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É U N I O N S
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - 6 - juin 1998
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e congrès a permis de unir à Lille, du 27 au
29 avril 1998, des bactériologistes et des virologues
venant d’hori zons dive r s (scientifi q u e s , i n d u s t ri e l s , v é t é ri n a i re s
et hospitalo-universitaires).
GÉNÉTIQUE -HÔTE ET ENVIRONNEMENT
Origine et évolution des systèmes vivants
Cette séance plénière était consacrée à la question de l’évolu-
tion de l’arbre phylogénétique à partir d’un organisme origi-
nal hy p e rt h e r mophile - LUCA - et du classement des orga-
nismes dans les bra n ches eucaryo t e s , p ro c a ryotes et Arch a e.
Selon P. Fo rt e r re (Ors ay) deux scénarios sont possibl e s
concernant l’origine des systèmes vivants : soit la vie est appa-
rue dans des conditions douces à basses températ u re s , m a i s
toute forme de vie non hyperthermophile a été éradiquée sous
le bombardement des météorites, soit (le scénario classique) la
vie a commencé par les organismes hyperthermophiles, puis le
développement des systèmes à basses températures a eu lieu.
Plusieurs approches ont été utilisées pour établir l’arbre phy-
logénétique. L’analyse comparative de séquences d’ARN est
la plus pro m e t t e u s e,mais cette ap p ro che n’est pas exempte d’ar-
t e fac ts. Par exemple les micro s p o ri d i e s , p rotistes sans mito-
ch o n d ri e ,ont été classés dans la bra n che des E u k a r ya de l’arbre
phylogénétique, mais ce sont sans doute des champignons qui
ont perdu leurs mitoch o n d ri e s , en ga rdant toutefois des pro-
téines mitochondriales. Les autres approches qui ont conduit à
des erreurs sont la classification selon les facteurs d’élongation
EF-Tu ou EF-G,qui a rendu l’arbre phylogénétique incompré-
hensible avec des branchements aberrants et l’analyse des sys-
tèmes de tra n s c ri p t i o n , comme par exemple l’ARN-poly m é-
rase des A r chae qui re s s e m b le beaucoup plus à celle des
e u c a ryotes qu’à celle des bactéri e s , bien qu’en général les
Archae soient plus proches des bactéries que des eucaryotes.
Génétique et environnement
Au cours du colloque, différents exemples d’adaptation ont été
présentés. L’un d’entre eux, présenpar D. Mazel (Pa ri s ) , p o r -
tait sur les intégrons. Les cassettes d’intégrons ont une struc-
t u re très conservée incluant le gène codant pour l’intégra s e
(intl1), le gène atti et des gènes codant pour des protéines sou-
vent impliquées dans la résistance aux antibiotiques (aacA7,
bl aP 3 , e t c.). L’ o ri e n t ation des gènes est toujours identique dans
toutes les cassettes, et plusieurs cassettes du même type peu-
vent s’intégrer dans un même site. Une cassette avec un seul
cadre de lecture ouverte (blaP3) associé à l’élément 59 a été
identifiée et présente une homologie de 90 % avec l’élément
VCR ( Vi b rio ch o l e r ae rep e a ted sequence). Il a été démontré
chez V. cholerae que plusieursVCR peuvent former un “super-
intégron” qui est fonctionnellement et structurellement appa-
renté aux intégrons codant pour la multirésistance chez d’autre s
espèces bactériennes, mais il précède l’ère de l’utilisation des
antibiotiques dans la mesure VCR a été identifié chez une
s o u che de V. metch n i ko ffi i isolée en 1888. Par ailleurs , ces V C R
qui n’ont été identifiés que dans les espèces pat h ogènes comme
V. ch o l e ra e , V. metch n i ko ffi i , et non chez V. fi s ch e ri , p o r t e n t
quelques gènes impliqués dans la viru l e n c e , mais éga l e m e n t
d’autres gènes dont le rôle est inconnu.
Un autre exemple d’adaptation est celui du transfert de gènes
par tra n s f o rm ation nat u relle (P. Simonet, Vi l l e u r b a n n e ) . L e
t ra n s fe rt génétique interrègnes a été évoqué sur le fait que A gro -
b a c t e ri u m spp porte des gènes putat ivement d’ori gine euca-
ryotique (ex. g p i - glucose-6-isoméra s e ) , ce qui ne peut être
expliqué que par des canismes de tra n s fo rm ation ou de tra n s-
duction. Un argument en faveur de la transformation est la per-
sistance prouvée d’ADN libre dans le sol bien que le pouvoir
transformant de cet ADN ne soit pas établi. Un argument en
d é f aveur est la fa i ble concentration dans le sol de bactéries nat u-
rellement transformables et la perte rapide de l’état de compé-
tence de ces bactéries, qui est nécessaire à la transformation.
