Domaine Public domainepublic.ch La destruction créative du seco Pour le Secrétariat d’Etat à l’économie, le naufrage de Swissair et les autres débâcles économiques sont des évolutions naturelles qu’il ne faut pas contrarier. urich, l’Unique métropole économique de la Suisse, a été traumatisée par la déconfiture de notre compagnie nationale. Le choc a été assez violent pour remettre en question le rôle de l’Etat dans la prévention des crises économiques. Le seco (Secrétariat d’Etat à l’économie), de savantes études universitaires à l’appui, répond sans ambiguïté : toute intervention de soutien, toute réglementation publique retarde les adaptations dictées par le marché et les mutations technologiques. Les entreprises doivent librement vivre et mourir. La destruction des structures dépassées est créatrice d’une nouvelle prospérité. L’histoire économique de la Suisse apporte de l’eau au moulin de cette thèse. Mais des nuances s’imposent pour tempérer un libéralisme aussi péremptoire. Avec Simonetta Sommaruga et Rudolf Strahm (cf. pages 4 et 5), on conviendra facilement que l’Etat ne doit pas s’épuiser à soutenir les canards boiteux de l’économie. D’accord également pour constater que l’organisation quasi soviétique du marché du fromage a généré piètre qualité, mévente, surproduction Z et explosion des subventions publiques. D’accord encore pour affirmer que la réglementation de l’horlogerie des années trente a maintenu des structures mal adaptées qui ont failli tuer cette industrie à l’arrivée de la montre à quartz. La branche n’a pas dû sa survie à une intervention de l’Etat, mais à l’action novatrice de quelques patrons, le plus connu étant Nicolas Hayek. D’accord toujours pour conclure que les commandes de l’armée et des CFF n’ont pas réussi à faire survivre les camions Saurer ou la construction de véhicules ferroviaires en Suisse. Le seco, par avis d’experts interposé, déplore que la Suisse s’aligne tardivement à l’ouverture des marchés européens. Une réglementation trop restrictive et une fiscalité trop lourde des fonds de placements ont provoqué un exode vers le Luxembourg. Le frein à la libéralisation aurait empêché la Suisse de devenir, au centre de l’Europe, une véritable bourse d’échange de l’électricité. Faut-il donc déplorer la non-adhésion de la Suisse à l’Europe? Non, répond le seco. continue en page 5 JAA 1450 Sainte-Croix Annoncer les rectifications d’adresses Sommaire 10 juin 2005 Domaine Public no 1649 Depuis quarante-deux ans, un regard différent sur l’actualité Une initiative réclame des avocats pour les animaux. page 2 La Constitution européenne a fait les frais du référendum. page 3 Le livre de Sommaruga et Strahm commenté par DP. Dernier volet consacré à la croissance et à l’emploi. pages 4 et 5 Genève refuse d’adhérer à OuestRail. page 6 Les AOC dans tous leurs états. page 7 Un colloque se penche sur l’engagement des écrivains. page 8 Schengen/Dublin Le résultat du vote révèle une marge de sécurité très étroite pour la votation difficile du 25 septembre sur l’extension de la libre circulation. La campagne devra opposer à la peur et à l’«émotion», la conviction calme et la prise de responsabilité. Edito page 3 Protection des animaux Des hommes et des souris Une initiative souhaite renforcer les droits des chiens et des chats. Le but est louable mais l’interdiction de transporter porcs et veaux à travers le pays, ainsi que la mise au ban de l’abattage rituel risquent d’attiser les polémiques. Q uel statut juridique pour l’animal? La question divise les juristes depuis des siècles. La conception traditionnelle considérait que les animaux étaient des «choses» par opposition aux «personnes». Mais l’assimilation du meilleur ami de l’homme à un objet montre quelques limites. La législation en matière de protection des animaux a évidemment comblé quelques lacunes et depuis 2002, le Code civil suisse reconnaît le statut particulier des animaux (cf. encadré). Le sujet peut toujours enflammer le Parlement. Ainsi en va-t-il de l’initiative «pour une conception moderne de la politique des animaux» que le Conseil national examine cette session. Elle propose notamment d’inscrire à nouveau dans la Constitution l’interdiction de l’abattage sans étourdissement pratiqué par certaines communautés religieuses et de limiter de manière assez drastique les expériences sur les animaux dans les laboratoires scientifiques. Largement de quoi mettre le feu aux poudres. Parallèlement, le Parlement est saisi d’une révision de la loi fédérale sur la protection des animaux. Au départ conçu comme une simple adaptation de la législation existante, ce projet s’est transformé en contre-projet indirect à l’initiative populaire. La nouvelle loi vise notamment à améliorer l’exécution parfois déficiente des cantons. Certaines idées des initiants ont en outre trouvé une concrétisation: le Conseil des Etats, qui en a déjà débattu, a déjà amélioré la protection des animaux de laboratoire. Les défenseurs des bêtes Autre proposition de l’initiative qui pourrait être retenue : l’instauration dans chaque canton d’un «avocat des animaux» pour intervenir dans les procédures pénales où des animaux