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Correction Séance n°1 : l’acquisition de la personnalité juridique
Arrêt d’Assemblée plénière du 29 juin 2001
Ce document est mis à la disposition des étudiants de licence 1 droit groupe B de la faculté de
droit et de science politique de Montpellier. Le but est de permettre à chacun dappréhender au
mieux la méthodologie juridique et les différentes thématiques envisagées en travaux dirigés.
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Pr. PIGNARRE
I- Analyse
A- Les faits
1- Les faits matériels
Le 29 juillet 1995, Mme X, enceinte de 6 mois, a été heurté par un véhicule conduit par
M Z, en état d’ébriété. A la suite du choc, elle perd le fœtus qu’elle portait.
2- Les faits judiciaires (la procédure)
Madame X, demanderesse, assigne M. Z devant une juridiction de 1ère instance.
Un jugement inconnu est rendu.
Un appel est interjeté.
Le 3 septembre 1998, la Cour d’appel de Metz rejette partiellement les prétentions de Mme. X.
Mme. X forme par conséquent un pourvoi en cassation.
Le 29 juin 2001, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
B- Le droit
1- Les prétentions des parties
Mme X, Demanderesse
M. Z, Défendeur
Mme X demande la condamnation de M. Z
pour atteinte involontaire à la vie de l’enfant à
naître.
Car elle a perdu le fœtus suite au choc de
l’accident provoqué par M. Z.
Car en vertu de l’article 221-6 du Code pénal,
le fait de causer la mort d’autrui n’exclut pas
de son champ d’application l’enfant à naître et
viable.
M. Z conteste l’accusation portée par Mme X.
Car il estime qu’il ne peut pas être tenu
responsable de la mort du fœtus.
Car selon le principe de la légalité des délits et
des peines, l’article 221-6 du code pénal ne
peut être étendu au décès d’un fœtus.
2- La question de droit (ou problème de droit)
L’article 221-6 du Code pénal s’applique t-il aux enfants à naître ?
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ou
Le fœtus peut-il être considéré comme une personne et de ce fait être régit par les
dispositions du Code pénal relatives à l’homicide involontaire ?
Ou
Quel est le statut juridique du fœtus ?
Remarque : Un seul PB de droit doit être retenu !
3- La solution de droit
« Mais attendu que le principe de la légalides délits et des peines, qui impose une interprétation stricte
de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant
l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève
de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ».
II - Commentaire
A- Comprendre la solution : Le sens
1- En elle-même
a- Par l’analyse
Définition des termes principaux de la solution (Cornu G. Vocabulaire juridique, PUF, 2001) :
Principe de légalité des délits et des peines : Il n’y a pas d’infraction et donc pas de peine si la loi ne le
prévoie pas.
Principe d’interprétation stricte : Corolaire du principe de légalité des délits et des peines, il signifie que
les textes répressifs doivent être interprété par le juge de manière stricte. Le juge ne doit pas étendre le
domaine de l’infraction (ou l’intensité de la peine) au-delà de ce que le législateur a strictement prévu.
En matière pénale, le rôle du juge se réduit à être la bouche qui prononce les paroles de la loi !
Remarque : il serait totalement inutile et contreproductif pour la compréhension de l’arrêt de définir
chaque mot de manière analytique :
Principe : Règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s’imposant avec une autorité supérieure.
Légalité : caractère de ce qui est conforme à la loi
Délit : Fait dommageable illicite
Peine : sanction édictée par la loi
Incrimination : ériger un comportement en infraction.
Homicide involontaire : fait de donner la mort à un être humain sans intention de la donner.
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Enfant à naître : enfant qui n’est pas encore né.
Embryon : Organisme en voie de développement avant de devenir un fœtus.
Fœtus : Le foetus est le produit de la reproduction, à partir du troisième mois de la grossesse.
b- Par la synthèse
Le législateur n’a envisagé l’infraction d’homicide involontaire qu’à l’égard d’une personne.
Le tus n’étant pas une personne juridique, une telle incrimination ne peut être retenue.
L’embryon est protégé par des textes spécifiques, eux seuls ont vocation à s’appliquer.