L’influence de l’environnement sur la variabilité génétique de
E s c h e ri chia coli a éprésentée par F. Ta ddel (Institut Ja c q u e s
Monod), qui proposait de remplacer le paradigme classique
de Darwin préconisant une sélection nat u relle sans effet de
l ’ e nv i ronnement par un p a radigme néodarwinien, p r é c o n i -
sant la survenue d’une sélection naturelle après une variabilité
induite par l’environnement. F. Taddel fonde sa proposition sur
des ex p é r iences montrant qu’une population bactéri e n n e
s’adapte d’autant mieux à l’environnement qu’il y a en son sein
un nombre important de souches mutatrices. Dans ce contexte
néodarwinien, M. Mergeay (Bruxelles) a montré que sous des
conditions de stress (env i r onnement à taux lourds) pour
Alcaligenes/Ralstonia, la fréquence de “self-transfert” de plas-
mides (pMOL28 et pMOL50) codant pour la résistance aux
métaux lourds est beaucoup plus élevée (10
-3
à 10
-4
).
Exploration des structures des génomes microbiens
L’ ex p l o rati on des génomes microbiens est deve nue un outil
pour comprendre l’évolution et l’adaptation bactériennes. En
effet, on sait aujourd’hui qu’à côté de la macroévolution qui
amène au développement des espèces, existe une microévolu-
tion due aux événements génétiques (transposition, recom-
5
e
Congrès de la Société française de microbiologie (SFM)
C
binaison, mutations ponctuelles, transfert des plasmides et des
phages, insertion des éléments IS ou altération de l’expression
des gènes) qui amène à des ch a n geme nts à l’intérieur des
espèces. Un exemple est la formation de biofilm par Staphylo -
coccus epidermidis qui nécessite à la fois l’adhésion du micro-
organisme à la surface du corps étranger, l’adhésion des bac-
téries entre elles et la production de slime. Tous ces processus
sont liés à l’operon ica codant pour une polysaccharide syn-
thétase (gène icaA), des protéines extracellulaires (gène icaB)
et un système de tra n s p o rt des poly s a c c h a rides (gène i c a C ) .
L’ a c t i vation ou la répression de cet opéron sont dues à des ch a n-
gements génétiques minimes dans le ch ro m o s o m e,tels que l’in-
sertion d’un élément IS (IS256). (J. Hacker, Allemagne).
Un autre ap p o rt des études de stru c t u res génomiques est la mise
en évidence d’îlots de pat h ogénicité (Pa i ). Ainsi ex i s t e n t , ch e z
E. coli, quatre îlots : Pai I (70 kb) qui code pour une hémoly-
sine α, Pai II (190 kb) qui code pour une hémolysine αet des
fimbriae de type P, Pai III (25 kb) qui porte l’information géné-
tique pour des fimbriae du type S,et Pai IV (40 kb) qui code
pour une yersiniabaktine et des protéines réprimées par le fer.
Les sites d’insertion de ces Pai sont tous pro c hes d’un gène
codant pour un ARN de transfert (selC pour Pai I, leuX pour
Pai II, thrW pour Pai III et asnT pour Pai IV). Ce phénomène
d ’ i n s e r tion particulier pourrait être au fait que les gènes
codant pour les ARN de transfert joueraient un rôle dans l’ex-
pression correcte d’ADN étranger inséré dans le génome.
Organisation génétique et plasticité des grands génomes
bactériens
Il est connu que les bactéries ayant des grands génomes pré-
sentent une plasticité génétique supérieure à celle des bactéries
à petit génome.B. Decaris (Nancy) a rappelé que parmi les
b a c t é rie s à grand génome il y a M y x o b a c t e r i u m ( 9 , 4 M b ) , S t r ep -
t o my c e s ( 8 M b ) , P s e u d o m o n a s ( 5 , 9 Mb) et C l o s t ri d i u m
(4,1 Mb). Pseudomonas mis à part, les trois autres espèces sont
des bactéries du sol qui forment des spores et deux d’entre elles
p roduisent des antibiotiques (S t rep t o my c e s et M y x o b a c t e ri u m).
