Cycle « encres fraîches » 2015/16 pour une plate-forme mutualisée d’accompagnement des auteurs de théâtre en Ile-de-France A Mots Découverts – Théâtre de l’Aquarium / Théâtre de Rungis / Théâtre des DeuxRives à Charenton La nécessaire mutualisation des pratiques pour intégrer l’auteur écrivain dans le champ de l’expérimentation scénique. Les auteurs de théâtre en France, c'est connu, sont en très large partie "emprisonnés" dans le champ littéraire, producteurs d'oeuvres qui un jour, peut-être, seront montées si un artiste de plateau s'intéresse à elles. Ils sont globalement déconnectés des processus de création scénique, condamnés au génie solitaire et si jamais ils ressentent le besoin, tout comme un compositeur, de confronter leur travail à l'instrument, c'est à dire à la mise en jeu et au plateau, les voilà la plupart du temps démunis, isolés, ne sachant vers qui ou vers quel dispositif se tourner. Depuis des années, la nécessité de rétablir le lien entre processus d'écriture et réalité scénique semble pourtant au centre du travail de création : partout émergent des écritures dites "de plateau", qui loin des enjeux de belle langue, de répertoire ou de littérature misent sur le jeu, la situation, le ici et maintenant et la parole active avec les mots d'aujourd'hui, en prise directe avec notre société. Ces écritures sont avant tout le fait de collectifs et d’équipes de création nées du plateau... Les auteurs écrivains face à tels mouvements restent (c’est ce qui apparaît) une fois de plus démunis : sans équipes artistiques et sans lieux, ils semblent pour la grande majorité contraints de laisser encore et toujours passer le train de la création, objet des financements et des attentions publiques... L’hypothèse est que seule une mutualisation des pratiques peut apporter à ces auteurs écrivains l’espace de recherche et d'expérimentation dont ils manquent, pour éprouver, affiner, valider, qui de nouveaux codes de jeu, qui une structure narrative, qui une langue, qui une dramaturgie, qui de nouvelles conventions... C'est dans cet esprit qu'A Mots Découverts oeuvre depuis ses débuts : collectif de comédiens, metteurs en scène, dramaturges mettant leur pratique à la disposition de celles et de ceux qui écrivent et structure intermédiaire qui par son assise peut mobiliser les lieux, les institutions et les pouvoirs publics. La très grande majorité des auteurs, du fait de leur isolement, ne peuvent solliciter à eux seuls de tels partenaires pour avoir accès au plateau sans enjeu de création, simplement pour écrire... La vocation d'A Mots Découverts est de le pouvoir pour eux. Cycle « Encres Fraîches » 2015/16 : création d’une plate-forme mutualisée d’accompagnement des auteurs en Ile-de-France. L’objectif du présent projet est celui-ci : fédérer théâtres et artistes autour des enjeux de l'écriture aujourd'hui, au sein d'une plate-forme d'accompagnement. Une architecture à l'économie souple et mutualisée favorisant les croisements et l'enrichissement mutuel des pratiques et surtout susceptible de donner un nouveau souffle aux processus d'écriture. Cette mise en réseau est inédite par son aspect mutualisant par rapport au dispositif habituellement mis en place par A Mots Découverts. Elle a pour but de poser un acte fort susceptible d’engendrer une dynamique sur le territoire francilien qui permettrait chaque année à différents lieux de s’insérer dans une chaîne de mise en circulation et d’accompagnement de l’écrit et de recomposer ainsi le lien trop souvent rompu entre écriture, artistes et activité scénique... Qu’est-ce qu’une résidence d’auteur accompagnée ? A la différence d’une résidence classique qui propose l’isolement d’écriture, elle est la possibilité pour un auteur d’être accompagné dans le temps de l’écriture par une équipe artistique formée pour l'occasion au sein d’un théâtre en activité, afin d'expérimenter au plateau un projet d’écriture en lien avec l’acteur, et ainsi de bénéficier d’un espace de recherche dont il est habituellement privé. Elle est aussi la possibilité pour des artistes de plateau d’expérimenter autrement leur pratique (jeu, dramaturgie) en