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Gagner de l’or et/ou des connaissances
«
En voyage, vous perdez vos convictions
aussi facilement que vos lunettes,
mais il est plus difficile de les remplacer.
»
Aldous Huxley
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Louis BAUMARD
Illustrations de François Denis
Chapitre 7 ......................................................................... 114
Quand les journalistes racontent…
1948-1950 : Jacques Chegaray,
portraitiste de la France coloniale ...................................... 116
2007 : Thalassa illustre la globalisation des échanges ........ 120
Chapitre 8 .......................................................................... 124
Quand les passagers écrivent…
1870 : Train tournera trois fois ........................................... 126
2000 : Michel Goeldlin « vaut » 143 tonnes de coprah ...... 130
2003 : Emmelene Landon écrit et peint dans « la cabine
de Suez » .......................................................................... 132
Chapitre 9 .......................................................................... 134
Embarquer du fret
Une priorité : les marchandises ......................................... 136
Chapitre 10 .......................................................................... 146
Embarquer autour du monde
aujourd’hui
Sur un paquebot : la croisière ultime ................................. 148
Passager sur un navire de charge ...................................... 152
Chapitre 11 .......................................................................... 158
Un “ chez-soi ” qui flotte
Le
World of ResidenSea
, premier du genre ........................ 160
Utopia : investisseurs de tous les pays… ........................... 162
« Yachts d’exploration » pour individualistes discrets ......... 164
Des « trawlers » qui ne vont pas à la pêche ....................... 166
Chapitre 12 .......................................................................... 168
Vers une union sacrée
des marins et des chercheurs
Alcyone
: le tour le plus long .............................................. 170
La Boudeuse
, de campagnes scientifiques en campagnes
de financement ................................................................. 172
Glory-of-the-Sea en passant par les pôles (2009-2010) ...... 174
Stad Amsterdam
sur les traces de Darwin (2009-2010) ..... 176
Türanor PlanetSolar
, premier solaire autour du monde
(2011-2012) ..................................................................... 178
Chapitre 13 .......................................................................... 180
En guise de conclusion,
les conseils d’un ancien
Index des navires cités ...................................................... 185
Des pistes pour embarquer à son tour
Des livres .......................................................................... 188
Des sites internet .............................................................. 190
SOMMAIRE
Chapitre 1 .............................................................................. 6
Gagner de l’or
et/ou des connaissances
Magellan, Portugais renié par les siens .................................. 8
Des Britanniques amateurs de doublons espagnols :
Drake, Anson, Dampier ....................................................... 10
Des Britanniques curieux de sciences : Cook, Darwin .......... 12
1711-1840 : le tour (du monde) des Français ..................... 14
D’autres découvreurs venus d’ailleurs .................................. 20
Chapitre 2 ............................................................................ 22
Rêver les pieds sur mer
Joshua Slocum qui a montré le cap ..................................... 24
Alain Gerbault, héros, yachtman, croisé ............................... 28
Louis Bernicot, l’homme tranquille ...................................... 32
Jacques-Yves Le Toumelin : « Mon bateau et moi… » .......... 34
Sir Francis Chichester, héros national .................................. 36
Pour Bernard Moitessier, Papeete vaut mieux que Plymouth .... 42
Et beaucoup d’autres qui ne cherchent pas à être connus ... 46
Et avec un moteur ? David Scott Cowper ! ............................ 52
Chapitre 3 ............................................................................ 54
Courses au large
“ Conquérants de l’inutile ” ?
