etude sur les perspectives de diversificaton de l`economie

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ETUDE SUR LES PERSPECTIVES DE
DIVERSIFICATON DE L’ECONOMIE
NATIONALE
TABLE DES MATIERES
PREAMBULE
4
I.
L’ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL : CHOC PETROLIER DE COURT
TERME OU TRANSITION ENERGETIQUE ?
II.
UNE HYPOTHESE DE TRAVAIL
4
5
PARTIE A.UN DIAGNOSTIC DE L’EVOLUTION STRUCTURELLE DE
L’ECONOMIE NATIONALE SUR LONGUE PERIODE
9
I.
LES TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES STRUCTURELLES DANS LE
MONDE : LES FAITS STYLISES
A.
La nature des transformations structurelles pro-développementales
B.
Les transformations structurelles comme source d’accroissement de la
productivité
II.
LA DIRECTION DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES DANS
L’ECONOMIE NATIONALE
A.
Des gaps sectoriels de productivité révélateurs d’un blocage des
transformations structurelles
B.
L’orientation sectorielle des transformations structurelles en Algérie : une
dé-agriculturisation sans industrialisation
C.
Une estimation de la contribution des transformations structurelles à
l’évolution de la productivité
III.
UNE PREMIERE CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION DE
L’ECONOMIE NATIONALE A TRAVERS UNE FAIBLE INDUSTRIALISATION
IV.
UNE DEUXIEME CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION
EXTERNE A TRAVERS LA CONCENTRATION DES EXPORTATIONS
24
A.
L’évolution du nombre de produits exportés 25
B.
La durabilité des exportations 26
9
9
12
13
13
15
16
20
22
23
24
PARTIE B.LA PORTEE DU CHALLENGE
29
I.
LES OBJECTIFS DE LA DIVERSIFICATION
II.
SIMULATION D’UNE TRAJECTOIRE DE DIVERSIFICATION ET DERIVATION
DES CROISSANCES REQUISES
29
29
PARTIE C. LES POLITIQUES INDUSTRIELLES DE DIVERSIFICATION :
31
LES TERMES DU DEBAT
I.
II.
A.
B.
LES ELEMENTS DE CONSENSUS
LES ELEMENTS DE DIVERGENCE
Politiques transversales versus politiques sélectives
Se conformer ou défier les avantages comparatifs de l’économie nationale
2
31
32
32
32
C.
33
La démarche préconisée
PARTIE D.L’APPROCHE METHODOLOGIQUE D’IDENTIFICATION
DES FILIERES PRIORITAIRES
I.
MAITRISER LES RISQUES D’UNE STRATEGIE DE FILIERE
II.
L’APPROCHE DE LA BANQUE MONDIALE D’IDENTIFICATION DES
SECTEURS PORTEURS DE DIVERSIFICATION
A.
La méthodologie
B.
Le potentiel de diversification de l’économie nationale
C.
L’application de cette méthode à l’économie algérienne et ses limites
i.
L’identification des secteurs porteurs de transformation structurelle
ii.
Les limites de l’approche
iii.
L’application de cette méthode au ciblage des activités de substitution
d’importations
III.
LA DEMARCHE PROPOSEE
A.
Une nouvelle méthodologie
B.
Le choix des pays du panel de référence
C.
Les produits d’exportation significatifs de l’échantillon de pays de
référence
PARTIE E.LES IMPLICATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES :
REALISER LE POTENTIEL D’AVANTAGE COMPARATIF
Axe 1- Stabiliser le cadre macroéconomique et consacrer une discipline
budgétaire
Axe 2- Lever les contraintes aux transformations structurelles de l’économie
Axe 3- faciliter les transformations structurelles favorables à la croissance
Axe 4 : Etablir des masters plans pour les filières ciblée
Axe 5 : La contribution des mesures transversales à la facilitation des
transformations structurelles
Axe 6- Améliorer la gouvernance des politiques économiques de
diversification
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
3
35
35
37
37
39
39
39
40
41
43
44
44
46
58
58
59
60
62
63
65
68
69
62
PREAMBULE
I. L’ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL : CHOC PETROLIER DE COURT TERME
OU TRANSITION ENERGETIQUE ?
La chute du prix des hydrocarbures en juillet 2014 a brutalement mis à jour la fragilité
de l’économie nationale. En l’espace d’une année, le cadre macroéconomique qui
fut pendant longtemps considéré comme un atout d’attractivité de l’économie et le
symbole de la solidité de l’économie nationale(1) s’est révélé en dernière instance bien
fragile : les principaux indicateurs macroéconomiquesse sont dégradésune année
seulement après la chute du prix des hydrocarbures. L’évolution de la conjoncture
internationaleremet aujourd’hui en question l’équilibre interne de l’économie et jette
un doute sur la possibilité d’une poursuite du financement des finances publiques par
les revenus provenant des hydrocarbures. Cette même conjoncture fait pointer le
risqueà moyen terme de grandes difficultés de la balance de paiements. Le devenir
de l’économie nationale se trouve aujourd’hui largement conditionné par le degré de
persistance de ce choc pétrolier bien que l’épargne du Fond de Régulation des Recettes
(FRR) pétrolières et les réserves de change accumuléesoffrent quelques marges de
manœuvre permettant de mitiger quelque peu les conséquences du choc pétrolier sur
l’économie nationale.
Il est vrai que l’environnement international dans lequel l’Algérie est appelée désormais
à évoluer a bien changé. En effet, le choc pétrolier a été d’une grande brutalité. Entre
juillet 2014 et fin octobre 2015, le prix du baril de pétrole est passé de 110 dollars à
moins de 50 dollars.
Ces soubresauts du marché pétrolier ont naturellement eu un impact significatif sur
les principales grandeurs macroéconomiques. L’effet direct majeur de ce choc sur les
termes de l’échange est la réduction des exportations d’hydrocarbures et la diffusion
des conséquences négatives de cet effet, par différents canaux et notamment le
budget de l’Etat, au reste de l’économie.
L’Algérie a été classée troisième dans le monde dans le célèbre classement du World Economic Forum par la
solidité de son cadre macroéconomique.
Le produit « poissons frais ou réfrigérés » (030262) a été exporté par l’Algérie au cours de l’année 2002 disparaît du
panier d’exportation en 2003, est de nouveau exporté durant l’année 2004 disparaît en 2005 avant de connaître
un épisode d’exportation d’une durée de 3 ans à partir de 2006 au delà de
4
Tableau1 : Quelques indicateurs de conjoncture
Fin juin 2014
Fin juin 2015
Ecarts
Fiscalité pétrolière
1870 mds DA
1254 mds DA
- 616 mds DA
Solde global du Trésor
- 463 mds DA
- 902 mds DA
- 439 mds DA
FRR
5155.9 mds DA
3441,3 mds DA
- 1714 mds DA
Solde commercial
+ 2.31 mds $
- 8.18 mds $
- 10.49 mds $
Réserve de changes
193.3 mds $
159 mds $
- 34.3 mds $
Parité du DA contre le $
Dépréciation de %22
Parité du DA contre
l’euro
Appréciation de %0.6
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’Office National des Statistiques (ONS).
II. UNE HYPOTHÈSE DE TRAVAIL
Cinquante ans après l’indépendance, l’observationimportante qui peut être faite est
quel’économie nationale n’apas encore pu se construire une base productive endogène.
A quels facteurs doit-on imputer ces performances économiques relativement
décevantes en termes de diversification ? Lavulnérabilité persistantede l’économie
est-elle fondamentalement due à des politiques macroéconomiques inefficaces, à
des institutions de faible qualité ou encore à l’absence de transformation structurelle
de l’économie nationale ? Certes, ces différentes dimensions ne sont pas totalement
indépendantes les unes des autres. Toutefois, la question de savoir à quel facteur revient
la primauté dans l’explication des performances de développement est importante
car elle conditionne dans une large mesure la nature des politiques économiques à
promouvoir.
Malgré l’apparition de ces difficultés économiques de l’Algérie concomitamment au
recul du prix du pétrole, notre hypothèse de travail dans cette étude est que cette
crise de l’économie nationale n’est pas liée à la conjoncture pétrolière mais renvoie à
une dimension structurelle : les transformations structurelles que l’économie a connues
durant les dernières décennies ont été défavorables à la croissance économique.
Autrement dit, les ressources productives de l’économie libérées par le secteur agricole
5
ne se sont pas dirigées historiquement vers les secteurs à forte productivité, notamment
l’industrie, comme cela peut être observé dans les trajectoires de développement des
économies aujourd’hui émergentes. L’économie nationale n’a pas ainsi bénéficié dans
le cours de son évolution du surcroit de productivité qu’une réallocation intersectorielle
des ressources « growth-enhancing »aurait permis,la privant ainsid’une des conditions
pré-requisesà son émergence et sa diversification.
Toutefois, malgré ces inefficiences structurelles, force est de constater que l’économie
nationale a pu engranger des taux de croissance significatifs notamment sur la période
récente.
Tableau 2 : Croissance réelle du PIB et sa répartition sectorielle (en pourcentage)
2010
Croissance du 3.6
PIB
Hydrocarbures - 2.2
Secteur hors
hydrocarbures
6.3
2011
2012
2013
2014
2.9
3.4
2.8
3.8
- 3.3
- 3.4
- 5.5
- 0.6
6.2
7.2
7.1
5.6
Source : Banque d’Algérie
Ce modèle a également généré un développement humain significatif. Il a créé des
emplois réduisant le taux de chômage qui est passé de 29% en 2000 à 10.6% en 2014.
Les ressources pétrolières ont été transformées non seulement en capital financier
grâce à l’accumulation des réserves de change et du FRR mais également en capital
physique à travers l’édification d’infrastructures sociales et économiques de base dont
bénéficieront les générations futures.
Ce modèle de fonctionnement peut encore assurer la reproduction de l’économie
nationale tant que l’exploitation des ressources naturelles permet de financer la
croissance économique.
Or,il convient de se demander ce que nous apprennent aujourd’hui les derniers
développements sur la scène pétrolière internationale ?
6
Pour beaucoup d’analystes, les prix du pétrole resteront bas jusqu’à la fin de l’année 2016.
Cela est dud’une part,à unefaible demande de pétrole causée parla non-croissance
de l’économie mondiale et, d’autre part, d’une augmentation de l’offre qui sera induite
par la mise sur le marché des exportations du pétrole provenant notamment de l’Irak
(1.5 à 2 millions de barils), de l’Iranpar suite de la levée des sanctions économiques
internationales (0.6 million de barils supplémentaires) et de la Lybie (0.5 à 1 million de
barils) malgré un ralentissement éventuel des exportations du pétrole hors OPEP.
Figure1: Évolution du cours du baril de pétrole
Source : France inflation.
Bien plus, et de façon plausible, nous devons nous attendre à voir s’achever l’ère du
pétrole. Nous sommes plus surement en présence d’un nouveau paradigme énergétique
qui s’annonce à la fois par l’entrée en scène des pétroles et des gaz de schiste, la
réglementation de plus en plus rigide du carbone ainsi que par le développement des
énergies renouvelables déconnectant dans une certaine mesure le prix du pétrole de
ce qui fut jusque-là son principal déterminant, la croissance de l’économie mondiale en
l’occurrence. Même en présence d’une reprise des économies émergentes, il n’est plus
sûr que les cours pétroliers reprennent leurs niveaux d’avant le choc. Ce que d’aucuns
considèrent aujourd’hui comme une conjoncture risque ainsi de s’avérer être une
transition structurelle à l’échelle mondiale,
7
une marche vers un nouveau modèle énergétique risquant de frapper d’obsolescence
les actifs dont dispose le pays.
Aussi,si l’on accepte cette vision, les revenus pétroliers ne peuvent plus se substituer
ni pallier à la faible productivité de l’économie. Dès lors, la réduction de la dépendance
des hydrocarbures et la réallocation des ressources vers des secteurs potentiellement
porteurs de gains de productivité deviennent l’objectif ultime de la politique de
développement. C’est à l’analyse de cette perspective que cette étude est consacrée.
La première partie de ce travail est consacrée à un diagnostic de l’évolution structurelle
de l’économie algérienne sur longue période. La deuxième partie rappelle la portéedu
challenge de la diversification en termes de croissance à réaliser sur les décennies
à venir et justifie la nécessité de l’intervention de l’Etat pour le relever à travers une
politique industrielle active. La troisième partie présente l’approche méthodologique
d’identification des industries disposant d’avantages comparatifs potentiels et
porteuses de diversification. Enfin, la quatrième partie sera consacrée à la formulation
de recommandation de politique économique.
8
PARTIE A.UN DIAGNOSTIC DE L’ÉVOLUTION STRUCTURELLE DE
L’ÉCONOMIE NATIONALE SUR LONGUE PÉRIODE
I. LES TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES STRUCTURELLES
DANS LE MONDE : LES FAITS STYLISES
A. La nature des transformations structurelles pro-développementales
Dans le processus d’émergence d’un pays, l’activité économiqueest sujette à une
réallocation des ressources des secteurs traditionnels les moins développés vers les
secteurs modernes à plus grande productivité. Par ce processus, la structure sectorielle
de l’économie s’en trouve profondément transformée et l’économie gagne, à travers
cette mobilité de ressources,en efficience avec comme conséquence une meilleure
productivité globale de l’économie.
Dans ce processus de transformation structurelle que les grandes économies ont
connu durant leur phase de développement et qui s’inscrit sur le temps long, le travail
est généralement réallouédu secteur traditionnel de l’agriculture faiblement productif - du moins dans les premières étapes du développement - vers le secteur
moderne de l’industrie à plus forte productivité. Se trouve ainsi initié un nouveau régime
de croissance où le secteur de l’industrie en l’occurrence, devient le vecteur moteur qui
porte l’évolution de la productivité globaleen générant des externalités positives au
bénéfice de l’économie dans son ensemble.
C’est ce processus de transformation structurelle qui a immanquablement conduit
l’économie de la Corée du Sud, mais aussi celle de la Chine ou de la Thaïlande vers
l’émergence d’une nouvelle configuration de la structure de leur économie et l’initiation
d’un nouveau régime de croissance.
9
Figure 2: Évolutioncomparée de la structure sectorielle du PIB des pays asiatiques
Source : KIET – Etude pour le Ministère de l’industrie et la promotion des investissements (Alger 2010)
Plus généralement, cette transformation structurelle peut être observée avec une
assez grande régularité dans l’ensemble des expériences réussies dans le monde. Pour
le voir, les trois figures suivantes présentent respectivement la part dans la production
nationale de l’agriculture, de l’industrie et des services de 120 pays suivant le degré
de développement de leur économie (approché par leur PIB par habitant en dollars
constantsexprimés en parité des pouvoirs d’achat afin de réduire l’influence des taux
de change nationaux).
10
Figure 3: Relation entre la part de l’industrie, de l’agriculture et des services dans le PIB et le
niveau de développement des économies dans le monde
Source : Graphique construit par l’auteur sur la base des données deWorld DevelopmentIndicatorsWorld Bank(WDI/WB).
11
Ces figures montrent que, dans le cours historique de leur développement, les pays voient
la structure de leur économie se transformer: leurs ressources sont progressivement
réallouées de l’agriculture - initialement faiblement productive- vers les secteurs
modernes de l’industrie et des services à productivité plus élevée.
Il faut préciser à ce titre que la désindustrialisation relative des pays développés est le
résultat de leur progression dans la chaine de valeur. En raison de la hausse de leurs
coûts salariaux, une spécialisation industrielle accrue dans des secteurs d’activité à
forte intensité de savoir et de valeur ajoutée s’est substituée, à une diversification de
l’industrie manufacturière caractérisant les premières étapes de leur développement.
