Facteurs favorisants les infections sévères après

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Progrès en urologie (2015) 26, 65—71
Disponible en ligne sur
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ARTICLE ORIGINAL
Facteurs favorisants les infections sévères
après urétéroscopie souple : intérêt de
l’ECBU systématique la veille de
l’intervention
Prognostic factors for severe infection after flexible ureteroscopy:
Clinical interest of urine culture the day before surgery?
E. Alezra a,∗, J. Lasselin a, T. Forzini a,b, T. François a,
L. Viart a,d, F. Saint a,b,c
a
HERVI EA 3801, service d’urologie-transplantation, université de Picardie Jules-Verne,
CHU d’Amiens, avenue R.-Laennec, 80054 Amiens cedex 1, France
b
HeRVI EA 3801, laboratoire de recherche, université de Picardie Jules-Verne, CHU d’Amiens,
80054 Amiens, France
c
Biobanque de Picardie, université de Picardie Jules-Verne, CHU d’Amiens, 80054 Amiens,
France
d
Laboratoire d’anatomie et d’organogénèse, université de Picardie Jules-Verne,
CHU d’Amiens, 80054 Amiens, France
Reçu le 18 février 2015 ; accepté le 4 septembre 2015
Disponible sur Internet le 16 octobre 2015
MOTS CLÉS
Urétéroscopie ;
Urétéroscopie
souple ;
Réhospitalisation ;
Pyélonéphrite
∗
Résumé
But. — Les objectifs de ce travail étaient de déterminer les facteurs pronostiques de pyélonéphrite aiguë (PNA) après urétéroscopie souple (URSS), d’évaluer la fréquence des
réhospitalisations pour PNA et de valider l’intérêt de l’ECBU prélevé la veille de l’intervention.
Matériel. — Les complications infectieuses et les réhospitalisations non programmées dans le
mois suivant l’URSS ont été colligées et évaluées rétrospectivement. Les paramètres colligés
étaient : âge, sexe, IMC, motif de l’URSS, nombre, taille et localisation des calculs, bilatéralité,
anomalies anatomiques associées, durée d’intervention, JJ préopératoire, drainage postopératoire, durée opératoire, ECBU à j — 1 et prescription d’une antibiothérapie dans la semaine
précédant l’URSS.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : eric [email protected] (E. Alezra).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.09.008
1166-7087/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
66
E. Alezra et al.
Résultats. — Entre 2010 et 2013, 325 URSS ont été réalisées, nous avons observé 24 PNA
postopératoires (7,3 ), 17 survenant avant la sortie d’hospitalisation et 7 nécessitant une
réhospitalisation non programmée. En analyse univariée, les facteurs pronostiques de PNA postopératoire étaient la taille des calculs (plus de 14 mm) (p = 0,03) ; la durée de l’intervention (plus
de 70 min) (p < 0,005) ; un ECBU positif prélevé la veille de l’hospitalisation (j — 1) malgré un
ECBU négatif à j — 7 (p < 0,001) ; la prescription d’une antibiothérapie pour infection urinaire
dans la semaine précédant l’URSS (p < 0,001). En analyse multivariée, seule la prescription d’une
antibiothérapie dans la semaine précédant l’URSS était un facteur pronostique indépendant de
PNA post-opératoire (p < 0,002 ; RR 5,8 [1,9—15]).
Conclusion. — La prescription d’une antibiothérapie, pour infection urinaire, dans la semaine
précédant l’URSS était un facteur pronostique indépendant de PNA postopératoire. La pratique
systématique d’un ECBU j — 1 pourrait permettre une antibiothérapie précoce pour 63 % des
patients et peut-être limiter les réhospitalisations pour PNA après URSS.
Niveau de preuve.— 5.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Ureteroscopy;
Flexible
ureteroscopy;
Readmission rate;
Urinary tract
infection (UTI)
Summary
Objectives. — The objectives of this study have been to determine prognostic factors for acute
pyelonephritis (AP) after flexible ureteroscopy (FU), to assess the frequency of readmission for
AP and to study the usefulness of urinalysis the day before surgery.