sont victimes. On se demande toutefois si les associations de défense des animaux, auxquelles on pourrait accorder des droits plus étendus, ne rempliraient pas mieux ce rôle qu’un fonctionnaire faisant double emploi avec le ministère public. Kyrielle d’initiatives Outre l’initiative actuellement pendante devant les Chambres fédérales, cinq autres initiatives populaires ont été lancées ces dernières années pour renforcer la protection juridique des animaux. Deux d’entre elles, déposées en 2000, demandaient que les animaux ne soient plus traités comme des choses. Sous leur pression, le Parlement a adopté le 4 octobre 2002 une révision législative qui a notamment modifié le Code civil suisse dans le sens voulu par les initiants. En effet, selon le nouvel article 641a du Code civil, «les animaux ne sont pas des choses». Les deux comités d’initiative avaient retiré leurs propositions à la suite de ces modifications. Plus récemment, deux initiatives ont échoué, faute d’avoir réuni les 100000 signatures nécessaires: l’une demandait l’interdiction totale de l’importation des fourrures (échec en 2005) et l’autre exigeait une nouvelle fois à l’interdiction des abattages rituels (échec en 2003). Enfin, une initiative demandant l’interdiction de la chasse est en cours de récolte de signatures. 2 Sur d’autres points, le texte de l’initiative pose des problèmes majeurs. Ainsi, l’interdiction totale du transit d’animaux de boucherie vivants et les restrictions à l’importation pour les animaux moins bien traités qu’en Suisse sont contraires aux engagements internationaux de notre pays. Enfin et surtout, l’interdiction de l’abattage rituel au niveau constitutionnel rallume des foyers qui étaient un peu sous contrôle. Le débat a de plus une portée essentiellement symbolique puisque le projet de loi prévoit de conserver une réglementation restrictive de ces pratiques. Le groupe parlementaire des Verts refuse d’ailleurs son soutien à l’initiative en raison de cette violation de la liberté religieuse. Sans le soutien des Verts, l’initiative ne paraît avoir qu’une faible chance de succès devant le peuple et les cantons, si les modifications législatives à venir ne sont pas suffisantes pour convaincre les initiants de retirer leur texte. Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. ad Revenus colossaux des casinos Avec une progression de 37 %, les casinos suisses ont engrangé 770 millions de revenus bruts durant les douze derniers mois. Comparé à celui des deux grandes loteries suisses, leur chiffre d'affaires est quatre fois supérieur. La Fédération suisse des casinos, qui se vante d'avoir fait de la Suisse un «pays à casinos», ne cesse par ailleurs de pousser son avantage, notamment en accusant les loteries d'utilité publique d'aiguillonner la dépendance au jeu. La Confédération, qui a donné le feu vert à l'implantation des casinos, serait bien inspirée de revoir sa copie en les «déprivatisant» et en les soumettant, eux aussi, au principe de redistribution des bénéfices à des œuvres d'utilité publique. Culturenjeu, n° 6, mai 2005 www.enjeupublic.org DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 Constitution européenne Le maniement délicat du référendum En France et aux Pays-Bas, la démocratie directe a sanctionné un projet importé de Bruxelles sans concertation entre les acteurs politiques et sociaux de deux pays. la suite du rejet français du traité constitutionnel, on a entendu et lu, ici et là, le regret que cette question ait fait l’objet d’un référendum : celle-ci était trop complexe pour être soumise au peuple. Sur le fond, l’argument révèle la faible intensité des convictions démocratiques de celles et ceux qui l’utilisent. Sur la forme par contre, on peut discuter de la qualité démocratique de l’exercice auquel ont été conviés les électorats français et néerlandais. A Objet et président confondus Dans la Ve République, on le sait, le président est seul maître du référendum. Il décide souverainement de consulter le peuple lors d’une modification constitutionnelle ou de la faire avaliser par le seul Parlement. De ce fait, l’objet du référendum devient secondaire et la per- IMPRESSUM Rédacteur responsable: Jacques Guyaz (jg) Rédaction: Marco Danesi (md) Ont collaboré à ce numéro: Anne Caldelari Alex Dépraz (ad) Jean-Daniel Delley (jd) Carole Faes (cf) Albert Tille (at) Responsable administrative: Anne Caldelari Impression: Imprimerie du Journal de Sainte-Croix Administration, rédaction: Saint-Pierre 1, cp 5863, 1002 Lausanne Téléphone: 021/312 69 10 E-mail: [email protected] [email protected] www.domainepublic.ch DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 sonne du président première ; ou si l’on préfère, l’objet et la personne se confondent. Ainsi l’échec de la régionalisation en 1969 exprimait la méfiance d’une majorité populaire à l’égard du général de Gaulle. Ce dernier en a d’ailleurs tiré les conséquences en démissionnant. C’est le danger du référendum plébiscitaire qui, par nature, favorise cette confusion. Le 29 mai dernier, le camp du non a exprimé un désaveu de la majorité au pouvoir tout autant, si ce n’est plus, qu’une aversion pour le projet