ERS n°3 vol6 flash 11/05/07 12:14 Page 169 Pollution de l’air et santé respiratoire Mots clés : cancérogènes professionnels ; étude cas-témoins ; étude multicentrique ; Europe ; exposition professionnelle ; silice ; tumeur poumon. Exposition professionnelle à la silice cristalline et risque de cancer du poumon : étude cas-témoins multicentrique européenne* l’isolation, l’agriculture, l’imprimerie, les métiers de la mine et des carrières, l’industrie du coke, le travail en fonderie, l’industrie chimique. Des experts locaux ont évalué la probabilité, l’intensité et la durée d’exposition à la silice. e Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a répertorié, en 1997, l’exposition professionnelle à la silice cristalline comme cancérogène pour l’homme. Cette décision a été l’objet de controverse, notamment en raison du manque de données exposition-réponse, de l’absence d’homogénéité des résultats des études portant sur la relation entre exposition professionnelle à la silice et risque de cancer du poumon, de l’insuffisance de prise en compte des facteurs potentiels de confusion, tabagisme en particulier mais aussi expositions à d’autres cancérogènes comme l’amiante ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Dans ce contexte, une étude multicentrique a été mise en œuvre en Europe afin de préciser le rôle des expositions professionnelles dans la survenue du cancer du poumon, en prenant en considération le tabagisme et les expositions concomitantes à d’autres cancérogènes rencontrés en milieu de travail. L Une étude cas-témoins multicentrique européenne Cette étude a été conduite dans sept pays d’Europe, dans une région du Royaume-Uni et 15 régions d’Europe centrale et orientale : une région de Roumanie et une de Russie, deux de Pologne, trois de Slovaquie et de République Tchèque, et cinq de Hongrie. Elle a inclus tous les cas incidents de cancer du poumon histologiquement ou cytologiquement confirmés, survenus de 1998 à 2002 chez les sujets âgés de 20 à 74 ans. L’identification des cas s’est fondée sur une recherche active, clinique et anatomopathologique, auprès des services hospitaliers et l’étude a inclus, parmi les patients hospitalisés et au cours des trois mois suivant le diagnostic, les cas éligibles habitant dans la région d’étude depuis une année au moins avant le diagnostic. Les témoins, appariés aux cas pour le sexe et l’âge à trois ans près, étaient indemnes de cancers et de maladies associées au tabagisme. Ils ont été recrutés Environnement, Risques & Santé – Vol. 6, n° 3, mai - juin 2007 pour tous les centres d’étude sauf deux, au Royaume-Uni et en Pologne, en milieu hospitalier, dans le même hôpital que les cas ou dans des hôpitaux desservant la région dont étaient issus les cas. Au Royaume-Uni les témoins ont été choisis à partir des registres des médecins généralistes et, dans un des centres de Pologne, ils provenaient des registres de population. Un entretien en tête-à-tête a permis de préciser le mode de vie, les données démographiques et socio-économiques, les antécédents médicaux, les antécédents familiaux de cancer et de tabagisme, ainsi que les historiques résidentiels et professionnels vie entière. Le volet professionnel de l’interview a fait l’objet d’une attention particulière : historique complet et questions sur les expositions, sur les tâches effectuées, les machines utilisées, l’environnement au travail, le temps passé à chaque tâche, les expositions spécifiques. Un questionnaire portant sur 18 emplois spécifiques a également été rempli, intéressant notamment la mécanique automobile, le travail du bois, la peinture, la soudure, La silice : facteur de risque de cancer du poumon ? Au total 2 852 cas et 3 104 témoins étaient éligibles ; le taux de réponse était de 84 % pour les cas et de 85 % pour les témoins. La proportion de fumeurs, exfumeurs inclus, était plus forte chez les cas (90 %) que chez les témoins (64 %). La prévalence vie entière d’exposition à la silice était de 15 % chez les cas et de 10 % chez les témoins. Des ajustements ont été effectués sur le tabagisme et sur tous les agents d’exposition professionnelle évalués. Les odds ratios (OR) n’ont sensiblement changé qu’après ajustements sur l’exposition aux poussières de bois et aux poussières de matériaux d’isolation, dont l’amiante. © itstock free Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Selon les résultats d’une étude multicentrique européenne portant sur près de 3 000 cas et plus de 3 000 témoins, ayant pris en compte le tabagisme et l’exposition à d’autres cancérogènes rencontrés en milieu de travail, l’exposition professionnelle à la silice cristalline pourrait être un facteur de risque de cancer du poumon. A European multicenter study of nearly 3,000 cases and more than 3,000 controls, which took both smoking and occupational exposure to other carcinogens into account, found that occupational exposure to crystalline silica may be a risk factor for lung cancer. 