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Arguments des conférences
Pierre Bühler,
Professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie et co-directeur de
l’Institut d’herméneutique et de philosophie de la religion de l’Université de Zurich
Entre exégèse et théologie, une herméneutique à géométrie variable
Le point de vue du systématicien
Les rapports entre exégèse et théologie sont devenus difficiles. Après avoir compté
longtemps sur des ponts entre les disciplines, ces dernières risquent de s’enfermer dans
leur spécialisation, sans effectuer des « sorties » interdisciplinaires. Cette non-
coopération de fait constitue un problème herméneutique de taille s’il en va pour les
disciplines concernées de contribuer « à la vie des croyants en dialogue avec le monde
de ce temps ». Etant donné l’impossibilité d’une séquence linéaire des disciplines, on
tentera d’approcher le problème avec une « herméneutique à géométrie variable »,
visant un réseau non linéaire d’interactions dynamiques. Elle s’inspirera d’un exégète
pour lequel le travail exégétique est impensable sans théologie systématique et d’un
systématicien pour lequel le travail systématique est impensable sans exégèse.
Pierre Gibert, s.j.,
Professeur honoraire de l'Université Catholique de Lyon
Exégèse critique et théologie : Quêtes et enjeux d’un malentendu
Alors que Vatican II a proclamé que l’Ecriture était l’âme de la théologie, faut-il parler
d’un malentendu qui courrait de Bossuet à Benoît XVI inclusivement ? Mais pourquoi un
tel malentendu qui repose, aux origines, sur une mauvaise intelligence d’un très chrétien
projet critique, et au terme sur une confusion de termes et de catégories ? N’y aurait-il
pas à s’interroger ou à se réinterroger - plus fondamentalement sur une carence de
réflexion sur le concept et la nature de l’écrit et donc sur le statut théologique des
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Ecritures en Christianisme, par desinon en deçà de ce qui fait les différences entre
Catholiques, Protestants ou Orientaux… ?
André Wénin,
Professeur d'exégèse de l'AT à la Faculté de théologie de l'Université catholique de
Louvain (Louvain-la-Neuve)
La création dans l’AT : un discours pluriel
Même si les premiers chapitres de la Genèse sont souvent privilégiés par les
théologiens de la création, le premier Testament connaît différents discours sur ce
thème (voir par ex. Ps 104 ; Jb 38s ; Pr 8, etc.). À partir de ce constat, on montrera que
l'AT dispose de plusieurs registres pour parler de la création selon des genres littéraires
différents et avec des symboliques variées. Aussi, on aurait tort de privilégier
unilatéralement un seul de ces registres dans le cadre d'une réflexion théologique et
anthropologique sur la création.
Luc Devillers,
Professeur de Nouveau Testament à l'Université de Fribourg (Suisse), Président de
l'ACFEB.
“Porter du fruit” (Jn 15, 8.16)
ou comment Jean interprète le projet de Dieu sur l’humanité (Gn 1, 27-28)
Jean affirme le rôle créateur de la Parole divine (1, 1-3), et la gloire du Fils auprès du
Père avant la fondation du monde (17, 24). Le Fils est venu pour que le monde soit
sauvé (3, 17), et que les hommes reçoivent la vie en abondance (10, 10). Pour Dieu, la
création se poursuit tant que dure ce monde (5, 17) ; pour l’homme, il y a un fruit à faire
croître (15, 1-8.16), comme déjà en Gn 1, 28. Au cœur de la création dont il est solidaire
– cf. les différents sens du mot « monde » –, l’homme est appelé à poursuivre l’œuvre
du Fils en portant du fruit pour la gloire du Père.
Philippe Bordeyne,
Doyen, Theologicum, Institut Catholique de Paris
Action de Dieu et transformation de l’homme :
la dynamique anthropologique de l’éthique en Galates
Le renouveau des vertus en théologie morale se réclame des interprétations patristiques
et contemporaines de l’Écriture, ainsi que de la tradition aristotélo-thomiste. Mais il
s’intéresse peu à la théologie dogmatique en cours d’élaboration dans le corpus néo-
testamentaire. L’épître aux Galates part du problème concret de la conduite à tenir vis-à-
vis des païens. Paul invite la communauté à fléchir en conjuguant les aspects
théologiques, éthiques et ecclésiologiques de la question. Cette approche globale
répond au besoin que nous avons aujourd’hui de retisser les liens entre foi et morale,
dans un contexte pluraliste où l’identi croyante s’accomplit jusque dans des choix
éthiques propres à éveiller la quête de l’universel.