B. Les transformations structurelles comme source d’accroissement de la
productivité
Cet aspect de transformation structurelle pro-développementalest assez peu étudié
dans les diagnostics de développement, particulièrement dans le cas de notre économie
où l’accent est exclusivement mis sur la productivité des entreprises. Pourtant, les
changements structurels, lorsqu’ils réallouent les ressources des secteurs à faible
productivité vers les secteurs à productivité plus élevée sont une source importante
d’accroissement de la productivité de l’économie.
En fait, les développements ci-dessus indiquent que l’évolution de la productivité globale
d’une économie dépend non seulement, (i) de la productivité de ses entreprises dans
les différents secteurs où elles opèrent mais aussi, (ii) du degré d’efficience del’allocation
des ressources entre les secteurs économiques.
Evolution de la productivité résultant
de la réallocation des ressources
entre les secteurs
12
C’est surtout ce deuxième canal,porté par les transformations structurelles de
l’activité économique,qui permet de faire émerger de‘nouveaux’ régimes de croissance
à travers la promotion et le développement de nouveaux secteurs à l’instar du secteur
industriel ou des services supérieurs. Une des clés du succès des expériences réussies
de développement a été précisément le degré avec lequel les politiques économiques
ont pu conduire ce processus de transformations structurelles.
II. LA DIRECTION DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES DANS
L’ECONOMIE
NATIONALE
Qu’en est-t-il de notre pays ?
Dans quelle mesure peut-on observer un processus de transformation structurelle qui
réalloue l’activité économique des secteurs les moins productifs vers les secteurs les
plus productifs ? Dans l ‘évolution de la productivité globale de l’économie nationale,
quelle est la part de la productivité provenant des entreprises,et celle liée au degré
d’efficience de l’allocation sectorielle des ressources ?
A. Des gaps sectoriels de productivité révélateurs d’un blocage des
transformations structurelles
Il existe en effet des gaps substantiels de productivité entre les différents secteurs
de l’économie nationale révélateurs d’une grande inefficience dans l’allocation
sectorielle des ressources productives. Le tableau ci-dessous qui présente la
productivité du travail dans les quatre grands secteurs (agriculture, industrie, BTP
et commerce, services et administration) en moyenne annuelle sur la période
2010-2024 montre, en effet une forte hétérogénéité dans la structure productive.
Tableau 3 : Productivité moyenne annuelle entre 2010 - 2014 (en milliers de DA prix
constants 1999)
SECTEURS
Economie globale
Agriculture
Industrie
BTP
Service, Commerce, Admin.
PRODUCTIVITE
458,8
787,1
341,4
488,5
424,5
Sources : Calculs d’après les Comptes économiques nationaux à prix constants et l’Enquête Emplois
(ONS) sur différentes années.
13
Ces gaps de productivité sontrévélateursdu dualismequi caractérise les économies en
développement et que les économistes ont depuis longtemps identifié comme une
source de blocage de la croissance.
Peut-on toutefois observer une réduction de ces gaps dans le cours du développement
du pays ?
Dans le processus d’émergence et de diversification d’une économie, les disparités
sectorielles de productivité ont tendance à se résorber : la mobilité des ressources
productives, notamment celle de la main-d’œuvre,et saréallocation des secteurs à
faible productivité vers les secteurs à forte productivité ont historiquement été un des
moteurs du développement économique.
Toutefois, en Algérie, ces disparités sectorielles de productivité tendent à s’amplifier au
lieu de se réduire : alors que le niveau de productivité de l’agriculture était sensiblement
égal à celui de l’industrie en 2000, il se fixe, quinze ans plus tard, à un niveau deux fois plus
élevé que celui de l’industrie. Globalement, le coefficient de variation des productivités
sectorielles est passé de 3.8 % en 2000 à 5.8 % en 2014 indiquant une plus grande
dispersion des productivités sectorielles bien que le niveau de développement du pays
en termes de PIB par habitant aitsensiblement augmenté entre ces deux dates.
Tableau 4 : Productivité des secteurs (en milliers de DA constants 1999)
SECTEURS
Economie globale
Agriculture
Industrie
BTP
Service, Commerce, Admin.
Coefficient de variation
2000
355,44
392,87
333,69
530,54
323,75
3.79 %
2014
505,02
877,37
372,52
566,73
457,85
5,82 %
Sources : Calculs d’après Comptes économiques nationaux à prix constants et Enquête Emplois (ONS)
différentes années. (cf.tableau 3)
Cette dispersion dans la productivité des différents secteurs économiques et sa
persistance est révélatrice des fortes rigidités structurelles qui marquent encore la
dynamique de l’économie nationale à ce jour et sont la source d’une sous optimalité de
l’allocation des ressources productives entre les secteurs dans l’économie nationale.
14
B.
L’orientation sectorielle des transformations structurellesen Algérie : une « déagriculturisation » sans industrialisation
L’autre constatationmarquante,à côté de la dynamique de transformation structurelle
concerne l’orientation sectorielle de ces transformations. Quelles ont été les directions
des flux de main-d’œuvre qui ont accompagné la transformation de la structure du
système productif national ?
On observe à cet égard, que la part de la main-d’œuvre dusecteur agricole dans le
total de l’emploi n’a cessé de décliner depuis quarante ans. Celle-ci est passée de
40 % en 1973 à moins de 10 % en 2014. Certes, il s’agit d’un phénomène qui s’observe
historiquement dans beaucoup de pays en voie de développement.Toutefois, il recouvre
dans notre pays un résultat bien particulier (cf.tableau 5 ci-dessous):
—
Dans une première phase qui s’étale jusqu’aux années 80,cette main-d’œuvre
libérée par le secteur agricole s’est dirigée vers l’industrie dans une dynamique proche
de celle que l’on a pu observer notamment dans les pays latino-américains au cours
des années 50 ou encore en Inde, en Thaïlande et en Turquie au cours des années 90.
Ce processus n’a cependant pas perduré.
—
Dans une seconde phase, en effet, l’industrie n’absorbe plus l’emploi issu de la
contraction du secteur agricole mais celui-cis’oriente davantage vers le secteur des
services (au sens large) et celui des BTP imprimant une nouvelle configuration structurelle
du système productif dominé dès lors, en termes d’allocation des ressources, par les
secteurs des services plutôt primaires, du commerce et l’administration peu porteurs
de modernité.
En somme le processus de « dé-agriculturisation » qu’on observe dans un grand nombre
d’économie au cours de leur phase de développement n’a pas donné naissance dans
notre pays à une dynamique vertueuse de transformations structurelles. Celle-ci est
allée dans le mauvais sens : elles’est accompagnéeau contraire,de la fin de la décennie
70jusqu’à nos jours, d’un processus de désindustrialisation et d’expansion du secteur
informel alors même que l’industrie est censée être le secteur « moderne » et porteur
de l’accroissement de la productivité de l’économie nationale.
15
Tableau 5:Réallocation sectorielle des ressources dans l’économie nationale : 19732014
Part emploi Agriculture
Part emploi Industrie
Part emploi BTP
1973
40.0 %
11.2 %
8.7 %
1977
31.0 %
18.0 %
15.5 %
1987
18.6 %
16.7 %
16.9 %
2000
14.1 %
13.4 %
10.0 %
2014
9.5 %
12.6 %
16.5 %
Part emploi Service
40.1 %
35.6 %
47.8 %
62.5 %
61.4 %
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS.
C.
Une estimation de la contribution des transformations structurelles à
l’évolution de la productivité
Ces transformations structurelles peuvent ou non être favorables au développement
de la productivité du travail dans l’économie dans son ensemble.Elles le sont lorsque
l’apparition de nouveaux secteurs ou l’expansion des secteurs existants s’accompagne
d’une augmentation de leur productivité.
Dans cette perspective, les tableaux ci-dessous classent les secteurs économiques
suivant leur degré d’expansion durant les deux sous-périodes 1973-1987 et 1987-2014
et associentà ces secteurs leur productivité en fin de période calculée en écart par
rapport à la moyenne nationale.
Tableau 6 : Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie :
1973-1987
Secteurs
Agriculture
Industrie
BTP
Service, Commerce,
Administration
Augmentation de la part
d’emploi 1987-1973(en
points de %)
- 21.4
+ 5.5
+ 6.8
Productivité en 1987
(en écart à la moyenne
nationale)
0,72(*)
1.08
1.06
+ 7.7
1.06
(*) Lire : l’écart de 0.72 observé pour l’agriculture signifie que la productivité du travail
dans le secteur de l’agriculture s’est fixée à un niveau égal à 72% du niveau de productivité
moyen observé dans l’économie dans son ensemble au cours de l’année 1987.
Source :Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS
16
On constate que la productivité des secteurs, durant la sous-période 1987 - 1973, est
positivement corrélée au mouvement de main-d’œuvre de sorte que les transformations
structurelles de l’économie ont favorisé la croissance de la productivité globale de
l’économie.
Ces évolutions n’ont pas été toutefois persistantes et n’ont pu être soutenues au cours
la période consécutive au premier contre choc pétrolier. En effet, le même exercice
effectué pour la période 2014-1987 montre que le secteur agricole a connu une
amélioration de sa productivité (celle-ci en 2014 est supérieure de 65 % à la productivité
moyenne de l’économie) alors que celle-ci est couplée à une contraction de ce secteur.
La productivité des autres secteurs est, par contre,positivement corrélée à l’expansion
de ces secteurs. Au total, l’effet de ces dynamiques sectorielles sur l’évolution de
la productivité de l’économie est ambigu, l’agriculture y contribuant négativement à
l’inverse des autres secteurs dont la contribution est positive.
Tableau 7: Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie :
1987-2014
Secteurs
Agriculture
Industrie
BTP
Service, Commerce,
Administration
Augmentation de la part
d’emploi 1987-2014(en
points de %)
- 9.1
+ 4.1
0.4
13.6
Productivité en 1987
(en écart à la moyenne
nationale)
1.65
0.59
0.93
1.00
Source :tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS.
Plus précisément, on a procédé à une « décomposition » de l’évolution de la
productivité de l’économie nationale pour distinguer:
—
la part provenant d’une évolution de la productivité des entreprises dansleur
secteur respectif (dimensionintrasectorielle) à travers l’accumulation des facteurs de
production et l’apport de la technologie ;
—
la part relevant des transformations structurelles résultant des mouvements
intersectoriels des ressources des secteurs à faible productivité vers des secteurs à
plus forte productivité.
A cet égard, les tableaux ci-dessous (8 et 9) présententcette décomposition
de l’augmentation de la productivité dans l’économie nationale en distinguant
respectivement la période 1977-1987 (pré-premier choc pétrolier) et la période
1987-2014 (post-choc pétrolier).
17
Tableau 8 : Décomposition de la productivité du travail – Période 1987-1977(en milliers de DA
par employé)
Période 1977-1987
Augmentation de
la productivité du
travail
Composante due aux facteurs
Sectoriels
Structurels
Economie dont :
1.29
1.20
0.09
Agriculture
0.18
0.37
- 0.19
Industrie
0.25
0.28
- 0.03
BTP
0.24
0.21
0.03
Services
0.62
0.35
0.27
Source :Tableau élaboré par l’auteurd’après les données de l’ONS
Tableau 9 : Décomposition de la productivité du travail – Période 2014-1987 (en milliers de DA
par employé)
Période 1987-2014
Augmentation de
la productivité du
travail
Composante due aux facteurs
Sectoriels
Structurels
Economie dont :
37.30
38.95
- 1.65
Agriculture
5.93
11.83
- 5.90
Industrie
2.55
3.52
- 0.97
BTP
5.68
5.83
- 0.15
Services
23.14
17.77
5.37
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS
-
18
La figure 4 reproduit la contribution en pourcentage de la composante intra et
intersectorielle dans chacun des grands secteurs économiques.
Figure 4 : Contribution des transformations structurelles à la productivité globale de
l’économie
Source : Figure réalisée par les calculs de l’auteur
On constate,pour les deux sous périodes, que la croissance de la productivité enregistrée
est principalement tirée par les services (primaires) de par l’importance de la taille de
ce secteur dans l’économie nationale. Mais bien plus, la productivité de l’économie est
le fait quasi exclusif des productivités intra-sectorielles des entreprises. Ainsi :
—
les transformations structurelles n’ont contribué que de façon marginale à
l’évolution de la productivité globale durant la première sous-période 1977-1987 ;
— durant les vingt-cinq dernières années(1987-2014), les directions de
transformationstructurelleont même été un facteur de réduction de la productivité
(growth-reducing). Les changements structurels ont ainsi contribué négativement à la
croissance d’ensemble de l’économie.
Au total, les directions de transformations structurelles n’ont pas été prodéveloppemental : elles ont mêmeentraîné une dynamique perverse qui a privé
l’économie nationale d’un gisement important de productivité.
Cet aspect est malheureusement peu mis en relief dans les études de diagnostic de
l’économie nationale qui se sont surtout penchées sur la dimension microéconomique
de la productivité de l’économie nationale (celle des entreprises dans leur secteur)
en négligeant la contribution des effets de structure alors même que cette dernière
composante a historiquement été un déterminant essentiel à la réussite économique
des pays émergents.
19
Ces faibles performances en termes de transformation structurelle appellent un
environnement et des incitations qui remodèlent les directions des changements
structurelles à l’effet de réaliser le potentiel de productivité qui peut être généré par
une réallocation des ressources productives vers les secteurs modernes de l’économie.
Des recommandations seront formulées dans cette perspective.
III. UNE PREMIERE CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION DE
L’ECONOMIE NATIONALE A TRAVERS UNE FAIBLE INDUSTRIALISATION
Parmi les facteurs économiques pré-requis à une transformation structurelle et une
diversification réussies figurent :
—
un déclin de la part de la valeur ajoutée ou de la part de l’emploi agricole dans
l’économie ;
—
une élévation en conséquence de la productivité du secteur agricole ;
—
une élévation de la part de la valeur ajoutée de l’industrie et des services
modernes, notamment ceux liés à l’industrie.
La figure4 présentéeci-dessus documente ces aspects que l’on retrouve dans la
plupartdes expériences modernes de développement.
Dans notre payscomme observé, les deux premiers facteurs semblent avoir joué au
sens où, parallèlement à une contraction relative du secteur agricole, on observe un
regain de la productivité du travail dans ce secteur notamment sur les quinze dernières
années. Mais l’autre fait remarquable est que la main d’œuvre libérée par le secteur
agricole ne s’est pas orientée vers le secteur industriel ou celui des services supérieurs.
Quelle est l’ampleur dugap industriel accumulé dans le cours des changements
structurels que le pays a connu ?
Il est largement admis quele secteur industriel est le « parent pauvre » du développement
économique national depuis plusieurs décennies. La valeur ajoutée de l’industrie
manufacturière s’est élevée à 3.9 % du PIB en 2014.
Il est vrai qu’un tel rapport peut donner une image biaisée des changements structurels
mis en œuvre. Les fortes dévaluations de la monnaie nationale durant les années 90
tout autant que l’envolée du prix des hydrocarbures durant les années 2000 ont eu
pour effet d’accroitre la part des hydrocarbures dans le PIB et de réduire, toute chose
égale par ailleurs, celle des autres secteurs de l’économie - dont l’industrie - sans que
cela n’indique un quelconque changement de structure de l’économie.
Recalculée à prix constants pour supprimer l’influence du prix des hydrocarbures, cette
part de l’industrie manufacturière dans le PIB augmente légèrement. Elle fluctue entre
6.2 et 7% du PIB tout au long des quinze dernières années et s’est fixée à 7.0% du PIB
en 2014.
