la cavité entre ce dernier et l'épiblaste est le blastocoele, homologue à celui des amphibiens. Épiblaste et hypoblaste sont apposés tout autour du blastocoele; c'est ce qui constitue l'aire opaque. Aucune cellule de l'hypoblaste ne contribue à la formation de l'embryon. Il formera une partie des structures extra-embryonnaires. L'épiblaste formera une autre partie des structures externes ainsi que les tissus de l'embryon. C'est le stade qu'a atteint l'embryon lorsqu'a lieu la ponte de l'oeuf. 6) Clivage superficiel: Rencontré chez les oeufs centrolécithes d'insectes, riches en vitellus central. La segmentation offre ici aussi un exemple unique. Le noyau du zygote, en plein dans la masse vitelline, entreprend de nombreuses caryocinèses sans que ne se produisent de cytocinèses; ces noyaux s'appellent énergides. Ils migrent à la périphérie de l'oeuf, et les caryocinèses s'y poursuivent à un rythme prodigieux. L'embryon porte le nom de blastoderme syncitial: tous les noyaux du clivage sont contenus dans un même cytoplasme. Des noyaux migrent au pôle postérieur de l'oeuf et s'enveloppent de membrane cytoplasmique; ce sont les cellules polaires de l'embryon. Elles donneront naissance aux cellules germinales (reproductrices) de l'animal adulte. Ainsi, un des premiers événements de l'embryogenèse des insectes est la distinction des cellules germinales et somatiques. Après la formation des cellules polaires, la membrane ovocytaire s'invagine entre les noyaux, formant plusieurs petites cellules et créant le blastoderme cellulaire. Les cellules forment une seule assise autour du vitellus central. Chez la drosophile, par exemple, cette couche comprend jusqu'à 5000 cellules et est formée en dedans de 3 heures. Les cellules ne sont pas distribuées également autour du vitellus, ni au hasard. Il en existe une grande concentration à la face ventrale: c'est l'anlage germinal qui produira toutes les cellules de l'embryon. Les autres cellules de la couche unique formeront les structures extra-embryonnaires. Après avoir comparé ces différents types de segmentation, on réalise que le vitellus est une adaptation évolutive permettant à l'embryon de se développer en l'absence de source externe de nourriture. Les animaux dont l'oeuf est pauvre en réserves vitellines développent 40 généralement un stade larvaire assez rapidement (dès la fin du clivage chez l'oursin); la larve peut se nourrir et nager librement, alors que le développement continue. Les oeufs des mammifères placentaires ne possèdent pas de vitellus mais leur stratégie diffère. Ils développent un placenta relié à la mère, qui leur procure nourriture et oxygène. D'ailleurs, une des premières différenciations de l'embryon mammalien est celle des cellules servant à former le placenta. À l'autre extrême, les oeufs des oiseaux, des reptiles et de certains poissons contiennent des réserves vitellines suffisantes pour que les embryons puissent se nourrir sans avoir recours à un stade larvaire ni à un placenta. La segmentation débute peu après la fécondation et se poursuit plus ou moins rapidement et plus ou moins longtemps, selon les espèces, jusqu'à ce qu'une quelconque balance noyaux/cytoplasmes soit atteinte. Par exemple, l'oeuf de la grenouille Rana pipiens produit 37 000 blastomères en 43 heures, à 15°C. Donc, chez la plupart des groupes zoologiques, un bon nombre de clivages se produit avant que la transcription de nouveaux messagers par les blastomères ne soit en branle. Par exemple, chez la grenouille Xenopus laevis la transcription d'ARNm du génome embryonnaire n'est pas activée avant la 12e division. C'est donc dire que le matériel requis pour les 12 premières divisions a été fourni à partir des réserves d'ARNm et de protéines maternels, accumulés pendant l'ovogenèse et transmis au zygote. Les mitochondries dérivent aussi exclusivement du stock maternel. Plus les réserves (autres que vitellines) accumulées durant l'ovogenèse et transmises au zygote sont considérables, plus il pourra se produire un nombre élevé de clivages rapides sans avoir recours au génome embryonnaire. Les oeufs non vitellins des mammifères accumulent une certaine quantité de réserves, toutefois réduites. Leur segmentation se produit lentement et le génome embryonnaire commence à être transcrit dès les premiers stades de la segmentation. Quel que soit le groupe zoologique, la transition de contrôle maternel au contrôle embryonnaire des processus développementaux ne s'effectue pas abruptement. Durant une certaine période, l'embryon utilise tant des substances codées par le génome maternel que d'autres codées par le sien, même pour une protéine donnée. 