PRÉVENTION ET PROMOTION DE LA SANTÉ Pierre-Louis Druais1, Mathilde François2 sident du Collège de la Medecine Pre Gen erale, 20 rue de l’Hôtel de Ville, 92200 Neuilly-sur-Seine 1 [email protected] Facult e des sciences de la sante Simone Veil Universit e de Versailles Saint-Quentin-enYvelines, 2 avenue de la Source de la Bièvre, 78180 Montigny-Le-Bretonneux 2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tir es à part : P.-L. Druais Ministères Sociaux/DICOM/Jacky d. FREN Pierre-Louis Druais Regards sur la prévention en médecine générale D e nombreux travaux ont permis d’identifier la réalité des actions de prévention intégrées dans la majorité des consultations quotidiennes en médecine générale. Les démarches de prévention primaire regroupent l’ensemble des actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie. Elles utilisent l’éducation et l’information en population générale. Le rôle du médecin est d’identifier les facteurs de risque, d’informer en évitant de dramatiser, de motiver le patient à se prêter à d’éventuels examens de dépistage, d’en interpréter les résultats à la lumière des autres données disponibles et des niveaux de preuves apportés par la science. La prévention secondaire regroupe l’ensemble des actes destinés à diminuer la morbidité et la mortalité d’une affection déclarée, à en prévenir les récidives, voire à en réduire la durée d’évolution. La prévention tertiaire désigne l’ensemble des actes destinés à limiter l’importance ou les conséquences d’anomalies ou de séquelles irréversibles, et à diminuer la prévalence des incapacités chroniques. Plus récente, la prévention quaternaire a été définie comme l’ensemble des actions menées pour identifier un patient ou une population à risque de surmédicalisation, les protéger d’interventions médicales invasives, et proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables. La prévention quaternaire se comprend alors comme l’ensemble des activités de santé visant à atténuer ou éviter les conséquences de l’intervention inutile ou excessive des processus de soins. C’est dans ce champ de la prévention que demain devront s’exercer les fonctions traitantes du spécialiste de médecine générale. « La pertinence des stratégies médicales est une caractéristique essentielle du bon exercice de la médecine. Elle est sous la responsabilité totale des médecins qui se doivent de proposer les meilleurs soins au moindre coût. C’est la partie centrale de la pertinence des soins. » [1] DOI: 10.1684/med.2016.86 La surmédicalisation est définie comme « tout traitement dispensé en l’absence de bases médicales probantes ou lorsque les bénéfices ne compensent pas les risques », ce qui pourrait avoir un effet délétère sur la santé des patients. Surdiagnostic et surtraitement sont définis par l’utilisation de critères amenant soit à la découverte d’une maladie non perçue jusque-là, mais dont la présence inconnue n’aurait modifié ni la qualité ni la durée de vie du patient, soit à un faux positif, c’est-à-dire à une erreur concluant à tort qu’un patient est malade. Les patients sont ainsi exposés de manière indue aux effets secondaires potentiels d’examens ou traitements inutiles, sources au minimum d’inconfort et d’anxiété, voire de douleur. . . ÉDECINE En étiquetant « malades » des gens sains, le « label de qualité » fondée sur les preuves a été parfois détourné pour des intérêts particuliers conduisant au surdiagnostic et au surtraitement [2]. Dans ces cas, les hypothèses testées ne semblent pas adaptées, les conceptions d’études sont manipulées et les publications sont sélectives [3]. Un retour à une réelle médecine basée sur les preuves est nécessaire, notamment pour assurer des soins éthiques au patient, et construire une décision partagée en développant des informations dans un langage que les médecins et les patients peuvent comprendre. Cette approche « centrée patient » doit construire une décision médicale partagée [4]. Toutefois, le travail sur les patients n’est pas simple, car les préférences peuvent varier entre les individus sains testés et les malades. La préférence des patients dépend de leurs perspectives, de leurs croyances, MÉDECINE Octobre 2016 23 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. PRÉVENTION ET PROMOTION DE LA SANTÉ de leurs objectifs de santé. . . et chacun interprète différemment les bénéfices, les risques, le coût et les inconvénients d’une solution thérapeutique par rapport à une autre [5]. Les recommandations devraient présenter les caractéristiques des différentes options dans ce cadre afin de servir de support à une décision négociée. La majorité des patients souhaitent être impliqués dans les décisions médicales qui les concernent, soit en partageant la décision, soit en la prenant seul, et cette proportion va en augmentant. La décision médicale partagée (droit à l’information et à la décision pour le patient) a été inscrite dans la loi française en 2002. L’implication des usagers de soins dans le développement de documents d’information destinés aux patients permet de produire des documents plus pertinents, plus faciles à lire et plus compréhensibles. Les documents ainsi produits peuvent améliorer les connaissances des patients. Pour autant, tous les traitements inappropriés ne peuvent être évités, surtout quand le patient et le médecin s’accordent sur le fait que les bénéfices attendus sont plus importants que les risques encourus. RÉFÉRENCES 1. Améliorer la pertinence des stratégies médicales j Académie nationale de médecine [Internet]. [cited 2014 Oct 31]. Disponible à l’adresse suivante : http:// www.academie-medecine.fr/publication100100055/. 2. Cohen D. FDA official: “clinical trial system is broken”. Br Med J 2013 ; 347 : f6980. 3. Every-Palmer S, Howick J. How evidence-based medicine is failing due to biased trials and selective publication. J Eval Clin Pract 2014 ; 20 : 908-14. 24 MÉDECINE Octobre 2016 Dernière-née de la prévention, la prévention quaternaire apparaît comme indispensable. La limitation de la surmédicalisation nécessite d’en d’évaluer les principaux facteurs, en particulier l’expansion des moyens d’investigation et de traitement, la gestion inadaptée de l’incertitude diagnostique, et la qualité de la décision partagée entre médecin et patient. L’inversion de la tendance ne sera permise que par « une recherche pluridisciplinaire, faisant intervenir le monde médical et non médical » afin d’aboutir à l’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins donnés aux patients. C’est un des enjeux majeurs des prochaines années pour élaborer une politique de prévention et de santé souhaitée par tous. ~Remerciements : les auteurs remercient le Professeur Albert Ouazana pour sa relecture critique et attentive de ce texte. ~Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. 4. HAS (Haute Autorité de Santé). Patient et professionnels de santé : décider ensemble. Concept, aides destinées aux patients et impact de la « décision médicale partagée ». 2013. 5. Patient decision aids in general practice: availability and usage. Prescriber 2009 ; 20 : 25-8.