20
Cependant, quelque puisse être son mode de calcul, c’est dans lecontexte
internationalque le gap d’industrialisation peut être correctement apprécié et évalué.
A cet égard, on a reproduit dans la figure 5 ci-dessous :
—
la norme d’industrialisation comme fonction du niveau de développement et de
la taille du pays ;
—
la part de l’industrie dans le PIB de 249 pays, dont l’Algérie, suivant leur PIB par
habitant (en moyenne annuelle sur la période 2010-2014).
Figure 5 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation –
ensemble des économies
Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2013
Cette figure montre quele secteur industriel national se situe en deçà des normes
d’industrialisation. Autrement dit, notre degré d’industrialisation n’atteint pas encore
le niveau moyen observé dans des pays similaires au nôtre en termes de taille et de
niveau de développement. Son gap d’industrialisation peut être évalué à environ 9
points de pourcentage de PIB.
Ces conclusions doivent cependant être affinées pour tenir compte du fait que dans
les pays pétroliers, le secteur des hydrocarbures, en induisant une augmentation du
PIB global, réduit, par là même la contribution des autres secteurs au produit intérieur
brut.
Toutefois, même parmi les pays exportateurs de pétrole, le gap d’industrialisation de
l’économie nationale persiste bien qu’avec une plus faible ampleur : comme le montre
la figure 6, la part de l’industrie dans le PIB est inférieure d’environ 3% à la moyenne des
pays pétroliers comparables au notre en termes de PIB par habitant.
21
Figure 6 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation –
économies pétrolières
Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2013
Ce faible dynamisme du secteur industriel, par ailleurs source d’apprentissage et
d’innovation technologiques et organisationnelles, est révélateur de la direction
défavorable du processus de transformation structurelle de l’économie algérienne.
La faiblesse de l’industrie est certainement la principale source de la persistance de
la domination des hydrocarbures dans les exportations algérienneset du blocage du
processus de diversification.
IV. UNE DEUXIEME CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION EXTERNE
A TRAVERS LA CONCENTRATION DES EXPORTATIONS
La faible diversification des exportations est connaissance commune. Les exportations
hors hydrocarbures ont représenté 2.8% du total des exportations durant l’année
2014. Mais au-delà de cette observation générale, nous utilisons deux indicateurs –
peu souvent investis –pour décrire le processus de concentration/diversification des
exportations en Algérie : l’évolution du nombre de produits exportés et la durée des
épisodes d’exportation.
22
A.
L’évolution du nombre de produits exportés
Si onEn observant l’évolution du nombre de produits exportés dans la nomenclature
du Système Harmonisé à 6 digits(HS-6) -un indicateur frustre des marges
extensives-, onnous constatons que celle-ci ne présente pas de tendance particulière
au cours de la dernière décennie. Le nombre de produits exportés par an a été
en moyenne de 861 au cours de la période 1992-2012 avec un maximum de 1143
produits en 2002 et un minimum de 554 produits en 1994. A titre de comparaison, le
nombre de produits exportés en particulier par le Maroc,sur la même période, a été
de 2710 en moyenne (cf. figure ci dessous).
Figure 7: Évolution du nombre de produits exportés ; 2012-1992
Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits
Cependant, la seule dimension du nombre de produits exportés ne permet pas
de rendre totalement compte du processus de diversification des exportations.
Tout comme la découverte d’un nouveau produit d’exportation, la pénétration d’un
nouveau marché international est également assimilée notamment par l’économiste
du développement D. Rodrik à la production d’une innovation. En distinguant les
produits exportés selon les pays de destination auxquels ils s’adressent, une relation
d’exportation sera alors l’exportation d’un produit donné sur un marché déterminé. La
figure ci-dessous présente dans ce cadre l’évolution du nombre de produit-marché sur
les deux dernières décennies en Algérie et au Maroc à titre de comparaison.
23
Figure 8 : Nombre de relations d’exportation : couple produit-marché. HS-6 digits
2012 - 1992
Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits
La prise en compte du couple produit-marché dans l’évolution de l’expansion des
exportations accentue le gap de diversification qui existe entre l’Algérie et les autres
pays de la région sans tendance à un rattrapage en faisant manifestement de l’Algérie,
à travers ces performances d’exportation, un « outlier ».
B.
La durabilité des exportations
A chaque période, des exportations nouvelles (produits ou nouvelles destinations)
apparaissent tandis que d’autres exportations meurent. Le processus de diversification
possède ainsi une démographie. Il est d’autant plus soutenu que les entrées dans le
marché international restent actives et que les relations d’exportation déjà existantes
sont persistantes. Dès lors se pose la question de la durabilité des relations d’exportation.
Celles-ci sont-elles des relations transitoires entre les partenaires ou subsistent-elles
en général sur le long terme ?
24
Dans ce cadre, on retient qu’un épisode de croissance est la période pendant laquelle
un produit est exporté sans interruption. Il faut noter cependant qu’un produit peut
avoir plusieurs épisodes de croissance au cours de la période d’études(2) . En Algérie,
un total de 7850 épisodes d’exportation est observédurant les deux décennies
1992-2012parmi lesquels 4918 ont duré une année seulement.
Figure 9 : Répartition des épisodes d’exportation par durée : 2012 - 1992
Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données Comtrade HS 6 digits
La figure 9qui présente la répartition des épisodes d’exportation selon leur durée
montre une distribution fortement asymétrique avec un étalement de la queue vers la
droite conformément à la distribution de la loi de puissance (power lawdistributions).
Cependant, une des particularités importantes de l’étude de la durée des exportations,
comme dans tout modèle de durée, est que les observations sont incomplètes. Pour les
produits d’exportation subsistant jusqu’à la date finale d’observation (2012), le résultat
n’est observé que partiellement. Par exemple, l’Algérie a exporté jusqu’en 2012 - date
finale d’observation- de l’urée mais nous ne savons pas si cette relation d’exportation
a cessé au terme de l’année 2012 ou, sinon, quelle en a été, ou sera, sa durée.
(2)
Le produit « poissons frais ou réfrigérés » (030262) a été exporté par l’Algérie au cours de l’année 2002 disparaît
du panier d’exportation en 2003, est de nouveau exporté durant l’année 2004 disparaît en 2005 avant de connaître
un épisode d’exportation d’une durée de 3 ans à partir de 2006 au delà de laquelle il n’est plus observé.
25
Faute d’une observation continue, certaines données sontcensurées. A cet égard,
nous avons retenu l’estimateur de Kaplan et Mayer de la fonction de survie qui a la
particularité de prendre en compte à la fois les données observées et les données
censurées.
Le graphe suivant reporte la fonction de survie des exportations algériennes sur la
période 1992-2012.
Figure 10 : Estimation de la fonction de survie des exportations algériennes
Estimateur de Kaplan et Meyer : 1992-2012
Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits
On constate que la probabilité pour qu’un produit soit exporté au-delà d’une année
est faible, estimée à 32% seulement. Par ailleurs, un produit a moins de 17% de chance
d’être exporté au-delà de deux ans. Ainsi, la plupart des exportations meurent au
bout de deux années. En moyenne, un produit a une durée de vie à l’exportation de 1.7
année.
Il s’agit d’un risque de défaillance important s’il est comparé à la survie des exportations
d’autres pays comme les exportations marocaines, à titre d’exemple, où la probabilité
de survie au-delà de la première année est estimée à 60%, soit près du double de celle
des exportations algériennes.
26
Une autre caractéristique distinctive des exportations algériennes est la relation
entre « l’âge » des produits exportés (soit, la durée de leur présence sur les marchés
d’exportation) et leur probabilité de défaillance (soit, la cessation de leur exportation).
La figure 11 ci-dessous présente la fonction de hasard de la durée de vie des exportations
algériennes(c’est-à-dire, la probabilité de cessation de l’exportation du produit en
fonction de sa durée de présence sur les marchés d’exportation).
Figure 11 : Estimation de la fonction de hasard des exportations : Algérie et Maroc 1992-2012
Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données Comtrade HS-6 digits
L’évolution décroissante pour l’Algérie de cette fonction à partir d’une certaine durée
est caractéristique d’un système qui s’améliore dans le sens où plus les produits
d’exportation restent longtemps présents sur les marchés internationaux plus leur
chance de survie sur ces marchés est longue. Ainsi, malgré une forte mortalité des
exportations au terme de la première année, le risque de défaillance décroit avec «
l’âge »du produit. Ce risque reste toutefois bien plus important que celui d’un pays
comme le Maroc.
Au total, à côté du faible flux de produits exportés, ces derniers se caractérisent
également par une mortalité élevée bien que décroissante avec l’âge des produits sur
les marchés internationaux.
En conclusion, il ressort de cette analyse que les politiques économiques mises en
œuvre depuis les dernières décennies ont induit des changements structurels qui
ont entraîné un déclin relatif du secteur de l’agriculture sans pour autant conduire à
l’émergence d’un largesecteur industriel moderne. Cette orientation des changements
structurels a eu plusieurs conséquences :
27
—
elle n’a pas permis à l’économie de réaliser son potentiel de productivité,en
l’empêchant de bénéficier du surcroit de productivité qu’une meilleure réallocation
sectorielle des ressources aurait permis ;
—
elle a entraîné une stagnation à partir de la fin de la des années 70s du
secteur industriel. L’économie est en deçà des normes d’industrialisation même
comparativement aux pays pétroliers ;
—
les marchés intérieurs sont faiblement couverts par la production industrielle
nationale ;
—
les exportations de l’industrie manufacturière sont marginales en volume et en
nombre, l’économie nationale demeurant l’une des plus concentrée sur les exportations
dans le monde.
Promouvoir la croissance économique et en diversifier ses sources dans une
conjoncture adverse qui ne laisse qu’une période de transition de quelques années
devient une nécessité impérieuse qui conditionne la préservation des grands équilibres
de l’économie nationale. Quelle est l’ampleur de l’effort à fournir ? Sur quel paradigme
économique s’appuyer et comment le faire ?
28
PARTIE B. LA PORTEE DU CHALLENGE
La diversification n’est pas une entreprise aisée. Dans le monde d’ailleurs, les pays qui
ont réussi leur diversification sont rares.
I.
LES OBJECTIFS DE LA DIVERSIFICATION
Pour évaluer l’ampleur de l’effort à fournir en termes de croissance du secteur industriel et de croissance des exportations hors hydrocarbures, nous avons simulé une trajectoire de croissance admissible permettant d’atteindre les objectifs de diversification
suivants pour l’économie algérienne :
—
en ce qui concerne la diversification de la production nationale, l’objectif est d’accroitre la part du secteur industriel dans le PIB d’un point de pourcentage en 2020
(faire passer cette part de 4.9% du PIB en 2014 à 6% en 2020) et de deux points et
demi du PIB à l’horizon 2025 ;
—
en ce qui concerne la diversification des exportations, faire passer la part des
exportations hors hydrocarbures dans le total des exportations de 3.8% actuellement
à 12.5% en 2020 et à 20% en 2025.
II.
SIMULATION D’UNE TRAJECTOIRE DE DIVERSIFICATION ET DERIVATION DES
CROISSANCES REQUISES
Ces objectifs, étalés sur une période de dix ans (2015-2025) avec une accélération
progressive du développement industriel, nécessite une croissance de la valeur ajoutée de l’industrie nationale hors hydrocarbures de 9.3 % par an en moyenne sur la période de projection 2015-2025.
Tableau 10:La dynamique du secteur industriel projetée (2015-2025) (en milliards DA)
2014
Croissance projetée du PIB
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2025
4.0 %
4.5 %
5.0 %
5.0 %
5.0 %
5.0 %
5.0 %
Volume PIB
17200
17900
18700
19500
20500
21500
22600 28900
VA Industrie
0.84
0.89
0.97
1.05
1.15
1.25
1.36
2.16
Part de l›industr / PIB
4.9 %
5.0 %
5.2 %
5.4 %
5.6 %
5.8 %
6.0 %
7.5 %
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2025
6.1 %
8.7 %
8.5 %
8.9 %
8.8 %
8.6 %
9.4 %
Croissance requise de
l›industrie
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS
29
Tableau 11 : La dynamique des exportations hors hydrocarbures projetée (2015-2025) (en
milliards de dollars)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2025
Croissance projetée du PIB
40
40.2
40.6
41.2
41.8
42.5
45.7
Volume PIB
1.6
2.5
3.3
4.2
5.2
6.2
11.4
VA Industrie
41.6
42.7
43.9
45.5
47
48.6
57.2
Part de l›industr / PIB
3.8 %
5.9 %
7.5 %
9.2 %
11.1 %
12.8 %
20 %
Source : Tableau élaboré par l’auteurd’après les données de l’ONS.
Ces croissances moyennes peuvent paraître excessives au regard des performances
passées de l’industrie et du secteur des exportations. Cependant, on peut relever que :
—
d’une part, les faibles conditions initiales de ces processus inscrivent ces
performances de croissance du domaine du réalisable et ;
—
d’autre part, au moins 32 pays en développement ou émergents ont connu, au
cours des cinquante dernières années, un ou plusieurs épisodes de développement
industriel accéléré. Quatre parmi ces pays, sont des économies pétrolières :
Tableau 12 : Épisodes de croissance industrielle accélérée parmi les pays pétroliers
Pays
Rep. Iran
Kazakhstan
Nigeria
Arabie Saoudite
Episodes de croissance
accélérée
1995 - 2006
2001 -2006
2004 - 2014
2004 - 2011
Taux de croissance moyen
sur la période
10.2 %
8.8 %
12.1 %
9.3 %
Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2014
Ainsi, ce processus peut être ardu mais n’est pas un phénomène totalement
exceptionnel. Il est toutefois nécessaire pour sa réalisation d’adopter une vision saine
des politiques industrielles et de la nature de l’intervention de l’Etat ainsi que les
politiques économiques permettant de réduire à la fois les défaillances du marché et
celles des politiques publiques.
30
PARTIE C. LES POLITIQUES INDUSTRIELLES DE DIVERSIFICATION : LES
TERMES DU DEBAT
I.
LES ELEMENTS DE CONSENSUS
Aujourd’hui, la nécessité d’une politique industrielle prônant une intervention de l’Etat
pour diversifier l’économie nationale est une idée largement partagée. Certes, tant
les théories que les expériences internationales mettent en évidence l’importance des
mécanismes de marché dans la formation du signal des prix et des incitations pour
une allocation efficiente des ressources. Toutefois, ces mécanismes sont loin d’être
suffisants et la politique industrielle - en tant qu’interventions de l’Etat dans l’économieà un rôle important à jouer dans le processus de croissance et de diversification des
économies en développement.
La question importante qui se pose inévitablement est de savoir jusqu’où doit aller
l’intervention de l’Etat.
Un consensus semble aujourd’hui être établi sur les raisons suivantes justifiant
l’intervention de l’Etat :
—
sans l’intervention de l’Etat, l’innovation ne peut pas se développer. En effet, faute
d’une protection suffisante des droits de propriété dans les pays en développement,
l’entreprise innovante se trouve pénalisée : en cas de réussite, elle sera immédiatement
imitée par ses concurrents et perdra le bénéfice de toute rente d’innovation alors qu’en
cas d’échec, elle sera seule à en supporter les pertes. Cependant, du point de vue de
l’économie dans son ensemble, l’entreprise innovante, qu’elle réussisse ou non,aura
produit une externalité informationnelle positive du fait qu’elle aura permis de savoir si
tel produit ou tel procédé peut ou non être avantageusement produit ou utilisé dans le
pays. Cette information nouvelle sur les capacités potentielles de l’économie nationale,
le marché ne peut pas la valoriser. L’intervention de l’Etat pour subventionner la
recherche d’innovation permet de pallier à cette défaillance informationnelle du marché ;
—
sans l’Etat, il ne peut y avoir un processus de développement industriel coordonné.