se mettant au service d’une écriture en cours et en réfléchissant concrètement avec l’auteur aux enjeux de ce que veut dire écrire pour le théâtre aujourd’hui. Acteurs de la résidence : Un auteur voulant travailler autrement sur un nouveau projet d'écriture Des comédiens aguerris au travail de chantier et d'expérimentation Un accompagnateur dramaturge, assistant l'auteur dans ses questionnements et dans la direction du plateau Mode opératoire (aller / retour à chaud entre l’ordinateur et le plateau): L'auteur arrive avec une première matière, éprouvée à la table par une lecture à voix haute (sur le principe d'un comédien par personnage) et débattue collectivement pour que soient dégagées le maximum de pistes d'écriture ou de réécriture. Puis l'auteur écrit seul. Puis l'équipe s'empare du texte en l'état et le met en jeu texte en main au plateau sur une première session de plusieurs jours, propose, teste, interprète - un travail de croquis sans cesse remis en question et sans enjeu de mise en scène - . Objectif : renvoyer à l'auteur ce qui fonctionne, ce qui résiste, ce qui interroge et ce qui convainc... Puis l'auteur écrit seul. Puis l'équipe artistique s'empare du texte en l'état et le remet en jeu au plateau sur une seconde session de plusieurs jours ... etc jusqu’à la fin du temps de résidence. Bénéfice pour l'auteur : Ne pas (ne plus) écrire seul, expérimenter le dialogue critique avec des artistes de plateau Eprouver la « théâtralité » de son écriture, travailler en se laissant traverser physiquement par son écriture et par l'expérience de son incarnation Expérimenter (comme les metteurs en scène) le rapport contradictoire avec le plateau, se défaire du fantasme au profit de la réalité du jeu scénique Résoudre in situ les questions de dramaturgie, de conventions, de construction, de rythme et de codes de jeu Gagner du temps et appréhender via l’expérience du plateau la globalité d’un projet scénique De manière plus générale, gagner en confiance en expérimentant le « désir » de jeu exprimé in situ par les comédiens, redonner du souffle à son travail, se donner les moyens d’aboutir, s’armer pour mieux défendre son travail, y croire... Pourquoi les comédiens d’A Mots Découverts : Ils sont neutres et n’engagent pas l’auteur quant au devenir du texte (autrement dit : ils ne demandent pas qu’on écrive pour eux et respectent de ce fait l’autonomie de l’œuvre) Ils sont aguerris à l’exercice de l’analyse dramaturgique dans le temps de l’écriture de par leur engagement à l’année au sein d’A Mots Découverts. Ils connaissent l’endroit spécifique du travail requis par l’accompagnement en jeu (sans enjeu d’ego personnel et de représentation, au service de l’écriture) Le temps de la collaboration entre chaque auteur et chaque théâtre Le présent cycle a aussi pour objectif d’associer des auteurs en écriture à des théâtres en activité et ainsi de créer un lien dynamique entre l’écriture, les artistes, les structures et les publics, permettant aux auteurs de mieux s’inscrire dans la vie citoyenne et professionnelle et donc d’être protagonistes à part entière de l’activité théâtrale en lien avec un territoire. Mode opératoire de la collaboration auteurs / théâtres : Chaque théâtre fixe en toute indépendance avec l’auteur le cahier des charges de la résidence et détermine le budget afférent. Ce cahier des charges peut prévoir : Des ateliers d’écriture Des interventions auprès des publics (scolaires, amateurs...) L’ouverture des portes du chantier à des publics ciblés (inclus rencontres et débats autour du travail en cours) L’investigation auprès d’acteurs de la vie locale en fonction des besoins d’écriture (entreprises, associations...) Ces programmes sont actuellement à l’étude pour chaque théâtre... Comment s’organisera la plate-forme et la mutualisation ? Le collectif A Mots Découverts, maître d’œuvre du projet au service des auteurs et des théâtres partenaires : • • • • être force de proposition pour le choix des auteurs et du projet d’écriture. AMD propose que l’auteur soit choisi parmi celles et ceux que le collectif accompagne dans le cadre de son travail à