ETUDE SUR LES PERSPECTIVES DE DIVERSIFICATON DE L’ECONOMIE NATIONALE TABLE DES MATIERES PREAMBULE 4 I. L’ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL : CHOC PETROLIER DE COURT TERME OU TRANSITION ENERGETIQUE ? II. UNE HYPOTHESE DE TRAVAIL 4 5 PARTIE A.UN DIAGNOSTIC DE L’EVOLUTION STRUCTURELLE DE L’ECONOMIE NATIONALE SUR LONGUE PERIODE 9 I. LES TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES STRUCTURELLES DANS LE MONDE : LES FAITS STYLISES A. La nature des transformations structurelles pro-développementales B. Les transformations structurelles comme source d’accroissement de la productivité II. LA DIRECTION DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES DANS L’ECONOMIE NATIONALE A. Des gaps sectoriels de productivité révélateurs d’un blocage des transformations structurelles B. L’orientation sectorielle des transformations structurelles en Algérie : une dé-agriculturisation sans industrialisation C. Une estimation de la contribution des transformations structurelles à l’évolution de la productivité III. UNE PREMIERE CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION DE L’ECONOMIE NATIONALE A TRAVERS UNE FAIBLE INDUSTRIALISATION IV. UNE DEUXIEME CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION EXTERNE A TRAVERS LA CONCENTRATION DES EXPORTATIONS 24 A. L’évolution du nombre de produits exportés 25 B. La durabilité des exportations 26 9 9 12 13 13 15 16 20 22 23 24 PARTIE B.LA PORTEE DU CHALLENGE 29 I. LES OBJECTIFS DE LA DIVERSIFICATION II. SIMULATION D’UNE TRAJECTOIRE DE DIVERSIFICATION ET DERIVATION DES CROISSANCES REQUISES 29 29 PARTIE C. LES POLITIQUES INDUSTRIELLES DE DIVERSIFICATION : 31 LES TERMES DU DEBAT I. II. A. B. LES ELEMENTS DE CONSENSUS LES ELEMENTS DE DIVERGENCE Politiques transversales versus politiques sélectives Se conformer ou défier les avantages comparatifs de l’économie nationale 2 31 32 32 32 C. 33 La démarche préconisée PARTIE D.L’APPROCHE METHODOLOGIQUE D’IDENTIFICATION DES FILIERES PRIORITAIRES I. MAITRISER LES RISQUES D’UNE STRATEGIE DE FILIERE II. L’APPROCHE DE LA BANQUE MONDIALE D’IDENTIFICATION DES SECTEURS PORTEURS DE DIVERSIFICATION A. La méthodologie B. Le potentiel de diversification de l’économie nationale C. L’application de cette méthode à l’économie algérienne et ses limites i. L’identification des secteurs porteurs de transformation structurelle ii. Les limites de l’approche iii. L’application de cette méthode au ciblage des activités de substitution d’importations III. LA DEMARCHE PROPOSEE A. Une nouvelle méthodologie B. Le choix des pays du panel de référence C. Les produits d’exportation significatifs de l’échantillon de pays de référence PARTIE E.LES IMPLICATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES : REALISER LE POTENTIEL D’AVANTAGE COMPARATIF Axe 1- Stabiliser le cadre macroéconomique et consacrer une discipline budgétaire Axe 2- Lever les contraintes aux transformations structurelles de l’économie Axe 3- faciliter les transformations structurelles favorables à la croissance Axe 4 : Etablir des masters plans pour les filières ciblée Axe 5 : La contribution des mesures transversales à la facilitation des transformations structurelles Axe 6- Améliorer la gouvernance des politiques économiques de diversification LISTE DES FIGURES LISTE DES TABLEAUX 3 35 35 37 37 39 39 39 40 41 43 44 44 46 58 58 59 60 62 63 65 68 69 62 PREAMBULE I. L’ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL : CHOC PETROLIER DE COURT TERME OU TRANSITION ENERGETIQUE ? La chute du prix des hydrocarbures en juillet 2014 a brutalement mis à jour la fragilité de l’économie nationale. En l’espace d’une année, le cadre macroéconomique qui fut pendant longtemps considéré comme un atout d’attractivité de l’économie et le symbole de la solidité de l’économie nationale(1) s’est révélé en dernière instance bien fragile : les principaux indicateurs macroéconomiquesse sont dégradésune année seulement après la chute du prix des hydrocarbures. L’évolution de la conjoncture internationaleremet aujourd’hui en question l’équilibre interne de l’économie et jette un doute sur la possibilité d’une poursuite du financement des finances publiques par les revenus provenant des hydrocarbures. Cette même conjoncture fait pointer le risqueà moyen terme de grandes difficultés de la balance de paiements. Le devenir de l’économie nationale se trouve aujourd’hui largement conditionné par le degré de persistance de ce choc pétrolier bien que l’épargne du Fond de Régulation des Recettes (FRR) pétrolières et les réserves de change accumuléesoffrent quelques marges de manœuvre permettant