Une représentation particulière du voyage maritime ............. 56
Chapitre 4 ............................................................................ 64
Apprendre la mer en circumnaviguant
Jeanne-d’Arc : « Engagez-vous dans la Marine
pour voyager… »
................................................................. 66
« Elcano » : à chacun son héros .......................................... 68
Le Sagrès ou comment entretenir la saudade ...................... 70
D’autres navires, d’autres élèves… ...................................... 72
Chapitre 5 ............................................................................ 76
Défendre ses idées et des intérêts
La Grande Flotte blanche :
diplomatie musclée autour du monde .................................. 78
Polonez ou la diplomatie par vents calmes ........................... 82
Immatriculé « EUR » :
Traité-de-Rome pousse l’Europe
loin de Bruxelles ................................................................. 84
Antoine du pacifisme au Pacifique ..................................... 86
Peace Boat/Pisu Boto :
la croisière n’est pas là
pour s’amuser ..................................................................... 88
Global Mariner
: la cause du peuple (maritime) ................... 90
L’
Ady Gil
, heure de gloire et dernière heure simultanées ...... 92
Tournée rock’n’roll sur le
Sedov
........................................... 94
Chapitre 6 ............................................................................ 96
Quand les écrivains embarquent…
1926 : Aldous Huxley, intellectuel intraitable ........................ 98
1936 : Cocteau, double inattendu de Phileas Fogg ............ 102
1979 : Gavin Young à la recherche du « passé visitable » .... 106
1988 : Michael Palin : « Je repartirais bien faire un tour » ..... 110
sommaire
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Autour du monde en 80 navires
cile en passant d’une mer à l’autre, en sautant d’un navire à
l’autre. Le journaliste lui répond : « Pour voir le monde, pour
rencontrer des gens différents de mes compatriotes, pour
rencontrer des gens comme toi. » D’autres enfin, qui ne sont
pas davantage marins, embarquent comme passagers. Ils
partagent avec le romancier Graham Greene « le désir univer-
sel d’en avoir un petit peu plus avant d’être vaincu par l’âge et
l’absolue certitude de la mort ». Olivier de Kersauson, marin,
dit à peu près la même chose dans son livre Ocean Song :
« Ne pas quitter ce monde sans lui avoir rendu la politesse »,
avant d’ajouter joliment : « Un tour du monde, c’est un cours
magistral de géographie… Partir d’un point pour y revenir. Il y
a quelque chose de parfait, d’achevé, de rond. »
Naviguer autour du monde ou « partir loin » ? Promouvoir
une banque auprès des albatros (idée dérisoire et finalement
sympathique), apprendre le métier de marin, battre un record
de vitesse, gagner de l’argent, contribuer à une meilleure
connaissance de la biodiversité. C’est tout cela en même
temps ou successivement. C’est accomplir le plus long voyage
sans repasser au même endroit. Dans les années quatre-
vingt, l’Australien Jon Sanders accomplit trois tours du monde
d’affilée en solitaire et sans escale. Son exploit était tellement
énorme que personne ne s’y est intéressé. Il faut croire que
ce qui était exceptionnel dans le passé pourrait à l’avenir se
révéler vain aux yeux d’une opinion publique de plus en plus
raisonnable et blasée. Faire le tour de la France à bicyclette,
à pied et en kayak, en suivant rigoureusement les frontières,
à un mètre près, comme l’a fait Lionel Daudet en 2011-2012,
pourrait être à l’avenir le nouveau type d’exploit à battre.
On notera aussi que personne ou presque n’est intéressé
par la route des pôles, parfaitement imprévisible pour
cause de météo ou d’autorisations administratives don-
nées chichement. C’est, enfin, pour ceux qui peuvent se
payer le passage sur un paquebot, faire revivre les mythes.
On navigue aujourd’hui grâce à Cunard, Hapag Lloyd et
Fred Olsen « sur les traces de Magellan », « dans le sillage
de Darwin » et, inévitablement, « dans les pas de Phileas
Fogg », sans parler de « la route des clippers ». Le texte qui
suit n’a pas de prétention à l’exhaustivité, au recensement
systématique, loin s’en faut. Les sous-marins circumnaviga-
teurs sont volontairement omis et nous les laissons dans les
secrets de leurs profondeurs.
Ce livre tente simplement de rappeler qui s’est engagé dans
l’aventure, puisque dans tous les cas c’est une aventure,
pourquoi et comment. Il est dédié à ceux qui ont très envie
d’embarquer et qui vont le faire ! Une famille sur son voilier
ou un passager sur un porte-conteneurs larguent peut-être
l’amarre en ce moment. Bon vent.
Des voiliers à l’étrave effilée mais aussi de
lourds porte-conteneurs franchissant de
justesse les écluses du canal de Panamá,
des marins qui ne pensent qu’à l’or et aux
épices et des tour-istes – c’est le cas de le
dire – en quête de dépaysement. Au fil des siècles, la moti-
vation de ceux qui tournent autour du monde sur un navire
a bien changé.