En effet, les transformations structurelles de l’économie sont un processus complexe
mettant en jeu plusieurs dimensions (édification d’infrastructures physiques,
scientifiques, financières, procédures de régulation, formation d’une main d’œuvre
avec des qualifications spécifiques,etc.)ainsi que plusieurs acteurs économiques.
Le plus souvent, le marché ne peut pas être l’institution (ou l’unique institution) qui
organise le développement industriel. L’Etat intervient pour pallier à cette défaillance
de coordination du marché(3) ; acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de réaliser
dépasser que par la coordination des acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de
réaliser.
Un exemple de défaut de coordination que le pays a actuellement : du point de vue des entreprises nationales,
pourquoi produire pour l’exportation sachant qu’il n’y a pas de logistique du commerce extérieur et du point de
vue des pouvoirs publics, pourquoi mettre en place une logistique coûteuse de commerce extérieur sachant qu’il
n’y a pas d’exportation. Il s’agit d’une situation manifestement sous optimale qu’on ne peut dépasser que par la
coordination des acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de réaliser.
(3)
31
II.
LES ELEMENTS DE DIVERGENCE
A.
Politiques transversales versus politiques sélectives
La position des acteurs économiques nationaux cependant n’est plus aussi unanime
lorsqu’il s’agit de poursuivre une politique industrielle plus active qui va au-delà des
mesures transversales pour aller vers des interventions sélectives.
En effet, nous pouvons nous interroger, pourquoi, une politique industrielle sélective?
Pourquoi ne pas simplement concentrer ses efforts sur l’assainissement de
l’environnement de l’investissement, le Doing-business et la régulation de l’économie
? Après tout, bien des chefs d’entreprise ne revendiquent que « l’assainissement du
climat d’affaires ». Ces réformes faites, le marché et la concurrence peuvent alors
d’eux-mêmes orienter le développement du pays vers une spécialisation conforme à
ses avantages comparatifs et faire émerger « un secteur privé dynamique ». Autrement
dit, pour l’Etat, tous les secteurs et toutes les régions doivent être prioritaires à priori et
il appartient au marché et aux lois de la concurrence de décider lequel est le meilleur.
B.
Se conformer ou défier les avantages comparatifs de l’économie nationale
L’autre point de divergence sur la conception de la politique industrielle de diversification
est celui du choix entre :
—
se conformer aux avantages comparatifs révélés par les marchés aujourd’hui et
mettre en place l’environnement nécessaire pour en faciliter l’exploitation (dans notre
cas, exploiter l’avantage salarial) ou, au contraire,
—
défier ces avantages révélés par le marché pour faire émerger de nouvelles activités
(industries naissantes) et/ou promouvoir sélectivementcertaines activités existantes dont
on estime qu’elles sont de nature, dans le moyen-long terme, à contribuer au développement
« upgrading » industriel et technologique?
Se conformer aux avantages comparatifs - déterminés par la dotation en facteurs de
production du pays - permet aux entreprises nationales d’être compétitives. Une économie
avec une main d’œuvre abondante peut ainsi se diversifier avantageusement dans les
industries manufacturières à haute intensité en travail tandis que les entreprises des pays
à haut revenu disposant d’un capital abondant seront plus compétitives dans les industries
à haute intensité capitalistique.
A contrario pourrait-on soutenir que la Corée du Sud serait devenue un pays de grands
cultivateurs de riz si elle s’était conformée à ses avantages comparatifs révélés par le
marché au lieu d’être le leader mondial des composants électroniques ?
La réponse à ce questionnement est importante car elle a une incidence sur le pilotage
stratégique des politiques industrielles. Elle est malheureusement loin d’être tranchée et fait
encore l’objet de débats avec, comme corollaire, un questionnement sur la rationalité qu’il
y a à désigner des secteurs industriels gagnants (ou prioritaires, porteurs, stratégiques
suivant les terminologies).
32
C.
La démarche préconisée
Compte tenu de l’importance du gap industriel et de l’orientation des transformations
structurelles à imprimer, il est nécessaire de « marcher sur les deux jambes ».
La politique industrielle de diversification devra s’appuyer surles mesures
transversalespermettant d’exploiter les avantages comparatifs courants de l’économie
nationale et relatives notamment à:
—
l’amélioration de l’environnement d’affaires et du cadre d’investissement;
—
l’appui à la compétitivité des PME, à leur mise à niveau et au renforcement de
leurs capacités indépendamment de leur secteur d’activité.
Cependant, le niveau d’industrialisation actuel de l’économie et l’importance des
transformations structurelles à réaliser plaident pour une politique industrielle proactive
qui doit, non seulement exploiter les avantages comparatifs existants, mais aussi
orienter de façon sélective le développement industriel et technologiqued’une façon
volontariste vers de nouveaux secteurs industriels dont on estime qu’ils disposent d’un
avantage comparatif latentet vers de nouvelles directions technologiques.
Figure 12 : Conditions de mise en œuvre d’une politique de diversification
Source : Figure réalisée par l’auteur
33
En réalité, ces politiques ne sont pas indépendantes mais complémentaires: les politiques
sectorielles ne peuvent réussir sans les réformes de l’environnement, l’ouverture au
partenariat international et l’implication de l’Etat dans l’appui à la modernisation des
entreprises et à la pénétration des marchés.
Cependant, ces propositions ne résolvent pas toute la question mais déplacent celleci vers un autre terrain : les politiques électives étant admises, comment identifier les
secteurs porteurs d’un avantage comparatif lorsque celui-ci est latent ou que les
nouveaux secteurs à promouvoir n’existent pas encore ?
34
PARTIE D. L’APPROCHE METHODOLOGIQUE D’IDENTIFICATION DES
FILIERES PRIORITAIRES
I.
MAITRISER LES RISQUES D’UNE STRATEGIE DE FILIERE
Si les institutions internationales ont été, jusqu’à une date récente, peu enclines à soutenir
les politiques industrielles sélectives, c’est parce qu’elles estimaient que l’Etat n’a pas
la capacité d’identifier les filières prioritaires, c’est-à-dire celles qui, à priori, auraient
un fort impact sur la croissance et la diversification industrielles. Nous ne disposons
pasen effet d’une critériologie définitivement établie qui permette d’identifier les filières
porteuses dans une économie donnée.L’argument n’est donc pas totalement dénué
de fondement d’autant plus que les expériences réussies de politiques industrielles –
en dehors des pays asiatiques – ne sont pas nombreuses.
Le premier obstacle qui peut compromettre la réussite d’une politique industrielle
est la tentation de l’Etat de cibler des filières qui sont loin des avantages comparatifs
potentiels de l’économie ou encore de cibler et de vouloir protéger ou restructurer pour
des raisons sociopolitiques des industries qui ont déjà perdu tout avantage comparatif.
Cet argument estbien résumé par Justin Lin, ancien vice-président de la Banquemondiale,
économisteen chef:‘In fact, governments’ propensity to target industries that are too
ambitious and not aligned with a country’s comparative advantage largely explains why
their attempts to “pick winners” resulted in “picking losers.” (Justin Lin, 2009). Souvent
alors, ces politiques d’appui et de subvention se résolvent en dernier ressort, selon ces
institutions, en « aubaines » pour les entreprises avec un gaspillage de ressources rares
et sans effet significatif sur la croissance de l’industrie et sa diversification.
Le deuxième obstacle est l’identification même des avantages comparatifs latents.
Le ciblage des filières porteuses n’est pas évident même lorsque les pouvoirs publics
choisissent d’orienter la diversification industrielle du pays vers une direction conforme
à ses avantages comparatifs potentiels. La difficulté provient du fait que la priorisation
doit être basée sur le potentielde compétitivité des filières –qui renvoie aux avantages
comparatifs dynamiques, c’est-à-dire aux avantages que ces filières sont susceptibles
de se construire dans le futur– lesquels sont par nature inobservables à priori (4).
(4)
Par exemple, rien n’indiquait dans les années 70 que la Corée pouvait se construire des avantages comparatifs
dans son choix en faveur de l’industrie lourde et de la chimie (lourdement capitalistiques) et qui lui a permis de
promouvoir la sidérurgie, la construction navale, la construction automobile.En effet, en cette période, le textile et le
cuir (labor intensivesectors) représentaient encore en Corée plus de 30% de la valeur ajoutée de l’industrie.
35
Le mérite de ces arguments est d’appeler à la prudence dans l’identification des filières
stratégiques du fait du peu d’informations dont les pouvoirs publics disposent lorsqu’ils
adoptent des stratégies sélectives telles que la priorisation des filières industrielles
dans le cadre de la diversification de l’économie.
Néanmoins, ce risque de défaillance dans la désignation des filières stratégiques,
même s’il est bien réel, ne devrait pas conduire les gouvernements à se désengager de
toute responsabilité dans la facilitation du développement industriel sachant qu’aucun
progrès ne peut être réalisé sans une intervention volontariste de l’Etat à travers des
stimulants et des incitations positives, particulièrement dans notre pays au regard de
son gap industriel. Il s’agit en fait, non pas d’élaguer les politiques sectorielles de filières
mais de se donner les moyens de réduire les incertitudes et le risque de défaillance liés
à l’incomplétude de l’information des pouvoirs publics lorsque ceux-ci s’engagent sur
des stratégies ciblées de développement industriel.
Tenant compte de la nécessaire consistance du choix des filières à cibler avec les
avantages comparatifs potentiels du pays, l’orientation suivante est recommandée :
Recommandation 1 : Dans le processus de transformation structurelle de l’économie
nationale et de diversification, les secteurs à cibler (ou les industries naissantes à
promouvoir) doivent êtreconsistants avec les avantages potentielsdont dispose
l’économie nationale.
En l’état cependant, cette orientation du processus de diversification est relativement
peu opérationnelle. Il est nécessaire de lui donner un contenu plus concret et de la
traduire en mesures de politique industrielle car c’est précisément le contenu à donner
à cette notion de proximité des avantages comparatifs latents qui discrimine entre les
différentes approches de diversification susceptibles d’être proposées.
Recommandation 2 : Les secteurs ciblés doivent avoir de bonnes perspectives sur le
marché mondial.
36
II.
L’APPROCHE DE LA BANQUE MONDIALE D’IDENTIFICATION DES
SECTEURS PORTEURS DE DIVERSIFICATION
Dans sa démarche d’identification des secteurs porteurs préconisée notamment pour
l’Algérie, la Banque mondiale développe une méthodologie permettant de donner une
première forme opérationnelle au principe énoncé ci-dessus de la nécessaire proximité
du processus de diversification des avantages comparatifs dont peut disposer le pays.
A.
La méthodologie
Il s’agit d’évaluer le coût des transformations structurelles afin d’opter pour une direction
de diversification optimale. Dans ce cadre, il faut remarquer qu’il est plus facile de
produire un produit proche de la structure industrielle existante plutôt qu’un bien qui en
est éloigné(5). L’argument avancé est que deux biens proches nécessitent des inputs
en biens publics similaires de sorte que si le pays produit avantageusement le premier
bien, il pourra tout autant produire le second bien du fait de la similarité des intrants
nécessaires à leur production.
Il est toutefois nécessaire de se donner une mesure qui puisse rendre compte de
la « distance » entre deux produits déterminés. Dans ce cadre, l’étude de la Banque
mondiale considère deux produits A et B comme étant proches lorsqu’il est facile pour
les différents pays qui exportent le bien A d’exporter le bien B et pour les pays qui
exportent le bien B d’exporter le bien A. Autrement dit, deux produits sont proches
lorsqu’ils sont souvent exportés de manière avantageuse simultanément. Ainsi, la
proximité des produits entre eux n’est pas un attribut physique intrinsèque mais est
révélée par les marchés (d’exportation).
L’avantage considérable est le caractère opérationnel de cette nouvelle approche de
la proximité des biens.
(5)
La célèbre métaphore utilisée par Haussmann et Klinger pour visualiser l’approche assimile les produits à des
arbres plus ou moins productifs (degré de qualité des produits), l’espace des produits à la forêtet les firmes à des
singes qui se nourrissent des fruits de ces arbres. Le processus de changement structurel est le mouvement de
ces animaux de la partie la moins productive de la forêt vers la partie la plus productive. L’idée de base est que ce
mouvement est plus ou moins facilité par la proximité entre les arbres entre eux c’est-à-dire, la similarité entre
les produits. Par ailleurs, plus la forêt est dense (et donc que la base d’exportation et son voisinage sont denses) et
plus le changement structurel (la migration des animaux) est plus facile à réaliser et, à l’inverse, plus cette forêt est
clairsemée et plus cette transformation sera difficile.
37
Concrètement, l’évaluation de la distance entre les biens est menée de la façon suivante
: pour chaque paire de produits, on calcule le nombre de pays qui exportent ces deux
produits en tandem avec un avantage comparatif révélé supérieur à 1. Plus le nombre
de ces pays est grand et plus on estime que ces produits sont proches. Supposons
que le nombre de pays dans le monde exportant simultanément- avec un avantage
comparatif révélé supérieur à 1 - les asperges et les artichauts sont au nombre de
100 et ceux exportant les asperges et les téléviseurs à écran plat est de 20, alors on
considérera que les asperges sont relativement plus proches des artichauts que des
téléviseurs. Cette approche permet ainsi de cartographier l’espace des produits sous
la forme d’une matrice évaluant la distance entre chaque paire de produits.
Comme le montre l’illustration ci-dessous, les directions de diversification vont alors
dépendre de la base d’exportation existante :
Figure 13 : La distance d’évaluation entre les paires de produits
Produit 1
Produit 2
X1
X2
X3
BASE D’EXPORTATION
X4
Source : Banque mondiale
Dans ce cas de figure, la base d’exportation est constituée des produits X1, X2, X3 et X4
qui sont déjà exportés par l’Algérie. La direction de diversification la plus avantageuse
est celle consistant à cibler l’exportation du nouveau produit (Produit1) plutôt que le
(Produit 2) car le premier est plus proche que le second de la base d’exportation (et par
conséquent, sa production et son exportation requièrent des biens publics relativement
similaires à ceux entrant dans les produits de la base d’exportation).
38
B.
Le potentiel de diversification de l’économie nationale
Ainsi, à chaque produit nouveau peut être associé un indice de densité qui mesure sa
proximité de la base d’exportation existante. Cet indice, autrement dit, mesure le degré
de connectivité du bien nouveau à la base d’exportation.
En agrégeant ensuite l’indice de densité de l’ensemble des produits nouveaux et en
pondérant par leur niveau de sophistication (qualité).De cette approche dérive un
indicateur synthétique important qui va rendre compte du potentiel de diversification
industrielle du pays et permettre de suivre son évolution dans le temps. Plus cet indicateur
est élevé et plus les possibilités de transformations structurelles de l’économie (i.e.
l’augmentation du nombre de produits exportés et leur degré de sophistication) sont
importantes.
Des pays différents possèdent naturellement des potentialités de diversification
différentes selon la densité du voisinage de leur panier d’exportation.
Cette méthodologie, appliquée à l’Algérie, aboutit à une conclusion bien décevante : le
pays possède le plus faible potentiel de diversification dans le monde (du moins dans
l’échantillon de pays analysés par le Rapport de la Banque mondiale). La raison est la
spécialisation excessive sur les hydrocarbures et leurs dérivés alors que ces produits ne
possèdent pas de potentiel de diversification étant plutôt une enclave sans connexion
avec l’espace des autres produits.