P. Leblond (Nancy) a donné l’exemple de la plasticité géné-
tique de S t rep t o my c e s qui porte essentiellement sur les régi o n s
t e rminales de son ADN linéaire constituées de terminaux inve r-
sés répétés (TIR) d’environ 200 kb. Ces TIR sont hautement
polymorphes en termes de taille et de séquence et l’instabilité
importante du chromosome des Streptomyces (taux de muta-
tion de 10
-3
à 10
-2
par génération) est étroitement liée a ces TIR.
Des délétions de grandes régions (jusqu’à 2 000 kb) autour de
chaque T I R , associées à la recombinaison intra ch ro m o s o m i q u e,
peuvent être à l’origine d’une circularisation du chromosome.
B. Heym, Boulogne
BACTÉRIES INTRACELLULAIRES ET PHYSIOPATHOLOGIE DES
INFECTIONS BACTÉRIENNES
Pathogènes intracellulaires
Coxiella burnetii et le macrophage. L’agent de la fièvre Q,
C oxiella bu rn e t i i , a fait l’objet de travaux ex p é rimentaux
présentés par J.L. Mège (Marseille) pour éclaircir les interac-
tions de la bactérie avec les cellules phagocytaires. Ainsi, l’in-
fection expérimentale de monocytes humains et murins révèle
que l’étape de phago cytose va r ie suivant le phénotype R
(avirulent) ou S (virulent). Les formes virulentes sont faible-
ment phagocytées, contrairement aux formes avirulentes. Cela
est dû à la mise en jeu de deux types de récepteurs en surface
du macrophage appartenant à la famille des intégrines. À l’aide
d’anticorps neutralisants spécifiques, il s’avère que les formes
v i r ulentes se lient à des récep t e u r s bêta-3, IAP ( i n t egrin
a s s o c i a ted protein) et LRI ( l e u ko c ytes response integri n ).
C e p e n d a n t , des macro p h ages mu rins déficients pour IAP re c o n-
naissent aussi les bactéries virulentes, ce qui souligne le rôle
du récepteur LRI. Les fo rmes av i rulentes reconnaissent tro i s
types de récepteurs : LRI, IAP et CR3. Ces résultats semblent
reposer sur des diff é rences stériques et d’avidité. La liaison aux
différents récepteurs détermine ensuite des signaux intracellu-
laires différents. Les formes virulentes induisent des tyrosines
kinases et inhibent la phagocytose. Elles créent des modifica-
tions importantes de la morphologie cellulaire en rapport avec
le cytosquelette. La microscopie confocale montre en vis-à-vis
de ces déformations une redistribution de la F-actine inhibable
par l’isoenzyme C3, ce qui suggère le rôle des protéines Rho.
Il reste à éclaircir le lien entre ces protéines Rho et les tyrosines
kinases.
La motilité actine-dépendante des bactéries intra c e l l u-
laires. P. Cossart (Paris) a détaillé les phénomènes intracel-
l u l a i r es induits par L i s t e r ia monocy t oge n e s c o n c o u rant à sa
mobilité. Après sa pénétration intra c e l l u l a i re, L. monocy t oge n e s
s’entoure d’actine qui s’organise lors du déplacement en une
comète visible en microscopie électronique. La protéine bac-
térienne de surface responsable de ce phénomène (ActA) a été
caractérisée (610 amino-acides). Elle est l’équivalent de la pro-
téine ics A de S. flexnerii. Sa transfection chez L. innocua, qui
est spontanément incapable de produire des comètes, entraîne
la production de comètes. Des études fonctionnelles par délé-
tion ont montré que l’extrémité N-terminale de la protéine sup-
porte l’activité fonctionnelle. La région centrale de la protéine
interviendrait comme stimulateur en recrutant Vasp. Le rôle de
ActA serait de pro t é ger l’actine contre l’action de pro t é i n e s
coiffantes.
O r i g ine et phy l ogénie des bactéries intra c e l l u l a i r es.
D. Raoult (Marseille) a rappelé que la taxonomie bactérienne
évolue avec les comparaisons de l’ARN 16 S. Ainsi, des patho-
gènes intracellulaires médicaux partagent non seulement des
p a rentés génétiques mais aussi des mécanismes de viru l e n c e
communs avec les bactéries pathogènes, associés aux arthro-
podes ou aux plantes. A i n s i , ces bactéries sont cap abl e s
d ’ é c h apper aux mécanismes lytiques dus aux lysosomes des
polynucléaires (Ehrlichia phagocytophila), des cellules mono-
nu cl é é e s ( C oxiella bu r n e t i i , L egionella pneumophila, M y c o -
bacterium leprae), des cellules endothéliales (rickettsies), des
cellules épithéliales ( C h l a m ydia). Ehrl i ch i a et les ri cke t t s i e s
seraient devenues intracellulaires il y a 700 millions d’années.
