Corrigé TD droit civil 2017 groupe B séance 1

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Correction Séance n°1 : l’acquisition de la personnalité juridique
Arrêt d’Assemblée plénière du 29 juin 2001
Ce document est mis à la disposition des étudiants de licence 1 droit groupe B de la faculté de
droit et de science politique de Montpellier. Le but est de permettre à chacun d’appréhender au
mieux la méthodologie juridique et les différentes thématiques envisagées en travaux dirigés.
Seul un usage privé est autorisé. La diffusion par quelque moyen que ce soit (et notamment sur
internet) est interdite. Le non-respect des droits de propriété intellectuelle entrainera des
poursuites immédiates et la fin des corrigés en ligne. Je compte sur vous !
Pr. PIGNARRE
I-
Analyse
A- Les faits
1- Les faits matériels
Le 29 juillet 1995, Mme X, enceinte de 6 mois, a été heurté par un véhicule conduit par
M Z, en état d’ébriété. A la suite du choc, elle perd le fœtus qu’elle portait.
2- Les faits judiciaires (la procédure)
Madame X, demanderesse, assigne M. Z devant une juridiction de 1ère instance.
Un jugement inconnu est rendu.
Un appel est interjeté.
Le 3 septembre 1998, la Cour d’appel de Metz rejette partiellement les prétentions de Mme. X.
Mme. X forme par conséquent un pourvoi en cassation.
Le 29 juin 2001, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
B- Le droit
1- Les prétentions des parties
Mme X, Demanderesse
M. Z, Défendeur
Mme X demande la condamnation de M. Z M. Z conteste l’accusation portée par Mme X.
pour atteinte involontaire à la vie de l’enfant à
naître.
Car il estime qu’il ne peut pas être tenu
Car elle a perdu le fœtus suite au choc de responsable de la mort du fœtus.
l’accident provoqué par M. Z.
Car selon le principe de la légalité des délits et
Car en vertu de l’article 221-6 du Code pénal, des peines, l’article 221-6 du code pénal ne
le fait de causer la mort d’autrui n’exclut pas peut être étendu au décès d’un fœtus.
de son champ d’application l’enfant à naître et
viable.
2- La question de droit (ou problème de droit)
L’article 221-6 du Code pénal s’applique t-il aux enfants à naître ?
1
ou
Le fœtus peut-il être considéré comme une personne et de ce fait être régit par les
dispositions du Code pénal relatives à l’homicide involontaire ?
Ou
Quel est le statut juridique du fœtus ?
Remarque : Un seul PB de droit doit être retenu !
3- La solution de droit
« Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte
de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant
l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève
de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ».
II - Commentaire
A- Comprendre la solution : Le sens
1- En elle-même
a- Par l’analyse
Définition des termes principaux de la solution (Cornu G. Vocabulaire juridique, PUF, 2001) :
Principe de légalité des délits et des peines : Il n’y a pas d’infraction et donc pas de peine si la loi ne le
prévoie pas.
Principe d’interprétation stricte : Corolaire du principe de légalité des délits et des peines, il signifie que
les textes répressifs doivent être interprété par le juge de manière stricte. Le juge ne doit pas étendre le
domaine de l’infraction (ou l’intensité de la peine) au-delà de ce que le législateur a strictement prévu.
En matière pénale, le rôle du juge se réduit à être la bouche qui prononce les paroles de la loi !
Remarque : il serait totalement inutile et contreproductif pour la compréhension de l’arrêt de définir
chaque mot de manière analytique :
Principe : Règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s’imposant avec une autorité supérieure.
Légalité : caractère de ce qui est conforme à la loi
Délit : Fait dommageable illicite
Peine : sanction édictée par la loi
Incrimination : ériger un comportement en infraction.
Homicide involontaire : fait de donner la mort à un être humain sans intention de la donner.
2
Enfant à naître : enfant qui n’est pas encore né.
Embryon : Organisme en voie de développement avant de devenir un fœtus.
Fœtus : Le foetus est le produit de la reproduction, à partir du troisième mois de la grossesse.
b- Par la synthèse
Le législateur n’a envisagé l’infraction d’homicide involontaire qu’à l’égard d’une personne.
Le fœtus n’étant pas une personne juridique, une telle incrimination ne peut être retenue.
L’embryon est protégé par des textes spécifiques, eux seuls ont vocation à s’appliquer.