C.
L’application de cette méthode à l’économie algérienne et ses limites
i.
L’identification des secteurs porteurs de transformation structurelle
Dès lors, étant donnée la base d’exportation d’un pays (ensemble des biens que ce
pays exporte avantageusement), la direction de diversification industrielle du pays sera
orientée vers les produits qui sont (i) les plus proches de la base d’exportations de
ce pays (cf. recommandation 1 ci-dessus) et (ii) qui, en même temps, ont le plus fort
contenu en sophistication permettant une montée en gamme technologique.
Cette méthode d’indentification des secteurs porteurs a été appliquée à l’économie
algérienne par la Banque mondiale (2008) avec les résultats suivants :
«L’Aluminium, l’Acier et autres métaux utilisés en métallurgie sont, sans conteste, sur la
frontière d›efficience de l’Algérie. La Pétrochimie, en revanche, est plus à l›intérieur de
cette frontière d’efficience, ainsi que la majorité des produits dérivés qui restent bien
éloignés de la structure actuelle de la production en l›Algérie.
Les secteurs de l’Automobile et de la Construction navale sont également des secteurs
très éloignés de la frontière d›efficience. Cependant, un rapprochement vers le secteur
de la construction navale semble être plus évident que vers celui de l’automobile.
39
Pour finir, en ce qui concerne les autres produits sélectionnés à savoir, les produits
Pharmaceutiques, l›Electronique, et les Fibres synthétiques sont bien à l›intérieur des
deux frontières d›efficience à cause de leur éloignement de la structure actuelle de la
production. Compte tenu de leur faible densité, il est peu probable que ces secteurs
vont émerger prochainement en Algérie. » (Traduction libre).
Se trouvent ainsi définitivement exclus les secteurs de la pétrochimie, de l’automobile,
de l’industrie pharmaceutique, de l’électronique de spécialité et des fibres synthétiques.
En revanche, étant donnée la base d’exportation existante de l’économie nationale,
les produits désignés comme les plus attractifs en termes de diversification des
exportations sont par ordre de priorité:
—
la pêche, le lait et les produits de viande ;
—
les autres produits agro-industriels et produits chimiques ;
—
la sidérurgie, l’aluminium la fabrication de métal et la construction navale.
ii.
Les limites de l’approche
La faible robustesse de la démarche pour cibler les activités de diversification des
exportations.
Cette approche a le mérite de livrer des résultats opérationnels avec un grand niveau de
désagrégation. Elle contient cependant des limites sérieuses lorsqu’elle est appliquée
aux cas spécifiques des pays dépendants des ressources primaires.
L’étude de la Banque mondiale exclut à juste titre les ressources en hydrocarbures
(postes 33 et 34 de la nomenclature des exportations de produits industriels (SITIC)
et 27 de la HS) dans la détermination des caractéristiques des produits car la prise
en compte de ces postes qui représentent à eux seuls plus de 98 % du total des
exportations auraient, par leur importance, réduit à un niveau insignifiant toutes les
exportations hors hydrocarbures.
Elle retient en retour toutes les exportations hors hydrocarbures quel que soit leur
niveau d’avantages comparatifs y compris donc les exportations ‘sporadiques ’ qui sont
manifestement sans rapport avec une disponibilité particulière de biens publics dans
le secteur en question.
De façon plus générale, nous arguons que, dans le cas d’un pays dépendant fortement
des ressources naturelles comme l’Algérie, la base d’exportation existante (hors
hydrocarbures) ne peut pas révéler les avantages comparatifs latents du pays parce
que celle-ci est étroite, trop volatile et peu robuste. Pour rappel, l’analyse menée
précédemment a montré que sur les vingt dernières années, un produit exporté une
année n’a que 32% de chances d’être réexportés l’année suivante et moins de 17 %
de chance d’être exporté au-delà de deux ans ; que la durée de vie moyenne des
exportations de son côté est d’à peine 1.7 années.
40
Manifestement, la base d’exportation actuelle sur laquelle repose la détermination
du potentiel de diversification du pays suivant la méthodologie en question est loin
de constituer un révélateur des avantages dynamiques de notre pays pour la simple
raison que cette base d’exportation n’existe pas encore.
C’est pour cette raison que la méthodologie proposée à l’Algérie par la Banque mondiale
est fondamentalement inapte à rendre compte des possibilités de diversification du
pays et, plus généralement, des pays à forte dépendance des ressources primaires.
L’énigme de la pétrochimie
La dotation du pays en gaz naturel est manifestement une source d’avantages
comparatifs pour l’Algérie. Beaucoup de pays ont réussi leur diversification en partant
de leurs ressources naturelles.
La démarche de la Banque mondiale exclue la pétrochimie en estimant que celle-ci est
loin de la base d’exportation existante et nécessite des biens publics qui n’existent pas
dans le pays. Le fait que cette distance soit déterminée par rapport à un panier de
bien d’exportation qui exclue les hydrocarbures expliquerait probablement, du moins
en partie, la distance élevée entre la pétrochimie et les produits d’exportation existant.
Plus fondamentalement, et d’un point de vue prospectif, l’industrie de la pétrochimie
évolue aujourd’hui dans un environnement caractérisé par la délocalisation de son
développement de l’Europe et des Etats-Unis vers le Moyen Orient. Ce mouvement
est porté par les prix compétitifs du gaz et de l’éthane dans cette région. La part de
la région MENA dans l’offre mondiale d’éthylène sera de plus de 25%. Ce seul fait aura
pour conséquence une nouvelle évaluation des niveaux de sophistication des produits
de la pétrochimie (puisqu’ils seront produits dans des pays à niveau de développement
différent), ainsi de leur potentiel de diversification. En fait, la pétrochimie est en passe
de devenir dans certains pays du MENA un puissant vecteur de diversification.
Nous constatons une fois encore à travers cet exemple que les exportations actuelles
de l’Algérie-qui ont amené méthodologiquement à exclure la pétrochimie des branches
à promouvoir- sont loin d’avoir un pouvoir de prédication des potentialités futures qui
s’offrent au pays en termes de diversification des exportations dans certains domaines
branches industrielles.
iii.
L’application de cette méthode au ciblage des activités de substitution
d’importations
Cette limitation de la méthodene s’applique pas lorsqu’il s’agit de cibler les produits
permettant une substitution à l’importation dès lors que les biens nouveaux sont dans
ce cas comparés non pas à la base d’exportation encore peu robuste mais à la base
de production nationale.
41
Aussi avons-nous adaptéla méthodologie de la Banque mondiale àla déterminationdes
opportunités d’import-substitution dans l’économie algérienne. La difficulté provient
de la non correspondance de la nomenclature de ONS à 55 branches industrielles avec
les nomenclatures internationales (HS ou nomenclature deL›Organisation des Nations
Unies pour le Développement Industriel(ONUDI)). L’appariement a nécessité la mise en
correspondance des 55 branches industrielles de l’ONS avec les 5000 produits de la
nomenclature HS à 6 digits. Seulement, le fort niveau d’agrégation des branches dans
la nomenclature utilisée donne naturellement des résultats moins « opérationnels »
comparativement à ceux obtenus dans l’étude de la diversification des exportations.
Les branches (dans la nomenclature de l’ONS) identifiées comme susceptibles de faire
l’objet d’une substitution d’importation sont :
Tableau 13 : Les branches prioritaires dans le cadre de l’import-substitution
Segments privilégiés pour l’import-substitution
Densité de
Niveau de
suivant les trois critères
voisinage
sophistication importations
(>0.75)
(>9.25)
(>0.01)
Chimie organique de base
1.11
9.98
1.7 %
Industrie de lait
1.05
9.85
4.0 %
Rod et 1ére transfo des métaux non ferreux
1.04
9.39
1.7 %
Fb de produits alimentaires
1.02
9.53
1.0 %
Fabrication et transformation de papier
1.02
9.94
1.4 %
Fb de résines synthétiques
1.00
10.38
3.2 %
Menuiserie générale et bien interne. en bois
0.99
9.57
1.9 %
Industrie chimique minérale de base
0.98
9.69
1.0 %
Fabrication de biens d›équipements mécaniques
0.97
10.22
9.2 %
Mécanique de précision destinée à l›équipement
0.92
9.91
3.3 %
Fabrication de produits pharmaceutiques
0.88
10.38
5.0 %
Sidérurgie et 1ére transfo de la fonte et de l›acier
0.86
9.86
10.9 %
Fabrication de biens d›équipements métalliques
0.79
10.07
3.7 %
Fabrication de biens d›équipements électriques
0.77
10.80
5.7 %
Source :Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS.
42
Part dans les
Une nomenclature plus fine aurait naturellement permis de préciser davantage les
produits susceptibles de faire l’objet d’une substitution des importations conforme au
potentiel de l’économie nationale.
En conclusion, il faut souligner que cette approche ajoute beaucoup à notre
compréhension du processus de diversification d’une économie comme la nôtre.
En ce qui concerne la diversification de la production nationale, elle permet de cibler les
produits qui substituent avantageusement aux importations comme nous l’avons fait
en adaptant cette méthodologie au contexte de l’import substitution.
En revanche, en ce qui concerne la diversification des exportations, son application à
l’économie algérienne, et d’une façon générale aux économies fortement concentrées
sur une ressource ponctuelle, pose un certain nombre de problèmes. La prise en compte
des hydrocarbures biaiserait fortement les résultats de par leur importance par rapport
à tous les autres postes d’exportation. Inversement, l’exclusion des hydrocarbures
(l’option retenue par la Banque mondiale) fragilise la démarche de par le caractère
insignifiant des exportations hors hydrocarbures qui ne peuvent constituer alors un
référent. Cela a des conséquences sérieuses sur la portée de la démarche préconisée
pour l’identification des secteurs porteurs de la diversification des exportations.
Il ne s’agit pas d’un simple problème statistique mais cette limite est symptomatique des
difficultés à appliquer cette démarche à des économies qui se trouvent à des étapes
différentes dans le processus de développement de leurs exportations. En fait, les
politiques qui permettent de soutenir un processus de diversification des exportations
déjà en cours sont probablement différentes de celles qui doivent initier ce processus.
Dans l’étape actuelle de l’économie algérienne où ses exportations sont dépendantes
quasi-totalement de ses ressources naturelles, la question de la diversification ne se
pose pas de la même manière que pour des économies disposant déjà d’une structure
d’exportation équilibrée. Il s’agit pour l’Algérie de créer une base d’exportation et non
pas de développer une base d’exportation déjà existante. La démarche doit alors être
différente et le pari d’ailleurs plus risqué.
III.
LA DEMARCHE PROPOSEE
Que faire ? Pour notre part, et en termes de diversification et de transformations
structurelles, on considère l’Algérie comme une « économie naissante ». Ce qui est alors
en question est un processus d’initiation de la diversification économique (ignition of
diversification) et non un processus de développement de celle-ci comme semble le
croire la Banque mondiale en conditionnant les directions de diversification de l’économie
algérienne à sa base d’exportation courante. Selon le cas, les politiques industrielles de
diversification ne sont pas nécessairement identiques.
43
A.
Une nouvelle méthodologie
Dans le cours historique du développement des pays asiatiques, nous constatons que
le Japon a été imité par la Corée, Taiwan et Hong-Kong dans les années 1960 et 1970
avant que ces derniers pays ne soient imités à leur tour par la Chine dans les années
1980 laquelle tend à être imitée par le Vietnam de nos jours.
En suivant Lin et al. (2011), il serait utile que le pays se projette, en termes de
diversification de ses exportations et de modernisation technologique, sur des pays à
niveau de développement économique proche et à dotation factorielle plutôt similaires
(Maroc, Tunisie, Iran, etc.) ou plus encore sur des pays d’aspiration comme la Turquie
ou la Malaisie.
En somme, plutôt que de se diversifier en ciblant des produits nouveaux similaires
aux produits existants (ce qui n’est pas toujours possible lorsqu’il s’agit précisément
de construire une base d’exportation hors hydrocarbure encore peu robuste), cette
méthodologie alternative revient à cibler la production de pays similaires au notre et
qui ont réussi leur processus de diversification des exportations. Ainsi, à la similitude
des produits est substituée la similitude des économies qui serviront de cibles de
rattrapage ou d’aspiration.
La méthodologie sera alors déclinée en plusieurs étapes (6) :
—
un échantillon de pays ayant des caractéristiques similaires au nôtre et ayant
réalisé leurs réformes économiques et assaini leur environnement d’affaires sera
sélectionné ;
—
les types de produits pour lesquels ces pays présentent une certaine spécialisation
à l’exportation seront étudiés : si ces pays arrivent à pénétrer d’une manière significative
le marché international pour ces catégories de biens, alors nous admettrons que pour
le même type de produits nos entreprises peuvent acquérir une compétitivité réelle à
travers un soutien de l’Etat une mise à niveau de l’environnement.
B.
Le choix des pays du panel de référence
Pour constituer un panel de pays ayant des caractéristiques similaires à ceux de
l’Algérie en vue d’observer le volume et la structure de leurs exportations, plusieurs
critères d’identification ont été retenus :
(6)
Cette méthode d’identification des avantages comparatifs latents et de ciblage des activités correspondantes
a été utilisée initialement par R. Bouklia-Hassane, ‘Les politiques de déploiement sectoriel de l’industrie algérienne’,
document de travail MPPI, Alger mai 2007. Pour une approche similaire qui s’inspire des expériences de rattrapage
des pays asiatiques - et qui fait le lien avec le paradigme des ‘flyinggees’ de Akamatsu -, Cf : J. Lin. et C. Monga,
‘Growth identification and facilitation: the role of the state in the dynamics of structural change’. World Bank Policy
ResearchWPaperSeries, 2011.
44
—
un premier critère compare le niveau de développement du pays considéré à
travers le PIB par habitant ;
—
un deuxièmecritère est la disponibilité de ressources primaires, notamment des
ressources en hydrocarbures, qui affectent naturellement la structure et la politique
industrielle. Cet aspect a été pris en compte en introduisant dans l’échantillon des pays
exportateurs de pétrole ;
—
une proximité régionale et culturelle sachant que celle-ci peut s’avérer dans une
certaine mesure un facteur déterminant la croissance. Dans cette perspective, les
pays du MENA sont surreprésentés dans l’échantillon.
Sur la base de ces critères, le groupe de référence considéré comprend huit pays à
savoir quatre pays euro-méditerranéens spécialisés dans l’industrie manufacturière
(Maroc, Tunisie, Egypte, Jordanie), et quatre pays exportateurs d’hydrocarbures
(Arabie Saoudite, Iran, Nigeria, Venezuela).
Comme le relève le tableau ci-dessous, l’Algérie présente, par rapport à ce panel, un
niveau de revenu par habitant supérieur à la moyenne des pays du panel. Toutefois,
les écarts de développement se réduisent si évalués de façon plus robuste par le PIB
per capita auquel on retranche la rente des hydrocarbures qui relève de la dotation en
ressources naturelles du pays et non de ses capacités productives.
Tableau 14 : Produit Intérieur Brut par Habitant en 2013 en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA)
(en dollars international)
Pays
Algérie
Egypte
Jordanie
Maroc
PIB par tête (*)
13741.2
10382.9
11782.5
7310.49
PIB hors hydrocarbures par tête (**)
10770.9
9652.1
11782.2
7310.2
Pays
Tunisie
Nigeria
PIB par tête (*)
11086.3
PIB hors hydrocarbures 10635.3
par tête (**)
Iran
Venezuela
5628.19
Arabie
Saoudite
50585.1
16553.8
18275.5
4862.2
28528.7
12775.5
13959.5
Note :
(*) PIB per capita en PPA (en dollar international courant)
(**) Le PIB hors hydrocarbures par tête a été estimé par le PIB diminué de la rente
pétrolière par tête. La rente pétrolière provient de la base de données WDI/WB.
