2GRAND ANGLE
VENDREDI 24 MAI 2013 LE NOUVELLISTE
CHRISTINE SAVIOZ
«On veut sourire sur les photos.
Car on est vivantes et fières de
l’être!», lancent Rosita Pralong
(55 ans) et ses deux filles
Christelle Pralong (35 ans) et
Maryline Pelletier (32 ans). Dans
l’appartement familial à
Hérémence, les trois femmes res-
pirent la vie. Pourtant, les épreu-
ves n’ont pas manqué dans leur
existence. Rosita Pralong et
Maryline Pelletier ont dû se bat-
tre contre un cancer du sein et
Christelle Pralong a choisi d’enle-
ver ses deux seins pour diminuer
drastiquement les risques de can-
cer. Les trois femmes sont por-
teuses du gène BRCA1, comme
Angelina Jolie qui a subi une dou-
ble mastectomie par prévention.
«Quand j’ai lu cette information, je
me suis dit: Mais, Angelina, c’est
moi!», lance Christelle Pralong
avec humour, un facteur essen-
tiel dans le parcours difficile des
dames Pralong. «Savoir rire nous a
permis de tenir le coup.»
De génération en génération
Les trois femmes posent avec la
photo de Lydie Mayoraz, la ma-
man de Rosita, décédée d’un
cancer du sein à l’âge de 50 ans.
Tout un symbole. Le mal a frappé
la gent féminine dans la famille
depuis des dizaines d’années. Au
point que Lydie avait épinglé un
mode d’emploi de la maladie
dans l’armoire de la chambre pa-
rentale. «On pouvait y lire les dix
symptômes du cancer du sein.»
Il y a onze ans, Rosita Pralong
apprend qu’elle souffre du cancer
du sein. «J’ai eu l’impression que le
ciel me tombait sur la tête.» Elle dé-
cide de «prendre le taureau par les
cornes». «Même si le médecin me
disait que je devais enlever les seins,
j’aurais accepté.» Rosita Pralong
suit les lourds traitements de chi-
miothérapie. Son gynécolo-
gue lui parle de l’existence
du fameux gène. «Mais
il y a dix ans, ce n’était
pas encore aussi con-
nu qu’aujourd’hui. Et
puis, si j’apprenais
que j’avais le gène,
qu’est-ce que je de-
vais faire?»
La maman en parle ouverte-
ment avec ses deux filles. Si
Christelle, l’aînée, se sent tout de
suite concernée, Maryline, la ca-
dette, ne veut pas en entendre
parler. «Je voulais d’abord avoir des
enfants. Je pensais avoir le temps.»
A 29 ans, après avoir accouché de
son fils, Maryline Pelletier est ce-
pendant confrontée
au cancer du sein.
«J’allaitais Trystan
quand j’ai senti
une boule bi-
zarre.» Le
diagnostic ré-
sonne pour
elle comme
«la claque su-
prême». «En
même temps,
c’est comme
si mon corps l’avait toujours su.»
Elle doit alors subir une double
mastectomie. «J’étais soulagée
qu’on m’enlève les deux seins»,
ajoute-t-elle en racontant qu’elle
a bénéficié directement d’une
reconstruction. «Le plus impor-
tant pour moi était de garder
quand même un joli décolleté.»
Test génétique positif
A son côté, sa sœur aînée opine
du chef. Christelle Pralong s’est
fait enlever les deux seins, par
prévention, juste après avoir ap-
pris qu’elle avait le gène BRCA1.
«Le cancer de ma sœur a été le dé-
clic.» Elle passe le test génétique
à Lausanne. «Avant d’avoir le ré-
sultat, je savais ce que je ferais si
c’était positif. Je savais que
j’enlèverais tout. Je m’y pré-
parais depuis longtemps. Avec
85% de risques d’avoir le cancer,
j’aurais dû me surveiller tout le
temps. C’était trop lourd.»
Christelle Pralong a alors 33
ans, et est déjà maman de deux
enfants, Arnaud et Ambre. Elle
sait que l’opération n’est pas sim-
ple, ni physiquement, ni psycho-
logiquement. «Je n’ai pas eu mal,
mais psychologiquement, il y a un
deuilàfaire,jeneleniepas.»Car
la mastectomie enlève à jamais
des sensations à la patiente.
