Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, © Masson, nO MÉMOIRE 4, pp. 183-187 Paris, 1995 Étude de la modification de longueur des muscles longs du coude L.M. BAUCHE (1), G. PIERRON (2), P. LE ROUX (3), P. SARAZIN (4), R. ROBERT (4) (1) c.H., avenue Charles-De Gaulle, F79021 Niort. (2) E.c.K. Bois-Larris, ENKRE, F94410 Saint-Maurice. (3) École de kinésithérapie, F44000 Nantes. (4) Laboratoire d'anatomie Pr Robert, Faculté de médecine, F44000 Nantes. Si la physiologie musculo-articulaire en statique fournit des indications précieuses pour le rééducateur, il n'en est pas de même pour les analyses cinématiques. La dissection de cinq pièces anatomiques fraîches a permis d'étudier les variations de longueur des musc/es longs du coude lors de la mobilisation complète de cette articulation. A la suite de cette étude, nous avons constaté que, pour certains musc/es (biceps brachial et brachioradial), il existe une corrélation entre les résultats obtenus par le calcul et ceux issus des mesures effectuées sur le cadavre. Nous avons mis en évidence l'existence de « courses musculaires » différentes des courses articulaires. réalisées expérimentalement sur le cadavre frais. Pour la partie proche des positions extrêmes de l'extension, nous avons étudié l'effet « poulie de réflexion » de l'olécrâne et de la palette trochléenne, ceci ne pouvant être pris en compte par le calcul ci-dessus (3). Matériel et méthode POPULATION Cinq pièces anatomiques, de cadavres « frais » dont l'âge moyen est de 75 ans. Quatre sont de sexe masculin et un de sexe féminin. Les membres supérieurs sont désarticulés au niveau de l'articulation gléno-humérale, deux gauches, trois droits, en prenant soin de désinsérer les insertions proximales des muscles triceps brachial (chef long) et biceps brachial (chef court et chef long), le plus près possible de la scapula. Introduction MATÉRIEL En rééducation fonctionnelle dans la rubrique de la kinésithérapie active et de la kinésithérapie passive, on utilise les notions de course externe, moyenne et interne sans savoir si ces courses angulaires sont corrélées aux courses des muscles. Pertuzon et Pierron (1, 2) ont déterminé, par le calcul, la longueur des muscles croisant une articulation en fonction de l'angle réalisé par l'articulation. Cette longueur est donnée par la formule L = yi a 2 + b 2 - 2 a b cos a où a et b sont la longueur des leviers et a l'angle formé par ces leviers. Nous nous proposons de vérifier si ces calculs correspondent aux mesures Tirés à part: E.C.K. Bois-Larris, F 60260 Lamorlaye. Nous avons utilisé le matériel classique de dissection plus le matériel nécessaire à la confection du bati de fixation des pièces anatomiques, le matériel de mesure et de photographie. MÉTHODE Dissection Après avoir incisé la peau longitudinalement jusqu'au tiers supérieur de l'avant-bras, celle-ci est réclinée ainsi que la couche de graisse sous-cutanée. Puis nous dissocions les différents muscles les uns des autres. Le deltoïde est désinséré de son insertion humérale. Le chef long du biceps brachial est dégagé du sillon intertuberculaire. Nous séparons le chef court du biceps brachial du caraco-brachial. Il est à noter que ces deux muscles l ~ 184 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22. FIG. 1. - Repères articulaires nO 4 et fils tendus entre les broches. présentent des fibres communes sur 8 à 10 centimètres suivant les individus, au niveau de l'insertion coracoÏdienne. Nous désinsérons le chef médial et le chef latéral du triceps brachial de l'humérus, le chef latéral étant très difficile à dissocier du muscle brachial. Dans un premier temps, sont étudiés les muscles biceps et triceps brachial, puis dans un deuxième temps poursuite de la dissection en direction de vers l'avant-bras pour étudier