l’année de comité de lecture et de laboratoire. L’association propose ainsi au théâtre un certain nombre de textes à lire et d’auteurs à rencontrer pour que le théâtre puisse au final établir son choix (voir plus loin). constituer l’équipe artistique accompagnante encadrer et organiser le travail d’accompagnement de l’auteur dans le temps de la résidence et ainsi permettre aux auteurs et aux théâtres partenaires d’être dans des pratiques compatibles et cohérentes entre elles favorisant les échanges artistiques : apport et mise en circulation du savoir-faire et du travail d’expertise, organisation des calendriers et des temps publics... créer un collectif artistique « éphémère » formé par les auteurs résidents et les artistes accompagnateurs, voué à circuler au sein des trois lieux partenaires sur le temps d’un trimestre... L’implication des théâtres partenaires : • Accueillir un socle commun d’accompagnement au plateau pour chaque résidence : Durée minimale : 10 jours, répartis sur une seule ou plusieurs périodes. Durée globale de la résidence : de 15 jours à 2 mois Objectif : l’expérimentation de l’intégralité du projet d’écriture Equipe artistique accompagnante : comédiens et conseiller dramaturge, membres du collectif A Mots Découverts (la constitution de l’équipe dépend des besoins du projet en matière de distribution) • • Définir avec chaque auteur résident un programme d’action artistique et culturelle spécifique à chaque lieu en lien avec le territoire Permettre l’organisation de rendez-vous et de communications communes La circulation au sein de la plate-forme et les actions communes : • • • • • Permettre aux auteurs sur des temps de résidences simultanés de circuler d’un lieu à l’autre et de s’enrichir ainsi du travail accompli au sein de chaque chantier, l’accompagnateur de cette circulation étant le collectif A Mots Découverts Permettre aux auteurs d’assister aux rendez-vous réguliers du laboratoire A Mots Découverts (séances de travail à la table hors résidences) et ainsi de découvrir toujours plus de nouvelles écritures Permettre aux auteurs d’assister (gratuitement) aux spectacles et évènements programmés dans les trois théâtres partenaires sur le temps du programme de résidences et de rencontrer ainsi les équipes Organiser des temps de rencontre communs entre auteurs et publics des trois lieux partenaires (dispositif tournant) Permettre dans les temps de restitution du travail artistique accompli (présentations publiques des textes mis en chantier) de faire entendre aux publics des trois lieux partenaires l’ensemble des écritures accompagnées. Organisation de restitutions communes. • Organiser une communication commune et « globale », chaque théâtre partenaire informant son public sur l’ensemble de l’opération incluant les résidences dans les autres théâtres. Une mutualisation financière : • • L’accompagnement des écritures est un principe de travail qui appelle spontanément l’esprit de mutualisation, les budgets pour la création étant consacrés en quasi-totalité aux productions de spectacles, il est difficile pour un théâtre de mobiliser à lui tout seul la totalité des moyens nécessaires à une telle mise en œuvre : la philosophie du présent projet est donc d’unir les forces d’opérateurs travaillant à des endroits différents pour que puisse exister ce temps de travail et de recherche nécessaire aux auteurs. Les contributions de chaque partenaire seront : Pour les théâtres : mise à disposition d’espaces de travail et de moyens techniques et logistiques, rémunération de l’auteur dans le cadre des actions culturelles programmées avec lui, travail auprès des publics, communication Pour A Mots Découverts : apport de l’expertise et du savoir-faire en matière d’accompagnement des écritures, mobilisation des moyens humains et artistiques nécessaires à la mise en œuvre de la plate-forme, rémunération des intervenants artistiques accompagnateurs. Trois théâtres partenaires – trois auteurs en résidence NB : les trois auteurs auxquels sera dédié ce premier dispositif de plate-forme n’ont jamais bénéficié de résidences accompagnées. Ce sera pour eux la