41 GASTRULATION (cours 5) Le rythme effréné des divisions cellulaires, caractéristique de la segmentation, ralentit et l'embryon entre dans la phase de développement appelée gastrulation. En fin de segmentation, la blastula consiste en de nombreux blastomères dont les positions relatives ont été établies durant cette phase. À la gastrulation les cellules adopteront de nouvelles positions, donc de nouvelles voisines. Les mouvements coordonnés permettant la gastrulation, appelés mouvements morphogénétiques, impliquent l'embryon entier et aboutissent à la mise en place des 3 feuillets fondamentaux des métazoaires: endoderme mésoderme ectoderme Les coelentérés (hydres) et éponges ne développent pas de mésoderme. Les mécanismes de gastrulation varient beaucoup dans le règne animal; on retrouve néanmoins une combinaison de quelques uns des mouvements morphogénétiques suivants: embolie ou invagination: Le repliement d'un feuillet cellulaire dans le blastocoele. Le mouvement d'embolie s'emploie surtout par les embryons dotés d'un blastocoele important et de blastomères végétatifs peu vitellins, de petite taille. Le feuillet cellulaire de l'hémisphère végétatif s'enfonce dans le blastocoele qui devient réduit. L'invagination délimite une structure tubulaire, l'archentéron, tube digestif embryonnaire, ouvert sur l'extérieur par le blastopore. On assiste ainsi à l'ébauche du tube digestif, qui a valu son nom au stade. épibolie: Lorsque les blastomères végétatifs sont trop volumineux pour s'invaginer dans le blastocoele ou que ce dernier est réduit ou absent, le feuillet cellulaire de l'hémisphère animal migre par dessus le feuillet végétatif et le recouvre. Ce dernier atteint donc une position interne de façon passive. migration cellulaire ou ingression: Migration de cellules individuelles, plutôt que d'un feuillet comme les mouvements précédents, dans le blastocoele où elles s'agencent pour former l'endoderme ou le mésoderme. délamination: Séparation d'un feuillet cellulaire pluristratifié en deux feuillets, l'un d'eux étant maintenant interne, dans le blastocoele. prolifération polaire: 42 Multiplication active des blastomères du pôle végétatif vers l'intérieur du blastocoele. Contrairement à l'ingression, les cellules demeurent en masse compacte. Des auteurs décrivent d'autres mouvements de gastrulation, en réalité des variations des cinq types décrits ici. Est-il nécessaire de leur attribuer un nom propre? De façon similaire à la segmentation, la gastrulation se solde par une croissance totale minime. Toutefois, durant la gastrulation, les interactions nucléo-plasmiques sont plus importantes et plusieurs protéines sont synthétisées à partir du génome embryonnaire. De plus, le métabolisme devient oxydatif. Exemples de gastrulation 1) Oursin (échinoderme): oeuf oligolécithe; segmentation holoblastique, radiaire, totale et sub-égale (tailles cellulaires peu différentes). 2) La blastula d'oursin consiste en un feuillet cellulaire sphérique de 1000 à 2000 blastomères, selon les espèces, qui dérivent de différentes régions cytoplasmiques du zygote et qui ont des propriétés différentes. Elle peut être divisée en un hémisphère animal et un hémisphère végétatif. Environ 24 heures après que la blastula se soit libérée de l'enveloppe de fertilisation (éclosion), la moitié la plus polaire de l'hémisphère végétatif s'aplatit; c'est la plaque végétative. Des micromères de la plaque végétative prolifèrent puis se détachent et migrent dans le blastocoele pour former le mésenchyme primaire, appartenant au feuillet intermédiaire: le 43 mésoderme. Ces cellules fusionneront et formeront un syncitium, à l'origine du squelette de carbonate de calcium de la larve pluteus. Le reste de la plaque végétative s'invagine dans le blastocoele. Ce faisant, les micromères restants se détachent, migrent dans le blastocoele et forment le mésenchyme secondaire, le reste du mésoderme. Ces cellules se dispersent à