En tirant avantage des métabolismes de la cellule,ces bacté-
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - 6 - juin 1998
ries ont un génome de très petite taille,donc facilement trans-
missible. Leur capacité à survivre dans les amibes, donc a for-
tiori dans les monocytes, a certainement contribué à la péren-
nité de ces genres bactériens.
Immunité des infections à bactéries intracellulaires. Les
bactéries intracellulaires sont volontiers responsables d’infec-
tions ch ro n i q u e s ; J. P. Liautard (Montpellier) a présenté l’état
des connaissances sur les mécanismes de défense de l’hôte,
dont la plupart sont inefficients. La réponse innée immédiate
qui repose sur le complément et l’activité bactéricide des pha-
go cytes est insuffi s a n t e.La réponse innée secondaire, q u i
consiste en l’activation des macrophages, des cellules Tγδ et
des cellules NK, joue le rôle le plus important grâce à la sécré-
tion de cytokines. Ainsi, le macrophage joue un rôle essentiel :
il active la cellule NK par le T N Fα, l’IL8 et surtout l’IL12.
Cette cellule répond par une production d’interféron γet elle
assure une fonction déterminante, comme cela a été montré par
des ex p é r iences chez les souris beige s , d é ficientes pour ces cel-
lules. La présentation macrophagique par les Ag de classe II
stimule les cellules TH
2
pour induire la réponse anticorps qui
intervient dans les phénomènes d’internalisation, d’activation
du complément et d’opsonisation. La présentation macropha-
gique par les Ag de classe I re c rute les cellules CD8 cy t o -
toxiques qui détruisent les cellules infectées par apoptose ou
production de perforines. La réponse des cellules TH1 est une
production d’interféron γet de TNFαqui interviennent pour
détruire les agents intracellulaires. Il existe un équilibre entre
les cellules TH1 (rôle destructeur) et TH2 (rôle permissif). Les
cellules Tγδ ont une réponse adaptative. À la phase chronique,
les bactéries pathogènes intracellulaires semblent capables de
bloquer plusieurs étapes de la réponse immunitaire macropha-
gique.
Physiopathologie des infections bactériennes
Le système de sécrétion de type III. Le pouvoir invasif des
Ye rs i n i a est basé sur un système complexe codé par le plasmide
de virulence pYV qui comporte le système de sécrétion de type
III, Ysc et les protéines “Yop”. Ces dernières appartiennent à
la membrane externe,et sont sécrétées en cas de contact bac-
t é r i e - c e l l u l e s ; elles interviennent à diff é ren tes étap e s :s y s t è m e
d’introduction dans les cellules eucaryotes de protéines bac-
t é riennes cap ables de sidérer les cellules hôtes ou d’altérer leurs
communications. Elles fonctionnent avec des protéines chape-
ronnes : SycE et SycH, qui empêchent les protéines YopE
et YopH de transloquer les membranes de cellules eucaryotes.
La transcription de l’ensemble des gènes du système Yop est
régulée positivement par la température de 37° C , et négati-
vement par un autre facteur qui semble non fonctionnel tant
que l’ap p a reil de sécrétion est fe rmé. Le récepteur bactéri e n
impliqué dans les modifi c a tions du système ainsi que son liga n d
restent à découvrir (G.R. Cornelis, Bruxelles).
I nvasion des cellules de mammifères par L. monocy t o -
ge n e s . P. Co s s a rt (Pa ri s ) a démontré que grâce à deux pro-
téines de surface : InlA (ou internaline) et InlB,L. monocyto -
ge n e s p é n è t r e dans des cellules non phago cy t a i r es. L’ a c q u i s i t i o n
du gène de InlA est suffisante pour conférer l’internalisation
chez E. fa e c a l i s , une bactérie classiquement non inva s ive.
L’ i n t e r naline se lie avec la E-cadhéri n e, et cette interaction
permet l’entrée de la bactérie dans la cellule. Le récepteur pré-
cis de l’InlB n’est pas connu, mais l’interaction de L. monocy -
togenes avec la cellule hôte enclenche la phosphorylation de
résidus tyrosine qui induisent des phosphoinositides suscep-
tibles de réagir avec le cytosquelette,ce qui souligne,là encore,
l’implication de l’actine dans les phénomènes intracellulaires
précoces suivant la phagocytose.