2- Par rapport au passé et au futur
a- Le passé (par rapport à la solution
α- Le passé jurisprudentiel
Dans un arrêt de la chambre criminelle du 19 aout 1997 (Juris-data n°1997-003862), la
Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un gynécologue condamné pour un double homicide
involontaire en retenant que sa négligence avait été la cause d’une perte de temps fatale à
l’enfant puis à la mère, s’inscrivant de ce fait dans un mouvement jurisprudentiel favorable à la
protection pénale de l’enfant à naître. (A)
Dans un arrêt du 30 juin 1999 (Cass. Crim, 30 juin 1999, Bull Crim 1999, n 174 p 511),
la Cour de cassation opère un revirement en estimant que l’infraction d’homicide involontaire
n’est pas applicable à l’enfant à naître, ceci en invoquant le principe de l’interprétation stricte
de la loi pénale. (A)
L’arrêt d’Assemblée plénière du 29 juin 2001 confirme l’arrêt de la chambre criminelle
de 1999 et fonde dès lors une jurisprudence constante (Cass.crim, 25 juin 2002, Bull. crim.
n°144 ; R., p 525 ; Cass. crim. 4 mai 2004, Bull. crim. n°108).
β- Le passé législatif
Néant (éventuellement cité les textes du Code pénal…)
b- Le futur
α- Le futur jurisprudentiel
Dans une espèce du 25 juin 2002, une femme enceinte dont la grossesse était à terme depuis 7
jours entre en clinique pour son accouchement. Placée sous surveillance, elle signale à la sage3
femme une anomalie du rythme cardiaque de l’enfant. La sage-femme refuse d’appeler le
médecin. Le lendemain, la même anomalie est révélée jusqu’à l’arrêt total des battements du
cœur. Il fut établi ensuite que l’enfant était en parfaite santé et que seules les fautes commises
étaient à l’origine de son décès. La Cour d’appel a déclaré la sage-femme coupable d’homicide
involontaire mais son arrêt fut cassé par la chambre criminelle de la Cour de cassation
appliquant la solution dégagée le 29 juin 2001 par l’Assemblée plénière. Transition vers le (B)
Crim., 2 déc. 2003 : (D. 2004, 449, note J. PRADEL). Alors que, à la suite d’un accident de la
circulation, une femme enceinte de huit mois, grièvement blessée, doit accoucher par
césarienne, l’enfant né et qui n’a pourtant vécu qu’une heure a pu faire l’objet d’un homicide
involontaire. (B)
Plus récemment, la CourEDH a eu à s’interroger sur la possibilité d’admettre
l’homicide involontaire du fœtus (1). Il s’agissait d’une affaire soumise en 1999 à la chambre
criminelle de la Cour de cassation. En l’espèce, à la suite d’une confusion résultant de
l’homonymie entre deux patientes, un médecin avait procédé sur l’une d’entre elles qui était
enceinte un examen qui avait provoqué une rupture de la poche des eaux à la suite de laquelle
un interruption thérapeutique de grossesse avait dû être pratiquée. La Cour d’appel de Lyon
avait déclaré le médecin coupable d’homicide involontaire (2). La chambre criminelle de la
Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel au motif que les faits litigieux ne
relevaient pas des dispositions relatives à l’homicide involontaire, refusant ainsi de considérer
le fœtus comme une personne humaine pénalement protégée (3). La requérante porta alors
l’affaire devant la CourEDH en invoquant l’article 2 de la Convention relatif au droit à la vie.
Elle soutenait que la France a l’obligation de mettre en place une législation pénale visant à
réprimer et sanctionner une telle atteinte. La Cour a considéré que le point de départ du droit à
la vie relève de l’appréciation des Etats. La Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable, ni
même possible actuellement de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à
naître est une « personne » au sens de l’article 2 de la Convention. La Cour constate que l’enfant
à naître n’est pas privé de toute protection en droit français (blessures involontaires sur la mère
et recours administratif en responsabilité). (B)
On peut remarquer que la Cour reste extrêmement prudente. Elle ne se prononce pas sur
la question de savoir si la fin brutale de la grossesse entre dans le champ de l’article 2 de la
Convention, elle renvoie pour cela à l’appréciation des Etats. Par conséquent, la jurisprudence
de l’Ass. Plén. fait encore autorité mais cette position reste critiquable. (B)
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu le 11 octobre 2016 un arrêt Sayan
C/ Turquie traitant du décès d’une femme enceinte et de son bébé à naître de 9 mois.