l'intérieur du blastocoele, où elles formeront les organes mésodermiques coelomiques. Ces organes présomptifs sont organisés en vésicules qui entreprendront un développement complexe. En s'invaginant, la plaque végétative délimite une structure tubulaire, l'archentéron ou intestin embryonnaire, maintenant constitué que d'endoderme, qui s'ouvre à l'extérieur par un orifice appelé blastopore. Ce dernier marque la position du futur anus. Ce mouvement d'embolie de la plaque végétative semble se produire grâce à des forces intrinsèques à la plaque, et non pas parce que les cellules adjacentes poussent sur elle pour la forcer à s'invaginer. L'hémisphère animal et la première rangée de macromères végétatifs (vég-1) forment ensemble l'ectoderme, qui recouvre les deux autres feuillets complètement internalisés. À un endroit précis, l'ectoderme s'invagine légèrement et se rapproche du toit de l'archentéron. Les deux entrent éventuellement en contact et fusionnent, formant la membrane stomodéale, qui se perfore: le stomodeum, future bouche de l'animal. Le tube digestif continu, de l'orifice d'entrée à l'orifice de sortie, est ainsi formé. Chez les deutérostomes, l'anus est donc formé avant la bouche. La mise en place des 3 feuillets: ectoderme, mésoderme et endoderme, est achevée et ceux-ci sont emboîtés, avec l'endoderme le plus interne et l'ectoderme externe. La gastrulation de l'oursin combine les mouvements morphogénétiques suivants: 1) prolifération polaire de micromères 2) leur migration dans le blastocoele, formant le mésenchyme primaire 3) invagination (embolie) indépendante de la plaque végétative, formant l'archentéron 4) migration des autres micromères de l'archentéron, formant le mésenchyme secondaire 5) invagination d'une portion de l'ectoderme 2) Amphibiens: oeuf mésolécithe hétérolécithe: vitellus ségrégé du cytoplasme actif après la fécondation, noyau au pôle animal, donc polarité évidente. Chez plusieurs espèces, le cytoplasme cortical, plus visqueux que l'interne, renferme des pigments de mélanine, surtout dans l'hémisphère animal. Les produits accumulés pendant l'ovogenèse se retrouvent dans le cytoplasme interne, selon un gradient décroissant du pôle animal au pôle végétatif, sauf pour les réserves vitellines qui suivent un gradient inverse. La segmentation est holoblastique, radiaire et inégale. La blastula renferme un blastocoele réduit. 44 La segmentation rapide n'est synchrone que pendant les 12 premières divisions. Le rythme des divisions ralentit et perd de sa synchronie, certaines cellules demeurant plus longtemps en interphase. C'est alors que dans ces cellules commencent les premières synthèses d'ARN. De même, des changements dans la motilité cellulaire s'amorcent et annoncent les premiers signes de gastrulation. La gastrulation commence sous l'équateur, à un point correspondant à l'antipode du point d'entrée du spermatozoïde. Chez les espèces pigmentées, ce point de départ de la gastrulation se localise dans la région du croissant gris. Le croissant gris résulte de la réorganisation du cytoplasme de l'oeuf suite à l'entrée du spermatozoïde. La portion de cytoplasme à 180o de l'entrée du spermatozoïde décrit la forme d'un croissant, gris parce que pigmenté. Ce point marque aussi la future face dorsale de l'embryon. Le point d'entrée du spermatozoïde marque donc la future face ventrale. L'axe dorso-ventral est ainsi établi, ainsi que l'axe de symétrie bilatérale, qui coupe ces deux faces. Tout au cours de la segmentation le croissant gris s'estompe. Donc au point du croissant gris, le feuillet de blastomères s'invagine légèrement, invagination prenant la forme d'un sillon horizontal à la surface de l'oeuf: c'est la lèvre dorsale du blastopore (LDB). Au fur et à mesure des mouvements suivants, des lèvres latérales (2) et ventrale (1) se dessineront; il en résultera la formation d'une ouverture ronde, le blastopore. Alors que s'invagine légèrement le feuillet de blastomères du croissant gris, le feuillet de l'hémisphère animal entreprend un mouvement d'épibolie qui converge vers le blastopore. Quand ces blastomères atteignent la LDB, ils poursuivent leur migration à l'intérieur du blastocoele en glissant sous l'hémisphère animal. Ce faisant, ils repoussent de plus en plus vers l'intérieur les cellules qui