Mécanismes et conséquences des interactions cellulaires
d e N. meningi t i d i s. La virulence de N. meningi t i d i s s e m ble liée
à sa capacité de franchir sans les détruire les jonctions serrées
des cellules endothéliales de la barrière neuroméningée. À par-
tir de culture de cellules en monocouche,le rôle des pili bac-
tériens a été mis en évidence dans l’étape initiale d’adhésion.
Leur structure est constituée d’un squelette protéique associant
pil C1 et pil C2, mais seul pil C1 porte le site de fixation cel-
l u l a i r e. À cette étap e,l’adhésion bactérienne induit une conden-
sation de l’actine. Dans un deuxième temps, des mutants pil T
-
mettent en évidence un autre mécanisme d’adhésion plus intime
de N. meningitidis n’impliquant pas les pili qui se sont rétrac-
tés. Cette étape favo r ise alors la dissémination bactéri e n n e.
Les modifi c ations du cytosquelette s’accentuent et les jonctions
c e l l u l a i res se désorga n i s e n t , ce qui contri b ue vra i s e m b l abl e-
ment au pouvoir pathogène (X. Nassif, Paris).
Pathologies d’étiologie infectieuse suspectée
B o rn av i ru s et tro u bles psych i at riques de l’humeur. L e s
Bornavirus sont des virus à ARN négatif dont la place taxono-
mique est indépendante (famille des B o rn av i ri d a e). Ils se cara c-
térisent par une aptitude à persister dans le système lymbique
cérébral. Leur rôle physiopathologique a récemment été mis en
évidence du fait de la présence d’antigènes (Ag) viraux intra-
m o n o cy t a i r es et de taux d’anticorps plus élevés chez des
patients atteints de troubles de l’humeur (maladie bipolaire et
d é p ression) que chez des témoins (20 % et 2 % re s p e c t ive m e n t ) .
La persistance virale induira i t , chez des sujets sensibl e s , d e s
troubles de l’humeur,du comportement et de la mémoire. Le
taux d’Ag intra m o n o cy t a i re va r ie avec l’évolution clinique (dis-
parition en cas de rémission ou de guérison). Cela a permis de
proposer une thérapeutique antivirale chez les patients dépres-
sifs. Un essai en double aveugle contre placebo est en cours et
semble intéressant. Le virus infecte également les animaux et
a été décrit aussi au Japon, mais ni la transmission ni la préva-
lence mondiale ne sont connues (L. Bode, Berlin).
Diabète insulinodépendant. L’approche génétique du dia-
te insulinodépendant a d’ab o r d été env i s ag é e , puis des
autoantigènes ont été mis en évidence à taux important, sug-
gérant le mécanisme de rupture de tolérance. Cette hypothèse
a été confirmée chez une souris transgénique exposée à l’in-
fection vira l e. Par mimétisme moléculaire, les antigènes vira u x
induisent des autoanticorps qui enclenchent la réaction dysim-
munitaire contre les cellules bêta des îlots de Langerhans. Le
mécanisme des superantigènes serait également envisageable
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - 6 - juin 1998
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pour expliquer la ru p t u re de toléra n c e. Les virus incriminés sont
parmi ceux de la rubéole et les entérovirus type Coxsackie B4
(C. Boitard, Paris).
S c l é rose en plaques. Les hypothèses phy s i o p a t h o l ogi q u e s
incluent les facteurs génétiques et environnementaux. Ainsi, la
controverse sur l’étiologie virale potentielle est toujours d’ac-
tualité. Le LCR des patients présente une réponse inflamma-
toire (élévation de l’interféron γ,aspect oligoclonal, réaction
i n fl a m m a t o i re tissulaire ) , mais aussi des signes d’agre s s i o n
virale tantôt présents (synthèse intrathécale d’anticorps antivi-
raux dive rs dont antiro u geole et antiru b é o l e ) , tantôt ab s e n t s
(absence d’interféron α). Cependant, aucun critère ne semble
formel, car l’interféron αn’augmente pas dans la leucoencé-
phalite scl é rosante subaigde la ro u ge o l e . L’isolement de viru s
chez les malades n’est pas une preuve convaincante (présence
chez des porteurs sains), et de très nombreuses espèces virales
ont été suspectées dont Coronavirus, Herpès type 6, rétrovirus.
Les arguments thérapeutiques sont également discord a n t s :l ’ i n-
t e r f é ron βd i m i nue les poussées, mais au même titre que les
c o rticoïdes qui provoquent habituellement des flambées vira l e s .
Il semble donc que ce soit plus la persistance virale, associée
é ventuellement à une phase de sensibilisation induisant des
a u t o a n t i c o rp s , et/ou à une prédisposition génétique, qui soit
impliquée (P. Lebon, Paris).