de mitiger quelque peu les conséquences du choc pétrolier sur l’économie nationale. Il est vrai que l’environnement international dans lequel l’Algérie est appelée désormais à évoluer a bien changé. En effet, le choc pétrolier a été d’une grande brutalité. Entre juillet 2014 et fin octobre 2015, le prix du baril de pétrole est passé de 110 dollars à moins de 50 dollars. Ces soubresauts du marché pétrolier ont naturellement eu un impact significatif sur les principales grandeurs macroéconomiques. L’effet direct majeur de ce choc sur les termes de l’échange est la réduction des exportations d’hydrocarbures et la diffusion des conséquences négatives de cet effet, par différents canaux et notamment le budget de l’Etat, au reste de l’économie. L’Algérie a été classée troisième dans le monde dans le célèbre classement du World Economic Forum par la solidité de son cadre macroéconomique. Le produit « poissons frais ou réfrigérés » (030262) a été exporté par l’Algérie au cours de l’année 2002 disparaît du panier d’exportation en 2003, est de nouveau exporté durant l’année 2004 disparaît en 2005 avant de connaître un épisode d’exportation d’une durée de 3 ans à partir de 2006 au delà de 4 Tableau1 : Quelques indicateurs de conjoncture Fin juin 2014 Fin juin 2015 Ecarts Fiscalité pétrolière 1870 mds DA 1254 mds DA - 616 mds DA Solde global du Trésor - 463 mds DA - 902 mds DA - 439 mds DA FRR 5155.9 mds DA 3441,3 mds DA - 1714 mds DA Solde commercial + 2.31 mds $ - 8.18 mds $ - 10.49 mds $ Réserve de changes 193.3 mds $ 159 mds $ - 34.3 mds $ Parité du DA contre le $ Dépréciation de %22 Parité du DA contre l’euro Appréciation de %0.6 Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’Office National des Statistiques (ONS). II. UNE HYPOTHÈSE DE TRAVAIL Cinquante ans après l’indépendance, l’observationimportante qui peut être faite est quel’économie nationale n’apas encore pu se construire une base productive endogène. A quels facteurs doit-on imputer ces performances économiques relativement décevantes en termes de diversification ? Lavulnérabilité persistantede l’économie est-elle fondamentalement due à des politiques macroéconomiques inefficaces, à des institutions de faible qualité ou encore à l’absence de transformation structurelle de l’économie nationale ? Certes, ces différentes dimensions ne sont pas totalement indépendantes les unes des autres. Toutefois, la question de savoir à quel facteur revient la primauté dans l’explication des performances de développement est importante car elle conditionne dans une large mesure la nature des politiques économiques à promouvoir. Malgré l’apparition de ces difficultés économiques de l’Algérie concomitamment au recul du prix du pétrole, notre hypothèse de travail dans cette étude est que cette crise de l’économie nationale n’est pas liée à la conjoncture pétrolière mais renvoie à une dimension structurelle : les transformations structurelles que l’économie a connues durant les dernières décennies ont été défavorables à la croissance économique. Autrement dit, les ressources productives de l’économie libérées par le secteur agricole 5 ne se sont pas dirigées historiquement vers les secteurs à forte productivité, notamment l’industrie, comme cela peut être observé dans les trajectoires de développement des économies aujourd’hui émergentes. L’économie nationale n’a pas ainsi bénéficié dans le cours de son évolution du surcroit de productivité qu’une réallocation intersectorielle des ressources « growth-enhancing »aurait permis,la privant ainsid’une des conditions pré-requisesà son émergence et sa diversification. Toutefois, malgré ces inefficiences structurelles, force est de constater que l’économie nationale a pu engranger des taux de croissance significatifs notamment sur la période récente. Tableau 2 : Croissance réelle du PIB et sa répartition sectorielle (en pourcentage) 2010 Croissance du 3.6 PIB Hydrocarbures - 2.2 Secteur hors hydrocarbures 6.3 2011 2012 2013 2014 2.9 3.4 2.8 3.8 - 3.3 - 3.4 - 5.5 - 0.6 6.2 7.2 7.1 5.6 Source : Banque d’Algérie Ce modèle a également généré un développement humain significatif. Il a créé des emplois réduisant le taux de chômage qui est passé de 29% en 2000 à 10.6% en 2014. Les ressources pétrolières ont été transformées non seulement en capital financier grâce à l’accumulation des réserves de change et du FRR mais également en capital physique à travers l’édification d’infrastructures sociales et économiques de base dont bénéficieront les générations futures. Ce modèle de fonctionnement peut encore assurer la reproduction de l’économie nationale tant que l’exploitation des ressources naturelles permet de financer la croissance économique. Or,il convient de se demander ce que nous apprennent aujourd’hui les derniers développements sur la scène pétrolière internationale ? 