poitou-charentes - Ministère de la Culture et de la Communication

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Rapport au Parlement
POITOU-CHARENTES
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Rapport au Parlement
POITOU-CHARENTES
Les résultats scientifiques significatifs proprement dits sont d’une importance quantitative
fort diverse suivant les périodes et les types de sites mis au jour.
Globalement la Préhistoire ancienne est quasiment absente des résultats de l’archéologie
préventive, alors que la Protohistoire (Néolithique, Bronze, Fer) est de mieux en mieux représentée. Si
l’on exclue les opérations réalisées dans les capitales de cités (Poitiers, Saintes et Angoulême), peu de
sites de la période antique ont été mis au jour. Il n’en est pas de même pour la période médiévale où de
nombreux ensembles de mises en valeur des sols ont fait l’objet de fouille.
LE MESOLITHIQUE
Pour la préhistoire ancienne, seul un site du Mésolithique a été mis au jour lors d’un
diagnostic réalisé dans la vallée du Clain à Poitiers. L’abandon du projet de carrière a conduit à la
réalisation d’une fouille programmée sur ce site exceptionnel repéré dans le cadre d’un diagnostic
préventif. Sur un îlot, entre Clain et chenal, des générations de pêcheurs, selon toute vraisemblance, se
sont installées pour préparer leurs aliments comme en témoignent des dizaines de foyers (fumage ?).
LE NEOLITHIQUE
Le maillage territorial des populations néolithiques, bien connues dans le Centre-Ouest
depuis la thèse de C. Burnez, a été resserré grâce aux diagnostics et aux fouilles préventives de ces
quatre dernières années. Il s’agit essentiellement d’habitats (vastes enceintes) mis au jour à Forges, à
Préguillac et à Saintes en Charente-Maritime.
La problématique de l’origine du mégalithisme dans le Grand-Ouest a été relancée par la
découverte de sépultures en coffre du Néolithique moyen à Valdivienne dans la Vienne.
La sépulture chalcolithique, bien que trouvée isolément à Poitiers, présente un réel intérêt
attendu qu’elle appartient bien au groupe culturel du Nord de l’Europe et qu’elle n’est pas une
imitation ou une acculturation de ce groupe.
Les sédiments crayeux du Poitou et de Charente offrent des possibilités de gisement de silex.
Deux ateliers de taille ont été fouillés à La Roche-Posay dans la Vienne (gîte du Grand-Pressigny) et
La Couronne dans la Charente.
L’AGE DU BRONZE ET LES AGES DU FER
Seuls quelques habitats, peu différenciés, datant du Bronze moyen ont été repérés lors de
diagnostics et font, ou feront, l’objet de fouille.
Les deux âges du Fer sont bien représentés par la découverte de très nombreux enclos,
circulaires ou quadrangulaires. Bien connus et caractéristiques de ces périodes, ils n’en demeurent pas
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Archéologie préventive
moins intéressants pour la région car ils s’avèrent présents partout alors qu’auparavant leur répartition
correspondait à celle des chercheurs institutionnels.
Pour le premier âge du Fer* il en a été trouvé à Saintes et Varzay en Charente-Maritime. On
trouve ceux du second âge du Fer* dans l’ensemble de la région : L’Isle-d’Epagnac en Charente,
Cozes en Charente-Maritime, Bessines en Deux-Sèvres et Naintré dans la Vienne.
Les habitats des deux âges du Fer sont moins nombreux : à Buxerolles dans la Vienne
(Hallstatt) et à Nueil-sur-Argent dans les Deux-Sèvres (la Tène).
A la fin de la période laténienne*, des habitats qualifiés de fermes indigènes ont donné des
résultats des plus intéressants. Il y a lieu tout d’abord de souligner que ce type de mise en valeur du sol
à la fin de l’époque gauloise était jusqu’alors quasi inconnu dans la région.