formaient initialement la LDB. Ainsi, la LDB est composée de cellules continuellement en changement, car successivement repoussées vers l'intérieur. Ainsi, les blastomères du plancher du blastocoele qui, à cause de leur taille, étaient incapables de s'invaginer activement, sont maintenant tirés dans le blastocoele par le mouvement 45 d'épibolie des blastomères animaux. Ils sont donc passivement amenés à l'intérieur du blastocoele. Le front cellulaire d'épibolie progresse sur toute la surface interne du blastocoele et délimite l'archentéron, structure tubulaire à l'intérieur du blastocoele. Comme de plus en plus de cellules pénètrent à l'intérieur du blastocoele, augmentant la taille de l'archentéron, le blastocoele devient graduellement réduit et repoussé à l'antipode du blastopore. L'archentéron se trouve ainsi délimité, dorsalement, par la portion du feuillet animal qui a été internalisée (activement) et, ventralement, par les blastomères végétatifs qui ont été internalisés (passivement). Le mouvement d'épibolie se poursuit au point que l'archentéron devient oblitéré par le front de cellules, qui forme le bouchon vitellin bouchant le blastopore. Un mouvement d'épibolie des cellules externes les fait recouvrir le bouchon vitellin. Le blastopore n'a plus que l'aspect d'une fente verticale, le futur anus, oblitéré pour le moment. Toutes les cellules qui restent en position externe constituent l'ectoderme. Les toutes premières cellules à former la LDB, constituant le front de migration, sont des blastomères végétatifs (initialement situés juste sous l'équateur); amenées à l'intérieur de l'embryon, elles formeront une portion de l'épithélium du tube digestif, donc de l'endoderme. Les blastomères suivants, provenant de l'hémisphère animal juste sus l'équateur, sont dits mésoblastiques, précurseurs du mésoderme de la tête. Les prochains blastomères à s'internaliser par la LDB, dits chordamésodermiques, sont à l'origine de la notochorde, structure non retrouvée chez les invertébrés. Les blastomères suivants formeront le reste du mésoderme. Les gros blastomères du plancher de l'archentéron complètent l'épithélium de l'archentéron. Donc pendant un certain temps, le toit de l'archentéron est formé d'un feuillet mésodermique. Un espace intercellulaire sépare le feuillet ectodermique du feuillet mésodermique dans l'hémisphère animal et du feuillet endo-mésodermique dans l'hémisphère végétatif. Les cellules mésodermiques se détachent et migrent, plus ou moins individuellement, latéralement et ventralement dans cet espace. Ce faisant, l'endoderme referme le toit de l'archentéron. Celui-ci devient donc délimité complètement par l'endoderme. À la fin de la gastrulation, l'embryon comprend les 3 feuillets fondamentaux emboîtés. La gastrulation amphibienne est donc marquée principalement par des mouvements d'invagination, d'épibolie et de migration. À 18°C elle se produit en 24 heures environ. Contrairement à l'oursin, chez qui la gastrulation commence au pôle végétatif, la gastrulation amphibienne commence près de l'équateur de la blastula, où les cellules contiennent moins de vitellus que celles du pôle végétatif, quoiqu'elles en contiennent suffisamment pour ne pouvoir s'invaginer significativement. La LDB marque véritablement le point de départ de la gastrulation. En effet, si la LDB est transplantée dans une autre région de la blastula, la gastrulation pourrait s'amorcer à cet endroit. Puisque la LDB occupe dans la blastula l'endroit correspondant au croissant gris de l'oeuf fécondé, on a longtemps soupçonné que cette région contenait des facteurs cytoplasmiques capables d'initier la gastrulation. La localisation du blastopore est déterminée par un ou des 46 facteurs dans le cytoplasme interne, plutôt que cortical, de l'oeuf. Les réarrangements du cytoplasme occasionnés par l'entrée du spermatozoïde sont responsables de la distribution asymétrique de facteurs cellulaires. Le facteur initiateur de la gastrulation ne se trouve pas dans les cellules pigmentées du croissant gris mais dans des cellules végétatives profondes. Le facteur en question n'est exprimé qu'à partir d'un certain stade de la segmentation. Les cellules végétatives profondes le contenant induisent les cellules superficielles du croissant gris à initier la gastrulation et à former la face dorsale du corps. Un candidat au titre de facteur initiateur de la gastrulation est l'activine: un facteur de croissance peptidique. 