La collaboration Leconte- Duhamel :
Patrice Leconte s’intéresse depuis longtemps à la musique d’Antoine Duhamel, en particulier aux musiques
qu’il a composées pour Godard et pour Méditerranée, de Pollet, mais il ne le connaît pas personnellement.
Il va entrer en contact avec lui par l’intermédiaire d’un de ses producteurs, Philippe Carcassonne. « Les
choses ont démarré ainsi. C’est parti d’un enthousiasme personnel sur lequel un producteur intelligent a
soufflé comme sur une braise »1
D’abord intrigué, Leconte éprouve rapidement de la sympathie pour le « personnage » Duhamel : « j’aime
cet homme, sa musique, son physique fou, son allure extraterrestre, mais aussi la bienveillance, la bonté
qu’il dégage ».
Place de la musique dans le film :
La musique dans le film est présente pendant environ 34 minutes, soit le tiers de la durée totale (1h 42).
Il s’agit la plupart du temps d’une musique instrumentale, à l’exception du « Libera me »qui accompagne la
scène du duel, la plus longue séquence musicale du film (environ 2’ 30), et de la chanson «Le Bel esprit »,
que l’on entend quand Mathilde fait son apparition à la cour, rompant ainsi le contrat passé avec son futur
époux, le vieux Montalieri.
Musique d’écran- musique de fosse :
En suivant la terminologie de Michel Chion, on peut distinguer au cinéma deux types de musiques, dont la
frontière, d’ailleurs est très perméable : la musique « d’écran » dont le lien avec l’action peut être établie,
et la musique « de fosse » (en référence à l’opéra) que les personnages du film ne sont pas censés
entendre, et dont le spectateur ne peut identifier la provenance.
Outre «Le Bel esprit », il y a dans Ridicule d’autres musiques « d’écran », Ainsi lorsqu’on entend du clavecin
dans les salons (variations sur Ah vous dirai-je maman, citation de la musique de Mozart, chap. 4, 14’40 et
16’27), ou lors de la leçon de danse chez le marquis de Bellegarde, où l’on voit le personnage joué par
Rochefort mener la leçon depuis le clavecin (chap. 5, 27’33) ; lors du dîner de Guines (chap. 5, 31’54), une
jeune fille, là encore, joue du clavecin, placé directement sous la table du repas.
Mais la principale musique « de source », bien qu’on ne voit pas les musiciens à l’écran, est certainement la
gavotte qui accompagne la scène du « bal de l’automne », une scène cruciale du film, au cours de laquelle
les personnages principaux « tombent les masques », au sens propre comme au figuré. C’est d’ailleurs
cette musique qui va servir de thème principal au film, et l’une des premières composées, puisqu’elle a dû
servir de support au tournage de la scène du bal, au même titre que « la volte », « le dîner de Guines », ou
«Le Bel esprit » (chap. 10, 63’45), dans les scènes où l’on voit la source de la musique (le clavecin, la
chanteuse) à l’écran.
Cette contrainte fonctionnelle, imposée par les impératifs du tournage, n’est pas toujours du goût du
compositeur, mais peut influencer ses choix et même conditionner l’ensemble de son projet musical,
comme l’explique Antoine Duhamel :
« Composer la musique avant, je n’y crois pas tellement, et j’ai même souvent pensé que dans plusieurs des
films sur lesquels j’ai travaillé, les musiques obligatoirement composées avant parce qu’elles jouaient un
rôle dans le tournage m’influençaient dans un sens que je n’avais pas vraiment voulu. Dans Ridicule, j’avais
écrit au piano cette gavotte sur laquelle ils dansent. Leconte s’en est servi au tournage, et, au montage,
j’entendais la gavotte partout dans le film... C’était une nouvelle contrainte, qui m’incitait à faire des
variations sur la gavotte. Souvent, les musiques faites avant tournage vous limitent quelquefois dans le
choix final ».2
Sur le même sujet, voici l’analyse de Patrice Leconte : « Le problème de la musique originale au cinéma,
c’est qu’elle arrive souvent en bout de course, une fois le montage terminé. Alors qu’on aurait précisément
1 Témoignage de P. Leconte dans l’ouvrage de Stéphane Lerouge, Conversations avec Antoine Duhamel, editions Textuel.
2 http://www.polyphonies.eu/lemensuel/spip.php?article144 (mars 2007)