lettre pharmacovigilance de la vétérinaire Novembre 2008 numéro 6 A ge n ce n atio n a le d u m é dic a m e nt vété r in aire éditorial Effets indésirables chez les chiens Effets indésirables chez les carnivores domestiques Pharmacovigilance et déontologie Beaucoup de choses ont déjà été dites dans cette tribune sur l’originalité, les difficultés, mais aussi et surtout sur la nécessité et l’intérêt majeur de la pharmacovigilance vétérinaire. Presque tous les acteurs de la filière du médicament vétérinaire sont concernés, le prescripteur et le dispensateur constituant des acteurs majeurs sans lesquels le système ne saurait non seulement fonctionner mais tout simplement exister. Encore faut-il qu’ils en aient pleine conscience ! Le vétérinaire praticien, en tant que prescripteur, est concerné au premier chef. Quand on examine l’origine des signalements d’effets indésirables, il est du reste actuellement, et de loin, le premier déclarant. Bravo ! Il respecte à ce titre le code de déontologie vétérinaire, l’article R.242-46 du Code rural disposant explicitement qu’il doit participer activement à la pharmacovigilance vétérinaire. Le même vétérinaire prescripteur, dans le cadre d’une démarche collective de mutualisation des informations dûment analysées et scientifiquement traitées, en est au demeurant le principal bénéficiaire, grâce à la présente Lettre de la pharmacovigilance vétérinaire. Par sa lecture attentive, il satisfait à une autre obligation déontologique, celle d’acquérir l’information scientifique nécessaire à son exercice professionnel et de perfectionner ses connaissances. Mais au-delà de ce qui peut être présenté comme obligatoire, retenons surtout, dans le cadre original du système de pharmacovigilance vétérinaire à la française, pour le praticien prescripteur, la facilité d’une déclaration à partir d’une simple liaison téléphonique avec le centre régional de pharmacovigilance qui fonctionne 24 h sur 24, l’agrément d’un dialogue immédiat, des formalités de déclaration écrite extrêmement simplifiées et souples, un isolement rompu. N otions de gravité des effets indésirables De telles facilités et un tel confort prennent leur pleine valeur quand il s’agit par exemple de l’injection accidentelle de médicaments vétérinaires à l’homme, en particulier lorsque ceux-ci sont réservés à l’administration par le vétérinaire. Cela concerne les médicaments disposant d’une AMM, cela peut prendre a fortiori toute sa valeur quand il s’agit de médicaments sous ATU (autorisation temporaire d’utilisation). Michel BAUSSIER Vétérinaire praticien en Saône-et-Loire Membre de la Commission nationale de pharmacovigilance vétérinaire Vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires Effets indésirables chez le chien Anti-diarrhéique à base de lopéramide Anti-progestatif à base d’aglépristone Sur une période de 18 mois, les déclarations notifiées concernent 24 chiens. Ont principalement été décrits des signes nerveux (ataxie, parésie, hypermétrie, apathie, coma…). Ils sont associés ou non à des signes cardiorespiratoires (bradycardie, polypnée…), digestifs (anorexie, adipsie…) ou autres. Sur une période de 5 ans, les 152 déclarations concernent 162 chiennes qui ont présenté des effets indésirables parmi lesquelles 5 % sont mortes. En se fondant sur les déclarations notifiées, il a pu être estimé qu’environ 3 chiens sur 10 000 pourraient présenter des effets indésirables (rares). Le rapport bénéfice-risque du lopéramide n’est pas remis en cause par les données de pharmacovigilance. Des réactions inflammatoires et des états de choc ont été observés Plus de la moitié des animaux présentant des effets indésirables sont des Colley ou races apparentées qui ont été traités malgré la contre-indication portée sur les étiquetages et la notice. Cette contre-indication s’appuie sur les données de pharmaco-génomique : ces animaux portent souvent une mutation du gène MDR1 (Multi Drug Resistance). Ce gène code une glycoprotéine, appelée aussi « multi drug transporter » qui empêche la pénétration de xénobiotiques dans le système nerveux central (SNC) en les captant lors de leur passage trans-membranaire pour les rejeter dans le sang. Lorsque cette protéine est