3) Oiseaux: oeuf télolécithe; segmentation partielle, n'affectant que le disque germinal et résultant en la formation d'une discoblastula sur une énorme masse de vitellus. Par délamination, des blastomères du disque germinal migrent dans la cavité sous-germinale et forment l'hypoblaste, les cellules de surface formant l'épiblaste. Entre l'épiblaste et l'hypoblaste se retrouve le blastocoele. Chez le poulet, la gastrulation commence dès les premières heures d'incubation. Le premier indice en est l'apparition d'un épaississement dans la région postérieure de l'aire pellucide, qui progresse antérieurement sur la ligne médiane, s'étendant sur 50 à 75% de l'aire pellucide. Cet épaississement témoigne d'une migration convergente des cellules de l'aire pellucide vers le centre postérieur puis vers l'avant, et constitue la ligne primitive, terminée par un renflement antérieur, le noeud primitif ou de Hensen. La ligne primitive marque l'axe antérieur-postérieur de l'embryon. Elle constitue la caractéristique structurale majeure de la gastrulation des oiseaux, comme de celle des reptiles et des mammifères (des amniotes). Comme les cellules de l'aire pellucide convergent pour 47 tracer la ligne primitive, une dépression se creuse dans celle-ci, le sillon primitif. Le sillon primitif sert de blastopore au travers lequel les cellules de l'épiblaste migrent dans le blastocoele. Le sillon primitif des oiseaux, reptiles et mammifères est donc analogue au blastopore amphibien. Comme pour ce dernier, le sillon primitif consiste en une population cellulaire continuellement en changement. Au centre du noeud primitif se creuse pareillement une dépression en forme d'entonnoir et au travers laquelle les cellules de l'épiblaste migrent dans le blastocoele. Le noeud primitif est analogue à la LDB des amphibiens. Les premiers blastomères de l'épiblaste à migrer dans le blastocoele empruntent le sillon primitif, migrent antérieurement, déplaçant les cellules hypoblastiques de la région antérieure de l'embryon, et formeront une portion du tube digestif, endodermique. Une partie de l'endoderme est maintenant amenée à l'intérieur de l'embryon. Les prochains blastomères à pénétrer dans le blastocoele le font par le noeud primitif et migrent antérieurement, en demeurant entre l'endoderme et l'épiblaste; ils formeront le mésoderme de la tête et le chordamésoderme, lui aussi maintenant internalisé. La migration antérieure de toutes ces cellules a soulevé la région antérieure de l'épiblaste et résulte en la formation du bourgeon de la tête. Le blastodisque s'allonge. Les dernières cellules migrant au travers du sillon primitif se séparent en deux courants une fois dans le blastocoele. Un courant migre profondément et déplaçe l'hypoblaste latéralement et postérieurement. Les cellules de ce courant de migration donneront naissance au reste des structures endodermiques embryonnaires et extra-embryonnaires. Les cellules de l'autre courant s'étendent en un feuillet lâche, entre l'endoderme et l'épiblaste et sont à l'origine du reste du mésoderme embryonnaire et extra-embryonnaire. À 22 heures d'incubation, la majorité des cellules endodermiques présomptives se trouvent à l'intérieur de l'embryon, et des cellules mésodermiques présomptives continuent de migrer pour une période de temps prolongée. Une seconde phase de la gastrulation s'entame: le sillon primitif régresse petit à petit caudalement, le noeud primitif occupant donc une position de plus en plus postérieure. C'est ainsi que se forme la notochorde, selon un gradient antéro-postérieur, par les dernières cellules mésodermiques à être mises en place. Finalement, en position complètement postérieure, le noeud primitif forme la région anale présomptive, de la façon deutérostome. Ce qui reste de l'épiblaste après ces migrations cellulaires, les cellules de surface, constitue l'ectoderme. Contrairement à ce observé chez les amphibiens, chez qui des feuillets cellulaires migrent dans le blastocoele, chez les oiseaux ce sont des cellules individuelles qui migrent. À l'intérieur du blastocoele, plutôt que de créer un feuillet dense, elles forment un tissu