La femme enceinte, prise de difficultés respiratoires, était arrivée aux urgences et décédée quelques heures plus
tard. Une césarienne post-mortem avait été effectuée, mais le bébé était mort-né.Le mari et les autres enfants de la
femme ont attaqué le ministère de la santé turc en faisant valoir que la mère et l’enfant étaient morts des suites de
fautes commises par le personnel soignant de l’hôpital (défaut d’attention des médecins au moment de
l’auscultation, erreur de diagnostic, administration d’un mauvais médicament puis défaut de soins faute de
paiement comptant des frais médicaux). Ils affirment que l’État turc n’a pas satisfait à son obligation positive de
1) CEDH, 8 juillet 2004, VO c. France : JCP 2004, II, 10158, note LEVINET. Adde E. SEVERIN, Réparer ou
punir ? L’interruption accidentelle de grossesse devant la Cour européenne des droits de l’homme : D. 2004,
2801.
2 Lyon, 13 mars 1997 : JCP 1997, II, 22955, note G. FAURE.
3 Crim., 30 juin 1999 : JCP 2000, II, 10231, note G. FAURE.
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protéger le droit à la vie. Il est ainsi demandé à la CEDH de se prononcer sur la violation du droit à la vie de la
femme enceinte et du droit à la vie du bébé à naître.
Dans leur arrêt, les juges de Strasbourg cherchent à éviter de se prononcer frontalement sur
le droit à la vie de l’enfant à naître. Ils rappellent que la CEDH ne souhaite pas se prononcer
sur le point de départ de la vie humaine ni trancher si l’enfant à naître est une « personne » au
sens de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : « La Grande Chambre a considéré
que, en l’absence d’un consensus européen sur la définition scientifique et juridique des débuts
de la vie, le point de départ du droit à la vie relevait de la marge d’appréciation que la Cour
estime généralement devoir être reconnue aux États dans ce domaine. La Grande Chambre a
ainsi estimé qu’« il n’est ni souhaitable, ni même possible actuellement de répondre dans
l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est une « personne » au sens de l’article 2
de la Convention (idem, § 85) ».
β- Le futur législatif
2002 – 2004 (projet de loi) : Pour enrayer cette solution jurisprudentielle, dès février 2002, une
proposition de loi relative à la protection pénale de l’enfant à naître contre les atteintes
involontaires à la vie avait été déposée. Puis, dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte
contre la violence routière, l'Assemblée nationale adoptait le 19 mars 2003 l'amendement
Garraud qui prévoit que quand une femme enceinte perd son enfant à cause d'un chauffard,
celui-ci puisse être poursuivi pour "avortement involontaire dû à un accident de la route". Cet
article était rejeté par la Commission des Lois du Sénat, le 29 avril 2003, mais les sénateurs,
assurés que cette question devait trouver une réponse juridique, promettaient de voter ce texte
dans un autre cadre que celui de la sécurité routière. Ainsi la proposition de loi portant sur le
délit d'interruption involontaire de grossesse de Jean Paul Garraud était de nouveau discutée
dans le cadre du projet de loi visant « à adapter la justice à la criminalité » et adoptée par
l'Assemblée le 27 novembre 2003. Devant le tollé provoqué par les lobbies pro-avortement,
Dominique Perben, Garde des Sceaux, décidait de ne plus soutenir cet amendement qu’il avait
auparavant approuvé. Le 21 janvier 2004, le Sénat supprimait l’amendement Garraud qui était
repris par 62 sénateurs dans une nouvelle proposition de loi relative à la protection pénale de la
femme enceinte.
Amendement Garraud. Cet amendement visait à créer le délit d’interruption involontaire de
grossesse ayant entraîné la mort d'un enfant à naître sans le consentement de la mère, en
prévoyant une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en cas
d’interruption de grossesse causée « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de sécurité ou de prudence ». Adopté par l’Assemblé nationale
mais rejeté par le Sénat le 21 janvier 2004. (B’)
3- Par rapport aux domaines voisins
DV 1 :
Quid si sans entrainer la perte du fœtus le comportement d’une personne entraine une atteinte
à son intégrité physique ?
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L’enfant étant né vivant et viable, l’incrimination peut être retenue en ce sens : Crim 2 octobre
2007, n° 07-81.259.