Methods. — Between 2010 and 2013, 266 patients have had at least one ureteroscopy (n = 325).
All infectious complications and unplanned readmissions within the month after FU were
retrospectively evaluated. Several data have been collected: age, sex, BMI, surgical indication (calculis or tumor), number of previous ureteroscopies, number of previous surgeries for
calculis, stones number, size and location, bilateral interventions, operating time, preoperative ureteral stenting, postoperative stenting, hospitalization stay, urine culture the day before
surgery (j — 1) and prescription of antibiotic therapy the week before FU. Correlation between
these variables and acute pyelonephritis (AP) the month following the USSR was tested (StatView
4.5, SAS Institute) (P < 0.05 significant).
Results. — We observed 24 postoperative APs (7.4%), 17 prior to hospital discharge and 7 requiring rehospitalization. In univariate analysis, the significant prognostic factors of postoperative
AP have been: stone size (>14 mm) (P = 0.03); operating time (70 minutes) (P < 0.005); positive
day — 1 urine culture (P < 0.001); antibiotics treatment the week before FU (P < 0.001). In multivariate analysis, antibiotics prescription during the week before USSR remained significant
(P < 0.002; RR 5.8 [1.9—15]).
Conclusion. — Acute pyelonephritis requiring unplanned admission after ureteroscopy is a rare
complication (2.4%). Urinalysis one day before ureteroscopy could allow early antibiotic therapy
and may reduce 63% of unplanned hospital admissions for acute pyelonephritis.
Level of evidence.— 5.
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
L’urétéroscopie souple (URSS) est recommandée dans le
traitement des calculs de moins de 2 cm, de localisation
pyélique ou calicielle, en première intention ou après échec
de la lithotripsie extracorporelle [1]. L’URSS peut aussi être
utilisée comme moyen diagnostique et/ou thérapeutique
des tumeurs de la voie excrétrice (TVES) [2]. Les infections urinaires à risque de complications sont parmi les
complications les plus fréquentes de l’URSS [3].
Certains facteurs de risque leur sont classiquement associés : le terrain (âge, tabac, calculs) [4], la présence de
matériel dans les voies urinaires [5] et l’existence d’une
colonisation bactérienne ou fongique urinaire en préopératoire [6].
Même si une antibioprophylaxie systématique préopératoire est actuellement recommandée lorsque l’on pratique
une URSS [3,7], les infections urinaires peuvent se déclarer plusieurs jours après l’intervention, nécessitant parfois
d’une réhospitalisation [8]. Les objectifs de ce travail
étaient d’analyser la fréquence des infections après URSS,
la fréquence des réhospitalisations, et les facteurs pronostiques de pyélonéphrite aiguë (PNA) en précisant la
place que pourrait avoir la pratique d’un ECBU la veille
de l’intervention (j — 1) dans la prise en charge thérapeutique.
Facteurs favorisant les infections sévères après urétéroscopie souple
Matériel et méthodes
Nous avons étudié rétrospectivement l’ensemble des dossiers de patients traités par urétéroscopie souple (URSS)
entre 2010 et 2013. Étaient inclus, tous les patients
ayant bénéficié d’une URSS rétrograde (pratiquée par voie
trans-urétrale, trans-iléale ou par l’intermédiaire d’une urétérostomie cutanée). Nous avons inclus les URSS réalisées
pour traitement de calculs, ou exploratrices pour suspicion
de tumeurs de la voie excrétrice (TVES).