absente (homozygote mutant) ou présente en quantité insuffisante (hétérozygote), les substances s’accumulent dans le SNC et peuvent exprimer leur neurotoxicité. Pour les animaux présentant une symptomatologie nerveuse après traitement au lopéramide, un test génétique est disponible pour vérifier si ces animaux sont porteurs de ce gène mutant. Des réactions inflammatoires sont survenues au point d’injection (douleur, chaleur, rougeur) pouvant persister jusqu’à 45 jours et évoluer vers des nécroses, abcès, ulcères ou surinfection bactérienne. Dans la demi-heure qui suit l’injection ont également été décrits des signes compatibles avec des états de chocs : signes cardiorespiratoires (œdème pulmonaire, bradycardie, dyspnée…) associés ou non à d’autres signes tels que hypersalivation, vomissements, pâleur… lettre pharmacovigilance vétérinaire Le rapport bénéfice-risque de l’aglépristone n’est pas remis en cause par les données de pharmacovigilance. Ne pas administrer de lopéramide chez les races Colley et apparentées Consulter les avis et rappor t s sur : de la En se fondant sur les déclarations notifiées et sur les chiffres de vente des médicaments, il a pu être estimé que 5 chiennes sur 10 000 traitées pourraient présenter des effets indésirables (rares). Après traitement avec l’aglépristone, prévoir une visite de contrôle pour s’assurer de l’expulsion des fœtus et vérifier l’absence d’effet indésirable et, en particulier de métropathie. w w w.anmv.afssa.fr/pharmacovigilance/ N o v e m b r e 2 0 0 8 - n u m é ro 6 - p a g e 2 Effets indésirables chez les carnivores domestiques La notice recommande de fractionner la dose quotidienne en 2 ou 3 prises Anti-émétique à base de métoclopramide Sur une période de 5 ans, 101 déclarations ont été notifiées chez le chien et 30 chez le chat. Lors de la survenue d’effets indésirables, quelles que soient l’espèce et la voie d’administration, ont été décrits prostration ou agitation, ataxie, postures et/ou mouvements anormaux, tremblements, agressivité et vocalises. En se fondant sur les déclarations de pharmacovigilance, les effets indésirables après traitement par du métoclopramide sont très rares : • un chat sur 123 000 traités pour la forme orale et un sur 200 000 pour la forme injectable ; • un chien sur 160 000 avec la forme orale et un sur 38 000 traités avec la forme injectable. Le rapport bénéfice-risque du métoclopramide n’est pas remis en cause par les données de pharmacovigilance. Administrer la dose quotidienne en une seule prise constitue un surdosage. Dans les déclarations d’effets indésirables, il n’était pas indiqué si la dose journalière avait été fractionnée. Si tel n’était pas le cas, cela pourrait expliquer une part des effets indésirables observés. Autres recommandations • Éviter l’administration avec les anticholinergiques (atropiniques). • Prendre garde à l’association avec des neuroleptiques dérivés de la phénothiazine (acépromazine) qui augmente le risque d’effets extrapyramidaux. • Utiliser la dose basse de métoclopramide afin d’éviter une sédation excessive lors d’association avec des dépresseurs du système nerveux central (dérivés morphiniques, barbituriques, anxiolytiques, benzodiazépines, sédatifs…). Fréquence des effets indésirables : le libellé du RCP Pour les médicaments vétérinaires, pour lesquels le résumé des caractéristiques du produit (RCP) a été établi, des informations claires concernant les conditions d’utilisation du médicament telles qu’elles ont été approuvées par l’autorisation de mise sur le marché (AMM), sont fournies. Le RCP est présenté suivant un format standard et le libellé de ses différentes rubriques a fait l’objet d’une ligne directrice de l’agence européenne du médicament. L’étiquetage, la notice et toute communication relative au médicament doivent être en conformité avec les dispositions du RCP. Deux rubriques décrivent les signes cliniques susceptibles d’être observés chez l’animal de destination lors de la survenue d’effets indésirables après l’administration du médicament : selon les recommandations de l’AMM et après surdosage. La section intitulée « effets indésirables » décrit les principaux signes cliniques observés chez un animal présentant une