découverte d’une nouvelle manière de travailler et de mettre en partage leur travail d’écriture... Le Théâtre de l’Aquarium – direction François Rancillac Auteur en résidence : Julien Mabiala Bissila (Congo Brazzaville) Né à Brazzaville, il participe à plusieurs créations du Théâtre des Tropiques et du Saka-Saka Théâtre avec le dramaturge Jean Jules Koukou et Abdon Khoumba. Après plusieurs années d’errance dans la forêt, au sortir de la guerre, il écrit plusieurs pièces dont Crabe Rouge (Hommage aux disparus du Beach). Il crée la compagnie Nguiri-Nguiri Théâtre en 2002 et met en scène ses textes Le Musée de la honte, La Dernière chance ainsi que des textes d’Emmanuel Dongala adaptés à la scène. En Europe, il est accueilli par le théâtre du Vieux Colombier dans le cadre de son programme « Ecritures d’Afrique » dans La mort vient chercher chaussures de Dieudonné Niangouna, mise en scène de Martin Ambara et, en 2009, comme comédien par le Théâtre des Bernardines à Marseille sous la direction d’Eva Doumbia. Sa pièce Crabe rouge est présentée pour la première fois à Brazzaville au festival Mantsina sur scène puis en France, mise en espace au théâtre du Rond-Point à Paris, à Limoges dans le cadre des Nouvelles Zébrures 2010 et enfin au théâtre des Bernardines/ festival Actoral. En 2011, il obtient la bourse du festival des Francophonies et réside à la Maison des auteurs. Sa pièce Au nom du Père du fils et de J.M. Weston (édition Acoria), accompagnée par le collectif A Mots Découverts, est lauréate des Journées de Lyon des es auteurs de théâtre 2011. La pièce est lue et mise en espace aux 29 Francophonies en Limousin, puis à Avignon 2013 avec Rfi dans le cadre de « ça va, ça va l’Afrique » puis sur France culture, Festival contre-courant, Festival dramaturgie en dialogue (Montréal) Francophonies en limousin 2013… En septembre 2014, il est le lauréat du premier Prix RFI Théâtre avec sa pièce Chemin de fer. Au nom du Père du fils et de J.M. Weston sera en création à l’automne 2015 au Tarmac à Paris, mise en scène par l’auteur. Aujourd’hui, il collabore chaque année avec plusieurs villes en France dans le cadre des résidences d’écritures et de recherches. Marseille (Résidence d’écriture et de création dans le cadre du projet "Chemin faisant" avec La Cité. Rennes (Résidences au Lycée Bréquigny) avec le MIDAF. Metz (Résidence « Ma nostalgie » compagnie Astrov). Limoges (Laboratoire de recherche avec le collectif Zavtra). Lyon (Théo Argence). Autres partenaires pressentis : RFI et l’association Beaumarchais. Le Théâtre de Rungis – direction Bruno Cochet Auteur en résidence : Simon Grangeat Simon Grangeat est auteur et metteur en scène. En 2011, il reçoit l'aide à la création du CNT pour T.I.N.A. - Une brève histoire de la crise, créé par la compagnie Cassandre en 2012. Son texte est mis en lecture par le bureau des lecteurs de la Comédie Française (2012) ainsi que par le collectif À Mots Découverts, dans le cadre des mardis midi du Théâtre du Rond-Point (2013). Le texte est également lu en 2013 au CDN d'Angers. En 2011 également, il mène une résidence au sein du Parc Naturel Régional de la Brenne (36), pour écrire Entre les herbes folles, texte de plein air destiné au jeune public (F.O.L. de l'Indre). En 2012, il participe au projet Binôme #3, mené par la compagnie Les Sens des mots. Divines désespérances, texte écrit à cette occasion, est lu au festival d'Avignon (2012) et au théâtre du Rond-Point (2012). Durant la saison 2012-2013, il mène une résidence d'écriture à Bourges, sur invitation des éditions Mille univers. Lors de cette résidence, il écrit Le Grand Yaka, texte destiné au très jeune public. Parallèlement aux créations, il développe de nombreuses actions autour de la lecture et de l’écriture du texte contemporain et coordonne depuis 2010, la partie régionale du prix Collégien de Littérature Dramatique (Collidram), organisé nationalement par l’association Postures. A Mots Découverts a également accompagné sa dernière pièce : Le Cœur Moulinex Le Théâtre des Deux-Rives / Charenton-le-Pont – direction Corinne Dartiguelongue Autrice en résidence : Aurianne Abécassis