Caractéristiques des patients
Les caractéristiques des patients et de leur prise en charge
ont été colligées : âge, indice de masse corporelle, particularités anatomiques et antécédents de traitements
chirurgicaux (traitement de calculs ou de TVES), la durée
opératoire, la réalisation d’une urétéroscopie rigide dans
le même temps et le drainage mis en place en fin
d’intervention (JJ, mono-J, ou absence de drainage). Parmi
les patients traités pour calculs, la localisation uni- ou
pluricalicielle, calicielle inférieure, le nombre et la taille
cumulée des calculs, ainsi que le drainage par une sonde JJ
en pré-/postopératoire étaient renseignés.
Tous les patients ont bénéficié d’un ECBU la semaine
précédant l’intervention. Lorsque l’ECBU était positif, une
antibiothérapie adaptée à l’antibiogramme était instaurée au moins 48 heures avant le geste endoscopique. Pour
chaque patient, un ECBU était pratiqué systématiquement
la veille de l’intervention. Les résultats ont ensuite été classés rétrospectivement selon les recommandations Afssaps
2008 en trois catégories : stériles, positifs ou souillés [9].
Tous les patients ont bénéficié d’une antibioprophylaxie
préopératoire selon les recommandations de la SFAR 2008,
réactualisées en 2010 [7,10].
La durée d’hospitalisation et la survenue de
complications postopératoires étaient également colligées.
Nous nous sommes particulièrement intéressés à la survenue de PNA après URSS, la PNA était définie par une
hyperthermie > 38,5 avec décision de mise en route d’une
antibiothérapie.
Réhospitalisations
Une évaluation systématique des dossiers (consultations
postopératoires à 1 mois, comptes rendus d’hospitalisation)
et de l’ensemble des séjours hospitaliers était réalisée pour
chaque patient. Pour les patients opérés dans notre département puis suivis dans un autre centre, nous avons évalué
systématiquement les dossiers extérieurs et interrogé les
différents praticiens prenant en charge ces patients. En
l’absence d’informations suffisantes, les patients étaient
contactés par téléphone à la recherche d’une hospitalisation
non programmée dans le mois suivant l’URSS.
Analyse statistique
L’analyse statistique était réalisée avec l’aide du logiciel
StatView® version 4.5 (Statistical Analysis System Institute, Cary, NC). Les corrélations entre variables qualitatives
étaient réalisées en utilisant un test exact de Fisher. Les
corrélations entre variables qualitatives et quantitatives
67
étaient réalisées en utilisant un test non paramétrique de
Mann-Whitney. Les corrélations entre variables quantitatives étaient réalisées en utilisant un test non paramétrique
de Spearman. En analyse univariée, le test du Log Rank
était utilisé pour corréler l’incidence des PNA post-URSS aux
variables analysées. Les variables significativement associées, en analyse univariée au risque de PNA post-URSS,
étaient testées en analyse multivariée dans un modèle de
Cox. Les tests étaient considérés comme significatifs pour
des valeurs de p < 0,05.
Résultats
Entre janvier 2010 et octobre 2013, 332 URSS ont été réalisées chez 266 patients, 6 patients ont été perdus de vue,
260 patients et 325 interventions ont donc été inclus dans
l’analyse statistique. Parmi les 325 URSS, 302 ont été réalisées pour traitement de calculs et 23 pour le diagnostic
et/ou le traitement de TVES, 9 URSS étaient bilatérales
(2,8 %). La durée moyenne de séjour était de 2,7 ± 1,5 jours
(1—14) (Tableau 1).