de Constitution européenne. Si les Français disposent d’une certaine expérience référendaire dix consultations depuis 1959 - tel n’est pas le cas des Hollandais, appelés aux urnes pour la première fois sur un objet. Ce manque d’expérience s’est notamment traduit pas un faible et tardif engagement du gouvernement et des partis qui, plutôt que de défendre le projet constitutionnel, se sont limités à corriger et dénoncer les affirmations des opposants. Le référendum populaire est une institution délicate qui ne tolère pas l’improvisation. Il exige une information poussée du corps électoral et un large débat public. Cette condition, présente en France, a manifestement fait défaut aux Pays-Bas. Mais dans les deux cas, le projet soumis au suffrage populaire n’a pas fait l’objet d’une large concertation préalable des principaux acteurs politiques et sociaux ; il n’a pas été perçu par les opinions de ces deux pays comme le résultat d’un compromis équilibré, mais comme une proposition tombée du ciel européen. Dans ces conditions, il se présentait comme le bouc émissaire idéal de toutes les insatisfactions, y compris et surtout de celles qui n’avaient aucun rapport avec la question posée. jd Edito Victoire d’étape e qui est fauché est bas: Schengen-Dublin peut être engrangé. Mais quelle leçon tirer de ce débat? Le style et le graphisme des affiches de l’UDC sont critiqués dans les salons BCBG. Cette femme qui criait sa peur, bouche grande ouverte, est condamnée comme trop «émotionnelle». En réalité, ce style fait penser à celui de l’extrême droite française d’avant-guerre, les attaques personnelles caricaturales en moins. La droite classique devrait en tirer les conséquences. On est las de ces moues, de ces rejets distingués signifiant que, décidément, l’UDC n’est pas fréquentable. Si tel est le cas, il ne faut plus la fréquenter, ce qui veut dire refuser toute alliance électorale avec elle. Autre «émotion» de cette campagne, l’éloge historique de la frontière par Christoph Blocher quand le peuple devait se prononcer sur l’abolition d’une forme de contrôle à la frontière. Son discours, pont-levis levé et herse abaissée, a de surcroît été diffusé en publicité rédactionnelle payante, probablement à ses frais, par les grands journaux du pays. Certes, ce conseiller fédéral incontrôlable ne peut être démis, mais il ne doit pas être réélu en 2007 et encore moins bénéficier du tournus qui ferait de lui un président de la Confédération! Il y a le résultat, il y a le score. Il révèle une marge de sécurité très étroite pour la votation difficile du 25 septembre sur l’extension de la libre circulation. Car elle ne sera pas un Schengen bis. La peur de la concurrence salariale est réelle; on ne retrouvera pas les mêmes majorités urbaines et le souhait des milieux ruraux de pouvoir recourir à une main d’œuvre bon marché ne compensera pas les réticences citadines. Le refus français pèsera du poids lourd des arguments qui ont entraîné le «non», à savoir que la libre circulation des travailleurs impliquerait une politique sociale et des minima salariaux communs. Et la réponse qui affirme que les travailleurs polonais, hongrois, lettons, seront soumis aux conditions usuelles de la branche en Suisse, que des contrôles et des mesures d’accompagnement seront mis en place, ne sera pas partout reçue comme convaincante. Comment pourrait-il en être autrement à voir la satisfaction anticipée qu’affichent des petits patrons ou un Jean Fattebert? L’enjeu, on le sait, est considérable. Une crise grave sera ouverte avec l’Union européenne qui ne peut transiger sur le principe de la libre circulation, une liberté européenne fondamentale. Tout le bilatéralisme sera en question avec ce qu’il représente de négociations, de recherches d’avantages réciproques. La campagne devra donc être à la hauteur de cet enjeu. L’engagement des partis et des médias, certes importants, ne suffira pas. Elle devra impliquer les magistrats cantonaux et communaux. A la peur et à l’«émotion», opposer la conviction calme et la prise de responsabilité. ag C 3 Livre de Simonetta Sommaruga et Rudolf Strahm Par la grâce de la productivité Le dernier volet de notre série consacrée à Für eine moderne Schweiz examine l’analyse de la situation économique du pays proposée par les deux socialistes bernois. Formation et concurrence sont au centre du débat. a situation helvétique est paradoxale. Notre pays, quelle que soit la conjoncture, connaît un taux de chômage inférieur à celui de la plupart des pays développés et une proportion d’actifs plus élevée, quand bien même son taux de croissance le situe régulièrement en queue de classement. Pour Sommaruga et Strahm, c’est d’abord au système de formation professionnelle que nous devons la relative bonne forme de notre marché du travail. Fondé sur un apprentissage dans les secteurs d’activité où existe un besoin réel de main-d'œuvre, ce système est le mieux à même de faire correspondre l’offre et la demande. Cet avantage comparatif ne doit pas nous dispenser pour autant de favoriser la création d’emplois. D’autant moins que l’économie moderne connaît de profonds changements. Aujourd’hui, ni le