Après un Master d’Etudes théâtrales, est formée au conservatoire de Bobigny (jeu), puis intègre l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (Ensatt - département d’écriture dramatique). Pour le théâtre, elle écrit entre autre le triptyque Ça nous intéresse / Dans ton paysage / Le meilleur bleu; la série théâtrale Addictions/Manifeste (dernier refuge). Le Meilleur bleu, accompagné par A Mots Découverts, est par ailleurs diffusé sur France Culture. Pour la marionnette, elle écrit notamment Parcours de santé, et Espèces d’oiseaux [C'est vrai qu'il y a les rêves aussi]. Elle entame aujourd’hui une collaboration artistique avec la compagnie Fonction Mu, pour laquelle elle écrit Ce qu’on essaye avec. Parallèlement, elle finalise l’écriture de La Confiance, avec une bourse du CNL, une résidence d’écriture au Centre des écritures dramatiques Wallonie-Bruxelles et une deuxième résidence à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon. La Confiance est également accompagnée par le collectif A Mots Découverts et fait l’objet d’une lecture publique dans le cadre du festival Les Hauts Parleurs (nov 14 au Grand Parquet) organisé par l’association. Aurianne Abécassis fonde en 2014 avec Marc-Antoine Cyr, Solenn Denis, Jérémie Fabre et Clémence Weill le club ACME. Par son écriture, elle poursuit une recherche autour du frottement entre l’engagement individuel et l’engagement collectif. Périodes envisagées : une durée de 1 à 2 mois entre novembre 2015 et février 2016 Restitutions publiques (dispositif tournant entre les trois lieux) : février 2016 Annexe 1 - témoignages A propos d’A Mots Découverts Témoignage de François Rancillac Ce sont des auteur(e)s ayant eu la chance de profiter d'une "Encre fraîche" pour débloquer telle pièce en souffrance, pour aboutir tel projet d’écriture qui se perdait en route, et pour l'achever enfin, qui m'ont les premiers vanté les mérites d'A mots découverts (AMD). Arrivant en 2009 à la direction du Théâtre de l'Aquarium que je rêvais (en toute fidélité à ses origines) être une maison dédiée autant à la création théâtrale qu'à l'espace/temps (plus discret mais non moins indispensable) de la formation, de l'expérimentation, du chantier, et du travail en cours, j'ai tout de suite pris langue avec ce collectif (si pertinemment animé par Michel Cochet) pour nouer nos préoccupations et passions communes, ses besoins et nos possibilités. Voilà donc trois ans que nous collaborons autant que possible. J'ai pu éprouver à travers tous nos projets organisés en commun durant ces trois années, à la fois la disponibilité et l'engagement des membres d'AMD, la finesse de leur travail et de leur approche, toujours soucieux de se mettre au diapason des différentes écritures qui les réunissent, l'exigence et la générosité de leur regard, intransigeant mais éminemment respectueux, pour permettre à l'auteur(e) d'avancer au mieux dans son geste d'écriture. J'ai les ainsi vus à l’œuvre, à l'écoute et au service autant de tout jeunes auteurs - comme Bilia Bah (venu de Guinée-Conakry), Hilaire Dovonon (Bénin), Gehanne Khelfallah (Algérie/Maroc), Martin Bellemare (Québec),... - que d'auteurs expérimentés et aguerris (comme le québecois Jean-François Caron, par exemple). Et chaque fois, quand résonnait enfin la pièce achevée lue ou mise en espace pour le public en fin de parcours, c'était une fête de découvrir l'immense chemin parcouru par nos auteur(e)s en deux tout petits mois de résidence. A ma connaissance, A Mots Découverts est la seule instance en France à s'être ainsi spécialisée dans l'accompagnement des auteur(e)s en cours d'écriture - se battant avec acharnement contre cette vieille idée "romantique" (et ringarde) qu'un(e) auteur(e) de théâtre a le théâtre dans le sang ou ne l'a pas, et qu'une pièce, ça s'écrit comme un roman, entre soi et soi à sa table de travail - et que le génie parle !... Non, écrire pour le théâtre nécessite une connaissance concrète et sensible de ce qu'est un plateau habité par des comédiens, des corps, des voix, un plateau qui émet des signes en résonance avec les mots écrits sur la page qui deviennent ce qu’ils doivent