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de WDI/WB.
Par ailleurs, hormis les pays d’aspiration, les pays du panel disposent d’un avantage du
coût salarial unitaire et/ou de la disponibilité de ressources naturelles (hydrocarbures
principalement ou phosphates).
45
Tableau 15 : Avantages comparatifs des pays du panel
Pays
Principales Ressources
naturelles / avantages
comparatif
Hydrocarbures – phosphates
(fer?)
Algérie
Egypte
Coût salarial
Jordanie
Coût salarial
Maroc
Coût salarial et Phosphates
Tunisie
Coût salarial unitaire
Arabie Saoudite
Hydrocarbures
Iran
Hydrocarbures
Vénézuela
Hydrocarbures
Nigeria
Hydrocarbures
Source : Tableau élaboré par l’auteur
Dès lors, il s’agit -par une exploration des exportations de l’ensemble de ces pays sur
les cinq dernières années (2010-2014) dans la nomenclature HS4 à 1050 produits - de
déterminer les produits qui font l’objet d’exportations significatives par le panel de pays
et ceux-ci seront un premier indicateur des potentialités d’exportation des entreprises
nationales.
C.
Les produits d’exportation significatifs de l’échantillon de pays de référence
Pour chacun des pays du panel, nous observons les exportations sur les dernières
annéesselon les données disponibles. Le nombre d’années d’observation par pays est
reporté dans le tableau ci-dessous :
46
Tableau 16 : Période d’observation des pays du panel
Période d’observation
Pays
5 ans
Algérie- Maroc – Jordanie –Egypte
4 ans
Arabie Saoudite – Tunisie- Venezuela - Nigéria
2 ans
Iran
Source : Tableau élaboré par l’auteur
Nous n’avons retenu, dans un niveau d’agrégation à quatre digitsdans la nomenclature
du Système Harmonisé (HS4), que les produits pour lesquels il existe au moins un pays
du panel dont le montant des exportions de ce produit dépasse 300 millions de dollars.
Ce seuil est déterminé en moyenne annuelle sur l’ensemble de la période d’observation
pour s’assurer de la robustesse de ces exportations. Autrement dit, nous avons
imposé cette contrainte pour ne retenir que les exportations significatives qui reflètent
effectivement des avantages comparatifs d’au moins un pays de l’échantillon. Sur
cette base, une analyse qualitative mais chiffrée montre que les produits importants
concernent les secteurs suivants : la pétrochimie, les produits des industries chimiques et
pharmaceutiques, l’agroalimentaire, le textile, l’électricité et l’électronique, l’automobile,
les métaux ferreux et non ferreux ainsi que le secteur des services supérieurs.
i.
LES PRODUITS DE LA CHIMIE
Les activités liées aux exportations des pays du panel dans le secteur de la Chimie
sont
—
la pétrochimie (produits de la chimie organique et les plastiques) ;
—
les engrais ;
—
les industries pharmaceutiques.
La Pétrochimie
Les exportations d’éthylène de l’ArabieSaoudite sont passées de 41.5 à 340 millions de
dollars entre 2010 et 2013, soit une croissance annuelle moyenne de 102%. En dehors
de l’éthylène, l’Arabie Saoudite développe à l’exportation surtout les dérivées des
hydrocarbures (styrène) ainsi que l’exportation de l’éthylène glycol.
Sur l’ensemble des produits de la chimie organique, les exportations de ce pays se
sont élevées en moyenne à 10.8 milliards de dollars par an entre 2010 et 2013. Dans ce
même secteur, l’Iran et le Venezuela (dans le méthanol) réalisent 3.15 et 0.36 milliards
de dollars d’exportation alors que l’Algérie n’en exporte que 68.7 millions de dollars.
47
Le polyéthylèneest exporté principalement par l’Arabie Saoudite et l’Iran à hauteur
d’une moyenne annuelle de 8.0 et 1.9 milliards de dollars respectivement. De même,
l’Égypte dispose d’une capacité d’exportation de polyéthylène de 270 millions de dollars
par an.
D‘autres produits de la pétrochimie sont également avantageusement exportés par
les pays pétroliers du panel. Ainsi, l’ArabieSaoudite exporte notamment un montant
annuel moyen de 4.7 milliards de polypropylène tandis-que l’Iran exporte un montant
de 342 millions de dollars de polyacétals.
L’Algérie a été l’un des pionniers de l’industrie pétrochimique dans la région MENA
avec la construction du complexe d’ammoniac d’Arzew en 1967 puis celle du complexe
pétrochimique de Skikda en 1978. Malheureusement, pour des raisons difficiles à
comprendre, elle a cédé la place à d’autres pays qui occupent aujourd’hui une place
prépondérante dans le marché. La figure suivante représente l’évolution de la production
nationale d’éthylène – qui est le produit de base de l’industrie pétrochimique- entre
1990 et 2005 :
Figure 14 :Production d’éthylène en Algérie
Source : ONS.
L’arrêt de la production d’éthylène a entraîné l’effondrement de l’industrie pétrochimique
: l’Algérie est le seul pays du panel (y compris parmi les économies non pétrolières) à
ne pas exporter de polyéthylène, de polypropylène et de polyacétals alors que ses
importations dans ces produits ont dépassé 1.03 milliards de dollars en 2014.
L’Algérie possède ainsi un fort potentiel de développement et d’exportation dans le
domaine de lapétrochimie plastique.
48
Les engrais
Les engrais minéraux ou chimiques phosphatés et potassiques sont l’apanage du
Maroc, de la Jordanie et de la Tunisie dont les exportations se sont respectivement
élevées à 2.9, 0.75 et 0.61 milliards de dollars en 2014.
Par contre, les engrais azotés sont avantageusement exportés tant par les pays
pétroliers comme l’Arabie Saoudite et l’Iran (avec un montant respectif de 1.36
et 0.63 milliards de dollars) que par les pays manufacturiers comme l’Egypte ou la
Jordanie avec 1.07 et 0.29 milliards de dollars. Les exportations algériennes d’urée
sont en progression rapide passant de 2.6 à 294 millions de dollars entre 2010 et 2014.
Cependant, elles restent loin des performances des principaux pays exportateurs du
MENA.
Le Maroc parvient à exporter avantageusement l’acide phosphorique à hauteur de 1.6
milliards annuellement en moyenne sur les cinq dernières années.
Enfin, l’exportation de phosphates naturels constitue également une source importante
de revenus externes pour le Maroc avec des recettes annuelles de plus de 1.25 milliards
de dollars et, à un degré moindre, pour la Jordanie.
Le tableau compare les performances d’exportation des pays du panel concernés
parmi lesquels l’Algérie réalise les plus faibles résultats alors qu’il est le seul pays à
disposer de l’avantage du gaz naturel et des phosphates.
Tableau 17: Exportation d’engrais et de phosphates –Moyenne annuelle sur la période (en
millions de dollars)
Maroc
Tunisie
Jordanie
Egypte
Arabie
Algérie
Saoudite
Engrais phosphatés
et potassiques
2060.0
608.4
756.9
92.9
21.7
0.2
Engrais azotés
0.3
0.8
288.0
1070.0
1360.0
70.7
Engrais azotés
1670.0
287.0
112.0
Phosphates
1250.0
22.8
490.0
225.0
Total Phosphates et
engrais
4980.4
919.0
1646.9
1387.9
Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits
49
104.0
1381.7
174.9
Lesprincipales matières premières des engrais sont constituées de gaz naturel, de
phosphates, de soufre et de potasse qui sont localement disponibles en très grandes
quantités. Les réserves de phosphates, situées dans le Djebel Onk (Wilaya de Tébessa),
sont estimées à environ 2 milliards de tonnes. L’importance de ce gisement place
l’Algérie parmi les principaux pays détenteurs au niveau mondial de cette ressource.
Cependant, la production de phosphates et d’engrais n’est pas encore à la hauteur
des potentialités que le pays recèle. Entre 2006 et 2012, la production de phosphates
a diminué au rythme de -5% par an malgré la grande dotation en cette ressource du
pays.
Figure 15 : Évolution de la production de phosphates : 2006-2012
Source : ONS – Annuaire statistique de l›Algérie
Une stratégie de valorisation et de transformation des ressources primaires doit
permettre une intégration de la filière alliant l’extraction du minerai et sa transformation
première en acide phosphorique destiné à la production de fertilisants ainsi qu’aux autres
types d’engrais notamment phosphatés (diammonium phosphates, nitrophosphates,
TSP).
L’Algérie peut prendre sa place sur le marché international. Elle peut avoir un accès
facile au marché européen ainsi qu’au marché asiatique (Inde, Chine). Un partenariat
public-privé avec l’Inde, par exemple, permettrait d’accéder au marché local important
de ce pays et de nouer des contrats de long terme.
50
ii.
LES PRODUITS PHARMACEUTIQUES.
Avec un PIB par habitant inférieur à celui de l’Algérie et une population de moindre
taille, la Jordanie parvient à se construire des avantages comparatifs lui permettant
d’exporter plus de 450 millions de dollars de médicaments en moyenne par an. Les
exportations de l’ensemble des pays du panel s’élèvent à 1.6 milliards de dollars dont
60% proviennent de la Jordanie, de l’Egypte et de l’ArabieSaoudite.
Le marché algérien se caractérise par l’existence d’un système de santé publique
extensif ainsi que par la couverture d’une large partie de la population par la Sécurité
Sociale. Dès lors, les capacités de développement d’une industrie pharmaceutique sont
importantes. La production nationale peut contribuer à porter la couverture du marché
national à 50% à moyen terme permettant d’envisager l’exportation de médicaments
notamment vers l’Afrique et le Moyen Orient.
iii.
LES PRODUITS AGROALIMENTAIRES
Dans ce secteur, les exportations sont principalement ceux des produits de la pêche par
le Maroc (490 millions de dollars), des jus de fruits par l’ArabieSaoudite (330 millions de
dollars), des légumes et fruits comestibles notamment par l’Iran (1.5 millions de dollars),
l’Egypte et le Nigéria, des graines oléagineuses par le Nigéria (600 millions de dollars).
Alors que les industries agroalimentaires représentent la moitié de la valeur ajoutée
industrielle dans le pays, seul le développement d’une logistique de commerce
extérieure et d’une industrie de support, permettront une pénétration significative de
l’Algérie dans les marchés extérieurs, notamment européens. Dans ce seul secteur,
l’Iran réalise près de 1.5 milliards de dollars de recettes d’exportions, soit sensiblement
l’équivalent de l’ensemble des recettes d’exportation hors hydrocarbures algériennes
alors que la Tunisie exporte en moyenne 370 millions de dollars d’huile d’olive par an.
iv.
LE CIMENT
L’Iran, pays pétrolier exporte, sur la période considérée, les plus grandes quantités de
ciment portland parmi les pays du panel réalisant des recettes d’exportation de 596
millions de dollars par an en moyenne sur la dernière période.
Compte tenu des investissements projetés notamment par le groupe public GICA
(Groupe Industriel des Ciments d›Algérie)mais également par des opérateurs privés
nationaux et étranger, le marché sera en excédent d’offre dès 2017, ce qui devra
inexorablement pousser les producteurs algériens à rechercher des débouchés
externes régionaux notamment en direction des marchés africains et méditerranéens.
v.
LE SECTEUR DE LA SIDERURGIE
La sidérurgie est une industrie qui se situe au croisement de plusieurs filières susceptibles
de fournir des intrants pour les industries automobiles, électroménagères, pour le
secteur du bâtiment et de la construction, le secteur des hydrocarbures à travers la
51
production de tubes d’acier.
Les exportations des pays du panel sont surtout dominées par les pays pétroliers :
le Venezuela (490 millions de dollars), l’Arabie Saoudite (430) et l’Iran (309 millions).
Toutefois, l’Egypte a également réussi à construire des capacités d’exportation de fer
et d’acier de plus de 380 millions de dollars.
Sur le plan national, la disponibilité de gaz naturel et de minerai de fer à Gara Djebilet
(Wilaya de Tindouf) constitue un avantage considérable. Toutefois, la capacité de
production ne s’est élevéequ’à 475000 tonnes en 2014 après avoir dépassé le million
de tonnes durant certaines années antérieures.
En perspective, le marché des produits sidérurgiques présente une configuration
similaire à celle du marché du ciment dans la mesure où les investissements envisagés
tant par le groupe public que les opérateurs privés permettront, une fois réalisés, de
satisfaire le marché dès 2017 et de dégager un excès d’offre exportable sur le marché
régional. Le potentiel de diversification porté par ce secteur est donc substantiel.
L’objectif pour l’Algérie dans ce domaine serait de porter la capacité de production
en 2017 à 6 millions de tonnes d’acier permettant de satisfaire le marché local et
d’envisager la perspective d’exportation sur les marchés régionaux au-delà de cette
période.
vi.L’ALUMINIUM
L’ensemble des pays du panel exportent pour près de 1 milliard de dollars par an
d’aluminium sous forme brute dont 34% sont le fait des exportations iraniennes.
Compte tenu de sa dotation en gaz, l’Algérie dispose d’un atout qui lui permet d’être
présente dans le marché de l’aluminium. Le pays peut envisager la création d’une
entreprise de production d’aluminium en partenariat avec un leader international
avec la participation de capitaux privés nationaux. Dans ce cadre et afin d’optimiser
l’investissement pour l’Algérie, devront être étudiés et précisés (i) le prix de cession
du gaz dans cette activité particulièrement énergivore, (ii) les capacités de production
du smelter à installer, (iii) le niveau de prise de participation de l’Algérie de façon à
internaliser l’utilisation de la rente gazière, (iv) le downstream – qui pose la question
d’accompagnement de l’investissement par l’installation d’un laminoir– de façon
à transformer le plus possible l’aluminium brut par les PME locales aux fins d’un
densification du tissu industriel et d’une diversification des exportations.
vii.
LE TEXTILE ET LA CONFECTION
Domaine de prédilection des pays manufacturiers du panel, ces secteurs bénéficient
de l’avantage comparatif des coûts salariaux unitaires des pays manufacturiers de la
région. Ces secteurs représentent une part importante des exportations du Maroc, de
la Tunisie, de l’Egypte et de la Jordanie malgré une concurrence sévère de la part des
52
économies asiatiques depuis la fin de l’accord multifibre.
En moyenne annuelle sur la période 2010-2014, les exportations ont représenté 3.6
milliards de dollars pour le Maroc qui tient le leadership dans ce secteur parmi les
pays du panel. Les exportations de la Tunisie et de l’Egypte sont toutefois de même
ordre avec 3.4 milliards et 3.1 milliards respectivement. Les vêtements pour hommes
et femmes en tissu et les accessoires du vêtement représentent une composante
essentielle des exportations de ce secteur.
Le textile et la confection tout autant que le textile technique sont des secteurs «
naturels»pour une économie du niveau de développement de l’Algérie. Au moins deux
pré-requis doivent cependant être satisfaits pour promouvoir ce secteur : (i) le recours
au partenariat international afin d’engranger les gains de productivité sans lesquels
l’avantage du coût salarial resterait purement potentiel ainsi que (ii) le développement
de la logistique du commerce extérieur dans un secteur qui exige une grande réactivité
aux commandes (juste à temps) et une flexibilité significative pour répondre aux
évolutions rapides du marché international.
viii.L’ELECTRICITE-ELECTRONIQUE.