banquier dans la force de l’âge, ni le manœuvre, ni la jeune diplômée ne peuvent compter sur la garantie de l’emploi. Seule une croissance économique soutenue est à même d’offrir en suffisance des places de travail. L Pas de solution miracle Les deux auteurs constatent avec regret que le débat sur la croissance est idéologiquement contaminé. A droite, on fustige le poids de la fiscalité et les dépenses de l’Etat. A gauche, on se lamente à propos des phénomènes de rationalisation et de délocalisation, ou l’on rêve d’un taux de croissance durable de 3% sans jamais expliquer comment l’atteindre. Sans parler des économistes de l’école de Bâle, pourfendeurs des droits populaires, accusés d’empêcher les changements indispensables à une revitalisation de l’économie. Aucune de ces explications n’est satisfaisante, même si certaines contiennent une part de vérité. Certes il est possible de stimuler la conjoncture par le déficit budgétaire. Mais la recette ne vaut que pour le court terme; à longue échéance, l’endettement public ne garantit pas la croissance. Quant à la poli- 4 tique monétaire, mal conduite, elle entrave la croissance, comme ce fut le cas dans la première moitié des années nonante; mais elle ne peut la stimuler durablement. Stimuler l’essor des PME Le débat des années septante sur la croissance zéro n’est plus qu’un souvenir. Car, rappellent les deux socialistes, la lutte contre le chômage, la protection de l’environnement et le financement des dépenses sociales exigent une croissance soutenue. Mais une croissance qui ne se nourrit pas d’une consommation accrue d’énergies non renouvelables et de matières premières. Alors comment retrouver le chemin de la croissance? A droite, on parie trop exclusivement sur la stimulation de l’offre. Et l’on revendique logiquement une fiscalité allégée, des coûts salariaux plus bas, moins de protection de l’environnement et moins d’Etat. La gauche insiste sur l’encouragement de la demande, donc des salaires plus élevés et des investissements publics accrus. Or les deux camps oublient un facteur central de la croissance, l’augmentation de la productivité. Il ne faut pas considérer seulement le coût horaire du travail - en Suisse l’un des plus élevés au monde -, mais aussi ce qui est produit durant cette heure. La productivité dépend bien sûr du capital investi, mais également des compétences de la main-d’œuvre et de la stimulation de la concurrence. Or ces deux mamelles de la croissance - formation et concurrence sont insuffisamment développées en Suisse. N’attendons pas des grandes sociétés multinationales qu’elles créent beaucoup d’emplois dans notre pays. La globalisation de l’économie les conduit à se développer à l’étranger, près des marchés en expansion. Le véritable moteur de la croissance et de l’emploi, ce sont les petites et moyennes entreprises - 67% de l’emploi. C’est sur elles que doit porter une politique de croissance. jd Les propositions des auteurs Sommaruga et Strahm indiquent tout d’abord quatre conditions, nécessaires mais pas suffisantes, pour une croissance économique: ■ Une politique monétaire de la Banque nationale qui évite l’appréciation du franc par rapport à l’euro et qui, si nécessaire, tolère un taux d’inflation jusqu’à 2,5%, afin de ne pas asphyxier la conjoncture. ■ Une politique salariale qui garantit la pleine indexation, le refus de la sous-enchère salariale par le biais du recours à des travailleurs étrangers peu payés ou des baisses de salaire qui éroderaient le pouvoir d’achat. ■ Le maintien des dépenses pu- bliques d’investissement. Si quelques corrections peuvent se révéler positives, une réduction globale de la quote-part fiscale ne constitue pas une mesure de stimulation de la croissance. ■ Une intégration plus poussée des femmes dans le marché du travail, en particulier des plus qualifiées. Ces quatre conditions remplies, il est alors possible de développer quatre stratégies susceptibles de déployer des effets durables et efficaces sur la croissance: ■ Un renforcement de la concurrence. Tout d’abord en autorisant les importations parallèles et en continue en page 5 DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 Croissance et emploi La destruction créative du seco L’avis de DP La formation professionnelle est un enjeu d’avenir. Cependant, elle mérite une cure de jouvence. Accompagnée de propositions alternatives pour le travail non qualifié. analyse de Sommaruga et Strahm repose sur une solide analyse économique et une bonne connaissance du terrain, ce qui n’est pas toujours le cas des propositions et positions développées par les partis, de gauche comme de droite. L’importance qu’ils accordent à la formation, en particulier à la formation en lien avec le marché du travail, est justifiée. Reste que plusieurs points de leur programme méritent approfondissement. En particulier la formation professionnelle. Si cette spécificité helvétique mérite d’être sauvegardée, elle a besoin d’une sérieuse réforme - formation scolaire des apprentis parfois inadaptée et encadrement insuffisant - et de mesures incitatives nouvelles : comment convaincre les entreprises d’offrir suffisamment de places