Le Théâtre de la Vie et moi (5)
Décembre 2008, Ma sœur ma juge s’installe pour
trois semaines au Théâtre de la Vie. Morane (le
régisseur avec qui je travaille en France) est là.
Cela me rassure. Je peux aller jusqu’au bout de
ma recherche. Les changements de dernière
minute ne lui font pas peur ! C’est extraordinaire
d’avoir autant de temps devant nous. C’est si
rare.
Cadeau d’autant plus précieux que le spectacle
prend tout son temps pour nous révéler son
rythme. Chaque nuit, après la représentation, je
fais des modifications dans le texte que je teste le
lendemain soir. Nuit après nuit, soir après soir, je
cherche. Morane se moque gentiment de mes
heures supplémentaires : « Coupe tes ailes et
plonge ». Mais je sais que lui aussi, la nuit, dans
son sommeil, demande à la lune de l’éclairer.
Et puis un soir de peu de monde, une chevelure
blanche rayonne doucement dans le public.
Une énergie d’amour circule dans l’air.
Une paix immense m’envahit. Je me sens portée.
Je peux plonger.
Jamais Ma sœur ma juge n’a été aussi juste.
Autant sur le fil. L’émotion du public est palpable.
Même après les applaudissements. Jusqu’à la
dernière note vibrante de la chanson d’Aurélie
Dorzée. Les autres soirs, le public s’était levé à ce
moment là, durant la chanson. Avaient quittés la
salle, un à un. Mais là, non. Tous, d’un commun
accord, écoutaient : « … Des cocons qui se font,
cocons qui se défont,… ». Instants de grâce, de
communion profonde.
La lumière s’est faite lentement dans les gradins,
j’ai reconnu le visage sous la chevelure blanche.
« Une chanson, c’est comme une personne, je
l’écoute jusqu’au bout ! ». Voilà ce que Julos et
j’ai grandi avec lui partout dans la maison. Elle
avait tous ses disques, ses livres. Sur un mur de
ma chambre, celui sur lequel se posait mon
premier regard, le matin, il y avait une étiquette
bleue qu’elle m’avait offerte à la fin d’un de ses
concerts. Une grande étiquette (dédicacée !) où il
était écrit : « Mon métier est de vous dire que
tout est possible ! »
Le Théâtre de la Vie et moi (6)
Je ne peux regarder « mon Molière » sans
repenser au Jeu du Médecin malgré lui. C’est la
première pièce de théâtre de Molière à laquelle
j’ai assisté. En vrai. J’avais 16 ans. La compagnie
s’était installée dans notre immense hall de
gymnastique flambant neuf. Leurs tréteaux
s’imposaient insolites sur le terrain de basket.
Tout autour des murs de béton plus gris que ça tu
meurs. Une odeur de caoutchouc à t’en couper le
souffle.
Devant la scène, plus d’une centaine
d’adolescentes en uniforme rassemblées là, pour
le meilleur et pour le pire.
Cet après midi là, le pire est resté coincé dans nos
cahiers d’écolier.
Mais Molière, lui, tel un Zorro multicolore, s’était
échappé de son livre tout jauni. Il était là avec
nous et il nous secouait une à une. « Eh ! Réveillez
vous les filles. Y’a pas que le bleu marine dans la
vie ! ». Molière mettait le feu au règlement !
J’ai gardé le souvenir d’un moment magique. Un
instant de plaisir indélébile. Du jeu à l’état pur.
Celui qui transforme l’obligatoire en
extrêmement vital. Celui qui te brûle, te donne
envie de sauter sur la scène et de jouer. Envers et
contre tout. Pour le meilleur et loin, très loin du
pire.
C’est ainsi qu’à 16 ans, le Théâtre de la Vie a fait
son entrée dans mes synapses !
Le Théâtre de la Vie et moi (7)
2012 : (février) Le vent n’est pas tout seul dans
l’air
2011 : (décembre) VY