être : des paroles vivantes sur scène. La rencontre avec les interprètes est donc indispensable pour comprendre "de l'intérieur" les jeux et les enjeux de l'écriture théâtrale. Bilan Encre Fraîche « Hina et Owen » - Octobre 2013 – Théâtre de l’Aquarium Lorsque je prépare soigneusement ma fable, mon plan, j’ai constaté que le résultat me déçoit toujours. Mon but n’est pas d’écrire vite quelque chose qui tient la route et me déçoit. Aussi, je prends le risque de m’empêtrer. J’étais empêtré dans le texte de Hina et Owen lorsque je l’ai présenté au collectif. Je ne pensais pas l’être autant. Pire : je ne l’étais pas là où je croyais l’être. Il ne fallait pas moins d’une Encre Fraîche pour me tirer de là. Après une lecture à la table, Michel Cochet, le dramaturge, m’a livré son expertise (très pertinente, je dois bien le dire), puis nous sommes passés au travail sur le plateau avec les comédiens, Carole Leblanc et Hervé Laudière. Michèle Énée, co-autrice de la pièce, était présente. Le plateau crée un effet de grossissement du texte, je trouve. Les imperfections sautent aux yeux. Les passages qui ne tiennent pas debout, de fait, s’écroulent. Ce qui manque manque de façon plus criante que sur le papier. Et si un défaut indéniable continue d’échapper à l’attention de l’auteur abasourdi, il est peu probable qu’il échappera à celle du dramaturge, des comédiens, et des membres du collectif. J’ai pu, durant cette semaine, simplifier et clarifier la fable, préciser les personnages et améliorer plusieurs scènes. L’énergie de ce chantier a continué de nous porter, Michèle Énée et moi, durant un bon mois. Tristan Choisel Autres témoignages d’auteurs Jean-François Caron (Québec) – Point de rupture … Voici le texte, je n'aurais pu l'écrire avec autant de concision sans vous. Peut-être relèverez-vous encore quelques pollutions, vous me direz, comme vous me direz si toutes les chevilles sont, à vos yeux, bien posées pour la compréhension planétaire du texte. Je ne sais pas comment vous remercier pour la générosité que vous avez mis dans ce chantier, qui fut pour moi une expérience de théâtre vraie, profonde, intense et intelligente. … On rigole avec la con-fiance, mais sans celle que vous m'avez accordée, j'en serais pas où j'en suis avec le texte (et je sais de quoi je parle!). Je n'ose imaginer la tête que vous fîtes à la toute première lecture du chaos. Ça fait peur à beaucoup de monde de travailler ainsi, mais c'est ainsi que je travaille. Te dire l'importance de ce chantier pour moi serait un 'understatement'. J'espère pouvoir retravailler avec À mots un jour. Ça, seul l'avenir le dira, mais l'avenir, je ferai tout pour lui donner une direction propice à la création. Eric Durnez - Bamako J’ai été très heureux du travail effectué avec AMD. J’y suis intervenu comme metteur en scène de mon texte avec des acteurs talentueux et disponibles. Les échanges étaient très fins et j’ai senti dans l’équipe une véritable envie de défendre le texte et de l’interroger. Ce fut pour moi une expérience importante qui m'a redonné confiance à une période où j’en manquais singulièrement. L’esprit de « laboratoire » me convenait parfaitement. Karin Serres – Reviens Rose reviens AMD a ouvert deux portes dans mon quotidien de travail d’auteur de théâtre : - celle du plateau, des voix, des corps qui font irruption dans l’écriture mentale - celle d’un collectif vivant dans la solitude du travail. Encre fraîche m’a donné un formidable élan. Une confiance dans mon écriture théâtrale, dans son retravail long, nécessaire, vital, même et dans le fait qu’elle pouvait vraiment être relayée par d’autres sur scène, incarnée, immédiatement, même à peine sèche… Christophe Tostain – Histoire de chair L’expérience de l’Encre fraîche a été d’une très grande richesse car à force de discussions et d’expérimentation par la lecture, cela m’a permis de trouver les réponses aux questions que je me posais. William Pellier – Grammaire des mammifères Je pense que mentalement je me suis projeté dans le mode de fonctionnement de l’Encre fraîche, telle qu’on me l’avait présentée, pour écrire la Grammaire. Un an allait encore