Un obstétricien avait quitté la salle de naissance sans consulter le dossier de la parturiente, alors qu’il avait été
informé par la sage-femme de la rupture prématurée des membranes, des anomalies du rythme cardiaque foetal
montrées par le monitorage et de la prématurité de l’enfant, ce qui aurait dû le conduire à pratiquer une césarienne.
Quelques heures plus tard, l’enfant est née, gravement handicapée, et atteinte d’une incapacité permanente évaluée
à 90 %.
La cour d’appel a retenu que le médecin avait commis une faute ayant contribué à causer à l’enfant des lésions
irréversibles dont les séquelles avaient été constatées après la naissance et l’a déclaré coupable de blessures
involontaires.
La chambre criminelle a rejeté le pourvoi qui faisait essentiellement valoir que l’article 222-9 ne pouvait
s’appliquer en cas d’atteinte portée à un foetus, même si les conséquences des blessures involontaires étaient
apparues après la naissance (à rapprocher de Crim., 2 décembre 2003, Bull. crim. 2007, n° 230).
DV 2 :
La solution serait-elle la même s’agissant d’embryons in vitro ?
Une réponse positive ne fait aucun doute (Voir ci après).
B- Expliquer la solution
1- Par des arguments de Droit
a- Des arguments pour
Cette solution respecte le principe de légalité des délits et des peines et de l’interprétation stricte
de la loi pénale.
- L’argument de l’interprétation stricte de la loi pénale paraît techniquement pertinent :
si l’on ne peut pas étendre l’application de la loi pénale, cela postule que le fœtus, même viable,
ne peut être assimilée à une personne humaine. On peut en revanche ne pas être convaincu par
ce postulat. (A)
Cette solution s’inscrit dans une logique générale qui vise à ne pas reconnaître la
personnalité juridique à un enfant qui n’est pas né. (A)
Selon l’article 55 du code civil, la personnalité juridique est acquise à la naissance (l’enfant doit
être né vivant et viable).
Cette analyse est confortée par l'examen des travaux préparatoires des lois bioéthiques
du 29 juillet 1994 et notamment de l’article 16 du Code civil qui en est issu. Deux arguments
méritent ici d'être évoqués.
- Le premier tient au rejet par le Parlement d'un amendement tendant à préciser que "dès
la première étape de la conception, l'être humain est une personne". Cet amendement était
destiné à éviter que l'embryon puisse être considéré comme une chose. Cette proposition ayant
été refusée, il faut en déduire a contrario que l'être humain n'est pas une personne dès les
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premières étapes de la vie et, qu'en conséquence, il n'acquiert pas la personnalité juridique lors
de la conception mais plus tard… probablement à la naissance.
- A cet argument s'en ajoute un autre, fourni par le Conseil constitutionnel (décision lois
bioéthiques de 94) qui a estimé que "le principe du respect de tout être humain dès le
commencement de la vie" n'est pas applicable aux embryons fécondés in vitro, ce qui autorise,
passé un certain délai, leur destruction.
Il résulte de ces deux arguments que le début de la vie de l'être humain, au stade
embryonnaire, ne coïncide pas avec la reconnaissance de la personnalité juridique. Ces
lois consacrent une dissociation de l'être humain et de la personne. Il peut donc y avoir
être humain sans qu'il y ait encore personne humaine. (A)
Comparer : L'article 1er de la loi Veil du 17 janvier 1975 dispose : "la loi garantit le respect de
tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe
qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ". L'intention des
auteurs de ce texte était sans doute de considérer l'embryon comme un être humain afin de lui
reconnaître un droit à la vie et, par conséquent, la personnalité juridique. Dans l'esprit des
rédacteurs de ce texte, l'être humain (réalité scientifique) et la personne (aspect juridique)
devaient coïncider. Reste que la lettre du texte ne vise pas la personne mais seulement l'être
humain, si bien qu'il est difficile d'en tirer des conséquences en termes de personnalité juridique.
A ce titre l’enfant mort-né ne bénéficie pas de l’établissement d’un acte de naissance, mais
simplement mentionné sur le registre des actes de décès.
Malgré tout, les articles 725 et 906 du code civil prévoient que l’enfant conçu peut-être titulaire
de droits patrimoniaux mais qui devront être obligatoirement consolidés lors de sa naissance.
Art. 725 du Code civil :
"Pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà
été conçu, naître viable".