d’apprentissage et de ne pas se contenter de profiter de la main-d’œuvre formée par d’autres ? L’ ■ ■ ■ interdisant les accords verticaux entre fournisseurs et distributeurs. Puis sur le marché intérieur, encore trop cloisonné et protégé, dans la mesure où le service public n’est pas mis en danger. Les auteurs préconisent par exemple une uniformisation des normes de construction. Une augmentation de 30% des dépenses de formation et de recherche durant la prochaine décennie. Il s’agit en particulier de financer plus généreusement la réforme de la formation professionnelle, les Hautes écoles spécialisées, ainsi que les nouvelles technologies. Un accès facilité au crédit pour les PME et la création d’entreprise. A plus long terme, une limitation des cotisations au 2e pilier - par DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 Suite de la première page S’il est vrai que la croissance de l’économie helvétique et sa position dans la concurrence internationale exigent des personnes de mieux en mieux formées, l’ensemble de la population, pour diverses raisons, ne pourra répondre à cette exigence. Pour ces emplois non spécialisés, il faut imaginer des solutions : par exemple un salaire minimum et dans les cas extrêmes un complément de revenu par l’Etat (cf. DP 1648, Travailleurs auxiliaires). Enfin si les auteurs ne veulent pas mettre en péril le service public - limitation au principe de la concurrence encore faut-il préciser les critères qui permettent de définir ce service. Entre une droite grisée par le mirage du marché et une gauche crispée sur la défense des acquis, il y a place pour une réflexion que nos deux réformateurs n’entreprennent pas. jd exemple en fixant un plafond à 150 000 francs de salaire assuré qui érodent le pouvoir d’achat et pèsent négativement sur la croissance interne par exportation du capital. Parallèlement le premier pilier de l’AVS doit être renforcé. Ces conditions cadre et ces stratégies ne constituent pas un bouleversement politique. Elles pourraient faire l’objet d’un pacte pour la croissance entre les réformateurs des partis bourgeois et les socialistes. Pour autant que chacun des camps renonce à la guerre de tranchées stérile qui voit s’opposer, d’une part, les partisans de la baisse systématique de la fiscalité et des dépenses publiques et, de l’autre, les adversaires de la concurrence et tenants de programmes conjoncturels ■ financés par l’endettement. Les entreprises n’ont pas, semble-t-il, de difficulté sur le marché de l’Union européenne. En revanche, la Suisse devrait unilatéralement éliminer tous les obstacles à l’activité des entreprises étrangères sur son sol. Une concurrence accrue augmenterait l’efficacité des secteurs encore trop orientée sur un marché intérieur protégé. Le secteur des services dont l’importance va croissante doit tout particulièrement gagner en efficacité par l’ouverture à la concurrence et la déréglementation étatique. Pour le seco, aucun secteur ne devrait échapper à ce vent libéral : l’agriculture et les services postaux bien sûr, mais aussi la santé et l’éducation. Cette liste, non exhaustive, publiée sans commentaire sur le site du seco est surprenante. Elle est en parfaite contradiction avec les engagements pris par Joseph Deiss et ses hauts fonctionnaires qui excluent la santé et l’enseignement public des négociations sur la libéralisation des services à l’OMC. Les interventions de l’Etat pour le soutien aux régions économiquement menacées ne convainquent pas le seco. Les effets de l’arrêté Bonny, que Berne entend démanteler, seraient proches de zéro. Les efforts de promotion économique des cantons ne sont pas épargnés, eux non plus, par ce scepticisme. Les cantons menant une politique volontariste n’enregistrent pas de performances mesurables de leur taux de croissance. Pas de miracle donc. Mais l’étude ne se demande pas quel aurait été le recul de l’économie neuchâteloise si, réveillé par la crise horlogère, le canton n’avait pas mené une vigoureuse politique de repeuplement industriel. at 5 Ville de Genève L'enthousiasme oui, le lobby non La cité de Calvin se tient à l’écart d’OuestRail, même si l’association assure la promotion de la ligne Cornavin/Eaux-Vives/Annemasse (CEVA). onstituée en août 2004, l'association OuestRail est née de la fusion de deux communautés d'intérêts, regroupant l'une les défenseurs de la ligne Simplon-Lötschberg (CISL) et l'autre ceux des transports ferroviaires de l'Arc jurassien (CITAJ). Selon ses statuts, «OuestRail s'engage en faveur de liaisons ferroviaires performantes en Suisse occidentale et vers les réseaux des pays voisins». A la fois lobby et organe d'information, OuestRail finance des études de conception, des analyses de marché, des campagnes de promotion. Outre les six cantons de Suisse occidentale qui en sont membres de droit, OuestRail réunit des membres collectifs (entreprises, associations économiques et touristiques, toutes autres personnes C physiques ou morales intéressées) ainsi que des villes et communes. Ces dernières ont adhéré en nombre, pour une modeste cotisation allant de 50 à 250 francs selon le nombre d'habitants. Lausanne, Bienne ou La