6 Pour beaucoup d’analystes, les prix du pétrole resteront bas jusqu’à la fin de l’année 2016. Cela est dud’une part,à unefaible demande de pétrole causée parla non-croissance de l’économie mondiale et, d’autre part, d’une augmentation de l’offre qui sera induite par la mise sur le marché des exportations du pétrole provenant notamment de l’Irak (1.5 à 2 millions de barils), de l’Iranpar suite de la levée des sanctions économiques internationales (0.6 million de barils supplémentaires) et de la Lybie (0.5 à 1 million de barils) malgré un ralentissement éventuel des exportations du pétrole hors OPEP. Figure1: Évolution du cours du baril de pétrole Source : France inflation. Bien plus, et de façon plausible, nous devons nous attendre à voir s’achever l’ère du pétrole. Nous sommes plus surement en présence d’un nouveau paradigme énergétique qui s’annonce à la fois par l’entrée en scène des pétroles et des gaz de schiste, la réglementation de plus en plus rigide du carbone ainsi que par le développement des énergies renouvelables déconnectant dans une certaine mesure le prix du pétrole de ce qui fut jusque-là son principal déterminant, la croissance de l’économie mondiale en l’occurrence. Même en présence d’une reprise des économies émergentes, il n’est plus sûr que les cours pétroliers reprennent leurs niveaux d’avant le choc. Ce que d’aucuns considèrent aujourd’hui comme une conjoncture risque ainsi de s’avérer être une transition structurelle à l’échelle mondiale, 7 une marche vers un nouveau modèle énergétique risquant de frapper d’obsolescence les actifs dont dispose le pays. Aussi,si l’on accepte cette vision, les revenus pétroliers ne peuvent plus se substituer ni pallier à la faible productivité de l’économie. Dès lors, la réduction de la dépendance des hydrocarbures et la réallocation des ressources vers des secteurs potentiellement porteurs de gains de productivité deviennent l’objectif ultime de la politique de développement. C’est à l’analyse de cette perspective que cette étude est consacrée. La première partie de ce travail est consacrée à un diagnostic de l’évolution structurelle de l’économie algérienne sur longue période. La deuxième partie rappelle la portéedu challenge de la diversification en termes de croissance à réaliser sur les décennies à venir et justifie la nécessité de l’intervention de l’Etat pour le relever à travers une politique industrielle active. La troisième partie présente l’approche méthodologique d’identification des industries disposant d’avantages comparatifs potentiels et porteuses de diversification. Enfin, la quatrième partie sera consacrée à la formulation de recommandation de politique économique. 8 PARTIE A.UN DIAGNOSTIC DE L’ÉVOLUTION STRUCTURELLE DE L’ÉCONOMIE NATIONALE SUR LONGUE PÉRIODE I. LES TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES STRUCTURELLES DANS LE MONDE : LES FAITS STYLISES A. La nature des transformations structurelles pro-développementales Dans le processus d’émergence d’un pays, l’activité économiqueest sujette à une réallocation des ressources des secteurs traditionnels les moins développés vers les secteurs modernes à plus grande productivité. Par ce processus, la structure sectorielle de l’économie s’en trouve profondément transformée et l’économie gagne, à travers cette mobilité de ressources,en efficience avec comme conséquence une meilleure productivité globale de l’économie. Dans ce processus de transformation structurelle que les grandes économies ont connu durant leur phase de développement et qui s’inscrit sur le temps long, le travail est généralement réallouédu secteur traditionnel de l’agriculture faiblement productif - du moins dans les premières étapes du développement - vers le secteur moderne de l’industrie à plus forte productivité. Se trouve ainsi initié un nouveau régime de croissance où le secteur de l’industrie en l’occurrence, devient le vecteur moteur qui porte l’évolution de la productivité globaleen générant des externalités positives au bénéfice de l’économie dans son ensemble. C’est ce processus de transformation structurelle qui a immanquablement conduit l’économie de la Corée du Sud, mais aussi celle de la Chine ou de la Thaïlande vers l’émergence d’une nouvelle configuration de la structure de leur économie et l’initiation d’un nouveau régime de croissance. 