La conjonction "ou" exprime ici une alternative :
Ou bien, la personne existe ;
Ou bien, l'être doit avoir été conçu et naître ultérieurement viable… ce qui implique, a
contrario, que l'être simplement conçu n'existe pas juridiquement et n'est donc pas une personne
Le Comité consultatif national d'éthique, dans un avis rendu en 1984, avait clairement perçu la
difficulté de ce débat en considérant que l’enfant à naître devait être reconnu comme une
"personne juridique potentielle". L'analyse est sans doute intéressante mais ne fait guère
progresser le débat juridique. En droit, la personne existe ou n'existe pas mais elle ne saurait
exister à moitié. Entre les personnes et les choses, il n'existe pas de classification intermédiaire.
(A)
7
La non caractérisation de l’homicide involontaire ne s’oppose pas à la réparation civile du
préjudice subi par la mère du fait de la perte de son enfant à naître. Il s’agit de deux choses
complètement différentes. Notre droit refuse de retenir une sanction pénale, pour autant, la mère
obtiendra, bien évidemment réparation de son préjudice moral lié à la perte de son foetus. (A’)
b- Des arguments contre :
- Dans la deuxième partie de sa solution, en estimant : « l'enfant à naître dont le régime
juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus » commet une erreur de logique
juridique. Les textes particuliers visent l’embryon in vitro et non l’embryon in utero ! Pour le dire
autrement, la Cour de cassation raisonne à partir des embryons in vitro et en tire des conséquences à
l’égard des embryons in utero. Cela est très contestable. Elle fait le choix d’appliquer l’adage « speciala
generalibus derogant » (la règle spéciale déroge à la règle générale). Cela ne convainc pas ! Il
n’existe pas de règles spéciales pour la protection du fœtus in utero. Les lois spéciales ne
dérogent aux lois générales que si elles sont dans le même « champ ». Or, ici, les dispositions
particulières visent l’embryon in vitro. (A’)
- La jurisprudence créé une distinction injustifiée entre les fautifs en fonction de la
naissance ou non de l’enfant. Peu importe que la perte survienne avant ou après la naissance, le
fautif doit être puni de la même manière, c’est une question d’égalité devant la loi. (B)
- En outre, l’article 16 du Code civil in fine expose que la loi garantit « le respect de
l’être humain dès le commencement de sa vie ». Quand bien même le fœtus ne serait pas une
personne, ne peut-on pas prévoir une protection spécifique pour l’embryon in utero ? (Rappr.
L’amendement Garraud évoqué précédemment). Ne peut-on pas protéger l’être même s’il n’est
pas encore personne ? Une telle proposition, séduisante de prime abord, ne convainc pas
parfaitement. Comment en effet concilier une telle protection de l’embryon in utero avec le
droit fondamental des femmes à l’avortement ? ON voit dès lors la difficulté d’une intervention
dans ce domaine…
Pour votre culture juridique (un avis que ne laissera pas indifférent !) :
J. Sainte-Rose, Avocat général à la Cour de cassation, « La situation est actuellement
figée. Force est de constater que les pouvoirs publics qui n’ont même pas voulu assurer la
protection pénale de la femme enceinte en cas d’interruption involontaire de grossesse, à
l’instar de ce qui existe en Italie ou en Espagne, ont choisi de s’aligner sur la position de la
Cour de Cassation. Il appartenait, me semble-t-il, à la représentation nationale de trancher le
débat. (B)
Le principe posé par l’article 16 du code civil – texte d’ordre public qui affirme que « la
loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »- est aujourd’hui vidé
de sa substance. Et on ne peut que s’étonner qu’en France, la vie d’un animal domestique qui
est un objet soit protégée pénalement contre les atteintes par imprudence (article R651-3 du
code pénal) alors que celle de l’enfant à naître, même au seuil de sa naissance, ne l’est pas.
Qui est-ce alors que cet enfant ? Un déchet, une chose destructible sans destinée humaine ? (B)
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En définitive, la situation actuelle fait ressortir les contradictions de notre société où
les progrès de la science ont mis en évidence l’importance de la vie fœtale et où l’enfant à naître
bénéficie d’une reconnaissance accrue sur le plan familial, social, sanitaire mais ignorée du
droit pénal. Le choix jurisprudentiel qui n’est pas respectueux de la vie aboutit à imposer à la
société toute entière et d’abord à toutes les femmes ce qui relève de la philosophie propre à
certaines. La crédibilité du droit n’y trouve pas son compte pas plus que la tolérance qui est le
ciment d’une société démocratique. » (A’)
2- Par des arguments d’opportunité
La solution peut être appréciée différemment selon des arguments d’opportunité, d’un point de
vue sociologique, religieux, etc...