Chaux-deFonds payent autant que le canton de Genève, soit 500 francs. Seule collectivité à se tenir à l'écart : la ville de Genève. Elle explique son refus d'adhérer sous la plume de son conseiller administratif Christian Ferrazino, élu de l'Alliance de gauche. Le président du Département de l'aménagement, des constructions et de la voirie (DACV) invoque l'absence de compétence communale en matière de transports ferroviaires, qui sont du ressort exclusif de la République et canton. Comme si le Conseil admi- nistratif de Genève n'avait pas l'habitude de s'attribuer des missions aussi planétaires que dépourvues de toute base légale. Or il se trouve qu'OuestRail a la mission de promouvoir la réalisation de la CEVA (ligne Cornavin/Eaux-Vives/Annemasse), qui touche six communes dont Genève, où se situent les deux principales gares sur territoire suisse. Et les travaux préparatoires pour l'aménagement de la gare de Cornavin, qui devraient démarrer cette année encore, figurent au programme du Service d'urbanisme de la Ville, de même que le plan d'aménagement prévoyant de valoriser les six hectares de friches aux environs de la future gare souterraine des Eaux-Vives. A noter aussi que le site du DACV mentionne que «le département s'engage avec enthousiasme, avec le canton et les CFF, en faveur de la ligne RER CEVA». Un élan qui ne va toutefois pas jusqu'à pousser au vulgaire lobbyisme - un genre de manœuvre locale et intéressée, de toute évidence indigne de la Genève internationale. Heureusement, le gouvernement cantonal se montre plus réaliste. Entraîné par ses collègues de Zurich et du Tessin, le conseiller d'Etat genevois Robert Cramer, élu des Verts, vient de cosigner, avec la radicale Rita Führer et le «leguiste» Marco Borradori, une missive aux parlementaires fédéraux, les implorant de soutenir les trois grands projets prioritaires de la prochaine décennie en matière d'infrastructures ferroviaires, CEVA en tête. jd Convivialité La société en fête as besoin de regarder le thermomètre pour s’assurer que l’été approche, il suffit de voir s’épaissir le supplément weekend des journaux. L’engouement pour les journées dédiées à un thème quelconque, pour les festivals en tout genre mais aussi pour les fêtes de quartiers et tout ce qui à trait au «vivre ensemble» confirme leur importance. Leur multiplication est impressionnante, pas un jour sans offre d’attractions ludiques, pas le moindre hameau qui n’ait son animation. Alors que le pouvoir a longtemps eu comme objectif de contenir les débordements des fêtes populaires, les autorités locales favorisent aujourd’hui les festivités. Les fêtes religieuses rythmaient le calendrier des sociétés préindustrielles, ce sont les événements «identitaires» qui marquent celui de notre société du temps à soi. Nous sortons d’une époque où il était légitime de dire que le temps de travail organisait P 6 les sociétés. Aujourd’hui, la plupart des travailleurs capitalisent dix-huit ans de formation pour moins de quarante ans de travail et passent plus de temps devant la télévision que sur leur lieu de travail. L’institution imaginaire de la société urbaine nécessite des mythes et des rituels qui actualisent les thèmes fondateurs et les représentations collectives de la société. Les événements sportifs et les fêtes urbaines jouent aujourd’hui en partie ce rôle. Les réalisations éphémères, souvent artistiques, sont un des moyens de mobiliser les gens autour de leur ville, de la leur faire aimer. L’occupation de la rue en est une composante fondamentale précisément parce qu’elle donne à sentir la société à laquelle chacun appartient séparément et abstraitement. L’inhabituel, l’effet de surprise, les changements de perspective, les retournements d’image et les usages incongrus de l’espace permettent de mettre en valeur les caractéristiques urbaines, de rendre la ville sensible (palpable, visible, audible, etc.) aux individus. Prendre conscience de ce que l’on voit tous les jours mais qu’on ne remarque pas ou découvrir le charme et l’intérêt de lieux que l’on ne fréquente jamais est un moyen de faire connaissance avec sa ville. Les événements qui marquent le calendrier constituent aussi des repères temporels qui permettent de partager une expérience commune avec les autres membres de la collectivité. Jalons sociétaux dans les calendriers personnels, leur prolifération essoufflerait le plus sociable des fêtards. Las d’être soi-même seul parmi tous les autres, d’aucun souhaite se retrouver, dans l’intimité, avec quelques autres. Les barbecues ont encore de beaux jours devant eux. cf DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 AOC Les royaumes du terroir Les marchés globalisés raffolent des produits enracinés. Le combat sévit pour s’assurer les appellations d’origine contrôlée. est la revanche des racines contre la globalisation. L’appellation d’origine contrôlée (AOC) ou l’indication géographique protégée (IGP) dressent les barrières du vrai, de l’original, face à la marée montante du faux et des copies. Le nom propre fait la guerre au générique. L’unique, façonné pièce par pièce, mène la vie dure aux vins, fromages, viandes, alcools, sortis des