De plus, les quatre sites qui ont fait l’objet de fouille, intégrale ou partielle, ont livré des
indices donnant à comprendre le type d’activités pratiquées dans les dites « fermes ». Activité de forge
avec la découverte d’une cachette d’outils de forgeron à Echiré dans les Deux-Sèvres, activité salicole
à Angoulins et Chatelaillon en Charente-Maritime, de fonte monétaire à Migné-Auxances dans la
Vienne.
La découverte d’un atelier monétaire gaulois est rare et justifie la méthode d’exploration
intégrale de l’intérieur de ces vastes enclos malgré la part aléatoire des collectes qui seront réalisées et
qui, seules, permettront de caractériser la fonctionnalité du lieu.
A Migné-Auxances, ce sont seulement une dizaine de mètres carrés, sur les 3 500m² fouillés,
qui a permis de reconnaître cette activité. Les dépôts constitués dans cette fosse et les découvertes
mobilières qui y ont été faites constituent les indices et témoignages des diverses étapes de la
production de bronze et celle de flancs monétaires.
L’EPOQUE ROMAINE
La connaissance de la période antique en Poitou-Charentes a été enrichie, en peu
d’opérations, au regard de deux axes des plus intéressants : « sanctuaire et religion » d’une part, et
« grandes villas », notamment littorales, d’autre part.
Par ailleurs, de très nombreuses petites opérations conduites à Saintes ont contribué à
parfaire la connaissance de cette capitale de cité. A Poitiers, le peu de fouilles, mais sur des superficies
importantes (2 à 3 000m²) renouvelle totalement l’« image antique » de cette ville.
La fouille du sanctuaire de Gourgé dans les Deux-Sèvres a permis, outre de connaître son
architecture et certains aspects liés au rituel (découpe de pièces de viande), d’apprécier son insertion
dans le tissu bâti d’une agglomération routière.
Celle de Saint-Éloi à Poitiers (Vienne) a mis en évidence l’existence d’un très vaste
ensemble cultuel dont l’intérêt réside dans sa position géographique à la périphérie de la cité antique (à
près de 4 km). Il est possible de suivre l’évolution chronologique et architecturale de ce sanctuaire au
travers de trois temples successifs : le premier est en bois et date de l’époque gauloise, le deuxième,
maçonné et gallo-romain, est de type fanum*. Le dernier a un plan de type classique et un fronton
oriental monumentalisé.
Trois grandes villae*, toutes situées en Charente-Maritime, ont été fouillées. Deux sont
littorales, Aytré et Le Vergeroux ; elles attestent aussi bien d’une exploitation des richesses de l’océan
qu’une implantation privilégiée dans les sites concernés. La villa* du Vergeroux, et celle de SaintGeorges-des-Côteaux, perdurent jusqu’à l’époque carolingienne.
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LE MOYEN ÂGE
Pour le Moyen Âge , c’est dans le domaine de la mise en valeur des sols que la progression
de l’état des connaissances a été, indiscutablement, la plus importante et ce, tant quantitativement que
qualitativement.
Les principaux acquis portent sur la mise en évidence :
• de la continuité de cette mise en valeur de l’Antiquité* à l’époque carolingienne*, soit
sous la forme d’une villa* (grande construction en dur au Vergeroux en CharenteMaritime), soit sous celle d’un village avec ses divers types de constructions et un
cimetière (Saint-Georges-les-Côteaux, Charente-Maritime),
• de la création d’une villa* à l’époque carolingienne*, sur le modèle des villae* antiques
qui devaient encore subsister dans le paysage environnant (Châtellerault, Vienne),
• de l’émergence d’un habitat aristocratique comprenant des fossés et palissades, des
constructions maçonnés ou assemblées, dans lesquelles des objets mobiliers attestent du
rang social des occupants : éperons, clef de bronze, pièces de jeu, sceau, nombreuses
monnaies (Nancras, Charente-Maritime),
• de la pression démographique au Moyen Âge classique (essartage) à Pisany en CharenteMaritime.