Maladie de Crohn. Cette pathologie est également d’étio-
l ogie obscure. L’ a c t ivation du système immu n i t a i re, des fa c-
teurs environnementaux (tabac, distribution géographique) et
infectieux sont invoqués. Des poussées de la maladie sont sou-
vent concomitantes à des infections respiratoires ou digestives.
Deux types de possibilités semblent env i s a ge ables : soit un
agent infectieux persistant, soit la flore endogène. Les myco-
b a c t é ries ont d’ab o r d é suspectées, puis la L i s t e r i a , puis
Sa c ch a ro myces cerev i s i a e,et enfin l’ensemble de la fl o re dige s-
tive. En effet, la récidive iléale à un an, qui est de l’ordre de
80 % en cas d’iléocolectomie,est absente chez les patients qui
ont eu une iléostomie, c ’ e s t - à - d i re une suppression du flux cal,
mais présente chez les patients la continuité a été rétablie.
Il doit donc exister chez ces patients un déséquilibre des cyto-
kines régulatrices induit par la flore endogène (J.F. Colombel,
Lille).
D. Trivier, Lille
VIRUS : VECTEUR D’INFECTION/VECTEUR DE THÉRAPIE
Facteurs viraux et thérapie génique
Les parvovirus, et plus particulièrement les virus adéno-asso-
ciés (AAV ) , sont cap ables d’infecter l’homme in vivo au nive a u
des cellules mu s c u l a i res (mu s cle stri é ) , c é r é b rales , p u l m o n a i re s
et hématopoïétiques. Ils présentent ex p é rimentalement ch e z
l’animal une action oncolytique (lyse des cellules tumora l e s
i n f e c t é e s ) , et suscitent donc un grand intérêt en oncologi e
comme “vecteurs” de thérapie génique. Le génome de l’un de
ces AVV, le virus MVM(p), capable de se répliquer sous forme
d’épisome dans les cellules transformées, a été utilisé comme
structure de base afin d’exprimer dans des cellules tumorales,
sous la dépendance du promoteur des gènes de capside,le gène
de l’IL2. Le problème actuel discuté par A. Brandenburger
et coll. (Bruxelles) est celui de la production efficace d’un vec-
teur de thérapie génique A AV pur, c ’ e s t - à - d i re d’un vecteur pro-
duit en grande quantité et exempt de virus sauvage. Les vec-
teurs adénoviraux (adénovirus humain de type 5) délétés pour
les régions E1A et E1B sont facilement tra n s fe c t a bl e s , p e u
immunogènes, et peuvent transporter dans des cellules tumo-
rales des gènes “anti-tumeurs”. Des résultats très convaincants
ont été présentés par P. Yeh et coll. (Villejuif) dans le modèle
du carcinome de Lewis ils tra n s fec tent des gènes (par
exemple Adk3) capables d’augmenter la synthèse d’angiosta-
tine et donc de diminuer in situ la vascularisation de la tumeur.
C ependant ces ve c t e u rs présentent deux imperfe c t i o n s , à savo i r
une activité cy t o t oxique intrinsèque et une fa i ble ex p r e s s i o n
des gènes transfectés. La première imperfection pourrait être
corrigée par la délétion des gènes E1A et E4 et la deuxième par
l’utilisation de promoteurs forts (HSV ou CMV). A. Epstein
et coll. (Lyon) ont présenté des vecteurs herpétiques défectifs
de type “amplicon” pour la production in situ de vecteurs rétro-
viraux défectifs ; cette stratégie audacieuse permettrait, grâce
au neuro t ropi sme des Herp è s v i r u s , le traitement de cellules
tumorales dans le système nerveux central. D’autre part, l’uti-
lisation de vecteurs de type rétroviraux (lentivirus) présentant
l ’ a va n t a ge de tra n s fecter des cellules tumorales quiescentes par
des gènes des interférons humains a été rapportée par P. Leiss-
ner et coll. (Stra s b o u rg ) . Tous ces travaux montrent que la
vectorologie n’en est qu’à ses débuts, et que les prochains vec-
teurs viraux de thérapie génique seront le résultat de construc-
tions moléculaires complexe s , résultant de l’assembl age des
gènes provenant de famille virales diff é r e n t e s , et perm e t t a n t
une transfection et une expression durables des “gènes médi-
caments”.
