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Professeur agrégé, Université de Montréal, et président de l’Acébac. L’auteur enseigne
la littérature paulinienne et les théories de l’interprétation.
Spinoza, miroir du clivage « exégèse / théologie » ?
Le paradigme de la modernité,
ses impasses épistémologiques et leurs issues possibles
Le Traité théologico-politique de Spinoza (chapitre 7) est fascinant, car il fonctionne
comme le miroir à peine caricatural de la place de l’exégèse et de la théologie au sein du
paradigme scientifique moderne — ce qui inclut aussi leurs rapports complexes. En
quelques pages, on y retrouve : 1/ le rejet de la théologie comme idéologie; 2/ le projet
exégétique moderne (philologie, critique textuelle, histoire); 3/ les apories de ce projet —
qui seront soulignées ultérieurement… par la (post)modernité; 4/ ultimement, la
relativisation (paradoxale) de la Bible. Alors même que l’épistémologie historico-critique
est entérinée comme incontournable par la Commission biblique pontificale (1993), peut-
être faut-il retourner au projet spinoziste pour y déceler un problème fondamental et ses
répercussions sur une lecture théologique de la Bible : la séparation de l’objet et du
sujet. Au delà de ce diagnostic, l’exposé revisitera trois tentatives récentes qui
cherchent à refonder sur des bases plus saines l’épistémologie théologique :
l’herméneutique, la sémiotique et la narratologie (en s’attardant surtout sur cette
dernière). Sans jeter « l’histoire avec l’eau du bain », pour pasticher le proverbe anglo-
saxon, peut-être est-il temps d’articuler exégèse et théologie non plus sur l’arrière-plan
des sciences historiques, mais sur l’arrière-plan des sciences du langage? — permettant
ainsi de réintroduire le sujet dans l’équation de la lecture.
Olivier Artus
Professeur d'Ecriture Sainte à l'Institut catholique de Paris, directeur de l'Ecole des
Langues et Civilisations de l'Orient Ancien, membre de la Commission biblique
pontificale
Exégèse et Théologie :
Les difficultés d’une articulation.
Relecture de trois projets de recherche
concernant le lien entre Écriture Sainte et Théologie morale.
Comment enraciner une réflexion morale dans l’Écriture Sainte ? C’est la question qui a
guidé trois projets de recherche menés dans des cadres différents : les deux premiers
projets (Bible et Morale 2001-2003, Lectio Divina, Paris, Cerf 2003 ‘Ph. Bordeyne éd.’ ;
Eschatologie et morale 2006-2009 DDB 2009 ‘O. Artus, éd.’) ont eu pour cadre la
Faculté de Théologie de l’Institut catholique de Paris et ont rendu possibles des
partenariats universitaires. Le dernier projet « Bible et Morale », (Bibbia e Morale, Roma,
2008) est lié au travail institutionnel de la Commission Biblique Pontificale.
Ces trois programmes de recherche ont fait apparaître la distance épistémologique qui
sépare le travail du bibliste de celui du moraliste — en particulier en ce qui concerne le
statut du recours au texte biblique. Le moraliste est préoccupé par la question de
l’universalité du discours, et par la possibilité de construire des interfaces avec la
réflexion éthique de la société ; le bibliste exerce quant à lui une vigilance sur les
modalités d’interprétation du texte : nécessité d’une approche canonique qui évite
d’enraciner le discours théologique sur de simples fragments ; prise en compte de la