Regards
sur la prévention
en médecine générale
De nombreux travaux ont permis d’identifier la réalité des actions de
prévention intégrées dans la majorité des consultations quotidiennes
en médecine générale.
Les démarches de prévention primaire regroupent l’ensemble des actes
destinés à diminuer l’incidence d’une maladie. Elles utilisent l’éducation et
l’information en population générale. Le rôle du médecin est d’identifier les
facteurs de risque, d’informer en évitant de dramatiser, de motiver le patient
à se prêter à d’éventuels examens de dépistage, d’en interpréter les résultats
à la lumière des autres données disponibles et des niveaux de preuves
apportés par la science. La prévention secondaire regroupe l’ensemble des
actes destinés à diminuer la morbidité et la mortalité d’une affection
déclarée, à en prévenir les récidives, voire à en réduire la durée d’évolution.
La prévention tertiaire désigne l’ensemble des actes destinés à limiter
l’importance ou les conséquences d’anomalies ou de séquelles irréversibles,
et à diminuer la prévalence des incapacités chroniques. Plus récente,
la prévention quaternaire a été définie comme l’ensemble des actions
menées pour identifier un patient ou une population à risque de
surmédicalisation, les protéger d’interventions médicales invasives, et
proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement accepta-
bles. La prévention quaternaire se comprend alors comme l’ensemble des
activités de santé visant à atténuer ou éviter les conséquences de
l’intervention inutile ou excessive des processus de soins.
C’est dans ce champ de la prévention que demain devront s’exercer les
fonctions traitantes du spécialiste de médecine générale. « La pertinence des
stratégies médicales est une caractéristique essentielle du bon exercice de la
médecine. Elle est sous la responsabilité totale des médecins qui se doivent
de proposer les meilleurs soins au moindre coût. C’est la partie centrale de la
pertinence des soins. »[1]
La surmédicalisation est définie comme « tout traitement dispensé en
l’absence de bases médicales probantes ou lorsque les bénéfices ne
compensent pas les risques », ce qui pourrait avoir un effet délétère sur la
santé des patients. Surdiagnostic et surtraitement sont définis par l’utilisation
de critères amenant soit à la découverte d’une maladie non perçue jusque-là,
mais dont la présence inconnue n’aurait modifié ni la qualité ni la durée de vie
du patient, soit à un faux positif, c’est-à-dire à une erreur concluant à tort
qu’un patientest malade. Les patients sont ainsi exposés de manière indue aux
effets secondaires potentiels d’examens ou traitements inutiles, sources au
minimum d’inconfort et d’anxiété, voire de douleur...
En étiquetant « malades » des gens sains, le « label de qualité » fondée sur
les preuves a été parfois détourné pour des intérêts particuliers conduisant
au surdiagnostic et au surtraitement [2]. Dans ces cas, les hypothèses testées
ne semblent pas adaptées, les conceptions d’études sont manipulées et les
publications sont sélectives [3]. Un retour à une réelle médecine basée sur les
preuves est nécessaire, notamment pour assurer des soins éthiques au
patient, et construire une décision partagée en développant des informa-
tions dans un langage que les médecins et les patients peuvent comprendre.
Cette approche « centrée patient » doit construire une décision médicale
partagée [4]. Toutefois, le travail sur les patients n’est pas simple, car les
préférences peuvent varier entre les individus sains testés et les malades.
La préférence des patients dépend de leurs perspectives, de leurs croyances,
PRÉVENTION ET PROMOTION DE LA SANTÉ
ÉDECINE
MÉDECINE Octobre 2016 23
Pierre-Louis Druais
1
,
Mathilde François
2
1
Pr
esident du Collège de la M
edecine
G
en
erale, 20 rue de l’Hôtel de Ville, 92200
Neuilly-sur-Seine
2
Facult
e des sciences de la sant
e Simone
Veil
Universit
e de Versailles Saint-Quentin-en-
Yvelines, 2 avenue de la Source de la
Bièvre, 78180 Montigny-Le-Bretonneux
Tir
es à part : P.-L. Druais
Ministères Sociaux/DICOM/Jacky d. FREN
Pierre-Louis Druais
DOI: 10.1684/med.2016.86
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