2- Par rapport au passé et au futur
a- Le passé (par rapport à la solution
α- Le passé jurisprudentiel
Dans un arrêt de la chambre criminelle du 19 aout 1997 (Juris-data n°1997-003862), la
Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un gynécologue condamné pour un double homicide
involontaire en retenant que sa négligence avait été la cause d’une perte de temps fatale à
l’enfant puis à la mère, s’inscrivant de ce fait dans un mouvement jurisprudentiel favorable à la
protection pénale de l’enfant à naître. (A)
Dans un arrêt du 30 juin 1999 (Cass. Crim, 30 juin 1999, Bull Crim 1999, n 174 p 511),
la Cour de cassation opère un revirement en estimant que l’infraction d’homicide involontaire
n’est pas applicable à l’enfant à naître, ceci en invoquant le principe de l’interprétation stricte
de la loi pénale. (A)
L’arrêt d’Assemblée plénière du 29 juin 2001 confirme l’arrêt de la chambre criminelle
de 1999 et fonde dès lors une jurisprudence constante (Cass.crim, 25 juin 2002, Bull. crim.
n°144 ; R., p 525 ; Cass. crim. 4 mai 2004, Bull. crim. n°108).
β- Le passé législatif
Néant (éventuellement cité les textes du Code pénal)
b- Le futur
α- Le futur jurisprudentiel
Dans une espèce du 25 juin 2002, une femme enceinte dont la grossesse était à terme depuis 7
jours entre en clinique pour son accouchement. Placée sous surveillance, elle signale à la sage-
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femme une anomalie du rythme cardiaque de l’enfant. La sage-femme refuse d’appeler le
médecin. Le lendemain, la même anomalie est révélée jusqu’à l’arrêt total des battements du
cœur. Il fut établi ensuite que l’enfant était en parfaite santé et que seules les fautes commises
étaient à l’origine de son décès. La Cour d’appel a déclaré la sage-femme coupable d’homicide
involontaire mais son arrêt fut cassé par la chambre criminelle de la Cour de cassation
appliquant la solution dégagée le 29 juin 2001 par l’Assemblée plénière. Transition vers le (B)
Crim., 2 déc. 2003 : (D. 2004, 449, note J. PRADEL). Alors que, à la suite d’un accident de la
circulation, une femme enceinte de huit mois, grièvement blessée, doit accoucher par
césarienne, l’enfant et qui n’a pourtant vécu qu’une heure a pu faire l’objet d’un homicide
involontaire. (B)
Plus récemment, la CourEDH a eu à s’interroger sur la possibilité d’admettre
l’homicide involontaire du fœtus (
1
). Il s’agissait d’une affaire soumise en 1999 à la chambre
criminelle de la Cour de cassation. En l’espèce, à la suite d’une confusion résultant de
l’homonymie entre deux patientes, un médecin avait procédé sur l’une d’entre elles qui était
enceinte un examen qui avait provoqué une rupture de la poche des eaux à la suite de laquelle
un interruption thérapeutique de grossesse avait être pratiquée. La Cour d’appel de Lyon
avait déclaré le médecin coupable d’homicide involontaire (
2
). La chambre criminelle de la
Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel au motif que les faits litigieux ne
relevaient pas des dispositions relatives à l’homicide involontaire, refusant ainsi de considérer
le fœtus comme une personne humaine pénalement protégée (
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). La requérante porta alors
l’affaire devant la CourEDH en invoquant l’article 2 de la Convention relatif au droit à la vie.
Elle soutenait que la France a l’obligation de mettre en place une législation pénale visant à
réprimer et sanctionner une telle atteinte. La Cour a considéré que le point de départ du droit à
la vie relève de l’appréciation des Etats. La Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable, ni
même possible actuellement de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à
naître est une « personne » au sens de l’article 2 de la Convention. La Cour constate que l’enfant
à naître n’est pas privé de toute protection en droit français (blessures involontaires sur la mère
et recours administratif en responsabilité). (B)
On peut remarquer que la Cour reste extrêmement prudente. Elle ne se prononce pas sur
la question de savoir si la fin brutale de la grossesse entre dans le champ de l’article 2 de la
Convention, elle renvoie pour cela à l’appréciation des Etats. Par conséquent, la jurisprudence
de l’Ass. Plén. fait encore autorité mais cette position reste critiquable. (B)
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu le 11 octobre 2016 un arrêt Sayan
C/ Turquie traitant du décès d’une femme enceinte et de son bébé à naître de 9 mois.
