religion ? Parallèlement au courant bolzanien, il expose la force du courant herbartien. Exner est cité comme professeur à l'université
de Prague (1832-1848), et reconnu pour son rôle d'initiateur et de propagateur de cette philosophie. A son apogée, l'herbartisme est
illustré selon lui par Zimmermann, accompagné de Dastich et Durdík lui-même (über die Bedeutung der Lehre Herbarts, Prague,
1876). Tout ce qui s'est fait d'important en Bohème est selon lui d'inspiration herbartienne. L'auteur rappelle la fécondité de cette
pensée. Il mentionne K.F. Hyna, F. Cupr, F. Kvet, J. Dastich, J. Durdik, U. Kramar, O. Hostinský, J. Slavik, J. Lepar, E. Schulz, J.
Kapras, P. Durdik et Nahlowsky. Les titres des ouvrages sont cités en tchèque et traduits en allemand. Ils illustrent des domaines
variés d'étude, outre l'explicitation de la pensée même de son instigateur : la pédagogie, l'histoire des peuples (Cupr a écrit sur la
religion des indiens), l'esthétique (dont la musique), la psychophysique, mais aussi le rôle du sommeil et du rêve. La vivacité du
courant semble incontestable et surtout témoigne d'une volonté de prolonger sa pensée. Durdík accorde ainsi beaucoup d'importance
à la qualification de "système", au moment où la fin des systèmes idéalistes conduit selon lui à d'autres extrémités, à savoir nier l'esprit
lui-même, glorifier le néant et l'inconscient. Herbart est un "phare dans la tempête" ! L'influence immense de Herbart en Bohème
s'expliquerait par deux facteurs : la puissance de vérité de cette philosophie et l'esprit particulier des Tchèques, enclins à la pensée
exacte, aux mathématiques.
L'enjeu des combats philosophiques de l'époque est très prégnant dans ce texte de Durdik, nous retrouvons la même verve que
chez E. Winter lorsqu'il les décrit. Il insiste lui aussi sur l'importance de la Bohème, expliquant que, chez les Tchèques, Bolzano reçoit
l'appui de Havlicek, qui perd la partie face aux herbartiens, tel Cupr [36]. Il conclut en parlant de la perte du "combat" (Kampf) par
Bolzano en 1847, aussi bien sur le plan philosophique que territorial [37].
On en saurait parler de l'influence de l'herbatisme en Autriche-Hongrie sans parler de la Philosophische Propädeutik de Robert
Zimmermann. Appuyons nous pour commencer sur la présentation de E. Winter [38]. Tout d'abord, il faut prendre en compte les
liens affectifs très forts entre Bolzano et Zimmermann. Bolzano a marié ses parents, fréquenté sa famille, et fait de Robert son héritier
spirituel. Il dirige notamment son mémoire de 1844 sur la théorie des parallèles, et le félicite de sa comparaison des monadologies de
Herbart et de Leibniz. Comme le souligne Winter, Zimmermann a comme "bu dans le lait maternel" son amour pour Bolzano [39]. En
1849, il écrit une défense de Bolzano, über Bolzanos wissenschaftlichen Charakter und philosophische Bedeutung. Le discours que
prononce Zimmermann en 1852, lors de son investiture au poste de professeur de philosophie à l'université de Prague, intitulé "Was
erwarten wir von der Philosophie ?", est l'occasion de reconnaître sa dette à l'égard de Bolzano et d'Exner.
Selon Freuler, ce texte s'inscrit aussi dans la "crise" de la philosophie que connaît le dix-neuvième siècle après la mort des
systèmes spéculatifs [40] . Zimmermann développe une critique de la subjectivité, responsable du discrédit dans lequel est tombée la
philosophie. Il s'inscrit ainsi parfaitement dans le mouvement d'inquiétude qui parcourt la période, mouvement qui regrette la perte
de crédibilité qui touche la philosophie. Dans une optique maintenant connue, il exige la clarification des concepts (Verdeutlichung
unserer Begriffe, une science pure seule capable de lutter contre le relativisme qu'induisent les philosophies du sujet. La logique
semble donc l'antidote à la spéculation. Freuler voit à juste titre dans ce souci la double influence de Herbart et de Bolzano [41] , mais
ne semble pas prendre en compte la spécificité du contexte autrichien, et non allemand dans lequel s'inscrit ce texte. En revanche, il
est frappant de voir qu'il met en parallèle les positions d'Allihn et de Ziller dans son premier numéro et celles de Zimmermann. La
critique du "moi" est un thème commun.