lâche, particulièrement le mésoderme. Les cellules migrantes se déplacent par la formation de pseudopodes sur un substrat de polysaccharides, notamment l'acide hyaluronique, fabriqué par les cellules épiblastiques dès le début de la gastrulation. Si l'enzyme hyaluronidase est injectée dans le blastocoele, les cellules s'agrègent et ne migrent pas ou peu. L'acide hyaluronique est donc requis pour garder les cellules migrantes séparées les unes des autres. Chez les oiseaux, le feuillet endodermique ne compose pas de structure tubulaire, comme l'archentéron de l'oursin ou de la grenouille, mais un feuillet plat. Il ne se forme donc pas de 48 véritable archentéron dans la gastrula des oiseaux. Les trois feuillets ne sont pas emboîtés mais superposés. Une conséquence de la gastrulation en deux étapes des amniotes est l'émergence d'un gradient antéro-postérieur de développement. Tandis que la portion postérieure de l'embryon est encore en gastrulation, la portion antérieure amorce l'étape subséquente de développement, l'organogenèse. La région antérieure de l'embryon sera longtemps plus avancée dans son développement que la région postérieure. Pendant que se poursuit la gastrulation, des cellules ectodermiques, reliées par des jonctions serrées, entament un mouvement d'épibolie qui les fera entourer le vitellus. Leur surface externe adhère à l'enveloppe de fertilisation et les cellules s'étendent contre elle. Ceci prend 4 jours à s'accomplir et requiert la formation de nouvelles cellules, par mitoses. Finalement, l'endoderme remplace l'hypoblaste autour du vitellus, l'ectoderme entoure incomplètement le vitellus, et le mésoderme extra-embryonnaire se place entre les deux. Le vitellus ainsi entouré des trois feuillets prend le nom de sac vitellin. Les trois feuillets extra-embryonnaires du sac vitellin sont continus avec les trois feuillets embryonnaires. Nous y reviendrons. Chez les oiseaux, c'est l'hypoblaste de la blastula qui induit la formation de la ligne primitive; l'enlever retarde tout développement subséquent, tant que l'épiblaste n'a pas généré, par délamination, une autre couche hypoblastique. L'hypoblaste dirige la formation et la directionnalité de la ligne primitive. 4) Mammifères: oeuf alécithe; segmentation holoblastique rotationnelle. Bien que les mouvements morphogénétiques de la gastrulation des reptiles et oiseaux aient évolué en adaptation à des oeufs riches en vitellus, ils ont été retenus chez les mammifères. L'épiblaste embryonnaire de la blastula mammalienne est similaire à l'épiblaste aviaire. À son bout postérieur un épaississement produira la ligne primitive et le noeud primitif, qui se creuseront en sillon primitif et gouttière primitive au travers lesquels migreront les précurseurs endodermiques et mésodermiques. Ce processus est semblable à celui retrouvé chez les oiseaux. Axes et polarité: Revenons brièvement à ces notions, nous limitant aux Vertébrés. On réalise que le premier axe à se manifester est l'axe dorso-ventral. Cet axe se trouve à définir quelle est la face dorsale de l'embryon et quelle est sa face ventrale. Une ligne coupant cet axe sépare l'embryon en 2 moitiés, gauche-droite, et établit la symétrie bilatérale. Toutefois, quand on examine le développement rétrospectivement, on réalise que l'axe dorso-ventral, la symétrie bilatérale, était mis en évidence plus tôt; il a été déterminé plus tôt qu'il n'apparaît. En effet, le point d'entrée du spermatozoïde a amené un réaménagement cytoplasmique important. Ce point correspond au pôle ventral de l'embryon et celui diamétralement opposé au pôle dorsal. Cependant, le spermatozoïde agissait sur un cytoplasme déjà polarisé, qui 49 imposait des contraintes à son entrée, et la polarité de l'oeuf est ultimement à l'origine de cet axe. Le pôle animal sera la face dorsale de l'embryon et le pôle végétatif la face ventrale. Nous avons vu que dans les oeufs non vitellins d'autres indices dévoilent une polarité intrinsèque. Les bases moléculaires et génétiques de cette polarité font actuellement l'objet de nombreuses investigations. En considérant le développement rétrospectivement, l'axe antéro-postérieur se manifeste dès le début de la gastrulation. Le point de départ de la gastrulation: blastopore ou noeud primitif, correspond à l'emplacement