[8, 9]. Ceci est peut-être dû à des biais de sélection, à la
difficulté d’examiner certaines catégories de patients et
à la diversité de méthodes utilisées dans les différentes
recherches. Bien que la latéralisation hémisphérique
reste incertaine, plusieurs travaux suggèrent l’implica-
tion d’une dysfonction des circuits fronto-sous-
corticaux et des noyaux gris de la base, au moins dans
les premiers mois qui suivent l’AVC [10].
L’étiologie de la dépression post-AVC est, en fait,
très vraisemblablement multifactorielle, ce qui expli-
que la difficulté de trouver un corrélat neuroanatomi-
que précis. Les patients ayant présenté un AVC font
l’expérience d’un événement traumatique qui mine
leur intégrité corporelle et mentale, leur autonomie et
leur estime personnelle ainsi que leur vie de couple et
professionnelle. Dès lors, des mécanismes psychologi-
ques d’adaptation ainsi que la personnalité prémorbide
du patient jouent certainement un rôle étiologique
important.
Dans les études de cohortes, la sévérité de l’atteinte
initiale est le facteur qui est le mieux corrélé avec le
développement d’une dépression [11-13]. Cette corré-
lation peut être le résultat de mécanismes psychologi-
ques (réaction affective d’autant plus importante que le
déficit est sévère) ou biologiques (une lésion plus éten-
due a plus de probabilité de perturber les régions céré-
brales impliquées dans le traitement des états affec-
tifs). Dans une étude prospective portant sur une
population de 273 patients [13], examinés dans les pre-
miers jours après un premier AVC, nous avons trouvé
que les comportements de pleurs, conjointement à la
sévérité initiale du déficit, étaient des facteurs prédic-
tifs plus importants que la localisation lésionnelle pour
la survenue d’une dépression.
Bien que la pathogenèse de la dépression post-AVC
reste un sujet de débat, il existe un consensus sur le fait
qu’une dépression non traitée a un impact négatif sur
la récupération fonctionnelle [14-16].
Dépression vasculaire
La découverte d’une association entre la survenue
d’un syndrome dépressif dans la population gériatri-
que et la présence de lésions de la substance blanche,
probablement d’origine vasculaire (surtout dans les
régions frontales) et des noyaux gris de la base [17, 18]
a permis de postuler l’existence d’une dépression d’ori-
gine vasculaire, liée à une micro-angiopathie. Clinique-
ment, ces patients présentent des facteurs de risque
cardiovasculaire, manifestent une détérioration cogni-
tive modérée (plus spécifiquement un ralentissement
psychomoteur et un syndrome dysexécutif), une apa-
thie et une réponse peu favorable aux antidépresseurs
[19, 20]. Bien que le concept de dépression vasculaire
ne se base que sur des critères descriptifs, qu’il soit
sujet à des biais importants et qu’il reste mal défini en
termes étiopathogéniques, son intérêt scientifique et
clinique reste élevé. En effet, l’association fréquente de
troubles cardiovasculaires, de lésions cérébrales, de
troubles cognitifs et de symptômes dépressifs laisse
entrevoir un tableau complexe où chacune de ces per-
turbations peut progressivement faire émerger les
autres, qui à leur tour exacerbent les signes préexis-
tants, dans une spirale délétère de causes et d’effets
[21]. L’apparition de troubles thymiques chez la per-
sonne âgée, surtout s’ils sont associés à des perturba-
tions motrices (trouble de la marche, dysarthrie) doit
motiver la recherche de lésions vasculaires de la subs-
tance blanche.
Affects et thymie chez les patients aphasiques
Plusieurs types de réactions émotionnelles peuvent
s’observer suite à une perturbation du langage d’ori-
gine cérébrale. Le modèle classique de la psychopatho-
logie de l’aphasie postule l’existence, au sein de
l’hémisphère gauche, d’un gradient anatomique-
lésionnel de type antérieur-postérieur [22, 23]. Selon ce
modèle, les patients présentant une lésion hémisphéri-
que gauche antérieure, associée le plus souvent à une
aphasie de type Broca (avec agrammatisme et une
compréhension relativement préservée) sont ceux qui
manifestent le plus fréquemment des symptômes
dépressifs. En revanche, les patients porteurs d’une
lésion postérieure gauche, associée à une aphasie de
type Wernicke (caractérisée par des paraphasies verba-
les, un jargon et une compréhension pauvre) manifes-
tent souvent des comportements d’euphorie, d’agita-
tion psychomotrice et d’agressivité, ainsi que des
comportements délirants. Ces derniers patients ont un
certain degré d’anosognosie du déficit linguistique, de
façon similaire aux patients présentant une anosogno-
sie de l’hémiplégie (voir plus bas).
Dans le cas des symptômes dépressifs, on peut
retenir le rôle d’une réaction psychologique due à la
perte du langage. Il va sans dire que les patients ayant
une aphasie sévère non fluente, qui sont conscients de
leur déficit et qui ont un trouble limité de la compréhen-
sion, vivent une expérience extrêmement cruelle et
stressante. De fait, l’aphasie non fluente est considérée
comme un facteur qui prédispose à la survenue d’une
dépression dans les phases tardives de l’AVC [24].
Les réactions de catastrophe représentent un degré
plus sévère de frustration [25]. Ce terme désigne, dans
le cas de patients aphasiques, une intense réaction
émotionnelle face à l’incapacité d’effectuer une tâche
Psychopathologie des accidents vasculaires cérébraux
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 4, décembre 2005 237
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.