Il est frappant de constater que les pays qui ont les premiers
envoyé des expéditions maritimes sur les sept mers, l’Es-
pagne, le Portugal, le Royaume-Uni, la France, ont aussi été
les premiers à projeter l’influence de l’Europe hors de ses fron-
tières naturelles. Comme le furent en d’autres temps la route
du cuivre des Phéniciens vers l’Europe du Nord ou la route de
la soie vers l’Asie, les Européens ont donné l’élan, siècle après
siècle. Du moins, on peut le penser. Leurs navires, ceux qui
n’ont pas fait naufrage, ont été les premiers jalons de la colo-
nisation et de la mondialisation des échanges. Et puis, beau-
coup plus tard, est venue l’idée de l’exploit nautique et sportif.
Au départ, il y a quelques siècles de cela, l’esprit des marins
et de leurs commanditaires s’échauffe à l’idée de l’or et des
épices. Puis c’est l’établissement des cartes, parfois leurs
vols, et une découverte de plus en plus lointaine. Découverte
et colonisation signifient échanges et lignes maritimes régu-
lières. On parle d’expéditions nautiques - et ce jusqu’à au-
jourd’hui - sans que cela ait un caractère militaire. La science
et la découverte ont aussi leur mot à dire accompagnées, c’est
un aspect encore peu connu de la navigation au long cours,
par la diplomatie et l’espionnage. Au XXe siècle, des solitaires
prennent le relais des États mais sans les mêmes arrière-pen-
sées. Et quels solitaires ! Fous de mer, de solitude, de décou-
vertes sur des voiliers qu’ils ont parfois construits eux-même.
Leur espèce s’est éteinte. Elle est remplacée par des navires
de course dont le seul objectif est de battre un record tant
l’idée de tour du monde, encore plus aujourd’hui qu’au temps
de La Pérouse, consiste à marquer les esprits. Une circumna-
vigation comme le kilomètre, est aujourd’hui devenu une me-
sure de distance et un test pour les hommes et le matériel…
Initiatique, un tour du monde l’est à plus forte raison pour
un apprenti marin. Les nations qui en ont encore les moyens
organisent ce voyage d’une vie pour leurs futurs officiers. Ins-
pirés par les marins humanistes du XVIIIe siècle et par le mau-
vais état de la planète, des scientifiques remettent sacs et mi-
croscopes à bord et se rendent dans les lieux les plus isolés.
Ne pas oublier les écrivains et journalistes, pas forcément des
marins, mais des curieux qui veulent eux aussi expérimenter
ce voyage, tel le Britannique Gavin Young. Un jour, un matelot
baloutche lui demande pourquoi il accomplit ce voyage diffi-
Tour de la Terre
ou tour de la mer ?
Le désir universel
d’en avoir un peu plus…
Il semble bien que l’inventeur du tour
du monde en littérature, Jules Verne,
se soit inspiré des voyages, bien réels,
du premier tour-du-mondiste assumé,
l’Américain George Francis Train. Par
la suite, le héros vernien Phileas Fogg
a donné des idées aux journalistes et
écrivains. Comme Phileas Fogg, ils sont
souvent pressés et partent tous d’ouest
doit appareiller pour un tour du monde
avec à son bord un passager presti-
gieux, Blaise Cendrars. La guerre éclate
le 1er septembre. Pas de tour du monde
pour l’écrivain voyageur. Rêvons de ce
que ce voyage et ce voyageur auraient
pu produire…
Gagner de l’or
et/ou des connaissances
CHAPITRE 1
Le marin qui aurait pu se targuer
d’être le premier à tourner autour du
monde ne connut pas cette gloire.
Magellan meurt en route en 1521, il y
a presque cinq siècles. Il a, au sens
propre, montré une direction qui n’a
plus jamais cessé d’être suivie, soit
directement, soit par le cap Horn. Ses
successeurs vont s’engouffrer dans le
Pacifique et le mouvement ne s’arrêtera
plus jusqu’à l’ouverture du canal de
Panamá. Le détroit que le Portugais a
franchi avec tant de difficultés est au-
jourd’hui emprunté par des passagers
curieux embarqués sur des paquebots
confortables.