Virus de l’hépatite C
A fin de mieux appréhender les pers p e c t ives vaccinales dans
l’infection à VHC, la synthèse et la maturation de deux gly-
coprotéines d’enveloppe E1 et E2 ont été étudiées par l’équipe
de J. Dubuisson (Lille). Leurs résultats ont montré que les gly-
c o p rotéines E1 et E2 sont localisées sous fo rme d’hétéro d i-
mères dans le réticulum endoplasmique cellulaire. La produc-
tion de complexe E1-E2 ayant une structure quaternaire proche
de celle présentée par le virion, purifié ou bien exprimé par des
vecteurs viraux, serait le meilleur candidat vaccinal pour éva-
luer la réponse immune humorale potentiellement protectrice
contre une infection par le VHC. A. Cahour et coll. (Paris)
ont étudié le contrôle de la traduction chez le virus de l’hépa-
tite C par la région non codante “IRES”. Les modulations de
la traduction de l’ARN du VHC ont été étudiées à partir d’une
construction contenant l’ADN complémentaire codant pour la
polyprotéine structurale du VHC placée sous la dépendance du
p romoteur T 7 , et dont la seule va r i a ble est la région 5NC
(IRES). L’ensemble de ces résultats suggère une stratégie com-
plexe de contrôle du VHC sur sa propre traduction, qui pour-
rait être associée aux mécanismes de carcinogenèse et de per-
sistance du virus. G. Duverlie et coll. (Amiens) ont étudié les
mécanismes moléculaires liés à la résistance du VHC au trai-
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tement par l’interféron alpha. L’interaction fonctionnelle entre
la proine kinase dépendante d’ARN (PKR) et la pro t é i n e
NS5A pourrait expliquer ce phénomène. Le séquençage molé-
culaire de la région NS5A d’isolats viraux de génotypes “1b”
isolés de patients répondeurs complets et de patients non répon-
deurs a montré une différence de variabilité autour de la région
V3 (2356-2379), et cela entre les isolats sensibles et résistants.
Cependant, ces résultats préliminaires doivent être complétés
par des études fonctionnelles mettant en jeu l’interaction entre
les protéines PKR et NS5A. C. Bréchot et coll. (Pa r i s ) ont étu-
dié l’implication directe du virus dans la survenue de la stéa-
tose macrovésiculaire observée dans 80 % des cas de VHC. Le
VHC pourrait non seulement perturber le métabolisme hépa-
tique des VLDL et HDL mais également celui des apolipopro-
téines AI et AII (position aa 11173) qui seraient couplées à cer-
t
aines protéines de capside vira l e. L’ a d m i n i s t rat ion de fénofi b rat e s
p o u rrait donc, par voie de conséquence, r é d u i r e de manière
s i g n i f i c at ive la surve n ue de la stéatose hépatique observée dans
l’infection à VHC.
Viroses respiratoires
Le diagnostic et l’épidémiologie moléculaire des infe c t i o n s
dues aux trois types de virus influenza (A, B, C) ont été décrits
et mis à jour par J.C. Manuguerra et coll. (Paris). La tech-
nique de diagnostic direct par culture cellulaire (cellules
MDCK) à partir de prélèvements rhinopharyngés, réalisés au
c o u rs de la phase aiguë de la maladie, reste la fére n c e. Cep e n-
dant, les techniques de biologie moléculaire (RT-PCR, RFLP)
permettent d’emblée d’effectuer un typage et un sous-typage
complet du virus influenza. Une étude multicentrique réalisée
par M. Aymard et coll. (Lyon) en 1997 sur les infections res-
p i rat o i res commu n a u t a i res (réseau GROG) a démontré l’im-
p o rtance des infections re s p i rat o i res basses (de manière décro i s-
sante) à V R S,v i rus grippe A et B, A d é n o v i ru s , R h i n ov i ru s ,
Pa ra -i n fl u e n z a I et II, E n t é rov i ru s , mycoplasme et Herp è s v i-
rus. Le diagnostic direct (culture cellulaire, IFI) a été positif
dans 25 à 40 % des cas. Dans 1,5 % des cas, une double infec-
tion a pu être mise en évidence par biologie moléculaire (détec-
tion des ARN viraux génomiques), sans que celle-ci soit un élé-
ment péjoratif dans la durée ou les conséquences de la virose
re s p i rat o i re diag n o s t i q u é e. Les résultats de F. Frey m uth et coll.
(Caen) o b t e n us par biologie moléculaire (RT-PCR suivie d’une
hybridation moléculaire) à partir d’un prélèvement rhinopha-
ryngé ont permis de définir la fréquence des infections virales
re s p i rat o i res en pédiat ri e,m o n t r ant ainsi la nette prédominance
de la détection des Rhinovirus et du Virus Respiratoire Syncy-
tial (VRS). Le VRS et les Rhinovirus habituellement respon-
s ables de bro n chiolites et de bro n ch o p n e u m o p ath ies pourra i e n t
être des facteurs directs ou indirects dans la physiopathologie
de l’asthme infantile.