chaînes de montage, calibrés et standardisés. C’ Le local et le global La Bataille des AOC en Suisse, paru dans la collection Le Savoir suisse, raconte quinze ans de luttes et de controverses juridiques sur la voie des appellations contrôlées. Stéphane Boisseaux et Dominique Barjolle renouent les fils d’une législation, d’abord cantonale ensuite fédérale, issue de la crise des vignobles genevois et valaisans des années huitante. A l’écart des «acquis communautaires», depuis le refus populai- re d’adhérer à l’Espace économique européenne (EEE), la Suisse doit se débrouiller seule pour défendre ses spécialités. L’ordonnance du 28 mai 1997, entrée en vigueur le mois de juillet de la même année, règle la procédure de reconnaissance pour tous les produits agricoles, à l’exception des vins qui bénéficient déjà d’un dispositif sur mesure (Ordonnance du 7 décembre 1998). Malgré ce garde-fou et de nombreux accords bilatéraux, voire multilatéraux, négociés au sein de l’OMC, la promotion du terroir ravive inlassablement les conflits entre les pays pour obtenir l’exclusivité des dénominations. La France, via l’Union européenne, conteste depuis 1998 à la commune de Champagne le droit d’appeler ainsi son vin blanc. Le cas s’éternise devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes à Luxembourg en raison d’un recours présenté par les vignerons vaudois. L’Emmental vit également des heures difficiles. Sa reconnaissance endure l’opposition de Un conte de fée L’Etivaz fait coup double en 2000. Il s’inscrit à la fois au Registre fédéral des AOC et à celui des IGP. La reconnaissance officielle, avec certificat et cachet fédéraux, se coagule dans la vie d’une petite communauté d’irréductibles fromagers, en quête autonomie depuis trois quarts de siècle. Chaque été, trois cent cinquante tonnes de fromage quittent les chalets vaudois pour atterrir dans les caves de l’Etivaz, petit village aligné sur les pentes septentrionales du col des Mosses, au-dessus de Château-d’Oex. Des règles strictes commandent la fabrication. Il faut chauffer le lait au feu de bois dans des chaudrons en cuivre. Les vaches courent les alpages d’altitude, histoire de ruminer en quantité fleurs et herbes en tout genre. Par contre, il est interdit de mélanger les laits, la ségrégation garantit la richesse des goûts. Plutôt en verve jusqu’au début du siècle passé, les ventes d’Etivaz s’effondrent les années suivantes. En 1932, les producteurs créent une association de défense de leurs intérêts et, dans la foulée, ils construisent une cave commune en 1934. Au terme de la Deuxième Guerre mondiale, ils quittent l’Union suisse du commerce de fromages, confient la diffusion de leurs meules à la Fédération laitière lémanique (aujourd’hui Orlait), avant de se rassembler en une coopérative indépendante, depuis 1986, qui dépose une marque trois ans plus tard. Avec l’appui du canton de Vaud, l’Etivaz monte à Berne et décroche l’appellation convoitée. Septante familles gagnent ainsi leur vie, via une gestion très stricte de l’offre et de la demande pour six millions de chiffre d’affaires. Même si quelques paysans souhaitent écouler directement leur fromage sans se plier aux directives de la coopérative. www.etivaz-aoc.ch DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005 huit pays de l’Union, concurrents de la Suisse. Inscrit dans le Codex alimentarius depuis 1967 - qui désigne à l’échelle mondiale ce que l’on peut nommer beurre, yoghourt ou vin - le fromage avec les trous échappe pour l’heure aux vallées bernoises. Quiconque le fabrique à l’image du Codex peut s’en réclamer, au même titre qu’un générique, sort déjà réservé à l’eau de Cologne ou aux boules de Berlin confectionnées dans toutes les boulangeries de la planète sans égard pour leur origine. De leur côté, embrouillant davantage la situation, les Etats-Unis et l’Australie désavouent les AOC européennes, trop protectionnistes à leur goût. Et s’opposent à l’extension à tous les produits de l’accord sur les Aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), conclu en 1994 lors des négociations de l’Uruguay Round (GATT), qui concerne seulement les vins et les spiritueux. Protéger, monopoliser Comme les marques, les AOC et les IPG bravent la concurrence. Elles balisent le terroir et le défendent coûte que coûte. La survie de l’agriculture passe par de petits monopoles, inaliénables. La paysannerie d’Etat, subventionnée, s’efface au profit du produit labellisé, protégé, consigné. Les barrières douanières se transforment en enclos du goût. Face à libéralisation qui poursuit son chemin aussi en Suisse - circulation sans entraves de tous les produits européens à partir de 2007 et suppression des aides aux exportations - une qualité supérieure, inimitable, irréprochable, appelle sans discussion le porte-monnaie du consommateur, désorienté et sollicité de toute part, et offre une chance de survie aux paysans. md Stéphane Boisseaux, Dominique Barjolle, La Bataille des AOC en Suisse, Collection Le Savoir suisse, PPUR, 2005, Lausanne. Association suisse pour la promotion des AOC et IGP, www.aoc-igp.ch Sur l’ADPIC: www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/trips_f.htm