Plusieurs opérations d’archéologie préventive, par le plus grand hasard des aménagements,
bénéficient de la réflexion conduite dans le cadre du projet collectif de recherche sur les « conditions
d’implantation des établissements monastiques dans les pays charentais » conduit par l’unité mixte de
recherche « Centre d’études supérieures de civilisation médiévale ». Il s’agit des abbayes charentaises
Saint-Cybard à Angoulême (étude de bâti) et de Fontdouce à Saint-Bris-des-Bois, et des abbayes
Sainte-Croix de Poitiers et Saint-Jean-de-Montierneuf.
Les toutes récentes fouilles ont permis de mettre au jour, pour la première fois, le mur de
clôture que fit élever la reine Radegonde, première abbesse de Sainte-Croix. Cette découverte permet
d’accréditer un passage de la « Vie » de cette sainte reine jusqu’alors sujet à caution car
topographiquement incohérent.
La fouille d’une maison hospitalière à Tonnay-Charente en Charente-Maritime apporte, dans
ce domaine très particulier, une approche des plus intéressantes puisqu’elle complète la connaissance
des hôpitaux médiévaux de Pons et Surgères, également en Charente-Maritime.
Les résultats scientifiques significatifs doivent aussi être considérés au regard des
informations recueillies dans les quatre cent trente-deux diagnostics réalisés dans la période.
En effet, les trois quarts d’entre eux ont livré des traces d’anthropisation, même si seules
quarante-huit fouilles ont été prescrites à leur suite.
Les informations fournies par les diagnostics sont précieuses :
• patrimonialement, car elles aident le service à fonder la motivation de ses prescriptions,
• scientifiquement car elles constituent le seul et réel tissu donnant une texture territoriale
aux quelques rares sites fouillés.
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Poitou-Charentes
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CHARENTE-MARITIME
AYTRE
UNE VILLA MARITIME GALLO-ROMAINE
La fouille a mise en évidence des installations agricoles, artisanales et résidentielles d’une
exploitation rurale gallo-romaine occupée entre le Ier et le Ve siècle de notre ère. La présence d’un
balnéaire, de mobilier archéologique en argent et en bronze et d’éléments de décors architecturaux
(enduits peints et fragment de colonne) indique que le statut de l’exploitation va au-delà de celui d’une
simple ferme et qu’elle peut être qualifiée de villa*. L’établissement, reconnu sur une emprise de
fouille de 2 hectares, est localisé en Aquitaine romaine (aujourd’hui en Charente-Maritime).
Vue du balnéaire depuis l’ouest.
© INRAP.
La partie centrale de l’emprise est occupée par des bâtiments disposées selon un plan en U,
dont la surface varie entre 700 et 950 m². C’est dans ce secteur que des installations viticoles des IIeIVe siècles ont été repérées.
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Archéologie préventive
Vues des aménagements à caractère viticole.
© INRAP.
On recense en outre onze bassins destinés à recueillir du moût, trois probables fouloirs et au
moins une zone de pressage. De plus, au regard des études carpologiques* et fauniques*, la production
viticole constitue la principale source de revenu de la villa* au Ier siècle de notre ère. L’activité de
l’établissement agricole s’est diversifiée au cours des phases d’occupation suivantes, notamment par
l’adoption de pratiques céréalières.
Vue de deux bassins à recueil du moût.
© INRAP.
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Rapport au Parlement
Dans la partie occidentale du périmètre concerné par la fouille, un bâtiment au plan en T se
dessine. Dans la zone sud du bâtiment, la présence de trois systèmes de chauffe alimentés par trois
praefurnia* indique la vocation résidentielle et/ou artisanale du lieu.
Chauffage par le sol ou structures de séchage/fumage.
© INRAP.
Les espaces extérieurs aux bâtiments précédemment cités, recèlent de nombreux
aménagements : cours, puits, bâtiments en matériaux légers, fossés et fosses.
Les études carpologiques, fauniques et malacologiques* apportent un regard nouveau sur les
productions, l’élevage, la consommation et le paléoenvironnement de cette exploitation agricole
antique. L’étude du mobilier renseigne sur les échanges commerciaux et le niveau de vie des
populations de la villa*.