A l’image du textile, ce secteur permet également la valorisation de l’avantage du coût
salarial. C’est dans ce cadre que le Maroc et la Tunisie se distinguent par un dynamisme
dans ce secteur avec des exportations significatives à hauteur de 2.9 milliards de dollars
pour le Maroc et de 2.8 milliards pour la Tunisie par an.
Ces revenus sont essentiellement portés par l’exportation des câbles et la fabrication
de pièces électroniques (diodes, transistors, semi-conducteurs) pour le Maroc et
l’exportation de matériels électriques, de postes téléphoniques et de téléviseurs pour
la Tunisie.
A l’instar du textile, ce secteur est soumis à une concurrence intense des pays de la région
à bas salaires ainsi que des pays asiatiques. Cette situation de la concurrence requiert
l’identification de niches de spécialisation dans le cadre de relations partenariales à
l’international.
ix.
LE SECTEUR DE L’AUTOMOBILE
Celui-ci est, parmi les pays du panel, l’apanage du Maroc dont les exportations de
voitures de tourisme et autres véhicules automobiles conçus pour le transport de
personnes sont passées de 265 millions de dollars en 2010 à 2.3 milliards 4 années
plus tard. Dans ce même créneau se distingue également l’Arabie Saoudite et l’Iran
dont les exportations se sont élevées en moyenne à 645 et 280 millions de dollars
respectivement. Il s’agit d’un secteur structurant dans lequel l’Algérie, bien que pénalisée
par sa position de « latecomer », s’engage progressivement.
53
x.
LE SECTEUR DES SERVICES DE CONNAISSANCES
Nous nous sommes jusque-là focalisé sur les biens échangeables dans le cadre de la
diversification des exportations. Toutefois, la figure 15présentée ci-dessus montre que
le développement industriel s’accompagne, lors des épisodes de croissance accélérée,
d’un développement du secteur des services supérieurs, notamment ceux liés à
l’industrie du fait de la complémentarité entre les deux secteurs.
De plus, le secteur des services de connaissance, en se situant aux extrémités de la
chaîne de valeur, génère l’essentiel de la valeur ajoutée (R&D en input, marketing et
finance en aval de la chaîne de valeur).
Figure 16 : Impact des services supérieurs sur le développement industriel
Source : Figure réalisée par l’auteur
C’est pour ces raisons que les pays occidentaux appuient prioritairement le
développement du secteur des services. Ainsi, les services représentent 75% de la
valeur ajoutée globale de l’économie en 2014 en moyenne pour les pays de l’OCDE (en
France: 78%; en Grande-Bretagne 80%; en Allemagne 69%).
En Algérie, le secteur des services est faiblement développé. Il se situe en deçà de
la moyenne des pays du MENA comme le montre le tableau ci-dessous. Il ne couvre
que partiellement les besoins de l’économie nationale : les importations de services
- principalement les services techniques et ceux liés au bâtiment et travaux publics sont persistantes et se situent autour de 10 milliards de dollars par an.
54
Figure 17 : Part des services dans le PIB – pays du MENA
Source : Figure élaborée par l’auteur sur la base des données de WDI/WB.
Par ailleurs, ce secteur est principalement constitué en Algérie de services primaires
– les services de transport qui se saturent - bien que des entreprises dynamiques de
services de connaissances émergent progressivement.
Or, l’apport des services peut être décisif dans le processus de modernisation et de
diversification de l’économie appelant à cibler et appuyer plus résolument la production
des services de connaissance liés à la diversification et la modernisation de l’économie
nationale.
55
Tableau 18 : Directions potentielles de diversification des exportations (en millions de dollars
US)
Exports (Moyenne annuelle
Désignation produits (à 2 digits)
cumulée de l’ensemble des pays
Pays Leaders et montant de
leurs exportations
du Panel
Industries basées sur les ressources
Pétrochimie (polyéthylène-
16200
SAU (200 13)
7130
MAR ( 2060 ) –SAU ( 1360 ) -
polypropylène-polyacétal) (*)
Engrais
JOR ( 684 )
Acide phosphorique
2070
MAR ( 1670 )
Phosphate
2090
MAR ( 1250 )
Ciment
950
IRN (596)
Fer et Acier
1660
SAU (412) - VEN (381)
Aluminium
977
IRN (336)
Industries manufacturières
Produits pharmaceutiques
1160
JOR (453 )
Segments de l’Industrie
7720
MAR (520 1) – IRN (430 1) – EGY
Agroalimentaire
(931) – NGA (939)
Electricité-Electronique
7930
MAR ( 2550 ( - ) 1220 )
Textile
5800
TUN ( 1680 ) – MAR ( 1020 ) –
JOR (805)
Voiture tourisme et de transport 2010
MAR (992)
de personnes
(*) Lire : dans le secteur de la pétrochimie, la somme des exportations de l’ensemble des pays du
panel est en moyenne de 16.2 milliards de dollars par an sur la période 2014-2010. Le pays ayant
réalisé, dans la pétrochimie, le montant d’exportation le plus élevé parmi les pays du panel est
l’Arabie-Saoudite avec une moyenne de 13.2 milliards par an sur la période d’analyse
Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de WDI/WB.
Ces domaines concernent tant des produits exploitant l’avantage salarial que ceux
exploitant la disponibilité de ressources naturelles. L’exploitation de ces avantages, à
l’instar des pays similaires à l’Algérie, permettra de donner un élan rapide et décisif
à la diversification de l’économie nationale. A titre d’illustration, dans la seule activité
de production de polyéthylène (pétrochimie), l’Arabie Saoudite parvient à exporter
56
une moyenne annuelle de 7 milliards de dollars tandis-que l’Iran, malgré les sanctions
économiques dont il a fait l’objet, exporte plus de 1.9 milliards de dollars.
Or, nous disposons des mêmes ressources que ces pays dans ces domaines industrielles.
Dans le domaine de fertilisants (engrais, acide phosphorique et phosphate), le Maroc
s’est construit des avantages comparatifs (salariaux et de dotation en ressources) qui
lui ont permis d’exporter près de 5 milliards de dollars par an en moyenne sur les 5
dernières années dans cette seule activité.
Là encore, l’économie nationale dispose des mêmes avantages comparatifs que ce
pays tant en termes de dotation factorielle que de coût salarial.
Ces domaines d’activité sont un livre ouvert pour la diversification de l’économie nationale
pour peu que le pays se donne les moyens et se dote du volontarisme nécessaire pour
entrer dans ces marchés en dépit de sa position de latecomer.
57
PARTIE E. LES IMPLICATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES :
REALISER LE POTENTIEL D’AVANTAGE COMPARATIF
Sur le plan opérationnel, suffit-il d’identifier le potentiel de compétitivité de l’économie
nationale pour clore la question de la diversification économique ? Que faire avec la «
liste » des secteurs « gagnant » ?
En fait, après avoir identifié les industries qui peuvent porter des avantages comparatifs
latents, il y a lieu d’examiner les moyens par lesquels les obstacles peuvent être levés
afin de faciliter l’entrée des entreprises notamment privées dans ces industries.
Mais plus qu’une politique précise et ciblée, la diversification de l’économie appelle en
réalité la réforme de tout un ensemble de règles de fonctionnement de l’économie
dont elle va en constituer la résultante.
Qui plus est, la conjoncture particulière du moment – rappelée au début de cette étude
– impose une urgence supplémentaire : celle de stabiliser le cadre macroéconomique
et de préserver les grands équilibres économiques actuellement sous tension.
Axe1- Stabiliserle cadre macroéconomique et consacrer une discipline
budgétaire
Au commencement, et bien que les politiques macroéconomiques ne soient pas
l’objet de cette présentation, leur examen reste nécessaire car l’instabilité du cadre
macroéconomique peut bloquer tout processus de transformation structurelle.
1.
Substituer les règles budgétaires à la discrétion et adopterun cadre budgétaire
pluriannuel :
—
mettre en place un cadre budgétaire pluriannuel qui trace le cheminement à
moyen terme des comptes publics afin de s’assurer de leur soutenabilité sur le court
et moyenterme ;
—
substituer des règles budgétaires à la discrétion notamment pour le niveau
du déficit publicainsi quel’évolution des dépenses dans son rapport avec la fiscalité
pétrolière ;
—
envisager l’adoption d’une loi organique qui consacre les nouvelles règles de
gestion publique.
2.
Rationaliser les dépenses publiques
Le poste le plus important est celui des transferts dont la révision est nécessaire à
travers une nouvelle politique de redistributionciblée et unemeilleure protection sociale
des populations démunies.
3.
Diversifier les sources de financement des dépenses en infrastructureset des
déficits publics
Il s’agit de consolider l’investissement dans les infrastructures en recourant à la
58
délégation de services prévue dans le nouveau code des marchéset d’une façon
générale en recourant aux partenariats public-privé tout en préservant les intérêts de
l’Etat.
4.
Assurer la coordination des politiques économiques
—
entre les politiques macroéconomiques(notamment la politique monétaire et de
change de la Banque d’Algérie et la politique budgétaire du ministère des finances);
—
et entre les politiques macroéconomiques etles politiquessectorielles (industrielle
et commerciale)afin que les directions d’ajustement macroéconomique (notamment la
politique monétaire et la fixation du taux de change) soient en faveur de la compétitivité
des entreprises.
Une manière de procéder serait de soumettre systématiquement les mesures
de stabilisation et d’ajustement à une évaluation d’impact sur la compétitivité des
entreprises.
Ces mesures de court terme sont posées pour parer à l’urgence de préserver les
grands équilibres économiques. Toutefois continuer avec le même régime de croissance
qui a jusque-là prévalu n’est pas soutenable même dans le cas où les réformes fiscales
et la modernisation du cadre budgétaire parviennent à créer plus d’espace fiscal. La
soutenabilité de tout modèlede croissance passe par la diversification de l’économie
hors des hydrocarbures. Dans ce cadre, l’un des rôles majeurs de l’Etat est d’accélérer
les transformations structurelles à travers, d’une part, la levéede tout obstacle à la
mobilité des ressources productives et, d’autre part, la promotion des directions de
diversification qui ont été préalablement identifiées.
Axe 2- Lever les contraintes aux transformations structurelles de
l’économie
1.
Réduire les rigidités du marché du travail pour faciliter la mobilité des ressources
Un marché du travail rigide freine la réallocation des ressources et bloque les
changements structurels de l’économie. Or, du point de vue notamment des pratiques
d’embauche et de licenciement, l’Algérie est classée par le World Economic Forum à la
103èmeplace sur 140 pays. Associées au coût élevé des charges sociales (cf. indicateur
du DoingBusiness), ces pratiques figent le marché du travail et affectent négativement
la réallocation des ressources. L’argument de la protection sociale pour justifier une
rigidité du marché du travail n’est pas recevable : dans un marché du travail rigide, le
travailleur (insider) a certes plus de chance de préserver son emploi mais le chômeur
(outsiders) a également plus de chance de rester chômeur.Introduire plus de flexibilité
permet une meilleure réallocation des ressources tout en se devant de préserver la
robustesse de la relation de travail.
59
2. Libérer l’investissement pour faciliter la mobilité des capitaux et les
transformations
structurelles
de
l’économie.
Jusqu’à un passé récent, les codes de l’investissement qui se sont succédés ont
eu surtout pour préoccupation de délimiter le champ d’intervention de chacun des
acteurs (Etat, secteur privé local et entreprises étrangères) dans l’acte d’investir. Cette
focalisationsur les restrictions à l’investissement a affecté négativement la mobilité
intersectorielle du capital. Une disposition indispensable à prendre pour faciliter les
transformations structurelles est (i) d’ouvrir au secteur privé national tous les secteurs
hors ceux jugés stratégiques, lesquels exceptions serontexpressément désignés, et(ii)
demener une politique résolue d’attraction des Investissements Directs à l’Etranger(IDE).
3.
Lever lesentravesà la concurrencepourfaciliternotamment l’entrée dans les
marchés des entreprises nouvelles
Les obstacles à la concurrence réduisent également la mobilité des facteurs etentravent
le rythme des transformations structurelles.Dans ce cadre, le pays doit :
—
se doter d’une doctrine de régulation et l’annoncer ;
—
réformer par ailleurs le Conseil de la concurrence dans le sens d’une plus grande
indépendance et d’un élargissement de son périmètre d’actions afin de lui permette de
jouer son rôle de régulateur des marchés et de garant de la concurrence.
Axe 3- Faciliter les transformations structurelles favorables à la
croissance
1.
Développerles infrastructuresphysiques d’exportation
Identifier, dans une coordination Pouvoirs publics-Entreprises, les goulots d’étranglement
– notamment dans la logistique du commerce –et développer les infrastructures
manquantes tout en s’assurant de leur qualité.
Toutefois, des infrastructures denses et de qualité, bien que nécessaires, ne sont pas la
garantie d’une diversification. Un des exemples d’un développement des infrastructures
sans une diversification réelle est celui des pays du Golf. Aussi faut-il donner la priorité
au développement des infrastructures liées aux exportations. Dans ce cadre, il serait
utile de :
—
réaliser un audit de la logistique nationale du commerce extérieur ;
—
réviser le cas échéant les Schémas directeurs de la logistique et des transports
adossés au Schéma National d›Aménagement du Territoire (SNAT) dans le sens d’une
plus grande contribution de ces secteurs à la diversification de l’économie.
2.
Soutenir le développement du capital humain et l’amélioration de sa qualité
L’Algérie, à l’instar de la plupart des pays du MENA, consacre des moyens financiers
considérables pour soutenir l’accumulation du capital humain. Cependant les résultats
en termes de nombre moyen d’années d’études en Algérie et d’adéquation du système
60
de formation aux besoins économiques demeurent encore insuffisants.
Une des mesures est de faciliter – à l’instar des pratiques de tous les pays dans le monde
- la création d’établissements privées d’éducation à tous les paliers –complément
indispensable aux institutions éducatives publiques - en veille à :
—
assurer la qualité de l’enseignement dispensé ;
—
faciliter l’accès à travers un système de subvention et d’aide au financement de
la formation.
3.
Appuyer l’entrée de nouvelles entreprises notamment dans les filières réputées
à avantage comparatif potentiel
De manière opérationnelle, il s’agit notamment de :
—
déployer un programme d’incubateurs permettant de catalyser l’entrée des
nouvelles entreprises locales dans les activités ciblées ;
—
attirer, par des appels à projet, et lorsque la densité des entreprises existantes
est faible, l’investissement étranger qui sera appelé à jouer également le rôle de
catalyseur ;
—
développer les zones spéciales d’exportation (zones franches) en revenant à
l’ordonnance 03-02 abrogée en 2006.
Chacun des trois pays qui ont réussi leur politique de diversification hors des
hydrocarbures (Mexique, Indonésie, Malaisie) a adopté une stratégie de zones
spéciales d’exportation avec des taxes spécifiques pour attirer les investisseurs dans
les industries manufacturières.
Ces zones spécialisées doivent cependant se caractériser par un microclimat d’affaires
très favorable et la disponibilité locale d’infrastructures de grande qualité faute de
pouvoir apporter ces améliorations à l’ensemble du territoire. Ces zones peuvent
remplir plusieurs fonctions : elles sont un support pour la clustérisation industrielles,
elles servent également d’incubateurs des jeunes entreprises tout autant que d’accueil
pour les grandes entreprises dans les filières ciblées à l’image de la zone industrielle
deBellara (wilaya de Jijel).
4.
