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continent puisque le Beagle naviguera également vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande
et un certain nombre d’îles du Pacifique. Durant ce séjour, Darwin accumulera quantité
d’observations mais aussi de spécimens de plantes, de roches et aussi espèces animales,
insectes, reptiles, oiseaux etc.
Et Darwin est particulièrement frappé par les évolutions qu’il note chez certaines es-
pèces animales sur des distances nord-sud relativement courtes, en particulier dans les
îles Galápagos, au large des côtes péruviennes.
Revenu en Angleterre, se marie et s’installe, après un court séjour à Londres, dans une
grande maison à la campagne dans le Kent, son patrimoine familial lui évitant d’avoir
à occuper un emploi rémunérateur. Là, auprès d’une épouse aimante et dévouée qui lui
donnera dix enfants, il entreprend une œuvre qu’il poursuivra jusqu’à sa mort en 1882,
à 73 ans. Son œuvre traite bien entendu en premier lieu de l’évolution mais ne se limite
pas à cela. Toute sa vie Darwin travaillera en géologie, fasciné tout d’abord par l’action
des vers de terre capables de remodeler complètement la surface des sols, mais aussi
« par une tentative pour expliquer les changements anciens de la surface de la terre, en
référence à des causes en train d’opérer ». On peut noter que l’idée d’évolution est là aussi
bien présente.
Ce que l’on sait par son autobiographie, c’est qu’il poursuit son œuvre avec beaucoup
d’assiduité ; il accumule les observations, rencontre d’autres chercheurs auxquels il a
confié certaines de ses collections, rencontre des éleveurs et des agriculteurs de la cam-
pagne environnante pour comprendre auprès d’eux les méthodes de sélection d’espèces
ou de plants. On y apprend aussi qu’il est en proie à des malaises physiques permanents,
qui demeureront inexpliqués. On a évoqué à leur sujet soit une fièvre ramenée de son
voyage, peut-être la maladie de Chaggas dont il montrera tous les symptômes, soit des
troubles psychosomatiques.
Il décide néanmoins de prendre son temps pour mettre en forme ses idées, d’autant qu’il
est déjà un naturaliste de renom international et aussi parce qu’il bute sur un point majeur,
note l’un de ses biographes, Jean-Claude Ameisen, celui de la question du moteur interne
de ce phénomène d’adaptation : pourquoi les espèces s’adaptent-elles plutôt que de dispa-
raître quand les conditions d’environnement changent ?
Mais les événements l’amènent à précipiter le cours des choses : en 1858 (il a alors 49
ans), il reçoit d’Indonésie d’un autre biologiste, Wallace, un texte que celui-ci lui confie
pour avis et qu’il a intitulé « Variations observées à partir d’un modèle initial chez les
vivants ». Darwin reconnaît là des idées si proches des siennes qu’il a un instant le sen-
timent d’avoir tout perdu ; puis il se ressaisit et rédige en quelques jours un texte d’une
dizaine de pages que l’un de ses parents publie à une société savante de Londres, conjoin-
tement à celui de Wallace. Aucun des deux auteurs n’assiste à la séance : Darwin vient de
perdre un enfant et Wallace est en Nouvelle Guinée. Il s’agit de 3 publications écrites en
septembre 1858, d’un total de 18 pages comportant des extraits d’un texte que Darwin a
rédigé 14 ans auparavant. Puis il s’attaque à la rédaction d’un texte plus complet, qu’il
publie en 1859, après 13 mois de travail. Un travail sans doute harassant puisqu’il en dit
la chose suivante : « mon abominable volume, qui m’a à moitié tué ».