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Conférence à deux voix : Daniel Gerber et Jean L’Hour
Comment envisager aujourd’hui une théologie de l’Ancien et du Nouveau
Testament ?
Entre légitimité et réserves
Daniel Gerber, Professeur de Nouveau Testament à la Faculté de Théologie
protestante de l'Université de Strasbourg :
Y a-t-il une alternative à l’établissement d’un canon dans le canon une entreprise qui
jauge certains écrits à l’aune d’autres, tenus (subjectivement) pour normatifs à cause de
la lecture (orientée) qui en est faite ou à la recherche d’un centre du Nouveau
Testament une démarche qui décide (subjectivement) de la plus haute importance de
certains thèmes transversaux ? Le temps n’est plus aux oppositions frontales et
caricaturales, mais au respect de la différence et à l’attention pour le tout. Une réelle
prise en compte de l’expression narrative, historiographique ou épistolaire ainsi que des
divers contextes de communication a ouvert des zones de dialogue fécond entre les
écrits néotestamentaires, en sorte que plaider pour une théologie polyphonique du
Nouveau Testament nous paraît être la solution la plus honnête, quoique la plus
exigeante. Car elle suppose non seulement de faire droit à chacune des voix qui
s’exprime en ce corpus, mais encore de valoriser sa différence. C’est à ce prix, nous
semble-t-il, qu’allier le singulier une théologie et le pluriel polyphonique du
Nouveau Testament devient réellement possible
Jean L’Hour, prêtre des missions étrangères de Paris, exégète :
La théologie de l'Ancien Testament serait-elle dans une impasse ? La problématique
dans cette période dite du postmodernisme a changé : discrédit jeté sur toutes les
synthèses, explosion des méthodes de lecture de la Bible, éclatement des lectures,
scepticisme face à la connaissance historique eu égard à la textualisation de l’histoire,
désaffection vis-à-vis de l’exégèse historico critique, arrivée du lecteur sur le devant de
la scène, frontières poreuses entre livres canoniques et littérature intertestamentaire…
S’y ajoute le partage de la Bible avec le judaïsme et, plus largement, avec un lectorat
académique sécularisé.
L’interprétation théologique chrétienne de l’Ancien Testament se trouve face à un double
dilemme : celui de la relation entre exégèse et théologie d’une part et celui de la relation
entre Ancien Testament et Nouveau Testament d’autre part. Comment distinguer et
relier les disciplines de l’exégèse scientifique et de la théologie biblique
confessionnelle ? Le « corpus » du théologien étant la Bible juive mais son « canon »
étant la Bible chrétienne, une théologie autonome de l’Ancien Testament est-elle
envisageable ?
Ne faut-il pas renoncer à une séquence linéaire exégèse – histoire de la religion d'Israël
théologie biblique théologie systématique lecture actualisée, disciplines qui ont
chacune leurs spécificités, pour les envisager les unes par rapport aux autres comme
autant d'instances critiques en tension dialectique ? Plus profondément ne faut-il pas
s’orienter vers une quête polyphonique jamais close de la « vérité » biblique ?
Dany Nocquet
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Professeur d'Ancien Testament à l'Institut Protestant de Théologie, Faculté de
Montpellier
Rétribution et justice de Dieu : théologies en débat dans l'AT
Après avoir évoqué la notion de « rétribution » en tant que lieu théologique partagé du
Proche-Orient ancien, la conférence tente de rendre compte de la manière dont
quelques groupes porteurs utilisent cette théologie dans la Bible hébraïque. L’étude
montre les nuances et les évolutions de cette théologie selon les milieux, et les débats
qu’elle suscite à l’époque du second temple. Enfin l’étude s’interroge sur la pertinence
de ces vieux débats dans la réflexion théologique.
Chantal Reynier
Professeur d'exégèse biblique aux facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres)
Peut-on parler d’un traitement paulinien de la rétribution ?
Nous tenterons de montrer à travers quelques affirmations pauliniennes significatives
comment Paul prend ses distances à l'égard de l’idée de rétribution. Nous analyserons
les thèmes auxquels Paul a recours mais aussi l’argumentation dont il use pour arracher
les croyants à toute idée de mérite ou de récompense dont lui-même a pu vivre avant
l’événement de Damas. Nous verrons comment cette rupture touche non seulement le
rapport à Dieu mais aussi le rapport au monde, le rapport Juifs/nations et l’existence
chrétienne dans ce qu’elle a de plus concret.
