Du corps à la décision : variabilité comportementale inter- et intra-
individuelle
Olivier Oullier
La combinaison de concepts et de méthodes de neurosciences (e.g. imagerie
cérébrale, neurophysiologie, neuroendocrinologie) avec la théorie des jeux
fournit aujourd’hui des perspectives originales qui pourraient mener à une
meilleure compréhension des processus sous-tendant les interactions sociales
tout autant que les préférences et les échanges économiques entre deux (ou
plusieurs) individus. Ce nouveau champ de recherche pluridisciplinaire est
désormais connu sous le nom de neuroéconomie des interactions sociales. Au
cours de la décennie qui vient de s’écouler, les chercheurs en neurosciences
s’intéressant aux corrélats neuronaux de processus participant aux interactions
sociales (e.g. confiance, altruisme, punition, …) ont commencé à s’intéresser de
plus près à l’impressionnant corpus empirique que l’économie expérimentale et
la théorie des jeux ont a offrir.
Toutefois, jusqu'ici, une des caractéristiques de la neuroéconomie (des
interactions sociales) et d’une partie des neurosciences de la décision, est que
les processus décisionnels ont toujours étudiés de façon « désincarnée », i.e. en
omettant de prendre en compte la dimension corporelle (posture, geste,
expressions faciales). Quelle en est la raison ? Omission ? Oubli ? Simplification
extrême ? Une explication pourrait venir pourrait de la dichotomie entre le
corps et l’esprit qui a établi une hiérarchie conceptuelle tenace, autant dans les
sciences comportementales et que celles du cerveau, entre des fonctions
cognitives soi-disant « de haut niveau » et des mécanismes (sensori-)moteurs «
de bas niveau ». Par conséquent, le corps et la sensori-motricité ont longtemps
été laissés de côté dans l’étude de la décision économique.
Au cours de cette présentation, je présenterai un ensemble de travaux que nous
menons qui, grâce à des outils et méthodes issues de la psychologie
(différentielle, sociales), des neurosciences (cognitives affectives et sociales), de
l’économie comportementale et de la théorie des systèmes dynamique
proposent de faire le lien entre différents niveaux d’observation du
comportement humain social. Notamment, j’insisterai sur la nécessité d’une
meilleure prise en compte des différences inter- et intra-individuelles dans
l’élaboration de modèles de choix économique et moral moins génériques mais
plus réalistes.
Références :
Oullier O. & Basso F. (2010). Embodied economics: How bodily information
shapes the social coordination dynamics of decision making. Philosophical
Transcations of the Royal Society: B Biological Sciences, 365 (1538), 291-301
Oullier O., Kirman A.P. & Kelso J.A.S. (2008). The coordination dynamics of
economic decision-making: A multi-level approach to social neuroeconomics.
IEEE Transactions on Neural and Rehabilitation Systems Engineering, 16(6),
557-571
Olivier Oullier
Maître de conférences, neurociences
Laboratoire de psychologie cognitive (UMR 6146)
Université de Provence et CNRS, Aix-Marseille Université, Marseille
www.emorationality.com