9 Figure 2: Évolutioncomparée de la structure sectorielle du PIB des pays asiatiques Source : KIET – Etude pour le Ministère de l’industrie et la promotion des investissements (Alger 2010) Plus généralement, cette transformation structurelle peut être observée avec une assez grande régularité dans l’ensemble des expériences réussies dans le monde. Pour le voir, les trois figures suivantes présentent respectivement la part dans la production nationale de l’agriculture, de l’industrie et des services de 120 pays suivant le degré de développement de leur économie (approché par leur PIB par habitant en dollars constantsexprimés en parité des pouvoirs d’achat afin de réduire l’influence des taux de change nationaux). 10 Figure 3: Relation entre la part de l’industrie, de l’agriculture et des services dans le PIB et le niveau de développement des économies dans le monde Source : Graphique construit par l’auteur sur la base des données deWorld DevelopmentIndicatorsWorld Bank(WDI/WB). 11 Ces figures montrent que, dans le cours historique de leur développement, les pays voient la structure de leur économie se transformer: leurs ressources sont progressivement réallouées de l’agriculture - initialement faiblement productive- vers les secteurs modernes de l’industrie et des services à productivité plus élevée. Il faut préciser à ce titre que la désindustrialisation relative des pays développés est le résultat de leur progression dans la chaine de valeur. En raison de la hausse de leurs coûts salariaux, une spécialisation industrielle accrue dans des secteurs d’activité à forte intensité de savoir et de valeur ajoutée s’est substituée, à une diversification de l’industrie manufacturière caractérisant les premières étapes de leur développement. B. Les transformations structurelles comme source d’accroissement de la productivité Cet aspect de transformation structurelle pro-développementalest assez peu étudié dans les diagnostics de développement, particulièrement dans le cas de notre économie où l’accent est exclusivement mis sur la productivité des entreprises. Pourtant, les changements structurels, lorsqu’ils réallouent les ressources des secteurs à faible productivité vers les secteurs à productivité plus élevée sont une source importante d’accroissement de la productivité de l’économie. En fait, les développements ci-dessus indiquent que l’évolution de la productivité globale d’une économie dépend non seulement, (i) de la productivité de ses entreprises dans les différents secteurs où elles opèrent mais aussi, (ii) du degré d’efficience del’allocation des ressources entre les secteurs économiques. Evolution de la productivité résultant de la réallocation des ressources entre les secteurs 12 C’est surtout ce deuxième canal,porté par les transformations structurelles de l’activité économique,qui permet de faire émerger de‘nouveaux’ régimes de croissance à travers la promotion et le développement de nouveaux secteurs à l’instar du secteur industriel ou des services supérieurs. Une des clés du succès des expériences réussies de développement a été précisément le degré avec lequel les politiques économiques ont pu conduire ce processus de transformations structurelles. II. LA DIRECTION DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES DANS L’ECONOMIE NATIONALE Qu’en est-t-il de notre pays ? Dans quelle mesure peut-on observer un processus de transformation structurelle qui réalloue l’activité économique des secteurs les moins productifs vers les secteurs les plus productifs ? Dans l ‘évolution de la productivité globale de l’économie nationale, quelle est la part de la productivité provenant des entreprises,et celle liée au degré d’efficience de l’allocation sectorielle des ressources ? A. Des gaps sectoriels de productivité révélateurs d’un blocage des transformations structurelles Il existe en effet des gaps substantiels de productivité entre les différents secteurs de l’économie nationale révélateurs d’une grande inefficience dans l’allocation sectorielle des ressources productives. Le tableau ci-dessous qui présente la productivité du travail dans les quatre grands secteurs (agriculture, industrie, BTP et commerce, services et administration) en moyenne annuelle sur la période 2010-2024 montre, en effet une forte hétérogénéité dans la structure productive. Tableau 3 : Productivité moyenne annuelle entre 2010 - 2014 (en milliers de DA prix constants 1999) SECTEURS Economie globale Agriculture Industrie BTP Service, Commerce, Admin. PRODUCTIVITE 458,8 787,1 341,4 488,5 424,5 Sources : Calculs d’après les Comptes économiques nationaux à prix constants et l’Enquête Emplois (ONS) sur différentes années. 