s’écouler avant que ne débute réellement cette Encre fraîche. Mais déjà, au fur et à mesure que j’avançais dans le texte, j’imaginais réellement un groupe de personnes dans un espace clos en train de s’interroger sur le sens de leur présence et de leurs paroles, et leur tentative pour construire une sorte de représentation publique à partir de leurs questionnements. D’ailleurs, la structure du texte s’apparente métaphoriquement au déroulement d’une création théâtrale : comédiens qui se présentent, séance de concentration collective, interrogations sur ce que l’on peut donner à voir ou à entendre, construction de petites scénettes, apparition progressive de petites scènes et de personnages, apparition d’une spectatrice. L’essentiel de la réécriture ne se joue pas au niveau de l’intrigue, de la logique des événements ou de la progression psychologique, puisque la Grammaire ne s’y intéresse pas. Il s’agit plutôt de clarifier le fonctionnement de la mécanique d’un texte qui s’apparente à une machine à jouer. Il s’agit aussi de comprendre comment fonctionne le théâtre et à quoi il sert. L’aspect le plus important pour moi est l’observation des comédiens dans les instants où ils jouent et ne jouent pas : leur implication dans l’action, les tentatives, les moments d’attente, la fatigue, la lassitude, l’incompréhension, le laisser-aller, l’énergie collective, la complicité. Voir les comédiens sur scène donne forme à des intuitions que j’avais sur le texte. Je cherche à trouver une façon de faire apparaître le comédien qui se cache derrière le personnage et la palette de comédiens que m’offre AMD (jeune, vieux, grand, petit, nerveux, flegmatique…) m’offre un petit panorama de types psychologiques... Annexe 2 – précisions concernant l’association A Mots Découverts A Mots Découverts est une aventure née du terrain, en l’occurrence de la volonté d’artistes convaincus de la nécessité de combler un manque dans la pratique existante, à l’endroit du lien entre auteurs et comédiens, entre écriture et jeu. L’association ne s’est pas créée par « missionnement » de la part des tutelles, avec l’octroi des budgets conséquents. A Mots Découverts a une vocation, mais n’a pas de « missions », elle en ceci indépendante (telle une compagnie). Son engagement est avant tout militant, il est celui d’un collectif artistique assurant à l’année un travail de comité de lecture, de suivi dramaturgique, de retours écrits aux auteurs et de séances de travail à la table, sans financements. La mise en place d’opérations de chantiers et de résidences accompagnés nécessitant quant à elle des budgets, l’association part à chaque fois à la recherche des soutiens nécessaires à leur réalisation... Ces opérations ont jusqu’à présent été ponctuelles, liées à chaque fois à un seul théâtre. Le projet d’une mutualisation impliquant la mise en place d’une plate-forme de plusieurs théâtres est quant à lui à ce jour inédit, il a pour objectif de poser avec force la nécessité d’une structuration des réseaux franciliens pour que le travail des auteurs puisse être accompagné au sein de l’activité des théâtres, dans une idée de circulation. La mobilisation des théâtres est elle aussi militante. A Mots Découverts prend à chaque fois son « bâton de pèlerin » pour convaincre les lieux, un par un, de s’engager dans ce type de travail. Enfin, l’association est depuis 2013 conventionnée avec la Région Ile-de-France au titre du dispositif « Fabrique de culture », ce soutien est consacré au fonctionnement (l’association ne disposant d’aucun budget de fonctionnement, et étant à chaque fois condamnée aux aides au projet). Cette aide (d’un montant d’environ 8000 €) permet juste d’assurer l’administration de la structure, elle n’est vouée en aucun cas à financer le type de projet ici présent. Par ailleurs, A Mots Découverts a déployé toute une série d’activités dédiées à l’accompagnement des auteurs : - Lectures publiques - Formations et stages - Interventions en milieu scolaire et résidences territoriales Ces activités sont autant de prestations rémunérées permettant à l’association d’être alimentée en ressources propres.