
restrictions de souveraineté imposées aux autres états ne les concernaient pas. Ils avaient tous
les moyens de conduire une politique économique. Ces moyens n’auront pas suffi: le
déséquilibre les a surpris. D’où vient cette instabilité ? De l’alternance de situations de
développement, financé par le crédit, avec les situations de récessions où l’économie est
ralentie et génère crises, reconversion et chômage. La décennie de crise 1929-1939 aurait dû
faire comprendre aux États que leur rôle était de prévoir, lutter, amortir cette alternance de
situation et que, partant les États doivent utiliser des moyens de contrôle proportionnés. Mais
l’idéologie libérale se heurte aux institutions et principalement aux États. C’est pourquoi, en
1944, la Conférence de Bretton-Woods revient sur la même politique. Cette conférence, qui
réunit les puissances alliées, constate que le moribond américain des années 30 est en position
hégémonique. Les U.S.A. possèdent 70 % des réserves mondiales d’or (80 % en 1945). La
conférence entérine les principes du système monétaire international définis à Gênes en1922
et instaure définitivement la convertibilité des monnaies entre elles à une parité fixe. Ce qui
signifie que les États perdent leur prérogative de fixer de manière indépendante la valeur de
leur monnaie. Ils ne sont plus souverains en matière monétaire : ils dépendent du Fonds
Monétaire International (F.M.I.) qui orchestre les paiements internationaux : les échanges
commerciaux peuvent être réglés en or, ou en devises convertibles en or (dollar ou livre
sterling).
Le dollar s’impose toujours plus en tant que monnaie internationale, du fait de
l’importance de l’économie américaine, mais aussi du seul fait que le dollar est déclaré
convertible en or (35$ l’once). Il devient, irrésistiblement, l’étalon des monnaies, le centre du
système monétaire international, la monnaie de réserve (parce que assimilable à des réserves
d’or).
La livre sterling, du fait de sa dette publique au lendemain de la guerre, n’a pas vraiment
joué le rôle de monnaie de réserve. Quant au dollar, il y renonce sous Nixon, en1971. Voici
pourquoi.
L’idée de convertibilité du dollar en or était fondée sur la puissance économique d’une
Amérique riche, face aux pays européens exsangues d’après guerre. Les États-Unis
possédaient un stock d’or de quelques 20 milliards de dollars destinés à couvrir 5 milliards de
dollars en circulation à l’étranger. Mais, dès 1947 apparaît l’eurodollar. Le terme « euro »
vient de la première banque qui a créé des eurodollars, la Banque Commerciale de l’Europe
du Nord (code télex « Eurobanque »). Le mécanisme est le suivant : un exportateur européen
vend des biens pour 10 millions de dollars à une firme américaine. L’exportateur dépose le
paiement reçu sur un compte en dollars, dans une banque commerciale située à Londres ou
ailleurs. À partir de ce dépôt, la banque peut accorder à n’importe qui un crédit en dollars. Ces
dollars prêtés sont des eurodollars que rien ne distingue de dollars associés à une transaction «
biens contre monnaie ». Pourtant, ces dollars sont créés sans contrepartie. L’erreur du public
non averti est de croire que les dollars prêtés existaient réellement et physiquement dans les
caisses de la banque. On croit, par exemple, que la banque, lorsqu’elle prête, débite un
compte. Il n’en est rien. Elle crée, ex nihilo, de la monnaie. Les principaux demandeurs sont
les établissements de crédit américains et les entreprises de taille internationale qui cherchent
à échapper aux restrictions de crédit.
On l’aura compris : l’eurodollar est une création de monnaie hors de tout contrôle et de
toute législation. La masse des eurodollars grimpe vertigineusement. En 1971,
l’administration Richard Nixon voit que l’Amérique ne pourrait jamais convertir tous ces
dollars en or, si jamais un État le réclamait (comme de Gaulle avait menacé de le faire
quelques années plus tôt). Aussi, sans consulter personne, brusquement et unilatéralement, les
États-Unis déclarent le 15 août 1971, que le dollar n’est plus convertible en or. Voilà un bel
exemple historique du sens de la légalité internationale.
L’économie des faux-monnayeurs - Michel Tougne http://www.civitas-institut.com
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