le muscle.brachioradial. Après incision de la peau du tiers supérieur de l'avant-bras jusqu'au processus styloide, nous séparons le brachioradial du long extenseur radial du carpe et le désinsérons de son insertion proximale au niveau du bord externe de l'extrémité inférieure de l'humérus. Mesure de la variation de longueur du biceps lors de la flexion du coude La pièce anatomique repose par sa face interne contre le plan de la planche, l'avant-bras en supination. L'humérus étant fixé sur la planche par l'intermédiaire de deux vis, nous identifions les repères osseux, articulaires et tendineux par trois broches placées verticalement : - une broche centrale au centre de l'épicondyle, - une broche à la partie proximale de l'humérus, dans l'axe de la diaphyse, - une broche à l'extrémité dis tale du radius, à 2 centimètres du processus styloide. Le centre du goniomètre est placé au niveau de la broche centrale et les deux branches sont en rapport avec les fils tendus entre les deux autres broches. Un dernier fil est tendu entre la broche centrale et la broche distale, parallèlement au précédent. Il a pour rôle de contrôler le maintien de l'avant-bras en supination pendant toute l'expérimentation (fig. 1). Le repère tendineux est un fil de suture traversant le corps du tendon. Il est placé en regard du repère osseux ou de la partie fixe du pied à coulisse, le coude étant en extension complète. FIG. 2. - Biceps brachial. Un opérateur tracte manuellement le muscle biceps brachial jusqu'à l'obtention d'un mouvement de 10 degrés. d'amplitude articulaire. Nous mesurons la variation de longueur du muscle en se référant aux repères. L'opération est reprise de 10 degrés en 10 degrés jusqu'à la flexion complète du coude. Lors de la dernière expérimentation, nous avons mesuré la variation de longueur du biceps de deux manières différentes. Une première mesure a été réalisée selon le protocole précédent. La deuxième mesure (biceps 5 bis) tient compte de la poulie de réflexion du tendon du biceps sous les fascias. Pour réaliser ceci, nous avons vissé un petit anneau sur l'humérus dans lequel passe le tendon du biceps (fig. 2). Mesure de la variation de longueur du biceps lors de la supination du coude Coude en extension Le membre supérieur en position anatomique, la face postérieure repose sur la planche. Il est fixé comme précédemment et par rapport aux repères osseux et tendineux, nous avons étudié les variations de longueur du biceps dans trois positions articulaires différentes : - en pronation complète, - à 0° de prono-supination, ...:.à 90° de supination. Les conditions expérimentales sont les mêmes que précédemment. Coude en flexion à 90° Nous avons réalisé les mêmes mesures en plaçant le coude à 90° de flexion, l'avant-bras étant maintenu dans cette position par un opérateur avec le contrôle d'un goniomètre. _._----------_._._._---._ _-~------------------------------------ .. Ann. Kinésithér., Mesure de la variation de longueur du triceps brachial lors de l'extension du coude 1995, t. 22, nO 4 185 25 •• 1'! 20 .:;; L'installation du membre supérieur est identique à celle du biceps brachial dans sa fonction de fléchisseur du coude. Nous plaçons un repère sur le tendon du triceps en regard du repère huméral utilisé pour le biceps et dans une seconde expérimentation un repère sur le filin (suturé sur le tendon tricipital). Le triceps brachial est tracé et comme pour le biceps nous mesurons la variation de longueur en fonction de la position articulaire du coude, de 10 degrés en 10 degrés. ~ "j; 15 <: •• ... "'" ~ 10 o<: 0; "'" 5 <: o :~ 0 >- -5 o 60 40 20 80 100 Angles de supination Mesure de la variation de longueur du brachioradial lors de la flexion du coude Nous utilisons la même position que pour le biceps dans sa fonction de flexion