98
Autour du monde en 80 navires Gagner de l’or et/ou des connaissances
espérance du détroit enfin découvert, la famine dans le Pa-
cifique, les traîtrises des populations insulaires, l’immense
fatigue des survivants lorsqu’ils remontent l’Atlantique en
craignant l’ennemi portugais. Aussi longtemps qu’il est à
la tête de l’expédition, le commandant portugais insufflera
le courage, donnera l’exemple, se rationnera comme les
autres.
Le 6 septembre 1522, les rescapés touchent enfin l’Es-
pagne là où ils l’avaient quittée. Leurs commanditaires
sont ravis. La cargaison de vingt-six tonnes d’épices qui
rentabilise la traversée, plus personne ne l’attendait. Le
roi d’Espagne jubile. Il a joué un bon tour à son parent
portugais et la gloire de la découverte retombe sur ses
marins. D’autres se satisfont des progrès scientifiques
fondamentaux réalisés. La terre devient
un domaine désormais relativement bien
délimité, des relevés de côtes ont été
faits même si le détroit de Magellan est
difficile à pratiquer. L’écrivain du bord,
Pigafetta, a été le premier à transcrire
chez les Patagons et dans le Pacifique
des parlers étranges. C’est lui qui, à la
fin du voyage, remarque la perte d’une
journée lorsque l’on tourne autour du
monde par l’ouest.
Le grand perdant de l’affaire s’appelle
Magellan. Pour le Portugal, c’est un re-
négat. Pour les Espagnols, il est mort, tué
lors d’un combat inutile dans une petite
île de l’actuel archipel des Philippines. Il
l’ignorera toujours, mais sa femme et ses
enfants sont morts pendant son absence.
Son testament ne sera en rien honoré.
Quant au royaume d’Espagne, il veut cacher les lourdes dis-
sensions qui ont opposé le Portugais à ses capitaines espa-
gnols. C’est Juan Sebastian de Elcano (1476-1526), ultime
capitaine de la Victoria qui hérite de la gloire. Les rancunes
ont la vie dure. Aujourd’hui encore, le nom de Magellan n’est
pas aussi célébré au Portugal que ne l’est celui de cet autre
Portugais, Vasco de Gama (1469-1524) qui découvrit la
route de l’Inde par le cap de Bonne Espérance. Sabrosa, une
petite commune du nord du Portugal assure que le naviga-
teur est né dans ses murs mais la plaque de bronze qui orne
sa maison natale présumée a été offerte par le Chili. Alors
que les Espagnols ont donné à l’un de leurs voiliers-écoles le
nom de Juan Sebastian de Elcano, on cherchera en vain un
navire portugais portant le nom de Magalhais.
On sait désormais pourquoi Magellan a obtenu du roi d’Es-
pagne Carlos I, futur Charles Quint, la direction d’une flotte
de cinq navires qui le conduirait par l’ouest vers « les Iles
aux Epices ». Parce qu’il lui a assuré qu’il connaissait un
passage alors qu’il n’en était rien. Il bluffait. Sujet et soldat
portugais, Ferñao de Magalhais (1480-1521) comme il
s’appelle alors avait été mortellement vexé par le peu de
reconnaissance du roi Manoel du Portugal pour ses faits
d’armes en Orient et son manque d’intérêt pour son projet
de découverte d’une nouvelle route vers les Moluques. Il
n’hésite donc pas à trahir son serment de fidélité au roi
portugais pour réaliser son obsession. Son obsession pour
le passage du sud est née dans l’observation des cartes et
les archives, dans des discussions avec Ruy Faleiro, ami,
associé et astronome fumeux. Les Espagnols, eux, vont
y croire.
Magellan signera désormais Maghellanes, à l’espagnole,
dès qu’il convainc définitivement Charles Quint de l’inté-
rêt du projet. Son expédition quitte Séville le 20 sep-
tembre 1519 avec cinq navires et 265 hommes.
Hormis la désertion du San Antonio, la seule
Victoria reverra Séville avec 18 hommes
affamés à bord et sans Magellan. Le
voyage va faire s’alterner les calmes plats,
les grands froids, la mutinerie, une dé-
capitation de capitaine félon, la grande
Magellan,
Portugais renié par les siens
À l’origine de l’expédition,
une blessure d’amour-propre. (DR) Le détroit vu par le Flamand Joss de Hont en 1606. (DR)
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