Jean-Michel Maldamé
Dominicain, professeur émérite à Faculté de théologie de l’Institut catholique de
Toulouse, membre de l’Académie Pontificale des Sciences
« Par le sang de sa croix »
La mort et la résurrection de Jésus doivent-elles être comprises comme un sacrifice ? La
difficulté vient de ce que la notion de sacrifice a été systématisée dans un registre
judiciaire. Il en est résulté une traduction du mystère pascal en termes de justice, de
rétribution, de satisfaction ou d’expiation… autant de catégories qui impliquent un Dieu
cruel et vindicatif, dont la colère devrait être apaisée par la souffrance et la mort du juste.
Est-ce bien ce qu’a voulu faire saint Paul lorsqu’il a introduit une référence au rituel du
Temple de Jérusalem avec la mention du « sang de la croix » ? Telle est la question
posée dans une démarche théologique, en écho aux approches exégétiques.
L’interrogation du théologien se situera face à la sensibili actuelle et à ses
exigences. Les notions bibliques sont-elles correctement conceptualisées par les termes
de justice et de rétribution ? L’autorité de l’Écriture impose-t-elle de recourir à des
images qui sont à l’opposée des progrès de la morale et de l’affinement de la conscience
dans la modernimarquée par l’humanisme ? Le christianisme peut-il rester hors de la
logique sacrificielle des religions ?
Alain Gignac
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Professeur agrégé, Université de Montréal, et président de l’Acébac. L’auteur enseigne
la littérature paulinienne et les théories de l’interprétation.
Spinoza, miroir du clivage « exégèse / théologie » ?
Le paradigme de la modernité,
ses impasses épistémologiques et leurs issues possibles
Le Traité théologico-politique de Spinoza (chapitre 7) est fascinant, car il fonctionne
comme le miroir à peine caricatural de la place de l’exégèse et de la théologie au sein du
paradigme scientifique moderne ce qui inclut aussi leurs rapports complexes. En
quelques pages, on y retrouve : 1/ le rejet de la théologie comme idéologie; 2/ le projet
exégétique moderne (philologie, critique textuelle, histoire); 3/ les apories de ce projet
qui seront soulignées ultérieurement… par la (post)modernité; 4/ ultimement, la
relativisation (paradoxale) de la Bible. Alors même que l’épistémologie historico-critique
est entérinée comme incontournable par la Commission biblique pontificale (1993), peut-
être faut-il retourner au projet spinoziste pour y déceler un problème fondamental et ses
répercussions sur une lecture théologique de la Bible : la séparation de l’objet et du
sujet. Au delà de ce diagnostic, l’exposé revisitera trois tentatives récentes qui
cherchent à refonder sur des bases plus saines l’épistémologie théologique :
l’herméneutique, la miotique et la narratologie (en s’attardant surtout sur cette
dernière). Sans jeter « l’histoire avec l’eau du bain », pour pasticher le proverbe anglo-
saxon, peut-être est-il temps d’articuler exégèse et théologie non plus sur l’arrière-plan
des sciences historiques, mais sur l’arrière-plan des sciences du langage? — permettant
ainsi de réintroduire le sujet dans l’équation de la lecture.
Olivier Artus
Professeur d'Ecriture Sainte à l'Institut catholique de Paris, directeur de l'Ecole des
Langues et Civilisations de l'Orient Ancien, membre de la Commission biblique
pontificale
Exégèse et Théologie :
Les difficultés d’une articulation.
Relecture de trois projets de recherche
concernant le lien entre Écriture Sainte et Théologie morale.
Comment enraciner une flexion morale dans l’Écriture Sainte ? C’est la question qui a
guitrois projets de recherche menés dans des cadres différents : les deux premiers
projets (Bible et Morale 2001-2003, Lectio Divina, Paris, Cerf 2003 ‘Ph. Bordeyne éd.’ ;
Eschatologie et morale 2006-2009 DDB 2009 ‘O. Artus, éd.’) ont eu pour cadre la
Facul de Théologie de l’Institut catholique de Paris et ont rendu possibles des
partenariats universitaires. Le dernier projet « Bible et Morale », (Bibbia e Morale, Roma,
2008) est lau travail institutionnel de la Commission Biblique Pontificale.
Ces trois programmes de recherche ont fait apparaître la distance épistémologique qui
sépare le travail du bibliste de celui du moraliste en particulier en ce qui concerne le
statut du recours au texte biblique. Le moraliste est préoccupé par la question de
l’universalité du discours, et par la possibilité de construire des interfaces avec la
réflexion éthique de la société ; le bibliste exerce quant à lui une vigilance sur les
modalités d’interprétation du texte : nécessi d’une approche canonique qui évite
d’enraciner le discours théologique sur de simples fragments ; prise en compte de la
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