169 ERS n°3 vol6 flash 11/05/07 12:14 Page 170 Brèves Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Pollution de l’air et santé respiratoire • L’étude montre une association entre exposition professionnelle à la silice cristalline et accroissement du risque de cancer du poumon. Après ajustement sur l’âge, le sexe, le centre, le niveau d’éducation, l’exposition aux poussières de matériaux d’isolation et de bois, l’OR pour le cancer du poumon en rapport avec le fait d’avoir été exposé à la silice cristalline était de 1,44 (IC à 95 % : 1,22-1,69). L’ajustement supplémentaire sur le tabagisme a réduit l’OR à 1,37 (IC à 95 % : 1,14-1,65). • Le risque attribuable associé à l’exposition professionnelle à la silice cristalline était de 4 % pour les deux sexes, de 5 % pour les hommes et de 1 % pour les femmes. • Les fumeurs exposés à la silice avaient un risque de cancer du poumon accru en comparaison des fumeurs non exposés (OR = 1,41 ; IC à 95 % : 1,071,87). Des augmentations de risque semblables ont été observées chez les anciens fumeurs (OR = 1,31 ; IC à 95 % : 0,991,73) et les sujets n’ayant jamais fumé (OR = 1,41 ; IC à 95 % : 0,79-2,49). • Le risque était plus manifeste pour le tertile supérieur d’exposition cumulée (OR = 2,08 ; IC à 95 % : 1,49-2,90), la durée d’exposition (OR = 1,73 ; IC à 95 % : 1,26-2,39) et la durée pondérée d’exposition (OR = 1,88 ; IC à 95 % : 1,35-2,61). CG * Cassidy A1, Mannetje A, van Tongeren M, et al. Occupational exposure to crystalline silica and risk of lung cancer. A multicenter case-control study in Europe. Epidemiology 2007 ; 18 : 36-43. 1 Roy Castle Lung Cancer Research Programme, Cancer Research Centre, University of Liverpool, UK. 170 Mots clés : asthme ; champignons ; eau ; enfant ; États Unis ; exposition environnement ; facteurs socioéconomiques ; humidité ; logement. Moisissures spécifiques associées à l’asthme dans les habitations à dégâts des eaux* Les résultats d’une étude américaine, fondée sur des mesures dans l’air et la poussière du domicile, associent deux types de moisissures spécifiques à l’asthme dans les habitations ayant subi des dégâts des eaux. L’humidité n’étant pas toujours apparente, les auteurs voient dans cette association l’intérêt d’un indice de moisissures prédictif de la survenue de l’asthme dans les habitations à dégâts des eaux. This American study measured two types of molds specific to asthma in the air and dust of waterdamaged homes. Because dampness is not always apparent, the authors see this association as potentially useful as a mold indicator for predicting asthma in homes with water damage. a prévalence de l’asthme de l’enfant, aux États-Unis comme dans de nombreux pays industrialisés, va croissant. Nombre d’études incriminent des facteurs environnementaux et sociaux dans la genèse de cette maladie, et l’exposition aux moisissures est au banc des accusés. Des auteurs américains de l’Environmental Protection Agency des États-Unis (US EPA) ont, en 2004, montré que certaines moisissures étaient statistiquement plus fréquentes dans les habitations à dégâts des eaux (moisissures du groupe 1), tandis que d’autres étaient rencontrées dans toutes les habitations (groupe 2). En 2006, se fondant sur cette répartition en deux groupes, ces auteurs publient une nouvelle étude visant à évaluer les populations de moisissures au domicile d’asthmatiques, ayant subi des dégâts des eaux. paré ces concentrations à celles mesurées dans des habitations sans dégât des eaux apparent. Les concentrations de moisissures ont été mesurées aux domiciles ayant subi des dégâts des eaux, dans l’air et dans la poussière de 60 chambres à coucher d’enfants asthmatiques, à Cleveland, dans l’Ohio, et dans 22 habitations sans dégâts des eaux servant de témoins. Les mesures, spécifiques, ont été effectuées par PCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative. Un score de moisissures a été calculé en prenant en compte les niveaux de moisissures, évalués dans chaque habitation. Une étude comparative L’âge moyen des enfants inclus dans l’étude, dont 66 % étaient noirs, était de 6,8 ans. Plus des trois quarts de ces enfants avaient un asthme persistant léger à sévère. Un tiers des familles avait un revenu annuel inférieur à 20 000 dollars et 83 % d’entre elles résidaient dans des habitations tra- L Cette étude, dont l’objectif était de déterminer si des moisissures spécifiques se trouvaient à des concentrations significativement accrues dans des habitations ayant subi des dégâts des eaux où vivaient des asthmatiques, a com- Une association entre asthme et deux moisissures spécifiques ? ditionnelles à une seule famille. • Deux types de moisissures, Scopulariopsis brevicaulis et Trichoderma viride , se sont avérés présents à des concentrations significativement plus élevées dans les habitations des asthmatiques, en comparaison des habitations témoins (P < 0,05). Pour trois autres types de moisissures (Penicillum crustosum, Stachybotrys chartarum et Wallemia sebi), P était inférieur à 0,1. • Les concentrations de sept autres moisissures, dont Alternaria alternata, Cladosporium cladosporioides, Cladosporium sphaerospermum, sont apparues significativement plus basses au domicile des asthmatiques que dans les habitations des témoins. • Les auteurs insistent sur l’utilité d’un indice prédictif de la présence de moisissures au domicile et du risque de survenue de l’asthme, en présence de dégâts des eaux, manifestes ou inapparents. CG * Vesper SJ1, McKinstry C, Yang C, et al. Specific molds associated with asthma in waterdamaged homes J Occup Environ Med 2006 ; 48 : 852-8. 1 Environmental Protection Agency, Cincinnati, USA. Environnement, Risques & Santé – Vol. 6, n° 3, mai - juin 2007