Caractéristiques des patients
Parmi les 266 patients étudiés, le sex-ratio était de
166 hommes (51 %) pour 159 femmes (49 %), l’âge moyen
était de 55 ans (16—88) et l’IMC moyen de 28 (14—53). La
proportion de patients ayant déjà bénéficié d’au moins une
URSS dans leurs antécédents était de 21,8 % (n = 71), et de
54,2 % (n = 176) pour les autres interventions urologiques
(urétéroscopie rigide, chirurgie percutanée du rein, LEC,
chirurgie rénale à ciel ouvert). Vingt-cinq patients présentaient des malformations de l’appareil urinaire (diverticules
caliciels [n = 12], reins en fer à cheval [n = 5], duplicités urétérales [n = 3], bifidités urétérales [n = 3] et
syndromes de jonction [n = 3]). Enfin, 22 patients présentaient des antécédents chirurgicaux urologiques majeurs
(haut et bas appareil urinaire) : urétéro-iléoplastie transiléale type bricker (n = 9), réimplantations urétéro-vésicales
(n = 4), pyéloplastie (n = 3), urétérostomies cutanées (n = 2),
entérocystoplastie de remplacement après cystectomie
(n = 2), néphrectomies partielles (n = 2). En préopératoire,
210 patients (65 %) étaient porteurs d’une sonde JJ et 97
(30 %) avaient bénéficié d’un traitement antibiotique par
voie orale ou intraveineuse (adapté aux données ECBU) dans
la semaine précédant l’intervention.
Parmi les URSS réalisées pour calculs, la taille cumulée moyenne des calculs était de 16 mm ± 10 (4—73), le
nombre médian de calculs par patient était 1 (1—11). Les
calculs étaient caliciels supérieur, moyen, inférieur dans
respectivement 14,8 % (n = 44), 22,5 % (n = 68) et 50,7 %
(n = 153) des cas. Douze étaient intra-diverticulaires (4 %).
La durée opératoire moyenne était de 74,3 minutes (20—
200) et la médiane de 70 minutes. L’URSS était précédée
d’une urétéroscopie rigide dans le même temps opératoire pour 28,9 % des patients (n = 94) (calcul urétéral
traité dans le même temps qu’un calcul rénal ou calcul
urétéral flushé dans les cavités pyélocalicielles en urétéroscopie rigide nécessitant la réalisation d’une urétéroscopie
souple). Le drainage postopératoire était de type JJ pour
176 patients (54,2 %) et de type mono-J pour 143 patients
68
Tableau 1
E. Alezra et al.
Caractéristiques des patients avec et sans pyélonéphrite aiguë postopératoire.
n
Caractéristiques des patients
Calculs
Tumeur
Hommes
Femmes
Âge
IMC
Antécédent d’URSS
Autres antécédents (LEC, NLPC. . .)
Caractéristique des calculs
Taille cumulée moyenne
Nombre médian
Calice supérieur
Calice moyen
Calice inférieur
Pyélon
Diverticule
Uretère
Infectieux
ECBU j — 1
Positif
Négatif
Souillé
Antibiothérapie préopératoire
JJ en préopératoire
Données peropératoires
Durée opératoire (min)
Durée opératoire > 70 min
Urétéroscopie rigide
JJ
Mono-J
Pas de drainage
Absence de complications infectieuses
Pyélonéphrite aiguë
p
280 (93 %)
21 (7 %)
158 (52,5 %)
143 (47,5 %)
55
27,8 ± 6,2 (14—53)
65 (21,6 %)
160 (53,2 %)
22 (91,7 %)
2 (8,3 %)
8 (33,3 %)
16 (66,7 %)
61
30,1 ± 8,6 (19,61—47,47)
5 (20,8 %)
15 (62,5 %)
NS
16,02
1 ± 1,1 (1—8)
40 (10,2 %)
63 (16,1 %)
140 (35,8 %)
94 (24 %)
12 (3,1 %)
42 (10,7 %)
19
1 ± 1,2 (1—11)
4 (11,8 %)
5 (14,7 %)
13 (38,2 %)
7 (20,6 %)
0 (0 %)
5 (14,7 %)
0,0335
NS
61 (20,3 %)
185 (61,5 %)
49 (16,3 %)
80 (26,6 %)
191 (63,5 %)
16 (66,7 %)
4 (16,7 %)
4 (16,7 %)
18 (75 %)
19 (79,2 %)
73,7 ± 32 (20—200)
123 (41 %)
83 (27,6 %)
158 (52,5 %)
137 (45,5 %)
4 (1,3 %)
87 ± 47 (25—200)
16 (67 %)
11 (45,8 %)
17 (70,8 %)
7 (29,2 %)
0
(44 %). Seuls quatre patients n’ont pas été drainés. Parmi
les ECBU réalisés la veille de l’intervention, 76 étaient positifs (23,4 %), 189 négatifs (58,2 %) et 54 contaminés (16,6 %),
6 étaient manquants.