www.unesco.org/culture/industries/trade/html_fr/ question14.shtml 7 Littérature Ecrire ou agir La responsabilité de l’auteur alimente toujours les débats. Si l’on désespère de changer le monde, les écrivains ne cessent d’en dénoncer l’état. l’occasion d’un colloque international à l’Université de Lausanne, des chercheurs se sont interrogés sur la notion d’engagement dans la littérature francophone. Après une journée consacrée aux textes d’auteurs contemporains, une série d’exposés s’est intéressée à l’histoire de cette notion dans la première moitié du XXe siècle. A Contre-engagement C’est à partir de la figure incarnée par Jean-Paul Sartre que la position d’«écrivain engagé» s’est cristallisée dans la définition que nous connaissons aujourd’hui. Pour Sartre, écriture et action sont liées: la littérature doit changer le monde, «la parole est action». Benoît Denis, de l’Université de Liège, confronte la position de Sartre à celle de Roland Barthes qu’il qualifie de «contre-engagement». Tous deux considèrent que la littérature est en rapport avec le monde, mais ils s’opposent quant à la nature de ce lien. Pour Sartre, l’écrivain doit d’abord choisir son public, puis un sujet. La littérature se réduit à un moyen de communication, efficace lorsqu’elle atteint son lecteur. La question esthétique est reléguée au second plan. Pour Barthes, au contraire, un écrivain est engagé s’il s’interroge sur son rapport au langage. En tension entre l’art pour l’art et le roman à thèse, il cherche une «morale de la forme», une écriture qui véhicule des valeurs et les transforme par son style singulier. Mais cet engagement est par essence manqué, impossible. Il reste 8 virtuel, se fige en intention. La responsabilité de l’écrivain n’est donc pas de changer le monde, mais d’assumer cet échec. Echecs Ces deux positions théoriques se réalisent-elles dans les œuvres littéraires ? Romain Gary, en contemporain de Sartre, s’est lui aussi débattu avec la question de la responsabilité de l’écrivain. Luc Rasson, de l’Université d’Anvers, parcourt son œuvre et décrit les dispositifs que l’écrivain met en place pour répondre à cette question. Au début de son œuvre (Education européenne, Les Racines du ciel), ses personnages sont des héros qui parviennent à triompher du mal. Dans les romans suivants, il tourne la question en dérision au moyen de la satire. L’engagement transforme l’ennemi de l’intérieur, et non plus par la confrontation. Les places ne sont plus définitives. Finalement, miné par le soupçon qu’une œuvre individuelle ne peut changer le monde, il donne la parole aux faibles, aux marginaux (Gros-Calin, La Vie devant soi). Mais lorsque le point de vue échoue dans les marges de la société, la langue devient maladroite, décalée, incapable de communiquer. Le sens est perdu. En suivant l’analyse de Franc Schuerewegen, des Universités d’Anvers et Nimègue, Marcel Proust livre le même combat. Entre A l’ombre des jeunes filles en fleurs et Le Temps retrouvé, le narrateur a trouvé sa vocation: écrire pour révéler le sens caché sous la matière, sous la sensation. C’est par son style que l’écrivain mesure la profondeur de son engagement. Plus sa langue lui est propre, plus elle se distancie de la norme, plus la révélation est vraie. La véritable littérature doit faire peur. L’écrivain est un «lutteur», «un samouraï». Au tour du lecteur Ainsi, entre deux siècles, les auteurs qui se sont essayés à changer le monde par l’écriture ont échoué et se sont réfugiés dans la langue. Qu’advient-il dans le siècle suivant ? Aujourd’hui, les écrivains ne se reconnaissent plus comme auteurs engagés à la manière de Sartre. Ils acceptent la responsabilité de décrire le monde, de dénoncer son état, mais ne cherchent plus à le changer. Leurs textes ne sont pas soumis à une idéologie, ils sont critiques, à distance. Ils laissent leur lecteur libre de son interprétation. A lui d’agir. Anne Caldelari L'assemblée générale ordinaire de Domaine Public est convoquée le mercredi 15 juin 2005, à 18 heures à l’Hôtel de la Navigation, Place de la Navigation à Lausanne-Ouchy. Ordre du jour 1. Approbation du PV de l'Assemblée générale du 16 juin 2004 2. Rapport de gestion 2004 3. Rapport du réviseur, approbation des comptes et du bilan, et décharge aux administrateurs 4. Divers Les discussions pourront se poursuivre pour ceux et celles qui le désirent pendant le repas qui suivra. Informations supplémentaires Conformément à l'art. 14 des statuts, les actionnaires peuvent se faire représenter à l'assemblée générale par un autre actionnaire en lui remettant une procuration écrite, le cas échéant en mentionnant leurs instructions de vote. Les membres en exercice du conseil d'administration reçoivent fréquemment des procurations. Ils ne peuvent cependant pas prendre part à certains votes (approbation des comptes et décharge au conseil). Il est donc préférable de donner procuration à un autre actionnaire ou à Jean-Pierre Bossy, qui a accepté d'agir comme représentant indépendant des actionnaires. La procuration écrite peut être communiquée directement au secrétariat de Domaine public. DOMAINE PUBLIC, N° 1649, 10 JUIN 2005