N OUVEAUTÉS TRAITEMENTS ANTI-DIABÉTIQUES ET INSUFFISANCE RÉNALE Pr Roussel – Diabétologie – Groupe Hospitalier Bichat-Claude Bernard - Paris Le choix thérapeutique s'est élargi récemment chez les patients avec fonction rénale altérée, et cette évolution va se poursuivre. Ainsi, la molécule recommandée de première intention dans le diabète de type 2 est la metformine. Du fait de son élimination rénale et de la crainte de son accumulation et de la survenue d'une acidose lactique, les recommandations la contre-indiquaient dans l'insuffisance rénale modérée, avec différents seuils selon les pays. Cette crainte semble pour l'essentiel infondée selon les multiples études observationnelles conduites ces dernières années, et il est probable qu'elle a constitué une perte de chance pour de nombreux patients, la metformine étant associée avec un bénéfice cardiovasculaire propre dans l'essai randomisé majeur UKPDS et plusieurs études observationnelles. Les recommandations britanniques ont ainsi récemment indiqué que la posologie de la metformine devait être réduite de moitié en dessous d'une clairance estimée de 50 ml/min/1,73m2, repoussant la contre-indication en dessous de 30. Les sulfamides de brève durée d'action et des analogues des sulfamides, les glinides, ont été utilisés dans plusieurs essais randomisés chez des patients en insuffisance rénale y compris sévère voire en suppléance, et leur utilisation semble préférable, en terme de sécurité (fréquence et sévérité des hypoglycémies) à celle des sulfamides de longue durée d'action. Les incrétines sont des hormones produites par le tube digestif en réponse à la prise alimentaire. Parmi leurs cibles figurent les cellules beta et alpha, avec pour effet la potentialisation de la sécrétion d'insuline et la répression de celle de glucagon. La concentration de GLP-1 (Glucagon-like peptide-1), l'une de ces incrétines, est abaissée dans le diabète de type 2, ce qui a ouvert une voie thérapeutique. Des agonistes peptidiques du récepteur du GLP-1 sont disponibles (liraglutide, exénatide). Leur effet sur l'HbA1c est assez puissant (-1 à 2% en général) et ils ont aussi en moyenne un effet de réduc- Session 2 Le diabète de type 2 est fréquent chez les patients avec fonction rénale altérée, et ce d'autant plus que l'atteinte rénale est sévère. De multiples facteurs contribuent à cette association : des facteurs de risque sont communs, comme l'âge, d'autres sont des liens de causalité, comme certains traitements utilisés chez les insuffisants rénaux ou réciproquement le développement d'une néphropathie diabétique. La prise en charge d'un diabétique avec insuffisance rénale pose notamment la question des objectifs glycémiques (HbA1c, glycémies à jeun et éventuellement post-prandiales, évitement obligatoire ou simplement souhaitable des hypoglycémies), et la question corollaire du choix de ma molécule ou des molécules. Les recommandations KDOQI ont confirmé que l'objectif glycémique était une HbA1c < 7 %. Plus récemment encore, les sociétés savantes américaine et européenne de diabétologie (ADA/EASD) ont publié un consensus s'écartant des algorithmes classiques conduisant à une escalade thérapeutique automatiquement déclenchée par une HbA1c au dessus d'un seuil donné ; elles ont privilégié une approche qualifiée de "centrée sur le patient", qui intègre les comorbidités dans l'établissement du caractère plus ou moins intensif des objectifs et des moyens que l'on mettra en oeuvre. On fera simplement l'exposé des principes de ce soin sur mesure. 17 R. Roussel tion pondérale (la réponse sur ce plan est très variable et pas nécessairement corrélée à la réponse sur l'HbA1c). Ce dernier effet tient en partie aux nausées qui accompagnent le traitement à son initiation, liées au ralentissement puissant de la vidange gastrique, et aussi peut-être à un effet anorexigène central. Quoiqu'il en soit cette classe thérapeutique ne constitue pas une option à privilégier chez les insuffisants rénaux (probablement <50 et en tous cas <30) chez qui la perte pondérale n'est pas nécessairement associée à un meilleur pronostic ; de plus des cas d'insuffisance rénale aiguë ont été rapportés, en rapport avec l'effet sur la volémie des troubles digestifs probablement. Des molécules administrées oralement, les gliptines, inhibent l'enzyme catalysant la dégradation du GLP-1 (la dipeptidyl peptidase 4) et augmentent ainsi modérément les taux de l'hormone. De ce fait, ces médicaments ont un pouvoir anti-hyperglycémique modéré (-0,7 à -1% sur l'HbA1c), mais une excellente tolérance. Elles partagent aussi avec les agonistes du récepteur du GLP1 de ne pas induire d'hypoglycémie, le GLP-1 étant sans effet sur la sécrétion de l'insuline en dessous des valeurs glycémiques normales. Les données rapportant le maintien de cet effet anti-diabétique et de cette tolérance chez l'insuffisant rénal s'accumulent, y compris chez le dialysé. Selon les caractéristiques des nombreuses molécules de cette classe disponibles ou qui le seront bientôt, une adaptation de la posologie est nécessaire ou non en fonction de la clairance. Une dernière classe d'anti-diabétiques va prochainement accéder au marché français, les inhibiteurs du cotransporteur sodium glucose SGLT2. Leur principe est donc d'être glycosuriant. Des 18 bénéfices ont été observés dans les essais de développement : réduction de quelques millimètres de la pression artérielle systolique, perte pondérale via la perte calorique urinaire, et pas plus d'hypoglycémies que le placebo, en monothérapie. Comme on peut l'anticiper, l'effet thérapeutique est réduit par la perte néphronique, et cette classe ne sera pas pertinente dans l'insuffisance rénale sévère. Un autre point d'intérêt pour le néphrologue est la tolérance de cette classe : la glycosurie augmente le risque d'infection génitale fungique et d'infection urinaire. Au delà des effets anti-hyperglycémiques de ces classes, leur sécurité sur le plan rénal, voire pour certaines les vertus néphroprotectrices particulières que des indices leur attribuent ouvrent des perspectives d'études intéressantes.