Complications postopératoires
Nous avons colligé 23 complications postopératoires au cours
de l’hospitalisation (7,1 %), dont 17 pyélonéphrites aiguës
(PNA) (74 %), 2 hématuries avec caillots (8,3 %), 1 colique
néphrétique après ablation de la sonde mono-J nécessitant la pose d’une sonde JJ (4,2 %), 1 syndrome douloureux
sur sonde JJ nécessitant l’ablation de celle-ci (4,2 %), un
hématome sous-capsulaire du rein chez un patient sous
anticoagulants (4,2 %) et un empierrement urétéral nécessitant une urétéroscopie rigide en urgence (4,2 %). Parmi
les 17 patients avec PNA postopératoire, 12 avaient un ECBU
à j — 1 positif (70,5 %), quatre un ECBU j — 1 contaminé et
deux un ECBU j — 1 négatif. Les complications étaient classées selon la classification de Clavien-Dindo [11] : Clavien 1
(n = 1 ; 4,3 %), Clavien 2 (n = 17 ; 73,9 %) et Clavien 3 (n = 5 ;
21,7 %).
NS
NS
NS
< 0,0001
< 0,0001
NS
0,008
NS
NS
NS
NS
Réhospitalisations
Dix-sept patients (5,2 %) ont été réhospitalisés dans le mois
suivant l’URSS, 8 (47 %) entre le premier et le huitième
jours postopératoires et 9 (53 %) entre le neuvième et
le trentième jours postopératoires. Sept patients ont été
réhospitalisés pour PNA (41 %), 4 pour une mauvaise tolérance de la sonde JJ (24 %), 3 pour colique néphrétique
(18 %), 1 pour perte d’une sonde d’urétérostomie cutanée à
j6 (6 %), 1 pour abcès pelvien (patient porteur d’un bricker et
d’une colostomie terminale) et 1 pour une sigmoïdite aiguë
(6 %) (Tableau 2). Parmi ces patients réhospitalisés, avec ou
sans PNA, respectivement 57 et 47 % présentaient un ECBU
j — 1 positif.
Parmi les 24 patients ayant présenté une pyélonéphrite
aiguë post-URSS, 18 (75 %) avaient reçu une antibiothérapie pour un ECBU positif dans la semaine précédant l’URSS
(Tableau 3). L’analyse rétrospective des dossiers nous a permis d’identifier 98 patients présentant un ECBU j — 7 positif
et 76 un ECBU j — 1 positif. Parmi les patients ayant un ECBU
j — 1 positif, 55 avaient un ECBU j — 7 positif (73 %) et 21 un
ECBU j — 7 négatif (27 %).
Facteurs favorisant les infections sévères après urétéroscopie souple
Tableau 2
69
Causes des réhospitalisations non programmées.