réaction après administration du médicament vétérinaire selon les recommandations de l’AMM avec l’indication de leur « fréquence ». Il est important de décoder les différents niveaux de fréquence de ces effets indésirables. Un effet indésirable est : • Très fréquent si plus d’un animal sur 10 traités est susceptible de présenter une réaction ; • Fréquent si 1 à 10 animaux sur 100 traités sont susceptibles de présenter une réaction ; • Peu fréquent si 1 à 10 animaux sur 1 000 traités sont susceptibles de présenter une réaction ; • Rare si 1 à 10 animaux sur 10 000 traités sont susceptibles de présenter une réaction ; • Très rare si moins d’1 animal sur 10 000 traités est susceptible de présenter une réaction. Consulter les avis et rappor t s sur : w w w.anmv.afssa.fr/pharmacovigilance/ N o v e m b r e 2 0 0 8 - n u m é ro 6 - p a g e 3 lettre pharmacovigilance de la vétérinaire Notions de gravité des effets indésirables Chez l’homme, tout effet indésirable est considéré comme un cas grave Chez les animaux, la gravité des effets indésirables ne se limite pas à la mortalité Cela ne préjuge cependant pas de la gravité des signes cliniques qui surviennent. S’ils sont généralement bénins, ils sont parfois graves, par exemple, lors d’injection accidentelle : • de Micotil 300 : en France et partout ailleurs en Europe, son administration est strictement réservée aux vétérinaires. L’injection d’un faible volume peut entraîner la mort, la toxicité cardiovasculaire de son principe actif (tilmicosine) chez l’homme étant avérée. Un troisième cas mortel est survenu en juin 2007 aux États-Unis. La substance active était présente dans le sang de la victime. En France deux personnes ont dû être hospitalisées après injection accidentelle. • de vaccins à adjuvants huileux : des signes locaux tels que douleur et œdème sont observés à la suite d’injection accidentelle. Ils sont d’autant plus importants lors d’injection dans une articulation ou un doigt. Sans prise en charge médicale spécifique et rapide, ils peuvent alors évoluer vers une ischémie nécrosante et aboutir à la perte du doigt concerné. Cette notion s’applique aussi : • lorsque les signes cliniques mettent en jeu la vie de l’animal au moment de l’observation de l’effet indésirable, par exemple : état de choc, coma, œdème pulmonaire aigu… ; • lorsque les signes cliniques persistent, par exemple : cécité ou surdité prolongées, troubles locomoteurs permanents gênant les déplacements, insuffisances fonctionnelles rénales et/ou hépatiques persistantes, fibrosarcomes, tumeurs… ; • lors de troubles de la reproduction, par exemple : avortements, mortinatalité, malformations congénitales… En cas d’injection accidentelle, consulter immédiatement un médecin et lui montrer le flacon et la notice du produit. Les médecins doivent instaurer un traitement spécifique en respectant les informations portées sur les notices. Directeur de publication : Pascale Briand Directeur associé : Patrick Dehaumont Comité de rédaction : Dominique Mourot, Michèle Dagorn, Stéphanie Rossi, Catherine Sallard Consulter les avis et rappor t s sur : Toutefois lors de traitements collectifs, il est important de prendre en compte d’autres facteurs tels que : • augmentation des taux de morbidité ou mortalité ; • diminution des performances zootechniques, par exemple : baisse importante dans la production de lait ou d’œufs, prise de poids insuffisante… Ont participé à ce numéro : Les membres de la Commission nationale de pharmacovigilance vétérinaire Tirage : 44 000 exemplaires Email : [email protected] Issn : (en cours) w w w.anmv.afssa.fr/pharmacovigilance/ Pour améliorer la connaissance du médicament, contactez les centres de pharmacovigilance vétérinaire et transmettez-leur vos déclarations de suspicion de manque d’efficacité : Centre de Pharmacovigilance Vétérinaire de l’Ouest Atlanpole – La Chantrerie – BP 40706 44307 Nantes Cedex 03 Tél. : 02 40 68 77 39 Fax : 02 40 68 77 41 lettre pharmacovigilance de la vétérinaire Centre de Pharmacovigilance Vétérinaire de Lyon École Nationale Vétérinaire de Lyon 1 avenue Bourgelat – BP 83 69280 Marcy l’Étoile Tél. : 04 78 87 10 40 Fax : 04 78 87 80 12 N o v e m b r e 2 0 0 8 - n u m é ro 6 - p a g e 4