Informer sur les opportunités d’investissement dans les industries ciblées
—
Mener des études de filière visant à identifier (i) la structure des coûts dans
l’économie nationale et anticiper les segments de filière dans lesquels on peut
développer des avantages comparatifs et s’inscrire avantageusement dans les CVM
ainsi que (ii)les marchés potentiels d’exportation.
Ce sont autant d’informations qui sont insuffisamment produites par le marché et qui
relèvent dans ce cas de l’intervention de l’Etat sous forme notamment d’un organisme
national de veille stratégique.
61
Axe 4 : Etablir des masters plans pour les filières ciblées
Pour rappel, il s’agit d’exploiter avantageusement :
—
d’une part, la dotation du pays en ressources naturelles (notamment les
hydrocarbures et le phosphate)car le développement de ces activités permettra, dans
un laps de temps relativement court, une croissance significative des exportations hors
hydrocarbures. La pétrochimie, les engrais, le ciment participent de cette première
catégorie d’industries à développer permettant d’initier rapidement une diversification
industrielle ;
—
d’autre part, dans une démarche graduelle, la compétitivité du coût salarial
unitairepour promouvoir une industrie manufacturière nationale, seule à même de
conduire la modernisation technologique et de contribuer à la création d’emplois à
une émancipation effective des ressources naturelles.Les Industries Agroalimentaires
(IAA), la pharmacie, les industries électriques et électroniques, l’industrie automobile et
le textile participent de cette deuxième catégorie d’industries qui jetteront les bases
robustes de la diversification de l’économie nationale.
Enfin, l’appui au développement du secteur des services de connaissance contribuera
à la montée en gamme progressive de la production industrielle.
Une vision de développement de ces filières est donc nécessaire et sera générée par
une concertation entre les pouvoirs publics et les parties prenantes au développement
de ces activités pour identifier les contraintes et les facteurs de succès.
1.
En ce qui concerne les industries basées sur les ressources, élaborer un Schéma
directeur de valorisation des hydrocarbures ainsi que des ressources minières.
Depuis le plan de valorisation des hydrocarbures (plan Valhyd), la valorisation des
ressources d’hydrocarbures n’a plus fait l’objet de programmation, la préférence
implicite ayant été donnée à la commercialisation plutôt qu’à la valorisation. L’adoption
concertée d’un Schéma directeur de valorisation des hydrocarbures et des ressources
minières adossée à un programme de mise en œuvre opérationnel permettra d’inverser
les termes de cette équation et de donner la primauté à la dimension industrielle.
2.
En ce qui concerne les industries manufacturières,élaborer,en concertation
avec les parties prenantes dans le cadre de Comités de filières, un programme de
développement des filières porteuses de potentiel de diversification.
Cette stratégie, en cours au sein du Ministère de l’Industrie et des Mines (MIM), inclue
notamment :
-
(i) l’identification des segments porteurs des filières ;
-
(ii) le renforcement des capacités existantes ;
-
(iii) la promotion d’investissements nouveaux et du partenariat ;
-
(iv) une adaptation de la structure des incitations ;
62
-
(v) le développement des infrastructures dans leur dimension non seulement
physique et technologique, mais également de formation et d’intermédiation financière ;
-
(vi) un appui à la structuration de la filière.
3.
En ce qui concernant les services, mettre en place un dispositif de soutien actuellement inexistant - à la production de services de connaissances.
Les services ciblés par ce dispositif seront ceux liés:
—
au développement des exportations (logistique du commerce extérieur);
—
à la modernisation de l’économie nationale (notamment les services liés à
l’industrie);
—
à la compétitivité industrielle (notamment les services liés aux NTIC);
—
à la sécurité numérique.
Axe 5 : La contribution des mesures transversalesà la facilitation des
transformations structurelles
Comme cela a été souligné plus haut, les politiques de diversification doivent
égalementpallier, à leur dimension sélective,des mesures transversales permettant
d’exploiter les avantages comparatifs existantsde l’économie nationale.Ces mesures
sont aujourd’hui assez largement discutées dans le pays notamment au sein du Comité
Doing-Business ainsi qu’à l’occasion de l’évaluation du Pacte économique et social. On
se limite à rappeler les préconisations suivantes:
1.
Réserver la règle des 49/51 aux secteurs stratégiques clairement désignés et
appuyer le développement des IDE dans les filières prioritaires
2.
Réviser les priorités des réformes du Doing business sur la base de la facilité
de mise en œuvre des mesures et de l’importance de leur impact sur le classement du
Doing Business.
Le classement du Doing Business, bien que sujet à de fortes critiques, constitue, aux yeux
des investisseurs notamment étrangers –le signal d’un climat favorable aux affaires.
La pratique de mise en œuvre des réformes across the board, bien qu’ayant dans
l’absolu réduit notre distance à la frontière des meilleures pratiques internationales,
n’a toutefois, pas donné de résultats probants en termes relatifs, c’est-à-dire de
classement par rapport aux autres économies dans le monde. Ces résultats invitent
à une mise en œuvre séquentielle des réformes qui aura le mérite de mettre l’accent
sur les mesures susceptibles d’être rapidement mises en œuvre ainsi que sur celles où
nous avons les plus grandes marges de progression par rapport aux autres pays.
A titre d’exemple,sur la base d’une comparaison internationale de l’ensemble des
pratiques de ces réformes dans le monde, et s’appuyant sur les résultats du classement
de 2014, le tableau ci-dessous synthétise le potentiel de rattrapage pour notre pays et
le degré de facilité de mise en œuvre des différentes dimensions du climat d’affaires
63
desquels peut être dérivée une séquentialité des réformes à mener.
Tableau 19 : Séquentialité révélée des réformes du Doing Business
Dimension du climat
d’affaires
Potentiel de
rattrapage
Création entreprise
Faible
Permis construire
Faible
Fort
P
Electricité
Moyen
Moyen
P
Trsft. Propriété
Moyen
Fort
P
Obtention de prêt
Fort
Moyen
l
Protection invest.
Moyen
Moyen
l
Fort
Faible
P
Faible
Faible
P
Moyen
Moyen
l
Fort
Fort
l
Paiement des taxes
et impôts
Commerce
transfrontalier
Exécution des
contrats
Règlement de
l›insolvabilité
Facilité de mise en œuvre
Indice de facilité de Nature procédurale
mise en œuvre
(P) ou institutionnel
(I) de la réforme
Moyen
P
Source : Tableau élaboré par l’auteur.
3. Coupler le classement du DoingBusiness à une enquête régulière sur
l’environnement de l’investissement afin d’identifier les contraintes à l’investissement
telles que perçues par les entreprises
Cette enquête, à l’instar de celle menée opportunément cette année par le MIM et
qu’il convient de pérenniser, offre un cadre dans lequel peuvent être identifiées les
contraintes dominantes.Il constitue de ce fait un puissant instrument d’orientation des
politiques publiques versplus de gains en efficacité.
4.
Concernant plus particulièrement l’appui aux entreprises exportatrices
—
permettre à celles-cil’ouverture de bureaux de liaisons et encourager l’installation
d’agences bancaires dans les principaux pays partenaires ;
—
plus généralement, réaliser un audit du dispositif d’appui aux exportations dans
son rapport aux meilleures pratiques internationales sur le plan notamment de (i)l’appui
64
institutionnel, (ii) de l›appui financier, (iii) du régime fiscal, (iv) du régime douanier, (v)
des facilitations douanières, (vi) du contrôle des changes et (vii) de la réglementation
bancaire.
5.
Subventionner les exportations naissantes en considérant la découverte d’un
nouveau produit d’exportation ou d’un nouveau marché d’exportation comme une
innovation
Il s’agit de transformer le biais anti-exportation actuel en un biais favorable aux
exportations. Dans ce cadre, il serait utile de subventionner les exportations nouvelles
de faible montant à hauteur de 10% de leur valeur. Ce taux décroitra de moitié lorsque
la ligne tarifaire dépassera 10 millions de dollars et disparaîtra lorsqu’elle atteindra 20
millions de dollars. Cette mesure, qui a fait ses preuves dans certains pays latinoaméricains, favorisera le développement extensif des exportations.
Axe 6- Améliorer la gouvernance des politiques économiques de
diversification
Les challenges adressés aux pouvoirs publics sont multiples :
ils doivent disposer de l’information nécessaire pour cibler efficacement leurs
interventions ;
ils doivent disposer de la volonté nécessaire pour s’ériger en leadership du
développement économique ainsi que d’une administrationforte et compétente pouren
assurer l’exercice ;
ils doivent également s’assurer que les incitations ne soient pas détournées de
leurs objectifs de développement pour se résoudre simplement en aubaines.
Parce quedans le cheminement du développement,l’asymétrie d’information,
l’incertitude et les risquesdedéraillagede la dynamique industrielle de diversification sont
partout, nous arguons que ces challenges ne peuvent être relevés avec succès qu’en
modifiant la structure du jeu entre les acteurs de l’économie de façon à implémenter
une coordination stratégique entre les pouvoirs publics et le secteur des entreprises.
Plus qu’une batterie de mesures - dont les résultats du reste sont largement
aléatoires- la politique de diversification sera un processus dynamique de coordination
et d’organisation du développement économique dans l’objectif d’accélérer les
transformations structurelles et d’en réduire les incertitudes. C’est très certainement
cette dernière dimension qui établit une discrimination entre les pays qui réussissent
dans leur projet industriel de diversification et ceux dont le projet reste un blue-print,
c’est-à-dire une compilation de mesures éphémères.
La question cruciale est alors : quel type de relation ‘pouvoirs publics- entreprises’
implémenter pour que la politique industrielle soit effective et conduise à une
transformation rapide des structures productives de l’économie ?Dans ce domaine,
l’innovation institutionnelle est aussi importante que l’innovation productive dans la
65
réussite du projet industriel.
1.
Mettre en place un partenariat Public-Privé sous la forme de Contratsprogrammes pour chaque filière
Ces contrats-programmes entre les pouvoirs publics et les entreprises ou leurs
associations consignent :
les engagements des pouvoirs publics en termes de soutien et d’incitations ;
les engagements des entreprises (et associations professionnelles) en termes
d’objectifs chiffrés de développement à atteindre.
Ils dériveront du Plan national de développement des filières.
Ces contrats-programmes de filière seront annexés au Pacte économique et social.
Ils constitueront la dimension économique sectorielle de ce Pacte et lui conféreront le
caractère opérationnel qui lui manque actuellement.
2.
Dynamiser le Conseil national consultatif de promotion des exportations
3.
Appuyer la création d’associations professionnelles et soutenir les associations
professionnelles d’exportateurs
4.
Assurer une meilleure coordination entre les politiques économiques et les
politiques sectorielles et entre les politiques sectorielles elles-mêmes.
En l’absence d’un Ministère de l’économie, cette recommandation peut être concrétisée
par :
—
le regroupement dans une même structure du Ministère en charge du
commerce extérieur et de la promotion des exportations et du Ministère en charge du
développement industriel afin de préserver la cohérence de la stratégie nationale de
diversification économique ;
—
la(re) créationdu Commissariat général à la planification et la prospective et son
placement, compte tenu de sa dimension transversale, auprès du Premier Ministère ou
de la Présidence.
5.
Mener enfin une révision profonde du Système national d’information statistique.
66
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Evolution du cours du baril de pétrole
Figure 2 : Evolution comparée de la structure sectorielle du PIB des pays
asiatiques
Figure 3 : Relation entre la part dans le PIB de l’industrie, de l’agriculture et
des services et le niveau de développement des économies dans le monde
Figure 4 : Contribution des transformations structurelles à la productivité
globale de l’économie
Figure 5 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme
d’industrialisation – ensemble des économies
Figure 6 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme
d’industrialisation –économies pétrolières
Figure 7 : Evolution du nombre de produits exportés : 1992-2012
Figure 8 : Nombre de relations d’exportation : couple produit-marché. HS-6
digits - 1992-2010Figure 9 : Répartition des épisodes d’exportation par
durée : 1992-2012
Figure 10 : Estimation de la fonction de survie des exportations algériennes
Estimateur de Kaplan et Meyer : 1992-2012
Figure 11 : Estimation de la fonction de hasard des exportations : Algérie et
Maroc 1992-2012
Figure 12 : Conditions de mise en œuvre d›une politique de diversification
Figure 13 : La distance dݎvaluation entre les paires de produits
Figure 14 : Production d’éthylène en Algérie
Figure 15 : Evolution de la production de phosphates : 2006-2012
Figure 16 : Impact des services supérieurs sur le développement industriel
Figure 17 : Part des services dans le PIB – pays du MENA
67
7
10
11
19
21
22
23
24
25
26
27
33
48
50
54
55
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: Quelques indicateurs de conjoncture
Tableau 2 : Croissance réelle du PIB et sa répartition sectorielle (en
pourcentage)
Tableau 3 :Productivité moyenne annuelle entre 2010-2014 (en milliers de DA
prix constants 1999)
Tableau 4 :Productivité des secteurs (en milliers de DA constants 1999)
Tableau 5 :Réallocation sectorielle des ressources dans l’économie nationale :
1973-2014
Tableau 6 : Corrélation entre les transformations structurelles et la
productivité de l’économie : 1973-1987
Tableau 7 :Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité
de l’économie : 1987-2014
Tableau 8 :Décomposition de la productivité du travail – Période 1977-1987
(en milliers de DA par employé
Tableau 9 :Décomposition de la productivité du travail – Période 1987-2014
(en milliers de DA par employé)
Tableau 10 :La dynamique du secteur industriel projetée (2015-2015) (en
milliards DA)
Tableau 11 :La dynamique des exportations hors hydrocarbures projetée
(2015-2015) (en milliards de dollars)
Tableau 12 :Episodes de croissance industrielle accélérée parmi les pays
pétroliers
Tableau 13 :Les branches prioritaires dans le cadre de l’import-substitution
Tableau 14 :Produit Intérieur Brut par Habitant en 2013 (en dollars
international PPA courants)
Tableau 15 :Avantages comparatifs des pays du panel
Tableau 16:Période d’observation des pays du panel
Tableau 17 :Exportation d’engrais et de phosphates –Moyenne annuelle sur la
période (en millions de dollars)
Tableau 18 :Directions potentielles de diversification des exportations (en
millions de dollars US)
Tableau 19 : Séquentialité révélée des réformes du Doing Business
5
6
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14
16
16
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18
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30
30
42
45
46
47
49
56
64
BIBLIOGRAPHIE
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Booz Allen&Hamilton (2015). Développement des Filières Industrielles. Ministère de l’Industrie et de la Restructuration, Alger
Bouklia-Hassane, R. (2015). L’économie algérienne face à la diversification: Quelles
perspectives? Les Cahiers du Cread, 105(1), 37-62.
Hausmann, R., Klinger, B., & Lopez-Calix, J. (2010). Export diversification in Algeria.
Trade Competitiveness of the Middle East and North Africa: Policies for Export Diversification, 63.
Korea Institute for Industrial Economics and Trade (2010). Etude de stratégie industrielle. Ministère de l’Industrie et de la Promotion des Investissements. Alger.
Lin, J., & Chang, H. J. (2009). Should Industrial Policy in developing countries conform to
comparative advantage or defy it? A debate between Justin Lin and Ha‐Joon Chang.
Development policy review, 27(5), 483-502.
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growth (No. w17143). National Bureau of EconomicResearch.
Nations Unies. Base de données Comtrade. Diverses années. Washington DC.
Office Nationale des Statistiques. Comptes économiques. Diverses années. Alger.
Office Nationale des Statistiques. Enquête emplois. Diverses années. Alger.
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