Les manuels de la réforme scolaire des années 1850 seront un "mixte" des pensées de Bolzano en logique, notamment de la
Wissenschaftslehre et de la psychologie de Herbart [42]. Ainsi le livre que Zimmermann publie en 1849 devient à la fois le premier
manuel de la huitième classe de lycée et une vulgarisation de la pensée de Bolzano. Il connaîtra trois éditions allemandes (1853, 1860,
1867), une édition hongroise (dès 1864), une italienne (1864) [43], et des adaptations variées... Winter estime que l'esprit autrichien
sera donc imprégné de ces deux philosophies, sans être passé par des lectures de première main [44]. Zimmermann modifiera
substantiellement la deuxième édition en 1860 de sa Propédeutique. Il explique en effet dans son texte de 1855 Bericht über ein
bisher unbekanntes rechtsphilosophisches Manuscript eines österreisches Verfassers que son état est lamentable [45]. Zimmermann
remet ainsi en cause un enseignement jésuitique sclérosé et une censure affichée, ce pourquoi la réforme scolaire de 1848 apparaît
bien comme la volonté de mettre fin à cette période philosophiquement stérile. Ce témoignage est significatif tant il inclut Herbart
dans le renouveau de la philosophie autrichienne. Surtout il révèle l'absence d'histoire de la philosophie autrichienne en tant que telle
et le désir de la mettre au jour. Ce sujet lui tient à cœur puisque, à la fin du siècle, il le reprend, en 1889, en écrivant un article intitulé
"Philosophie und Philosophen in österreich [46]". Il reste cependant tout à fait difficile de dégager ce que Zimmermann garde de
Bolzano et ce qu'il reprend de Herbart. Mais ce personnage nous semble prouver si besoin est encore, que l'herbartisme est partie
intégrante de l'histoire de la philosophie autrichienne, dès ses débuts.
L'imbrication intellectuelle et institutionnelle de ces philosophies se remarque dans les rapports entre Robert Zimmermann et
Franz von Brentano (1838-1917). Zimmermann a accueilli avec plaisir la nomination de Brentano à l'université de Vienne en 1874,
s'est réjoui de son habilitation en 1880 et a déploré son départ en 1896. Zimmermann sera le seul professeur ordinaire pendant seize
ans, alors que justement Brentano a été obligé de refuser l'Ordinariat pour se marier, et attendra sa réintégration sans jamais l'obtenir.
Si Zimmermann ne pouvait se consacrer à ses recherches, il a eu une influence énorme sur ses élèves, et aurait même obligé Brentano
à supporter ainsi des références constantes de la part des élèves à Bolzano, ce que Brentano n'appréciait pas[47]. Meinong et Höffler
ont, par exemple, suivi la réforme scolaire et étudié dans le manuel de Zimmermann. Brentano a-t-il lu Herbart ? La question trouve
sa réponse dans sa Handbibliothek[48] : s'y trouvent Allgemeine praktische Philosophie (édition de 1808) et Allgemeine Metaphysik
(édition de 1828). Une bonne piste pour juger de la position de Herbart face à Brentano se trouve dans les écrits d'histoire de la
philosophie de Brentano. Nous en voulons pour preuve Geschichte der Philosophie der Neuzeitécrit vers 1870. Herbart y est cité à
plusieurs reprises, de manière peu flatteuse. Les pages 74-75 lui sont consacrées : Herbart est stigmatisé comme un héritier
"taumelig", titubant, délirant, chancelant. Il appartient lui aussi à la troisième phase de déclin de la philosophie, avec Kant, Hegel,
Fichte, Jacobi, Schelling, Schopenhauer.
Alois Riehl (1844-1924) est, comme le dit le titre de l'article de Pettoello, parti de Herbart pour aller à Kant… Riehl a suivi les
cours de Zimmermann à Vienne en 1862 –1863[49]. Entre ses Realistische Grundzüge (1870) et über Begriff und Form der
Philosophie (1872), Riehl change d'avis sur Herbart et passe de l'adhésion à la critique. Il semble que Riehl oscille entre des
interprétations subtantialistes ou fonctionnalistes de Herbart, les premières venant de son école [50]. Or il semble bien que ce soit la
deuxième branche de l'alternative qui soit la bonne, si nous voulons rester fidèles à Herbart. Riehl semble donc influencé par le
positivisme de son époque. L'intérêt de ce philosophe réside ainsi dans la manière dont il dessine un autre néokantisme que celui de
l'école de Marburg [51]. Il faut noter cependant, que l'installation en Allemagne de Riehl, notamment à Berlin en 1905 où il fut
professeur, ne lui permit pas d'influencer de manière considérable la philosophie autrichienne [52].
Par ailleurs, Herbart est cité à plusieurs reprises dans les œuvres d'Ernst Mach [53]. Bien plus, Herbart est cité lors de
déclarations stratégiques, où Mach explique la genèse de sa pensée [54]. Nous lisons ainsi dans l'Analyse des sensations [55] : "Avec