ACTUALITÉ Nouvelles recommandations, sur l’insuffisance cardiaque aiguë Mieux utiliser les médicaments actuels et traiter le plus tôt possible: Alexandre Mebazaa, premier auteur des nouvelles recommandations européennes sur l’IC aigüe, résume les points essentiels.. a aujourd’hui. J e suis Alexandre Mebazaa, je travaille à l’Hôpital Lariboisière, à Paris. Je m’intéresse à l’insuffisance cardiaque aiguë et avec le Professeur Alain CohenSolal (chef de service de la cardiologie, à l’Hôpital Lariboisière), nous menons un groupe de recherche, sur l’insuffisance cardiaque aiguë et une unité INSERM, sur les biomarqueurs. Grâce à nos bases de données, qui sont, aujourd’hui, des bases de données mondiales, nous nous sommes rendus compte que, dans les domaines de la cardiologie et de la réanimation, l’insuffisance cardiaque aiguë restait une des maladies avec le taux de mortalité le plus important. Et surtout – ce qui est assez unique, en médecine – c’est une pathologie pour laquelle, lorsque le malade est «sauvé» et quitte l’hôpital, le taux de ré-hospitalisation est très fort. En effet, 20 à 30% des patients sont ré-hospitalisés dans le mois, ou les deux mois qui suivent l’admission, pour insuffisance cardiaque aiguë. Donc, c’est une pathologie à forte mortalité et avec un taux de ré-hospitalisation très important. QUE DISENT LES NOUVELLES RECOMMANDATIONS ? Côté prise en charge, les médicaments sont, à peu près, les mêmes depuis 20 à 30 ans: ventilation non-invasive, diurétiques et vasodilatateurs. Dans des recommandations, dont je suis le premier auteur et que nous venons de publier dans l’European Journal of Heart Failure [1] et le European Heart Journal [2], nous avons, avec des experts en cardiologie, en réanimation et aussi, des urgentistes, proposé d’utiliser de façon plus optimale les médicaments disponibles aujourd’hui; c’est-à-dire, les diurétiques, les vasodilatateurs et les inotropes. Les diurétiques: nous proposons, tout d’abord, de voir, quand le malade arrive, s’il est congestif ou pas, et d’adapter la dose de diurétiques, sachant qu’elle 2 Santé-MAG N°44 - Octobre 2015 peut être augmentée. Nous avons spécifié que si, dans les rares cas où on n’a pas un débit urinaire suffisant, même en augmentant la dose, il faut, alors, combiner avec un diurétique d’une autre classe médicamenteuse. Les vasodilatateurs, les dérivés nitrés: Nous avons beaucoup insisté sur le fait que, dans le monde entier; mais, également, en France, les vasodilatateurs ne sont pas assez utilisés. 20 à 25% des malades admis en urgence, pour insuffisance cardiaque aiguë, reçoivent des vasodilatateurs, des dérivés nitrés. On peut augmenter ce pourcentage. L’indication principale s’applique aux malades qui arrivent avec une insuffisance cardiaque aiguë et pression artérielle au-dessus de 110 mm Hg. Tous ces malades doivent bénéficier de l’utilisation des dérivés nitrés. Les inotropes: depuis plusieurs années, les effets néfastes des catécholamines, principalement de l’adrénaline, la dobutamine et la noradrénaline, ont été publiés. Celles-ci ne sont indiquées que dans le cas où vous avez des signes cliniques, ou des signes écho-cardiographiques, patents, de baisse du débit cardiaque. S’il n’y a pas de signe clair clinique, ou écho-cardiographique, de baisse du débit cardiaque, elles ne sont pas indiquées; elles augmentent plus la mortalité qu’autre chose. Donc, dans ces recommandations et dans la session que j’ai modérée au congrès de l’European Society of Cardiology 2015, j’ai bien insisté sur le fait qu’il faut utiliser beaucoup mieux les médicaments qu’on LES THÉRAPIES DU FUTUR Probablement, on verra un grand tournant, dans l’année 2016, sur le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë; car, sortiront deux très grandes études, RELAX-2 et TRUEAHF, la première testant l’effet du serelaxin, la deuxième testant l’ularitide. Donc, ces deux médicaments, dont les études préliminaires sont assez positives, passent, maintenant, le test de la phase 3 et des études internationales. Les résultats devraient sortir vers la fin de l’année 2016 et si l’une ou l’autre, ou les deux, sont positives, ce sera un vrai tournant, pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë. TRAITER LE PLUS TÔT POSSIBLE Néanmoins, ce qu’on apprend avec ces études et le point sur lequel on a, énormément, insisté dans les recommandations, c’est que le traitement que vous devez instaurer, dans l’insuffisance cardiaque aiguë, doit être fait le plus tôt possible. On a développé la théorie que «time is money», ou «time is muscle», dans l’insuffisance cardiaque aiguë; exactement, comme dans la maladie coronaire. Un des articles montre, clairement, que le même traitement, s’il est donné dès l’admission, peut sauver des malades, qui sont en insuffisance cardiaque aiguë. Donc, dans les recommandations, il est dit, clairement, qu’il faut démarrer le traitement du malade, idéalement, avec des dérivés nitrés si la pression artérielle est au-dessus de 110 mm Hg dans les 30 minutes, ou l’heure qui suivent l’admission; en même temps qu’une évaluation clinique et des examens biologiques (tournant, évidemment, autour des dérivés natriurétiques; c’est-à-dire, du BNP ou du NT-proBNP). Il faut, également, vérifier, quand le malade arrive, s’il y a des dysfonctions d’organes, des congestions d’organes Voici donc les nouveautés 2015-2016: 1. Mieux utiliser les médicaments qu’on a aujourd’hui, 2. traiter le plus vite possible et en espérant avoir des résultats positifs, avec les deux grandes études cliniques, en 2016.