Réhospitalisation
Cause
Date post-op
Traitement
Clavien
1
PNA à Staphilococcus
epidermidis
PNA à E. coli
PNA à E. coli
j2
Antibiothérapie IV
2
j3
j7
2
3
PNA obstructive à
entérocoque
PNA avec sepsis sévère à
Pseudomonas + E. faecalis
PNA avec choc septique
j5
Antibiothérapie IV
Ablation de JJ et mise en
place d’une sonde urétérale
changement de JJ
j5
Antibiothérapie IV
4
j15
4
1
2
3
3
2
2
2
3
4
5
6
3
7
PNA avec altération de l’état
général découverte d’un foie
multimétastatique
j17
8
9
10
11
12
13
Mauvaise tolérance de JJ
Mauvaise tolérance de JJ
Mauvaise tolérance de JJ
Mauvaise tolérance de JJ
Colique néphrétique
Colique néphrétique avec
empierrement urétéral
Colique néphrétique après
ablation de JJ
Perte de sonde
d’uréterostomie cutanée
j15
j6
j11
j10
j10
j3
Antibiothérapie IV — séjour
en réanimation
Antibiothérapie et
antalgiques. Aggravation
clinique rapide ayant conduit
au décès
Antalgiques
Antalgiques et AINS
Ablation de JJ
Ablation de JJ
Antalgiques et AINS
Antalgiques et corticoïdes
j30
Pose de JJ sous AG
3
j6
3
Abcès pelvien avec fistule
cutanée chez un patient
porteur d’un bricker et d’une
colostomie terminale
Sigmoïdite aiguë
j14
Repose de sonde
d’urétérostomie sous
anesthésie locale
Antibiothérapie IV et soins
locaux
14
15
16
17
j13
Facteurs pronostiques de PNA postopératoires
En analyse univariée, les facteurs significativement associés
à la survenue d’une PNA postopératoire étaient : la taille
Tableau 3 Caractéristiques des ECBU j — 7 et antibiothérapies prescrites en préopératoire des patients ayant
présenté une PNA postopératoire.
ECBU j — 7
n
Antibiotique prescrit
Entérocoque
E. coli
6
1
1
2
1
1
1
1
2
1
1
6
Amoxicilline
Ofloxacine
Nitrofurantoine
Bactrim
Nitrofurantoine
Augmentin
Amoxicilline
Ofloxacine
Ofloxacine
Ciprofloxacine
Céfixime
Aucun
Staphylococcus epidermidis
Klebsiella oxytoca
Streptococcus agalagctiae
Manquant
Contaminé
Stérile
Antibiothérapie IV
5
2
2
cumulée des calculs supérieure à 14 mm (p = 0,03), un ECBU
j — 1 positif (p < 0,0001), un ECBU positif dans les 8 jours précédant l’intervention nécessitant la mise en place d’une
antibiothérapie (p < 0,0001), et une durée d’intervention
supérieure à 70 minutes (p = 0,008).
En analyse multivariée, le seul facteur pronostique indépendant de PNA postopératoire était l’ECBU positif dans les
8 jours précédant l’intervention nécessitant la mise en place
d’une antibiothérapie (p < 0,002 ; RR 5,8 [1,9—18,2]).
Discussion
L’URSS est recommandée dans le traitement des calculs pyéliques ou caliciels de moins de 2 cm et peut être utilisée
pour le diagnostic et le traitement des TVES [1,2]. Plusieurs
études ont également montré que son utilisation dans le
traitement des calculs de 2 à 3 cm était sûre et efficace
avec des taux d’infections postopératoires 5 à 10 fois moins
importants que la NLPC [12—14].
La complication la plus fréquente après URSS est la PNA,
avec une fréquence comprise entre 1,8 et 10,7 % [3,14,15].
Cette complication est également la cause la plus fréquente de réhospitalisation (68 % pour Malki et al.) [8]. Nos
70
résultats confirmaient les données de la littérature, avec
7,4 % de PNA postopératoires et 41 % de réhospitalisation
liées à cette complication [14,15].
Cependant, la définition de la PNA postopératoire
reste très variable dans la littérature. En effet, elle
associe le plus souvent des critères cliniques (hyperthermie, et/ou une fréquence cardiaque > 90/minutes,
et/ou une fréquence respiratoire > 20/min) à des critères biologiques (hyperleucocytose > 12 000/mm3 ou leucopénie < 4000) [6,16]. Dans ce travail, nous avons considéré
comme PNA toutes les hyperthermies post-URSS strictement
supérieures à 38,5 et ayant conduit à la prescription d’une
antibiothérapie. Cette définition « plus large » peut avoir
majoré artificiellement la fréquence de cette complication
dans notre travail, comme l’avaient suggéré Pricop et al. En
effet dans cette étude, après URSS, 23 % des patients étaient
fébriles et parmi eux seulement 50 % avaient un ECBU positif. Cependant, dans un nombre non négligeable de cas, un
ECBU négatif pourrait être expliqué par l’antibioprophylaxie
systématique préopératoire [16].
