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L
ES INTENTIONS DE MISE EN SC
È
NE
« Le texte de théâtre est beaucoup plus ample que l’imaginaire, il ne s’est pas arrêté au
romanesque des détails et des descriptions qui nourrissent tant et si bien le récit de l’auteur,
il ne se raconte pas, du fait, comme une histoire rapportée dans son présent tangible, mais il
vit à travers le corps de l’acteur comme une opération, et l’action qui l’identifie, pourtant en
sourdine comme une faute qui se meut, devient l’espace scénique, l’aire de jeu, le terrain de
bataille où même le dialogue ne suffit à prouver la raison du théâtre.
Le mental du protagoniste est par essence le lieu propre de la scénographie. Des univers
vivent à l’intérieur et au-delà de l’acteur. Et ce qui se voit à la surface n’est pas toujours le
reflet de ce qui se cache à l’intérieur, mais juste ce que la bête révèle à chacune de ses
envolées ou dans le plein froid de son regard.
À cette distance certaine entre comment est présenté l’acteur et l’esprit qui l’anime se
déploie le théâtre que j’aimerais faire avec cette pièce, c’est-à-dire, l’irrésistible envie de
toucher l’indécis, de raconter le non-dit, de montrer l’imprévu, de convoquer
l’impalpable, d’exprimer l’éphémère, de sacraliser la futilité, d’immortaliser en un
moment, comme un arrêt sur image, un geste sensitif de l’humain et c’est ce dernier
qui sera livré en écho à chaque mouvement scénique sous le rectangle d’un tableau
porté sur le corps de l’acteur et qui ne dément pas de la fidélité qu’il avoue à son
socle et ses articulations.
Je vais partir d’un objet lumineux, une nappe en aluminium, faible intensité lumineuse, flash
brûlant, luminosité grise et bronzée, blafarde par moment. Un objet qui grille le corps de
l’acteur par intermittence, au rythme d’une girouette, au vacarme assourdissant, rythme
vertical d’un passage de rayon comme sur un photocopieur.
Cet objet pas visible mais juste son effet on devrait le voir sortir du corps de l’acteur.
N’éclairons l’acteur jamais de tout son long, n’éclairons non plus la scène.
Lecture d’un tableau présenté en série de miniatures. Cette lumière sectionne le corps de
l’acteur, le met à l’épreuve, dans un vide qu’on ne verra certainement pas.
Cet objet est l’acteur qui respire, se meut, se déploie, souffle, hoquette, crache et sue,
l’acteur-objet enfermé dans son corps lumineux, aveuglé par le manque du quatrième
mur, ne sachant d’où proviennent toutes ces taches opaques autour de lui et qui
l’empêchent de trouer l’obscurité qui le tient prisonnier, n’entendant et ne conversant
qu’avec lui-même, le jeu d’un monologue intérieur poussé au-delà des murs avec
force, traqué par ce qui se passe dans sa tête, traqué par son passé, et son présent
déjà passé, aussi perdu comme la bête dans la corrida.
Unique univers à exploiter dans ce jeu qui prendra le temps de la respiration, le temps de la
représentation.
L’acteur se débat, l’acteur se met en transe, l’acteur ne se repose pas, l’acteur enchaîne
épreuves après épreuves et s’enchaîne, l’acteur se frappe, l’acteur saigne, il voit des filets de
sang sortir de son corps à travers son costume, l’acteur crie, l’acteur gronde, brame jusqu’à
confondre sa voix de manière à ce qu’elle devienne arme de destruction silencieuse, même