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lité de vie du patient, en lien avec un traitement conserva-
teur. En raison de la première condition, en Suisse, la limite
d’âge maximale des patients candidats à une greffe cardia-
que reste de 70 ans. La deuxième condition demande que
les personnes candidates ne présentent pas de comorbi-
dités importantes contre-indiquant cette greffe. Le pronostic
pour une «bonne» qualité de vie après l’intervention est
difficile, car la perception subjective des comorbidités reste
individuelle. En général, les comorbidités sont prises en
compte dans le bilan des éléments cliniques sans possibi-
lité d’amélioration (par exemple prothèse mécanique d’une
articulation) et des pathologies cliniques risquant de s’ag-
graver (par exemple : aggravation d’une dysfonction rénale
postopératoire nécessitant une dialyse).
La majorité des patients candidats pour une greffe car-
diaque ont été envoyés par des médecins «externes», pour
un suivi en ambulatoire. En Suisse romande, sur la liste ac-
tuelle, dix-neuf patients sur 30 nous ont été envoyés par
des collègues extérieurs au CHUV ou aux HUG. Les onze
autres patients ont été pris en charge lors d’une hospitali-
sation suite à une décompensation aiguë ou à la survenue
d’un nouvel événement (par exemple : infarctus myocar-
dique étendu).
Avant de parler des indications à une greffe cardiaque
sur la base des données de la littérature, le tableau 1 re-
cense les contre-indications absolues à la greffe cardiaque,
qui excluent d’emblée certains patients candidats.4
critères de mise en liste d’attente
Issus des données de la littérature et de l’expérience sur
plus de deux décennies de greffes cardiaques en Suisse
romande, nos critères de transplantation figurent dans le
tableau 2.
Le point le plus important est de présenter le patient au
comité qui décidera de la faisabilité d’une greffe cardiaque
au bon moment. En effet, en théorie, un patient candidat
potentiel pour la greffe cardiaque risque d’être refusé :
• s’il a été présenté trop tôt parce qu’il va «trop» bien, ou
parce qu’il s’est présenté trop tard ;
• si les risques opératoires sont élevés en lien avec des
comorbidités trop importantes (tableau 3).
Pour le premier point, le cas du patient prend en compte
la nécessité d’un suivi par une consultation d’insuffisance
cardiaque spécialisée pouvant identifier à temps une dé-
gradation clinique. Concernant le deuxième point, les co-
morbidités existantes sont jugées selon leur impact sur le
risque périopératoire et postopératoire.
Chez des patients candidats pour une greffe cardiaque,
les comorbidités sont traitées conjointement par les diffé-
rents services des institutions (CHUV, HUG) ou en collabo-
ration entre l’équipe d’insuffisance cardiaque locale et les
médecins installés en cabinets privés. Cela demande des
contacts intensifs et une excellente communication entre
les médecins traitants d’un patient candidat éventuel. Le
projet d’une greffe est donc toujours un projet pluridisci-
plinaire.
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Tableau 2. Critères de mise en liste d’attente
Discussion sur la possibilité d’une greffe cardiaque
• Persistance d’une classe fonctionnelle III à IV selon la NYHA malgré
un traitement optimisé
• Angine thoracique d’origine ischémique sans autres options, que ce
soit un traitement médical/interventionnel/chirurgical
• Persistance d’une arythmie majeure sans l’option d’un traitement
médical/chirurgical
• Absence d’options chirurgicales/interventionnelles/conservatrices dans
le cadre d’une coronaropathie, d’une valvulopathie, d’un anévrisme ou
d’une dilatation du ventricule gauche
Indications pour une greffe cardiaque
• VO2max l 10 ml/kg/min
• Classe NYHA IV persistante
• Hospitalisations récurrentes pour le traitement de décompensations
cardiaques aiguës
• Angine thoracique sur coronaropathie réfractaire au traitement médical/
interventionnel/chirurgical associée à une fraction d’éjection systolique
du ventricule gauche l 20%
• Episodes répétitifs d’arythmie ventriculaire symptomatique
La greffe cardiaque est probablement indiquée lorsque :
• VO2max l 14 ml O2/kg/min (ou au-dessus en cas d’autres facteurs de
risque)
• Classe fonctionnelle III à IV selon la NYHA
• Hospitalisations répétitives sur décompensations cardiaques aiguës
Tableau 3. Comorbidités avec impact sur la morta-
lité en phase périopératoire immédiate
Phase immédiate Long terme
RR RR
1. Poids L 140% du poids idéal, 2,35
ou IMC L 34 kg/m2
2. IMC l 20 kg/m2 2,5
3. Créatinine L 220 mmol/l 1,43 1,23
4. Age L 60 ans 1,13 1,41
5. Maladie pulmonaire 1,35
6. Thoracotomie antérieure 1,44
7. L 1 thoracotomie antérieure 1,77
8. Diabète insulino-requérant 1,66
(Adapté de Kirklin JK, Young JB, McGriffin DC. Heart Transplantation.
Philadelphie : Churchill Livingstone, 2002;594).
RR : risque relatif ; IMC : indice de masse corporelle.
• Age : plus de 70 ans au moment de l’inscription
• HTAP sévère avec résistances artérielles pulmonaires (RAP) fixées
L 250 dynes/sec/cm-5*
• Affection hépatique irréversible ou cirrhose (L Child A)
• Affection systémique active
• DID ou requérant multicompliqué
• Insuffisance respiratoire sévère
• Toxicomanie ou éthylisme actif (abstinence de six mois minimum)
• Pathologie oncologique sauf les tumeurs cutanées (non mélanome)
• Maladie vasculaire périphérique sévère
• Pathologie psychiatrique décompensée ou risques de non-compliance
médicamenteuse et de non-suivi thérapeutique
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; DID : diabète insulino-dépendant.
* RAP : les résistances vasculaires sont exprimées en dynes/sec/cm-5 (norma-
les 90 à 120 dynes/sec/cm-5). Le dyne est la valeur unitaire pour la mesure de
la résistan ce vasculaire pulmonaire.
Tableau 1. Contre-indications absolues à la greffe
cardiaque
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