Immunité antivirale
P. Lebon et coll. (Paris) ont fait le point sur la réponse inter-
féron A/B (classe I) qui est un élément de la réponse de l’hôte
au cours de l’infection virale. Certains virus comme les Enté-
rovirus, qui sont peu inducteurs de la synthèse d’interférons de
classe I, le deviennent lorsque, complexés avec les anticorps
correspondants, ils interagissent avec les récepteurs CD32 des
I g G α, situés à la surface des cellules mononu cléées. On ne
connaît pas à l’heure actuelle le mécanisme d’induction de l’in-
terféron alpha. De plus, et de manière intéressante, des inter-
f é ron émies élevées ont été tectées dans des pat h o l ogies auto-
i m munes comme le lupus, la scl é r ose en plaques ou la
p o lya r t h rite rhumat o ï d e,s u g g é ran t l’intervention d’age n t s
viraux dans la survenue ou le développement de ces patholo-
gies. B. Charl eyet H . Laude (Jo u y - e n - J o s a s ) ont étudié, d a n s
le modèle de la gastro-entérite du porcelet à Coronavirus, les
cellules pro d u c t ric es d’interféron alpha qui,au niveau de la rat e,
se situeraient dans le manchon périartériolaire. D’après leurs
r é s u l t ats histologi q u e s , ces cellules sont en contact avec les cel-
lules T et des cellules exprimant le CMH de classe II ; phéno-
t y p i q u e m e n t , ces cellules seraient des cellules dendritiques.
H. Fleury et coll. (Bordeaux) ont démontré qu’au cours de la
p r i m o - i n fect ion à VIH ce sont les clones viraux à tro p i s m e
macrophagique qui vont se multiplier de façon préférentielle ;
le corécepteur de ces clones est le CCR-5, qui est le ligand des
chimiokines appelées Rantes, MIP-1 alpha et MIP-1 ta.
L’ a u g m e n t ation de la synthèse de ces chiomiokines peut, e n
saturant le CCR-5, participer à la maîtrise partielle de la mul-
t i p l i c a tion vira l e . La re l ation entre cy t o m é ga l ov i rus et cy t o-
kines a été étudiée par S. Michelson et coll. (Paris) qui nous
montrent, par une étude moléculaire des récepteurs et des cyto-
k i n e s , que le cy t o m é g a l o v i r us était cap able de modifier la
concentration de chimiokines dans l’environnement de la cel-
lule infectée. Ce mécanisme pourrait être une ruse utilisée par
le CMV pour échapper au système immunitaire.
Infections virales persistantes
Certains virus sont capables de provoquer un type particulier
d ’ i n f ection ch r o n i q u e,dénommée “ i n f ection virale pers i s t a n t e ” ,
qui résulte d’une réplication défective associée à un échappe-
ment du virus au système immunitaire. Les mécanismes molé-
c u l a i res d’une infection persistante dans le post-polio syndro m e
ont été étudiés par Lina et coll. (Lyo n ) , qui ont détecdes
séquences entérovirales dans le LCR de patients ayant déve-
loppé des troubles neurologiques après une poliomyélite. Afin
de déterminer la nat u re des séquences nu cl é o t i d i q u e s , le séquen-
çage direct des fragments amplifiés par PCR a été effectué et
a montré la présence d’un génome de 4 826 nucléotides appa-
renté à 83,3 % au Polio 2 Sabin. Le génome détecté compor-
tait une large délétion à l’extrémité 3’et dans le gène de la pro-
téine 2C. L’organisation génomique observée est comparable
à celle décrite pour les particules défectives interférentes des
v i r us ARN négatifs. Le rôle de cette persistance génomique
dans la genèse du syndrome reste à définir. T. Dupressoir et
coll. (Lille) ont étudié la persistance des virus adéno-associés
et ses conséquences dans l’infection de la sphère génitale et
pulmonaire. Les arguments d’une possible pathogénicité sont
sous-tendus par l’association de l’infection persistante des vil-
losités placentaires avec les avortements spontanés et répétés
du premier trimestre de la grossesse. En outre, en présence de
v i r us “ h e l p e r s ” , les A AV pourraient être anti-oncog è n e s .
A. Bernard et coll. (Lyon) ont montré que l’infection du sys
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