ainsi que les mêmes repères articulaires. Les repères de mesure sont situés d'une part sur le filin et d'autre part en regard de la branche fixe du pied à coulisse. Nous ne gardons que le tendon terminal d'insertion sur lequel nous suturons un filin. L'insertion proximale du brachioradial sur l'humérus se fait sur une longueur de 7,5 à 8 cm. Lors des deux premières dissections, nous avons percé un tunnel osseux au milieu de sa zone d'insertion pour passer le filin de traction. Au cours des deux dernières expérimentations nous avons vissé un petit anneau dans la même zone dans lequel passait le filin. De la même manière que pour le biceps, nous mesurons les variations de longueur du brachioradial de 10 degrés en 10 degrés. 140 120 160 180 en degrés = FIG. 4. - Courbes comparatives de la moyenne (N 5) de variation de longueur du biceps brachial au cours de la supination de l'avant-bras, coude en extension et coude en flexion à 90°. 120 •• ~ 100 .:;; ~ "j; 80 <: •. ... " ~ 60 '" <: • Brachioradial o Moyenne théorique BrachioradiaJ ..2 ~ 40 <: o "~ "~ 20 >- o o m ~ 00 00 100 1m 1~ 100 Angies en degrés FIG. 5. - Courbes comparatives entre la variation de longueur du brachioradial théorique et la moyenne (N 4) des brachioradiaux de l'expérimentation lors de la flexion du coude. = Résultats 50 ~ 40 .:;; A l'issue de cette expérimentation nous obtenons les résultats suivants (fig. 3, 4, 5, 6). ~ "j; 30 <: •. ... " •• 90 ~20 • Triceps o Moyenne théorique triceps <: ..2 •. o ~ 10 "~ "~ >- o Biceps 5 (bis) • Biceps théorique et Moyenne Biceps 0 o 20 40 60 80 100 120 140 160 Angles en degrés FIG. 6. - Courbes comparatives entre la variation de longueur du triceps brachial théorique et la moyenne (N 5) des triceps de l'expérimentation au cours de l'extension su coude. = o m ~ 00 00 100 1m 1~ 100 Angles en degrés FIG. 3. - Courbes comparatives entre la variation de longueur du biceps théorique, du biceps 5 (bis) et de la moyenne des biceps 5) de l'expérimentation au cours de la flexion du coude. (N = Les calculs des secteurs angulaires (externe, moyen, interne) correspondant aux raccourssissement linéaires par tiers des muscles Biceps, Triceps et Brachioradial figurent sur le tableau 1 l 186 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 4 TABLEAU 1. - Secteurs angulairespar tiers de raccourcissements linéaires musculaires. Course Biceps Brach rad Triceps Externe Moyenne 300 Interne 410 Totale 1400 1400 1400 Discussion Au vu de ces résultats, nous pouvons constater que pour les muscles biceps brachial et brachioradial, il existe une similitude entre les courbes expérimentales et celles réalisées àpartir du calcul (jig. 3 et 5), et que le fait de créer une « poulie» de réflexion (anneau) ne change pas la forme de courbe. Nous constatons que la variation de longueur ne se fait pas linéairement dans toute la course du mouvement. D'autre part, nous pouvons constater que les condyles huméraux ont une influence sur le raccourcissement musculaire entre 0° et 20° de flexion du coude, celui-ci étant minime dans cette zone angulaire (4, 5). En kinésithérapie active et passive, le raccourcissement du muscle ne se faisant pas de façon linéaire, nous sommes amenés à reconsidérer les courses angulaires du travail musculaire suivant les courses externes, moyennes et internes, de même que sur le plan fondamental lors de l'utilisation d'un appareil d'isocinétisme (6). Il faut savoir que pour les muscles fléchisseurs du coude, le raccourcissement n'est pas linéairement lié au débattement angulaire. Par contre, cette relation semble satisfaisante pour le muscle triceps (jig. 6). Pour le muscle triceps brachial, les courbes sont différentes. Au niveau de l'olécrane où s'insère le tendon distal du triceps brachial, la variation du rayon de courbure (jig. 