M1.CHAPITRE 2.cours

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GEOPOLITIQUE ECS1
1.2.2.
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MODULE I – Thème 1 – CHAPITRE 2
L’éclatement du système monétaire dans le cadre d’une véritable guerre économique
La divergence des intérêts nationaux détruit le système monétaire international difficilement édifié dans les
années 1920 : le Gold Exchange Standard, mis en place à la conférence de Gênes de 1922, rétablit le Gold
Standard en introduisant la possibilité de fixer la parité de sa monnaie sur l’or ou les monnaies directement
convertibles (Dollar, Livre Sterling en 1925, Franc en 1928). La crise entraine son émiettement en zones
monétaires séparées car les Etats disposant de monnaies convertibles en or refusent la convertibilité pour
éviter de vider leurs réserves. Toutes les tentatives de concertation pour éviter le cloisonnement se soldent par des
échecs.
1.2.2.1.
Blocs et zones monétaires ⌦ Document 6 – Carte : Le cloisonnement du monde dans les années 1930
La première zone se constitue en septembre 1931, au moment où le gouvernement britannique supprime la
convertibilité de la livre sterling qui se déprécie immédiatement de 25% sur le marché des changes. Une
quarantaine de pays dont ceux du Commonwealth (Canada excepté), les pays scandinaves et baltes, la Grèce,
l’Iran, l’Irak, le Portugal, l’Irlande et l’Egypte, choisissent d’aligner leurs monnaies sur la livre dépréciée dans une
logique de préservation des débouchés britanniques. Favorable à l’Angleterre, cette décision est une catastrophe
pour le reste du monde qui voit dans cette opération une dévaluation compétitive.
La décision de suspendre la convertibilité du dollar en 1933, puis de le déprécier en 1934, entraîne la création
d’une seconde zone centrée sur l’Amérique et qui s’organise autour du dollar.
En juillet 1933, la France organise la création d’une troisième zone, le « bloc-or », qui regroupe les pays qui
choisissent de défendre la libre convertibilité en or de leurs monnaies : la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Italie
ou la Pologne font ce choix. Ce positionnement est fragile car les monnaies sont surévaluées et le bloc-or s’effrite
à partir de 1935 (dévaluation du franc belge) pour disparaître en 1936 (dévaluation du franc).
L’Allemagne et le Japon développent de véritables blocs monétaires constitués sur un rapport de domination
fondé sur une monnaie d’échange avantageuse pour l’Allemagne (aski marks : marks bloqués uniquement
utilisables pour acheter des marchandises allemandes) ou le yen déprécié (60% dès 1931).
1.2.2.2.
Des tentatives de concertation vouées à l’échec La conférence de Londres organisée en 1933 est réunie pour « suivre la meilleure [voie], celle de l’entente
internationale », selon Ramsay Mac Donald. Sous l’égide de la SDN, les 66 pays réunis doivent s’accorder sur
une trêve douanière, une trêve monétaire et une action coordonnée face à la crise économique. Mais F.D.
Roosevelt porte un message qui condamne la spéculation sur le dollar et laisse envisager une dévaluation proche.
« Laissez-moi dire franchement que les Etats-Unis recherchent un genre de dollar qui aura dans une
génération le même pouvoir d’achat et de règlement des dettes que celui dont nous espérons définir la valeur
dans un avenir proche. »
F.D. Roosevelt, Message à la Conférence de Londres, 3 juillet 1933
La défection du pays le plus puissant rend inutile la poursuite des discussions et précipite l’échec de la conférence.
Les bases de la discussion seront néanmoins le fondement des politiques mises en œuvre en 1945.
L’accord tripartite franco-américano-britannique qui entre en vigueur en 1936, vise à endiguer les
dépréciations compétitives. Il n’empêche pas les dévaluations successives du franc le mois suivant, puis en
1937 et 1938.
En raison de la guerre monétaire que se livrent les grandes puissances et du rétrécissement du marché mondial, le
repli impérial apparaît comme une solution notamment pour les deux plus grandes puissances coloniales que sont
la France et le Royaume-Uni.
1.2.3.
Le « repli impérial », une solution ?
Le repli sur les empires coloniaux se fait dans le cadre du renforcement des liens bilatéraux entre les
métropoles et leurs colonies. Il permet de maintenir les échanges les plus vitaux mais ne constituent en rien une
solution de remplacement au commerce international et le développement d’échanges privilégiés dans le cadre
des zones d’influence apparaît souvent plus efficace.
⌦ Document 7 – Tableau : Part des échanges coloniaux dans le commerce total
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1.2.3.1.