Chacun en fonction de sa propre sensibilité appréciera cette solution.
Une remarque toutefois. Si on observe la jurisprudence des juges du fond, il apparaît que ceuxci sont divisés. Certains n’hésitent pas à refuser de suivre la solution dégagée par la Haute
juridiction quitte à faire ensuite l’objet d’une cassation. Cela traduit le fait que cette solution
n’est pas pleinement acceptée par la société. Les juges du fond qui, par définition, sont proches
du justiciable sont les mieux à même de « prendre le pouls » de la société… Ne pas condamner
l’auteur de la perte du fœtus n’est-ce pas moralement choquant ?
C- Portée de la solution
1- Dans son ensemble
La portée de la solution est extrêmement importante. Il s’agit d’un arrêt de principe rendu par
la formation la plus solennelle de la Cour de cassation. D’ailleurs la diffusion de la solution est
très importante (arrêt P+B+R+I). Cela manifeste la volonté des hauts magistrats que cette
solution soit connue de tous.
La manière dont la solution est rédigée confirme cette analyse. La solution est formulée dans
des termes généraux et abstraits. La Cour de cassation pose un principe qui a vocation à poser
une ligne jurisprudentielle au-delà du simple cas d’espèce !
La Cour de cassation prend position sur le statut juridique du fœtus. Celui-ci n’est pas une
personne !
2- Au cas particulier
La solution refuse de condamner l’auteur de l’accident pour la perte du fœtus.
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Réflexion à partir de la solution dans la perspective de la rédaction du commentaire
« Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une
interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 2216 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à
naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ».
Le raisonnement de la Haute juridiction peut se décomposer en deux temps. Lorsque tel est le
cas, le plan du commentaire doit systématiquement faire apparaître ces deux temps.
1er temps :
Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation
stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code
pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître
2ème temps :
dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus
Une fois le raisonnement mis en exergue, il convient de trouver des intitulés saisissants et
séduisants permettant de rendre compte du schéma d’analyse retenu.
En premier lieu, l’idée essentielle est que l’enfant à naître n’est pas une personne
En second lieu que l’enfant à naître est une chose particulière car relevant d’un régime
spécifique.
Ainsi le plan coule de source :
I- L’enfant à naître n’est pas une personne
II- L’enfant à naître est une chose particulière
Ensuite, il convient d’organiser les raisonnements précédents au sein de ces deux grandes
parties.
10
Voici une proposition :
I- L’enfant à naître n’est pas une personne
A- L’absence de protection
Solution de principe rendue par une Assemblée plénière pour mettre fin aux tergiversations de
la jurisprudence. Décisions antérieures.
Fondement : le principe de légalité des délits et des peines et son corollaire le principe
d’interprétation stricte. Raisonnement techniquement valable.
Analyse pertinente au regard des solutions retenues en droit civil. Adde Avis du Comité national
d’éthique.
Conclusion transition : la personne se distingue de l’être humain ! Solution réitérée depuis lors
en dépit de nombreuses protestations.
B- L’existence de protestations
Appréciation juridique : critique quid du principe d’égalité devant la loi ? Traitement différent
des fautifs selon que l’enfant succombe immédiatement ou pas. Au regard du droit pénal, pour
l’auteur de l’acte préjudiciable, il est souhaitable (sic !) que l’enfant à naître succombe
immédiatement…
L’enfant à naître moins bien traité que l’animal domestique. Sainte Rose
L’absence de positionnement de la Cour EDH. Statu quo !
II- L’enfant à naître est une chose particulière
A- Une protection inadaptée
D’un point de vue technique. Le raisonnement retenu ne convainc pas. Le recours à specialia
generalibus derogant ne convainc pas. Il n’existe que des règles concernant l’embryon in vitro.
Rien sur l’embryon in utero…
Si l’enfant à naître est une chose, csqs : il ne saurait être titulaire de droit. La seule
indemnisation concevable le préjudice moral de la mère. On indemnise le « propriétaire » de la
destruction de la chose !
Une protection inadaptée aux attentes de la société et (éventuellement aux droits des femmes)
reprendre Sainte Rose. Ce qui conduit…
B- Une protection à repenser
11
Une réforme semble nécessaire. Le législateur s’est déjà emparé de cette question. PB concilier
avec la loi de 75 sur l’IVG.
Reprendre les projets de réforme avortés.
12
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