également contre-indiquées en raison du risque d’œdème
cérébral et de convulsion.
L’acide tranéxamique est habituellement bien toléré ; les
effets indésirables rapportés sont des troubles digestifs
bénins (nausées, vomissements, diarrhée), une hypotension
survenant particulièrement en cas d’injection intraveineuse
rapide et des troubles de la vision des couleurs. L’acide
tranéxamique entre également dans la composition de cer-
taines colles biologiques (Quixil
®
, voir détail ci-dessous).
Les inhibiteurs de sérines protéases
L’inhibiteur de sérine protéase le plus étudié et utilisé en
tant qu’agent antifibrinolytique est l’aprotinine, polypep-
tide extrait du poumon de bœuf. L’aprotinine inhibe diver-
ses sérines protéases dans le plasma comme la trypsine, la
kallikréine, la plasmine et l’élastase par formation de com-
plexes réversibles. Son activité est exprimée en unités inhi-
bitrices de kallikréine (UIK). Les doses utilisées semblent
déterminer le mécanisme d’action de l’aprotinine. De fai-
bles concentrations plasmatiques (de l’ordre de 50 UIK/ml)
permettraient l’inhibition de la plasmine, alors que de fortes
concentrations (de l’ordre de 200 UIK/ml) seraient néces-
saires pour inhiber la kallikréine et permettre à l’aprotinine
d’avoir un effet anti-inflammatoire [9].
L’aprotinine est commercialisée en France sous le nom de
Trasylol
®
disponible uniquement par voie intraveineuse.
Elle est indiquée dans le traitement des syndromes hémor-
ragiques fibrinolytiques et en prévention en chirurgie
cardiaque avec circulation extracorporelle et risque hémor-
ragique élevé (réintervention, traitement par anti-
plaquettaires). L’aprotinine entre dans la composition de
certaines colles biologiques administrées par voie topique
ou par infiltration (Beriplast
®
, Tissucol
®
, voir détail ci-
dessous). L’utilisation de l’aprotinine en chirurgie cardia-
que repose sur de nombreuses études cliniques. Une méta-
analyse a confirmé son efficacité par la réduction des pertes
sanguines et des transfusions, ainsi que par la réduction du
nombre de reprises chirurgicales et du taux de mortalité [6].
Le bénéfice sur les reprises chirurgicales et la mortalité
serait plus important lorsque des doses élevées d’aprotinine
sont utilisées. Son efficacité à fortes doses est également
démontrée en pédiatrie [10]. Le bénéfice observé dans les
chirurgies cardiaques à haut risque hémorragique serait lié
à l’action antifibrinolytique mais aussi à une préservation
des fonctions plaquettaires et à un effet anti-inflammatoire
[2]. L’aprotinine est également utilisée dans d’autres chi-
rurgies hémorragiques comme la transplantation hépatique
et certaines chirurgies orthopédiques afin de limiter les
besoins transfusionnels et les complications hémorragiques
[11, 12].
La posologie recommandée dans la fibrinolyse aiguë est de
500 000 à 1 million d’UIK en injection IV lente, sans
dépasser 5 mL/minute. En chirurgie cardiaque, les doses
conventionnelles recommandées sont les fortes doses soit
une dose de charge de 2 millions UIK suivie d’une perfu-
sion continue de 500 000 UIK/heure et 2 millions d’UIK
dans le liquide de remplissage de la pompe. De plus faibles
doses peuvent être administrées chez des patients à moindre
risque hémorragique. L’aprotinine doit être administrée par
une voie veineuse propre car en solution elle est physique-
ment incompatible avec des molécules fréquemment utili-
sées en anesthésie-réanimation, en particulier avec l’hépa-
rine, les corticoïdes, les tétracyclines, les émulsions
lipidiques et les acides aminés.
L’aprotinine est éliminée suivant un modèle biphasique
avec une phase rapide de 40 minutes suivie d’une phase
plus lente d’environ 7 heures. Sa demi-vie est de 2 heures.
Bien qu’éliminée par voie rénale, une adaptation posologi-
que n’est pas nécessaire en cas d’insuffisance rénale, car
elle est éliminée sous forme inactive. Cependant, récem-
ment, 2 études suggèrent que l’utilisation de l’aprotinine en
chirurgie cardiaque serait associée à un effet délétère sur la
fonction rénale [7, 8]. L’étude observationnelle de Man-
gano et al incluant 4 374 patients recevant de l’acide tra-
néxamique, de l’acide epsilon aminocaproïque, de l’aproti-
nine ou aucun antifibrinolytique rapporte une altération de
la fonction rénale et une augmentation du risque d’insuffi-
sance rénale dans le groupe aprotinine. Il s’agirait d’un
risque dose-dépendant puisque les atteintes rénales sont
plus fréquentes chez les patients recevant les fortes doses
d’aprotinine. Dans une autre étude incluant 10 870 patients
recevant de l’acide tranéxamique ou de l’aprotinine à fortes
doses, l’association entre l’aprotinine et la survenue d’une
insuffisance rénale est davantage prononcée chez les pa-
tients présentant une atteinte rénale préexistante [8].
L’étude de Mangano et al. conclut également à une aug-
mentation importante du risque d’infarctus du myocarde,
d’insuffisance cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et
d’encéphalopathie dans le groupe de patients recevant
l’aprotinine par comparaison aux 3 autres groupes (acide
tranéxamique, acide epsilon aminocaproïque ou aucun anti-
fibrinolytique). Bien que critiquable sur le plan méthodolo-
gique [13], cette étude souligne la nécessité de réévaluer le
rapport bénéfice/risque de l’aprotinine particulièrement en
chirurgie cardiaque où d’autres alternatives efficaces en
termes d’épargne sanguine et moins coûteuses existent,
comme l’acide tranéxamique [8].
L’aprotinine est un polypeptide hétérologue d’origine bo-
vine pouvant entraîner des réactions d’hypersensibilité es-
sentiellement après expositions répétées [14]. Le risque
chez des patents « réexposés » est approximativement de
STV, vol. 18, n° 10, décembre 2006 533
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