7) de la poulie olécrânienne (5) entraînerait une compensation qui linéariserait la courbe. FIG. 7. - Schéma de l'articulation huméro-cubitale : variation des rayons de courbure (a, b, c) de la poulie olécrânienne. Au niveau du biceps brachial (jig. 4) dans sa fonction de supination, nous constatons, tant dans la première moitié de la supination que dans la seconde moitié, que le raccourcissement est moindre quand le coude est en extension. De 90° de flexion du coude à l'extension complète, nous avons un allongement moyen de 25,55 mm. Lorsque le coude est fléchi à 90°, une pronation de 90° à partir de la supination complète entraîne un allongement moyen de 12 mm. Lorsque le coude est en extension, le même mouvement provoque un allongement moyen de 5 mm qui vient s'ajouter à l'allongement préalablement obtenu par l'extension du coude. Cette constatation nous permet de souligner l'intérêt que peut avoir la position du coude dans une technique d'étirement lors de la progression d'une rééducation. Lors d'un mouvement, nous parlons de course externe, moyenne et interne qui correspond à un tiers de l'amplitude du mouvement par course. D'après les résultats mentionnés dans les à III, nous pouvons constater que tableaux les secteurs angulaires balayés par un tiers de raccourcissement linéaire du muscle (ou course « musculaire ») sont similaires en ce qui concerne le triceps brachial et différents pour les muscles biceps brachial et brachioradial. Il n'y a donc pas de relation directe entre course articulaire et course « musculaire» pour le biceps brachial et le brachioradial. 1 - ------~-----------------------------------------------------------. Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 4 187 Conclusion Références La connaissance de la relation longueur-angle des muscles autour d'une articulation permet des implications directes quant au choix des exercices thérapeutiques à proposer lors des rééducations des pathologies ou traumatismes musculotendineux, aussi bien en resollicitations actives qu'en étirements. La physiologie musculo-articulaire en tire un bénéfice certain en regard de la connaissance de la mécanique de la vitesse de contraction du muscle et du pilotage neuromusculaire des synergies mises en jeu des mouvements même simples. 1. PERTUZON E. La contraction volontaire dans le mouvement maximal. Thèse Doctorat de Sciences, Université des sciences et techniques de Lille, 1972 : 45-6. 2. PIERRON G. Caractéristiques mécaniques des chaînes musculaires, séries et parallèles du bras. Mémoire D.E.A. Génie biologique et médical option biomécanique; 34-41 : 1989-90. 3. PAUWELLS F. Biomécanique de l'appareil locomoteur. Contribution à l'étude de l'anatomie fonctionnelle. Berlin: Springer Verlag, 1979. 4. CNOCKAERT JC, PERTUZON E. Sur la géométrie musculosquelettique du triceps brachii. Europ J App Physiol 1974; 32 : 149-58. 5. FRANKE F. Die Kraftkurve menschlicher Muskeln bei willkürlicher innervation und die Frage der absoluten Muskelkraft. Pjlügers Arch Ges Physiol 1920; 184 : 300-2. 6. DA VIES GJ. A compendium of isokinetics in clinical usage and rehabilitation technique. 3 rd ed Onalaska, 1987 : 2-16. MASSON 01 GYMNASTIQUE SUR BALLON S. KLEIN-VOGELBACH Traducteur Jean-Louis Kuntz La gymnastique ment adaptée sur ballon est une technique d'exercice aux patients souffrant de problèmes musculaire particulièrerachidiens (lombalgies, troubles statiques). Les exercices permettent aux patients de récupérer un comportement moteur normal et aux personnes bien portantes d'améliorer tions d'équilibre vrage à de la colonne. De nombreuses photographies 1995, broché, 256 pages, (17,5 x 25), 270 F' les réac- illustrent cet ou- la fois pratique et théorique (analyse fonctionnelle du mouvement). Ouvrage en vente en librairie ou à la M.L.S.