Certains facteurs de risque sont associés à la PNA postURSS : le terrain (âge, tabac, calculs) [4], la présence
de matériel dans les voies urinaires [5] et l’existence
d’une colonisation bactérienne urinaire en préopératoire
[6]. Dans notre étude, nous avons isolé, en analyse univariée, 4 facteurs de risques de PNA post-URSS (la durée
opératoire supérieure à 70 minutes, la taille cumulée des
calculs supérieure à 14 mm, l’ECBU positif dans les 8 jours
précédant l’URSS nécessitant la prescription préopératoire
d’une antibiothérapie et l’ECBU à j — 1 positif). Seul l’ECBU
positif dans les 8 jours précédant l’URSS et nécessitant la
prescription d’une antibiothérapie demeurait un facteur
pronostic de PNA en analyse multivariée.
La durée opératoire est classiquement associée à la
survenue de complications postopératoires après URSS.
Sugihara et al. retrouvaient une relation linéaire entre
la durée opératoire et la survenue d’évènements indésirables graves, en particulier le sepsis postopératoire.
Ainsi, pour une durée comprise entre 90 et 119 minutes
le risque relatif d’évènement indésirable sévère était de
1,58 contre 4,28 pour une durée supérieure à 210 minutes
[17].
Cependant, la durée opératoire lors d’une URSS effectuée pour calcul est en grande partie liée au nombre et à
la taille cumulée des calculs à traiter. Ce facteur explique
probablement que la taille cumulée des calculs ait été un
facteur pronostique de PNA, dans notre travail, en analyse
univariée mais pas en analyse multivariée. Néanmoins, ce
paramètre, qui est connu avant l’intervention, pourrait permettre de cibler les patients à risque de PNA postopératoire.
Le facteur de risque probablement le plus important de
PNA post-URSS est la persistance en préopératoire d’une
colonisation bactérienne. Cette colonisation est très difficile à évaluer en pratique, l’ECBU préopératoire négatif
n’éliminant pas une colonisation du matériel (JJ) ou du
calcul. En effet, l’ECBU réalisé sur les urines vésicales ne
permet que de détecter les bactéries planctoniques et non
celles incorporées dans le biofilm entraînant ainsi une sousestimation des colonisations des stents urétéraux [18]. Ainsi,
pour certains auteurs, la colonisation des sondes JJ était
quasi systématique (98,5 %), alors que seulement 40 % de
ces patients présentaient une bactériurie significative (cette
E. Alezra et al.
bactériurie étant significativement associée à l’ancienneté
de la pose de la JJ) [5,19].
En outre, le biofilm offre aux bactéries incorporées
en son sein un milieu de vie protégé par une réduction
importante de l’expression des protéines de liaison aux
antimicrobiens [18]. Aussi, en plus de rendre les microorganismes indétectables par les analyses bactériologiques
standards, le biofilm offre aux bactéries une barrière aux
antibactériens.
Ainsi, dans les cas où il s’agirait de colonisation de JJ
avec ECBU à j — 1 toujours positif malgré une antibiothérapie
adaptée, il faudrait préconiser un changement de sonde JJ
avant réalisation de l’URSS pour prévenir la survenue d’une
PNA postopératoire.
