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Annexe envisagée par Alain STAHL
au Chapitre 13 "L'ORIGINE DE LA VIE"
de son livre "SCIENCE ET PHILOSOPHIE"
Annexe N. La chiralité.
L’étymologie du mot « chiralité », à partir du grec
χειρ
(main), est liée à l’observation que la main
gauche et la main droite ne sont pas superposables, mais se correspondent dans un miroir.
Pour notre espace à trois dimensions, les mathématiciens ont codifié ces observations en distinguant,
dans le groupe 0(3) des déplacements, le sous-groupe SO(3) des rotations, conservant la chiralité. Ils
distinguent de même, du point de vue de leur comportement face à des symétries, entre vecteurs et
pseudo-vecteurs (ou vecteurs axiaux).
Cette distinction est reprise par les physiciens : en électromagnétisme, le champ électrique est un
vecteur, le champ magnétique un pseudo-vecteur, les ondes polarisées correspondent à une chiralité.
Mais le phénomène le plus marquant est que les interactions « faibles » – et elles seules – sont
sensibles au renversement de parité « P », dénotant le renversement de l’espace (cf. 5-3).
En stéréochimie, la chiralité est particulièrement sensible pour les molécules biologiques, qui sont
généralement lévogyres (il existe quelques exceptions : chez les bactéries, mais non dans leurs
protéines; aussi pour certains antibiotiques dextrogyres; ces exceptions ne gêneront pas mes
conclusions, car il existe des mécanismes permettant à une enzyme lévogyre de faciliter une synthèse
dextrogyre).
Comment une chiralité, qui n’existe naturellement que pour les interactions faibles, s’est-elle étendue
à des molécules chimiques ? La réponse est à trouver dans les phénomènes de brisure de symétrie.
L’image la plus simple en est celle d’un crayon vertical, en équilibre sur sa pointe : la plus petite
perturbation le fera basculer, dans une direction a priori imprévisible. Mais, pour notre problème,
que l’on recoure au phénomène « primaire » des rayonnements
β
, ou à l’effet «secondaire» d’un
rayonnement ultra-violet faiblement polarisé dans une région de l’univers incluant notre système
solaire, que l’on considère l’apparition directe sur la terre des molécules de la vie ou leur venue
depuis l’espace, les estimations concordent pour trouver des sélectivités extrêmement faibles; ainsi
on a cité une sélectivité de 10-17 pour l’action des rayonnements
β
en faveur des amino-acides
lévogyres! Ceci fait partie de ces mécanismes « improbables » qui ont été à l’origine de la vie.
En revanche, une fois apparues des molécules chirales, le développement de beaucoup d’autres se
comprend mieux. Les enzymes biologiques sont capables de réaliser des synthèses chirales avec
d’excellents rendements, alors que leurs équivalents de synthèse, enchaînant « énantiomères » D et
L, ne se « replient » pas et n’ont pas d’activité catalytique. De même, on conçoit que la forme
hélicoïdale de l’ADN impose, de proche en proche, le respect de la chiralité.
Question posée par Alain STAHL: S’il est difficile à la nature de créer une molécule chirale, est-ce
facile pour l’homme? (je veux dire à partir d’un mélange racémique). Oui ? (par cristallisation ?).
Peut-on concevoir, dans l’océan primitif, des processus naturels, par lesquels ceci aurait pu se
produire (avec une probabilité plus forte que le seul très peu probable recours aux interactions
faibles) ? En d’autres termes, faut-il « une intervention intelligente » pour créer du chiral?