Alexandra Hanry
Responsable de l’opération, INRAP
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Archéologie préventive
VIENNE
MIGNE-AUXANCES
UN ATELIER MONETAIRE GAULOIS
Repéré en juillet 1989 lors d’une mission de photographie aérienne d’Alain Ollivier, le site
des Rochereaux est le premier établissement rural de type « ferme indigène » avéré dans le
département de la Vienne.
Cette primeur a été un des éléments déterminants quant à la décision du service régional de
l’archéologie de prescrire une fouille archéologique et, ce, malgré l’état d’arasement des substructures.
L’objectif scientifique était essentiellement de vérifier le plan des enclos et l’organisation
des structures en creux décelées à l’intérieur de ceux-ci, sur les 8 500 m² décapés.
La commune de Migné-Auxances se trouve sur le vaste plateau connu sous le nom du Seuil
du Poitou : zone de séparation entre les bassins sédimentaires aquitain et parisien.
Le site est positionné sur la partie basse d’un coteau et sur un replat. Sur ce replat,
l’épaississement des sols a limité les dégradations des vestiges liées aux travaux agricoles.
Deux enceintes trapézoïdales, délimitées par des fossés creusés dans le calcaire, ont été
mises au jour. Bien que toutes deux incomplètes, leurs dimensions peuvent être approchées.
L’enclos nord est le plus grand (au moins cent mètres de hauteur pour une petite base de
soixante quinze mètres) et pratiquement « vide » de tous creusements ; dans l’enclos sud (soixante
mètres de hauteur et de grande base, quarante mètre de petite base) il y a de très nombreux trous de
poteaux qui, par leur alignement et leur taille, permettent de restituer deux types de constructions :
celles à charpente lourde et celles à charpente légère. Chaque type est représenté par trois bâtiments.
La fonctionnalité des deux enclos paraît évidente à cette simple description.
Le rôle d’habitat de l’enclos sud, outre les diverses constructions, est conforté par un talus et
une palissade intérieurs au fossé et par une entrée protégée par une construction extérieure.
Le rôle du second peut être assimilé à un parcage.
De telles données, ainsi que les éléments de datation fournis par la céramique gauloise et les
amphores (130 à 70 av. J.-C.), suffisaient au regard de l’état de nos connaissances dans ce
département.
La fouille d’une fosse à priori banale, de celles qui, creusées pour on ne sait quelles raisons,
finissent par devenir une poubelle, un dépotoir, a révélé une structure inattendue et jusqu’alors
archéologiquement inconnue : un atelier monétaire.
Ici la fosse a été creusée pour cet usage, d’un diamètre d’environ deux mètres quatre-vingts
et une profondeur d’un mètre cinquante. Sa fouille minutieuse a permis une première interprétation
des vestiges des activités bronzière et de forge qui s’y sont déroulées concomitamment.
La cinquantaine de creusets, la quarantaine de flans monétaires (isolés ou groupés en
chapelet), les chutes de coulées, les fragments de terre cuite vitrifiée (éléments de soufflerie) doivent
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Rapport au Parlement
suffire, dans un premier temps, à qualifier la fonction du lieu. De nombreux spécialistes des arts du
feux concourent déjà, auprès de la responsable de la fouille, à préciser les diverses étapes de travail.
Monnaie gauloise
avant ébarbage.
© INRAP.
Chapelet de monnaies au sortir du moule,
avant découpage et ébarbage.
© INRAP.
La position enterrée de cet atelier ne doit pas surprendre et constitue même un atout pour la
réussite des fusions et coulées qui doivent être effectuées dans des lieux abrités et sombres.
« La surface, qui peut sembler trop réduite, permet le travail de deux personnes autour du
dôme du foyer de fonderie ; comme cela a pu être vérifié pendant la campagne de fouille. Nous
imaginons bien là, l’artisan et éventuellement un assistant accroupis autour du foyer, bien au chaud,
s’affairant avec les creusets et les moules avec une économie de gestes découlant du savoir-faire du
métier ».
Jean-François Baratin
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Poitou-Charentes.
D’après Assumpció Toledo i Mur
INRAP
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