La femme enceinte, prise de difficultés respiratoires, était arrivée aux urgences et décédée quelques heures plus
tard. Une césarienne post-mortem avait été effectuée, mais le bébé était mort-né.Le mari et les autres enfants de la
femme ont attaqué le ministère de la santé turc en faisant valoir que la mère et l’enfant étaient morts des suites de
fautes commises par le personnel soignant de l’hôpital (défaut d’attention des decins au moment de
l’auscultation, erreur de diagnostic, administration d’un mauvais médicament puis défaut de soins faute de
paiement comptant des frais médicaux). Ils affirment que l’État turc n’a pas satisfait à son obligation positive de
1
) CEDH, 8 juillet 2004, VO c. France : JCP 2004, II, 10158, note LEVINET. Adde E. SEVERIN, Réparer ou
punir ? L’interruption accidentelle de grossesse devant la Cour européenne des droits de l’homme : D. 2004,
2801.
2
Lyon, 13 mars 1997 : JCP 1997, II, 22955, note G. FAURE.
3
Crim., 30 juin 1999 : JCP 2000, II, 10231, note G. FAURE.
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protéger le droit à la vie. Il est ainsi demandé à la CEDH de se prononcer sur la violation du droit à la vie de la
femme enceinte et du droit à la vie du bébé à naître.
Dans leur arrêt, les juges de Strasbourg cherchent à éviter de se prononcer frontalement sur
le droit à la vie de l’enfant à naître. Ils rappellent que la CEDH ne souhaite pas se prononcer
sur le point de départ de la vie humaine ni trancher si l’enfant à naître est une « personne » au
sens de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : « La Grande Chambre a considéré
que, en l’absence d’un consensus européen sur la définition scientifique et juridique des débuts
de la vie, le point de départ du droit à la vie relevait de la marge d’appréciation que la Cour
estime généralement devoir être reconnue aux États dans ce domaine. La Grande Chambre a
ainsi estimé qu’« il n’est ni souhaitable, ni même possible actuellement de répondre dans
l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est une « personne » au sens de l’article 2
de la Convention (idem, § 85) ».
β- Le futur législatif
2002 2004 (projet de loi) : Pour enrayer cette solution jurisprudentielle, dès février 2002, une
proposition de loi relative à la protection pénale de l’enfant à naître contre les atteintes
involontaires à la vie avait été déposée. Puis, dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte
contre la violence routière, l'Assemblée nationale adoptait le 19 mars 2003 l'amendement
Garraud qui prévoit que quand une femme enceinte perd son enfant à cause d'un chauffard,
celui-ci puisse être poursuivi pour "avortement involontaire dû à un accident de la route". Cet
article était rejeté par la Commission des Lois du Sénat, le 29 avril 2003, mais les sénateurs,
assurés que cette question devait trouver une réponse juridique, promettaient de voter ce texte
dans un autre cadre que celui de la sécurité routière. Ainsi la proposition de loi portant sur le
délit d'interruption involontaire de grossesse de Jean Paul Garraud était de nouveau discutée
dans le cadre du projet de loi visant « à adapter la justice à la criminalité » et adoptée par
l'Assemblée le 27 novembre 2003. Devant le tollé provoqué par les lobbies pro-avortement,
Dominique Perben, Garde des Sceaux, décidait de ne plus soutenir cet amendement qu’il avait
auparavant approuvé. Le 21 janvier 2004, le Sénat supprimait l’amendement Garraud qui était
repris par 62 sénateurs dans une nouvelle proposition de loi relative à la protection pénale de la
femme enceinte.
Amendement Garraud. Cet amendement visait à créer le délit d’interruption involontaire de
grossesse ayant entraîné la mort d'un enfant à naître sans le consentement de la re, en
prévoyant une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en cas
d’interruption de grossesse causée « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de sécurité ou de prudence ». Adopté par l’Assemblé nationale
mais rejeté par le Sénat le 21 janvier 2004. (B’)
3- Par rapport aux domaines voisins
DV 1 :
Quid si sans entrainer la perte du fœtus le comportement d’une personne entraine une atteinte
à son intégrité physique ?
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