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MODULE I – Thème 1 – CHAPITRE 2
La préférence impériale britannique Par l’instauration d’un tarif douanier général en 1932 (Import Duties Act), la Grande-Bretagne se donne le
moyen de négocier avec ses principaux partenaires un régime préférentiel en échange de contreparties. De
nombreux accords bilatéraux sont signés avec les dominions mais aussi avec les Etats membres de la zone
sterling (pays scandinaves). Cette politique d’accords privilégiés entraine un recentrage du commerce britannique
sur l’Empire, et plus globalement sur la zone sterling, en terme d’approvisionnement (importations) ou de
débouchés (exportations).
Attention, il faut néanmoins nuancer les résultats de ce repli impérial :
•
En valeur, comme en volume, les exportations britanniques n’ont toujours pas retrouvé en 1939 leur
niveau, pourtant médiocre, de 1929.
• L’écart entre les importations et les exportations se réduit et la Grande Bretagne est contrainte
d’acheter de plus en plus de produits manufacturés dans ses colonies.
• La part du commerce britannique dans les importations de l’Inde et des dominions recule entre 1913
et 1939.
Plus qu’un renforcement du lien colonial, on peut donc se demander si ce repli ne rend pas la Grande-Bretagne
plus dépendante de ses colonies et de sa zone monétaire plutôt que l’inverse !
1.2.3.2.
La « redécouverte » de l’empire colonial par la France Inaugurée par l’exposition coloniale de 1931, la décennie est marquée par une volonté française de mieux tirer
parti de son Empire. Les investissements extérieurs français sont ainsi dirigés à 50% vers les colonies en
1939 alors qu’ils ne l’étaient qu’à 10% en 1913. Les débouchés coloniaux représentent une part de plus en plus
importante des exportations françaises : 50% des exportations automobiles et 85% des exportations cotonnières
en 1938. Mais comme pour la Grande-Bretagne, ces chiffres cachent une réalité plus inquiétante :
• La rapidité de la croissance des exportations vers les colonies et l’importance des industries anciennes
dans cette croissance montre que le marché colonial n’a pour fonction que de « freiner les reculs,
plutôt qu’accélérer les avances » (Jacques Marseille)
• Comme pour la Grande-Bretagne, on observe que les importations progressent plus vite que les
exportations.
• Contrairement à l’Empire britannique, l’Empire français est trop faible pour compenser le recul des
échanges avec l’étranger et la France souffre au même titre que les pays qui ne disposent pas de
colonies (Allemagne) à la fin de la décennie.
La reconversion coloniale française est rapide mais plus symbolique qu’efficace. Elle permet, en outre, de
retarder une nouvelle fois la modernisation de l’appareil de production dans les secteurs anciens.
1.2.3.3.
Réussite japonaise et pragmatisme américain Le repli colonial britannique et français doit être pris au sens strict tant il contraste avec le rôle moteur que
l’impérialisme japonais assigne à la conquête de débouchés industriels coloniaux et de sources
d’approvisionnements privilégiés dans toute sa sphère de domination. La croissance et la structure des
échanges sont sans commune mesure avec celles des puissances européennes : doublement de la part des
échanges avec « l’Empire » et forte croissance notamment des exportations. Au repli impérial européen, il faut
donc opposer le véritable impérialisme japonais. On observe ici les caractères de l’autarcie d’expansion que
l’on retrouve dans une moindre mesure avec la sphère d’influence régionale que développe l’Allemagne
(12,5% du commerce allemand est réalisé en 1938 avec les pays d’Europe du Sud-est contre 5% en 1929).
Les Etats-Unis reconstituent, sous la forme d’un impérialisme commercial et monétaire fondé sur la suprématie
financière du pays, les échanges interaméricains dans le cadre d’un réseau construit sur le Reciprocal Trade
Agreement Act de juin 1934. Celui-ci autorise la signature d’accords de réduction tarifaire mutuelle et permet de
renforcer l’influence des Etats-Unis sur l’Amérique latine.
Si les empires coloniaux apparaissent davantage comme une solution de repli dans une logique de survie qui ne
s’inscrit pas dans le long terme pour les métropoles coloniales, les régimes autoritaires construisent de véritables
blocs pour préparer la guerre dès le milieu des années 1930 alors que les Etats-Unis se replient sur leur « pré
carré ». Les années 1930 sont véritablement marquées par un cloisonnement qui est la conséquence des
stratégies commerciales nationales concurrentes. Cette défiance se retrouve dans la faillite du système de sécurité
collective mis en place après la Première guerre mondiale.
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