Dans notre étude, 210 patients (65 %) étaient porteurs
d’une sonde JJ, 302 (93 %) ont été traités pour calcul(s),
et 97 (30 %) avaient bénéficié d’un traitement antibiotique
par voie orale ou intraveineuse dans la semaine précédant
l’intervention (adapté aux données ECBU). Mais, 76 patients
(23,4 %) présentaient un ECBU j — 1 positif, parmi lesquels
57 % avaient bénéficié d’une antibiothérapie adaptée dans
les 8 jours précédant l’URSS. En analyse univariée, l’ECBU
j — 1 positif était significativement associé au risque de PNA
postopératoire. Il est probable que ce résultat ait été favorisé par un nombre important de patients porteurs de JJ en
préopératoire et traités pour calculs.
En outre, certains auteurs se sont intéressés à la mise en
culture systématique d’urines pyéliques et de calculs prélevés en peropératoire. Ils semblerait que près de 77 % des
calculs seraient infectés [20]. Ainsi, Esawara et al. retrouvaient une association significative entre la positivité de la
mise en culture des calculs et la survenue de pyélonéphrite
aiguë postopératoire [6].
De plus, parmi les patients avec des calculs infectés,
l’ECBU prélevé à l’admission retrouvait le même germe que
la culture des calculs dans 64 % des cas alors que l’ECBU réalisé dans les 8 jours précédant l’intervention retrouvait le
même germe que celui du calcul seulement dans 11 % des cas
[6]. Ainsi, la mise en culture des calculs semble intéressante
dans la prise en charge des patients à risque d’infection postURSS, mais l’ECBU à j — 1 est plus simple d’utilisation, plus
précoce et d’une bonne spécificité puisqu’il isole le même
germe que la culture de calculs dans 64 % des cas.
Enfin, la réalisation d’un ECBU j — 1 pourrait avoir un
double intérêt :
• sa réalisation associée à un examen direct avec coloration de Gram pourrait permettre en cas de positivité de
décaler l’intervention et ainsi prévenir le risque de PNA
postopératoire ;
• il permettrait en cas de PNA postopératoire d’adapter
plus précocement l’antibiothérapie aux résultats de
l’antibiogramme de l’ECBU j — 1.
Dans notre travail, seule l’existence d’un ECBU positif
dans les 8 jours précédant l’URSS nécessitant la prescription
préopératoire d’une antibiothérapie demeurait un facteur
pronostique de PNA en analyse multivariée. Ce résultat
confirmait que même si l’antibiothérapie préopératoire
était adaptée à l’antibiogramme, elle restait très souvent
inefficace sur les structures inertes et colonisées comme
les sondes JJ [5]. En effet, 57 % des patients ayant bénéficié d’une antibiothérapie précédant l’URSS avaient une
Facteurs favorisant les infections sévères après urétéroscopie souple
bactériurie significative sur l’ECBU à j — 1 (souvent avec des
germes différents de ceux retrouvés à j — 8). Cette dernière
observation pose le problème de la difficulté à traiter les
colonisations bactériennes chez des patients porteurs de
matériel dans les voies urinaires et devant bénéficier d’un
geste endoscopique et pose ainsi la question du changement
de ce matériel dans les cas de colonisation résistante à un
traitement antibactériens.
Conclusion
La pyélonéphrite aiguë (PNA) est la principale complication
après URSS, c’est également la principale cause de réhospitalisation non programmée. La positivité de l’ECBU dans les
8 jours précédant l’URSS était un facteur pronostique indépendant de PNA postopératoire malgré une antibiothérapie
adaptée à l’antibiogramme bien conduite en préopératoire.
Aussi, 73 % des PNA postopératoires après URSS avaient un
ECBU positif à j — 1 et ce, malgré une antibiothérapie à
visée curative adaptée prescrite en préopératoire ; ceci est
lié au fait que les traitements antibiotiques, dirigés contre
les bactéries planctoniques, sont souvent inefficaces sur les
bactéries du biofilm des sondes JJ. Enfin, la réalisation d’un
ECBU à j — 1 permettrait une antibiothérapie adaptée plus
précoce en cas de PNA et pourrait limiter les réhospitalisations non programmées pour PNA après URSS.
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Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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