«Comme il n’y a plus de terminai-
sons nerveuses dans les faux seins,
on ne sent plus rien. Quand on est
à plat ventre par exemple, c’est
comme si on dormait sur des pneu-
matiques», explique-t-elle.
Pour les trois femmes, la mé-
diatisation autour du gène
BRCA1 est un soulagement.
«Quand nous sommes venus habi-
ter dans la maison de mes parents,
comme plusieurs femmes de la fa-
mille avaient été atteintes du can-
cer, les gens du village disaient que
c’était une maison maudite»,se
souvient Rosita Pralong. «On sait
maintenant qu’il n’y a aucun mau-
vais sort. Nous portons juste mal-
heureusement ce gène.»
En témoignant ouvertement,
Rosita, Christelle et Maryline
veulent rendre hommage à leurs
ancêtres, qui, elles, n’avaient pas
les armes pour se battre. «Elles
n’ont pas eu la chance de voir gran-
dir leurs enfants. Nous, oui.
Grand-maman Lydie serait fière
de nous!»
SANTÉ
Après les révélations d’Angelina Jolie sur sa double mastectomie volontaire, une Valaisanne
Leur déclaration de guerre
Dans la famille, le cancer du sein se retrouve de génération en génération. Rosita Pralong (au centre), et ses filles Maryline (à gauche) et Christelle se battent contre la maladie, pour ne pas
mourir aussi jeune que la mère de Rosita, Lydie Mayoraz (petite photo), emportée par un cancer du sein à 50 ans. Christelle a subi une double mastectomie par prévention.
SABINE PAPILLOUD
jpr - gb
«
Avant de faire le test
génétique, j’avais pris
ma décision: enlever
mes seins si j’avais le gène.»
CHRISTELLE PRALONG, 35 ANS PORTEUSE DU GÈNE BRCA1
Depuis l’annonce de l’ablation volon-
taire de ses deux seins le 14 mai dans
une chronique du «New York Ti-
mes», Agelina Jolie a créé un élec-
trochoc auprès des personnes con-
cernées, tant les femmes atteintes
ou non du cancer du sein que des
hommes. «C’est d’autant plus frap-
pant pour les hommes qu’Angelina
Jolie est l’égérie de la sexualité pleine
et épanouie de la femme. Or, là, elle
a décidé de subir une amputation sexuelle pour
diminuer les risques de cancer du sein», souli-
gne le Dr Nicolas Scheider, médecin-chef du
service de gynécologie du CHVR.
Pour ses six enfants
La comédienne, âgée de 37 ans, a décidé de
procéder à l’ablation de ses deux seins pour
ses six enfants – trois enfants biologiques et
trois adoptés. «Je peux dire à mes enfants qu’ils
n’ontplusbesoind’avoirpeurdemeperdreen
raison d’un cancer du sein», a expliqué Ange-
lina Jolie qui a, elle-même, perdu sa maman
emportée par un cancer à l’âge de 56 ans.
La générosité de l’actrice pour ses enfants a
marqué le Dr Nicolas Schneider. «Jenesuis
pas certain qu’un homme l’aurait fait. Cela si-
gnifie qu’Angelina Jolie renonce à son être sexué
pour donner la place à son rôle de maman. Cela
montre aussi la différence entre la femme, d’une
grande générosité et maturité, et l’homme»,
ajoute le Dr Schneider.
La révélation d’Angelina Jolie aura eu le mérite
de mettre en lumière le gène BRCA1 dans le
monde entier. Le médecin ajoute cependant
que la médiatisation de la double mastecto-
mie de la comédienne est un peu simpliste.
«Il ne faut pas minimiser cette opération qui mo-
difie complètement l’image corporelle; elle peut
aussi avoir une influence importante sur le cou-
ple. Cela peut amener à des crises de couple ou à
une séparation. De plus, la femme n’aura plus de
sensation avec des prothèses mammaires»,
nuance le Dr Schneider. CSa
Angelina Jolie a pris les armes
Angelina Jolie a révélé l’ablation
de ses deux seins le 14 mai dernier.
La nouvelle a touché autant les
hommes que les femmes.
DR