L’ecclésiologie catholique et le droit canonique 16
ecclésiologue Yves Congar écrivit : «Au XIXe siècle encore, on a
beaucoup considéré le monde et l'Église comme domaine d'une autorité.
Le ressourcement biblique a davantage fait voir le monde comme sujet
d'une histoire dont le sens est relatif à son terme, c'est-à-dire à
l'eschatologie. Mais ceci n'a guère été acquis qu'après la seconde guerre
mondiale. L'Église ne se concevrait plus principalement comme pouvoir
rival de l'autre pouvoir, mais elle se verrait elle-même, elle verrait le
monde lui-même et son rapport à ce monde, en référence à
l'eschatologie»1. Cette évolution trouvera une signature solennelle dans
les textes du Concile Vatican II, ainsi ce texte qui sert de référence
essentielle au travail canonique : «Le Christ, unique médiateur, crée et
continuellement soutient sur la terre, comme un tout visible, son Église
sainte, communauté de foi, d'espérance et de charité par laquelle il
répand, à l'intention de tous, la vérité et la grâce. Cette société organisée
hiérarchiquement d'une part et le Corps mystique d'autre part,
l'assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l'Église
terrestre et l'Église enrichie des biens célestes ne doivent pas être
considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule
réalité complexe, faite d'un double élément humain et divin. C'est
pourquoi, en vertu d'une analogie qui n'est pas sans valeur, on la
compare au mystère du Verbe incarné » (Lumen gentium, 8).
Par conséquent, les statuts des institutions et des personnes à
l'intérieur de l'Église ne peuvent être fondés uniquement sur le besoin
d'organisation propre à toute société ou sur le besoin d'ordre que
réclame toute société qui cherche la meilleure organisation. Dans la
systématique qui préside à l'organisation de l'Église, des éléments
interviennent, éléments essentiels, dont l'origine sera la mise en œuvre
de ce que le Concile Vatican II appelle, décrivant l'Église, «la
communauté de foi, d'espérance et de charité». Dans cet ordre, les
statuts sont la traduction juridique de la mission confiée par Dieu pour
que se réalise la mission universelle de l'Église. Dès lors, les codes de
droit canonique, latin et oriental, sont construits sur la fondation de
ministères dont les pouvoirs viennent de Dieu. Trois sacrements sont
fondateurs de statuts fondamentaux : le baptême, la confirmation et
l'ordre. Par le baptême, on acquiert le statut de Christifideles, nom latin
1Y. CONGAR, L'Eglise. De Saint-Augustin à l'époque moderne. Paris, Cerf, dernière
édition, 1996, p. 462-463.