Regards sur la prévention en médecine générale

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PRÉVENTION ET PROMOTION DE LA SANTÉ
Pierre-Louis Druais1,
Mathilde François2
sident du Collège de la Medecine
Pre
Gen
erale, 20 rue de l’Hôtel de Ville, 92200
Neuilly-sur-Seine
1
[email protected]
Facult
e des sciences de la sante Simone
Veil
Universit
e de Versailles Saint-Quentin-enYvelines, 2 avenue de la Source de la
Bièvre, 78180 Montigny-Le-Bretonneux
2
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Tir
es à part : P.-L. Druais
Ministères Sociaux/DICOM/Jacky d. FREN
Pierre-Louis Druais
Regards
sur la prévention
en médecine générale
D
e nombreux travaux ont permis d’identifier la réalité des actions de
prévention intégrées dans la majorité des consultations quotidiennes
en médecine générale.
Les démarches de prévention primaire regroupent l’ensemble des actes
destinés à diminuer l’incidence d’une maladie. Elles utilisent l’éducation et
l’information en population générale. Le rôle du médecin est d’identifier les
facteurs de risque, d’informer en évitant de dramatiser, de motiver le patient
à se prêter à d’éventuels examens de dépistage, d’en interpréter les résultats
à la lumière des autres données disponibles et des niveaux de preuves
apportés par la science. La prévention secondaire regroupe l’ensemble des
actes destinés à diminuer la morbidité et la mortalité d’une affection
déclarée, à en prévenir les récidives, voire à en réduire la durée d’évolution.
La prévention tertiaire désigne l’ensemble des actes destinés à limiter
l’importance ou les conséquences d’anomalies ou de séquelles irréversibles,
et à diminuer la prévalence des incapacités chroniques. Plus récente,
la prévention quaternaire a été définie comme l’ensemble des actions
menées pour identifier un patient ou une population à risque de
surmédicalisation, les protéger d’interventions médicales invasives, et
proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables. La prévention quaternaire se comprend alors comme l’ensemble des
activités de santé visant à atténuer ou éviter les conséquences de
l’intervention inutile ou excessive des processus de soins.
C’est dans ce champ de la prévention que demain devront s’exercer les
fonctions traitantes du spécialiste de médecine générale. « La pertinence des
stratégies médicales est une caractéristique essentielle du bon exercice de la
médecine. Elle est sous la responsabilité totale des médecins qui se doivent
de proposer les meilleurs soins au moindre coût. C’est la partie centrale de la
pertinence des soins. » [1]
DOI: 10.1684/med.2016.86
La surmédicalisation est définie comme « tout traitement dispensé en
l’absence de bases médicales probantes ou lorsque les bénéfices ne
compensent pas les risques », ce qui pourrait avoir un effet délétère sur la
santé des patients. Surdiagnostic et surtraitement sont définis par l’utilisation
de critères amenant soit à la découverte d’une maladie non perçue jusque-là,
mais dont la présence inconnue n’aurait modifié ni la qualité ni la durée de vie
du patient, soit à un faux positif, c’est-à-dire à une erreur concluant à tort
qu’un patient est malade. Les patients sont ainsi exposés de manière indue aux
effets secondaires potentiels d’examens ou traitements inutiles, sources au
minimum d’inconfort et d’anxiété, voire de douleur. . .
ÉDECINE
En étiquetant « malades » des gens sains, le « label de qualité » fondée sur
les preuves a été parfois détourné pour des intérêts particuliers conduisant
au surdiagnostic et au surtraitement [2]. Dans ces cas, les hypothèses testées
ne semblent pas adaptées, les conceptions d’études sont manipulées et les
publications sont sélectives [3]. Un retour à une réelle médecine basée sur les
preuves est nécessaire, notamment pour assurer des soins éthiques au
patient, et construire une décision partagée en développant des informations dans un langage que les médecins et les patients peuvent comprendre.
Cette approche « centrée patient » doit construire une décision médicale
partagée [4]. Toutefois, le travail sur les patients n’est pas simple, car les
préférences peuvent varier entre les individus sains testés et les malades.
La préférence des patients dépend de leurs perspectives, de leurs croyances,
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de leurs objectifs de santé. . . et chacun interprète
différemment les bénéfices, les risques, le coût et les
inconvénients d’une solution thérapeutique par rapport
à une autre [5]. Les recommandations devraient présenter les caractéristiques des différentes options dans ce
cadre afin de servir de support à une décision négociée. La
majorité des patients souhaitent être impliqués dans les
décisions médicales qui les concernent, soit en partageant
la décision, soit en la prenant seul, et cette proportion va
en augmentant. La décision médicale partagée (droit à
l’information et à la décision pour le patient) a été inscrite
dans la loi française en 2002. L’implication des usagers de
soins dans le développement de documents d’information destinés aux patients permet de produire des
documents plus pertinents, plus faciles à lire et plus
compréhensibles. Les documents ainsi produits peuvent
améliorer les connaissances des patients. Pour autant,
tous les traitements inappropriés ne peuvent être évités,
surtout quand le patient et le médecin s’accordent sur le
fait que les bénéfices attendus sont plus importants que
les risques encourus.
RÉFÉRENCES
1. Améliorer la pertinence des stratégies médicales j Académie nationale de
médecine [Internet]. [cited 2014 Oct 31]. Disponible à l’adresse suivante : http://
www.academie-medecine.fr/publication100100055/.
2. Cohen D. FDA official: “clinical trial system is broken”. Br Med J 2013 ; 347 : f6980.
3. Every-Palmer S, Howick J. How evidence-based medicine is failing due to biased
trials and selective publication. J Eval Clin Pract 2014 ; 20 : 908-14.
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MÉDECINE Octobre 2016
Dernière-née de la prévention, la prévention quaternaire
apparaît comme indispensable. La limitation de la
surmédicalisation nécessite d’en d’évaluer les principaux
facteurs, en particulier l’expansion des moyens d’investigation et de traitement, la gestion inadaptée de
l’incertitude diagnostique, et la qualité de la décision
partagée entre médecin et patient.
L’inversion de la tendance ne sera permise que par « une
recherche pluridisciplinaire, faisant intervenir le monde
médical et non médical » afin d’aboutir à l’amélioration
de la sécurité et de la qualité des soins donnés aux
patients. C’est un des enjeux majeurs des prochaines
années pour élaborer une politique de prévention et de
santé souhaitée par tous.
~Remerciements : les auteurs remercient le Professeur
Albert Ouazana pour sa relecture critique et attentive
de ce texte.
~Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun
lien d’intérêt en rapport avec l’article.
4. HAS (Haute Autorité de Santé). Patient et professionnels de santé : décider
ensemble. Concept, aides destinées aux patients et impact de la « décision médicale
partagée ». 2013.
5. Patient decision aids in general practice: availability and usage. Prescriber 2009 ;
20 : 25-8.
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