La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 4 - juillet-août 2006
Vie professionnelle
Vie professionnelle
170
diothérapie, ni service de chirurgie thoracique, ni service de
médecine nucléaire, mais seulement un service d’imagerie qui
pleure pour avoir une IRM et ne sait pas, en plus, comment il
pourra recruter un radiologue compétent pour le faire tour-
ner. Le premier CHU est à 150 km et il n’y a pas d’autoroute
pour relier les deux centres.
Cette disparité ayant été constatée – et elle existe de manière
très évidente –, comment s’organiser pour qu’elle n’aboutisse
pas à une disparité de la prise en charge : d’un côté des méde-
cins référents, qui peuvent consacrer du temps à travailler sur
les dossiers des patients tous ensemble, et de l’autre des méde-
cins tout aussi dévoués, mais isolés ? Il est évident que, pour
le médecin de CHU vivant douillettement dans un environne-
ment privilégié, cette nécessité d’apporter à chaque patient du
territoire la même qualité de soins est une contrainte supplé-
mentaire, et ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas de ses patients.
Pour celui qui avait pris l’habitude de vivre isolé, il trouvait à
cela quelques avantages, dont celui de ne jamais être contredit
et de n’avoir jamais à redouter le regard d’un pair sur son ac-
tivité. C’est, quoi qu’on en dise, finalement assez confortable.
Il va falloir travailler en réseau, unir nos efforts, accepter le
regard des autres sur nos dossiers. Il va falloir accepter que le
malade ne soit pas “ma chose dont je dispose selon mon bon
vouloir”, mais que la décision qui sera prise le concernant soit
le fruit d’une réflexion commune.
Pour réussir cette gageure, il nous faut deux éléments différents.
Le premier est une réelle implication administrative per-
mettant que les moyens matériels efficaces nous soient ap-
portés dans des délais suffisamment courts pour que nous
n’ayons pas psychologiquement mis la RCP au rayon des
réformes sans suite, et Dieu sait que ce rayon est pléthori-
que. Par “moyens matériels”, j’entends : des salles de réunions
dignes de ce nom ; des systèmes de visioconférence de haut
niveau permettant de voir de manière satisfaisante non seu-
lement l’imagerie, mais aussi le présentateur, cela de manière
simultanée et sur des écrans muraux dont la taille soit telle
qu’une dizaine de personnes puisse analyser ces images de
manière concomitante ; des réseaux entre tous les centres de
soins d’une région, suffisament performants pour transmet-
tre des images de qualité en temps réel, avec la possibilité de
visionner simultanément deux, voire trois scanners de dates
différentes pour les comparer ; enfin, des secrétaires présen-
tes pendant les réunions.
Le deuxième élément est plus difficile à obtenir, car il se
heurte à des réticences psychologiques. Il nous faut nous
convaincre que notre rôle n’est plus individuel, consacré au
seul malade qui a frappé à notre porte, mais que nous som-
mes redevables, comme dans beaucoup d’autres activités que
celles de la cancérologie, de la dimension populationnelle des
prises en charge thérapeutique. Ce travail collectif fait partie
de nos missions. En effet, l’isolement d’un groupe le conduit à
organiser une RCP avec les moyens du bord. Il lui faut, pour
travailler, établir un réseau de recours lui offrant les pres-
tations dont il a besoin. On revient à la mesure 30 du plan
créant les pôles régionaux de compétences.
LA DISPARITÉ DES DISCIPLINES
Face aux nécéssités qu’impose une telle réforme, les difficultés
ne sont vraisemblablement pas identiques selon les discipli-
nes. Certaines, comme l’ORL, sont des disciplines chirurgica-
les qui, très rapidement, ont été confrontées aux échecs des
actes accomplis et ont ainsi pris l’habitude de travailler avec
les radiothérapeutes, qui leur offraient des alternatives inté-
ressantes ; les RCP d’ORL sont donc parmi les plus anciennes
dans beaucoup de centres. D’autres disciplines chirurgica-
les comme l’urologie n’avaient pas, telle l’ORL, un pendant
médical et, longtemps, la radiothérapie n’a pas constitué une
alternative thérapeutique. Ces spécialistes ont longtemps tra-
vaillé en solitaires et il leur est certainement plus difficile de
mettre en place des strutures de concertation. On conçoit, à
partir de ces deux exemples, que le problème des RCP sera
vécu de manière très différente selon les acteurs en jeu.
PETIT POINT DE VUE JURIDIQUE
Je n’aborderai que succintement le problème juridique de la
décision prise par la RCP : le médecin responsable du patient
peut-il se retrancher derrière elle et se dégager de sa propre
responsabilité ? Quelle est la responsabilité de chacun des
membres présents lors de la réunion ? Sauf pour quelques
confrères très isolés, notre décision à l’égard d’un patient est
toujours soumise à l’influence des multiples avis que nous
avons sollicités : le radiologue avec son interprétation, le car-
diologue qui évalue les risques d’une intervention, et l’anes-
thésiste ceux de son acte. Quelle différence avec une RCP
sinon que, pour une fois, on va essayer de discuter ensemble,
et surtout simultanément, d’un patient ? Il me semble que la
RCP fournit, dans sa conclusion, un avis et non un ordre. Le
patient, au cours d’un dialogue qui a toujours son importan-
ce, avec son médecin, essaiera de prendre la solution qui lui
est la plus adaptée, et il importe de nouveau que le médecin
inscrive noir sur blanc dans le dossier du patient les raisons
qui ont conduit ce dernier et lui-même à ne pas suivre l’avis
de la RCP ou au contraire à le suivre.
CONCLUSION
L’introduction de la RCP comme moyen collectif de prendre
les décisions en cancérologie me paraît une excellente me-
sure. Je ne peux pas dire le contraire, ayant créé celle d’onco-
pneumologie à Besançon en 1978. La concevoir comme un
acte unique, au moment de la consultation d’annonce, ne me
paraît pas avoir de sens. C’est rarement la première décision
qui est difficile en cancérologie. L’imposer à 100 % des pa-
tients est aussi une erreur ou, sinon, cela diminue considé-
rablement l’impact des référentiels et risque de faire tourner
en dérision l’une des mesures les plus importantes du Plan
Cancer. N
LPN juil-aout 06.indd 170 25/09/06 12:33:54