du futur anus (le pôle postérieur); l'autre bout de l'embryon est inévitablement la future tête. Ici aussi la polarité a été déterminée plus tôt qu'elle n'apparaît. On le sait particulièrement des amphibiens chez qui la localisation du croissant gris, apparaissant à la fécondation, signale le point de départ de la gastrulation. Les bases moléculaires et génétiques de cette polarité font également l'objet de recherches intensives. Elle implique probablement un gradient de molécules cytoplasmiques dans l'oeuf, avant ou après la fécondation. Il faut réaliser que les deux polarités sont dissociables. L'existence d'un axe, que ce soit le dorso-ventral ou l'antéro-postérieur, n'amène pas celle de l'autre. Une autre forme de polarité ou d'axe existe; il s'agit de la latéralisation. L'axe dorso-ventral, ou la symétrie bilatérale, a amené la création de 2 moitiés dont on ne sait toutefois pas encore laquelle est la gauche et laquelle la droite tant que l'axe antéro-postérieur n'est pas établi. Ceci accompli, les moitiés gauche et droite sont en principe identiques, sauf qu'une est l'image miroir de l'autre. Cependant, on sait pertinemment, avant même d'étudier l'organogenèse, que tout dans le vertébré n'est pas pair. Qu'est-ce qui détermine que des organes uniques se localisent à gauche ou à droite? Il semble que la matrice extracellulaire joue un rôle dans cette détermination. Territoires présomptifs: Différentes techniques permettent de marquer une cellule ou un groupe de cellules et d'en suivre l'évolution temporelle. Ceci a permis de décrire les mouvements de gastrulation et de tracer le devenir des cellules de la gastrula, établissant ainsi la carte des territoires présomptifs de l'embryon. Les Métazoaires ont évolué sur plusieurs lignées. La majorité peuvent être groupés dans deux embranchements. Les deutérostomes subissent une segmentation radiaire, les blastomères sont à 90o les uns aux autres et possèdent une capacité de régulation (dernier chapitre), et à la gastrulation l'anus est formé avant la bouche. Les protostomes ont une segmentation spiralée, les blastomères sont à angle aigu les uns aux autres et possèdent moins de capacité de régulation, et la bouche se forme avant l'anus. 50 ORGANOGENESE La gastrulation se caractérisait par l'occurrence de mouvements morphogénétiques de blastomères ou de groupes de blastomères résultant de la segmentation. Différents groupes zoologiques utilisent différentes stratégies de segmentation, puis de gastrulation pour arriver à la mise en place des 3 feuillets fondamentaux des Métazoaires: endoderme, mésoderme et ectoderme, à partir desquels sont formés les organes et systèmes. Chez l'animal adulte, les organes et systèmes sont composés de l'un ou généralement plusieurs des quatre tissus de base: épithélial, conjonctif, musculaire et nerveux. Les tissus conjonctif et musculaire dérivent du mésoderme embryonnaire mais une partie provient du neurectoderme, le tissu nerveux dérive d'une portion de l'ectoderme embryonnaire, le neurectoderme, et le tissu épithélial dérive de l'ectoderme, du mésoderme ou de l'endoderme, selon les organes où il se trouve. Les organes dérivent donc de plus d'un feuillet. Néanmoins, le parenchyme d'un organe, i.e., le tissu qui le caractérise de façon propre, provient d'un seul des trois feuillets. Le stroma de l'organe, i.e., le tissu de soutien accompagnant le parenchyme, provient grandement du mésoderme; il est relativement semblable d'un organe à l'autre. Ainsi, l'organogenèse est la période durant laquelle les feuillets germinaux s'assemblent pour former les organes. Dans le cadre de ce cours il sera plus commode d'étudier, non pas la formation de chacun des organes tour à tour, mais la destinée de chaque feuillet germinal. La très grande variation qui existe dans la morphologie des organes et systèmes des différents groupes d'animaux nous oblige à limiter cette portion du cours aux Vertébrés, chez qui un patron commun existe. L'organogenèse des Invertébrés doit faire l'objet d'un cours à part dispensé par un spécialiste de ces animaux. Voici les cours qui sont donnés sur l'organogenèse: Neurulation, dérivés du neurectoderme et autres dérivés de l'ectoderme (cours 7 et 8) Dérivés de l'endoderme (cours 8) Dérivés du mésoderme 1 et 2 (cours 9 et 10) 51