13 Ces gaps de productivité sontrévélateursdu dualismequi caractérise les économies en développement et que les économistes ont depuis longtemps identifié comme une source de blocage de la croissance. Peut-on toutefois observer une réduction de ces gaps dans le cours du développement du pays ? Dans le processus d’émergence et de diversification d’une économie, les disparités sectorielles de productivité ont tendance à se résorber : la mobilité des ressources productives, notamment celle de la main-d’œuvre,et saréallocation des secteurs à faible productivité vers les secteurs à forte productivité ont historiquement été un des moteurs du développement économique. Toutefois, en Algérie, ces disparités sectorielles de productivité tendent à s’amplifier au lieu de se réduire : alors que le niveau de productivité de l’agriculture était sensiblement égal à celui de l’industrie en 2000, il se fixe, quinze ans plus tard, à un niveau deux fois plus élevé que celui de l’industrie. Globalement, le coefficient de variation des productivités sectorielles est passé de 3.8 % en 2000 à 5.8 % en 2014 indiquant une plus grande dispersion des productivités sectorielles bien que le niveau de développement du pays en termes de PIB par habitant aitsensiblement augmenté entre ces deux dates. Tableau 4 : Productivité des secteurs (en milliers de DA constants 1999) SECTEURS Economie globale Agriculture Industrie BTP Service, Commerce, Admin. Coefficient de variation 2000 355,44 392,87 333,69 530,54 323,75 3.79 % 2014 505,02 877,37 372,52 566,73 457,85 5,82 % Sources : Calculs d’après Comptes économiques nationaux à prix constants et Enquête Emplois (ONS) différentes années. (cf.tableau 3) Cette dispersion dans la productivité des différents secteurs économiques et sa persistance est révélatrice des fortes rigidités structurelles qui marquent encore la dynamique de l’économie nationale à ce jour et sont la source d’une sous optimalité de l’allocation des ressources productives entre les secteurs dans l’économie nationale. 14 B. L’orientation sectorielle des transformations structurellesen Algérie : une « déagriculturisation » sans industrialisation L’autre constatationmarquante,à côté de la dynamique de transformation structurelle concerne l’orientation sectorielle de ces transformations. Quelles ont été les directions des flux de main-d’œuvre qui ont accompagné la transformation de la structure du système productif national ? On observe à cet égard, que la part de la main-d’œuvre dusecteur agricole dans le total de l’emploi n’a cessé de décliner depuis quarante ans. Celle-ci est passée de 40 % en 1973 à moins de 10 % en 2014. Certes, il s’agit d’un phénomène qui s’observe historiquement dans beaucoup de pays en voie de développement.Toutefois, il recouvre dans notre pays un résultat bien particulier (cf.tableau 5 ci-dessous): — Dans une première phase qui s’étale jusqu’aux années 80,cette main-d’œuvre libérée par le secteur agricole s’est dirigée vers l’industrie dans une dynamique proche de celle que l’on a pu observer notamment dans les pays latino-américains au cours des années 50 ou encore en Inde, en Thaïlande et en Turquie au cours des années 90. Ce processus n’a cependant pas perduré. — Dans une seconde phase, en effet, l’industrie n’absorbe plus l’emploi issu de la contraction du secteur agricole mais celui-cis’oriente davantage vers le secteur des services (au sens large) et celui des BTP imprimant une nouvelle configuration structurelle du système productif dominé dès lors, en termes d’allocation des ressources, par les secteurs des services plutôt primaires, du commerce et l’administration peu porteurs de modernité. En somme le processus de « dé-agriculturisation » qu’on observe dans un grand nombre d’économie au cours de leur phase de développement n’a pas donné naissance dans notre pays à une dynamique vertueuse de transformations structurelles. Celle-ci est allée dans le mauvais sens : elles’est accompagnéeau contraire,de la fin de la décennie 70jusqu’à nos jours, d’un processus de désindustrialisation et d’expansion du secteur informel alors même que l’industrie est censée être le secteur « moderne » et porteur de l’accroissement de la productivité de l’économie nationale. 15 Tableau 5:Réallocation sectorielle des ressources dans l’économie nationale : 19732014 Part emploi Agriculture Part emploi Industrie Part emploi BTP 1973 40.0 % 11.2 % 8.7 % 1977 31.0 % 18.0 % 15.5 % 1987 18.6 % 16.7 % 16.9 % 2000 14.1 % 13.4 % 10.0 % 2014 9.5 % 12.6 % 16.5 % Part emploi Service 40.1 % 35.6 % 47.8 % 62.5 % 61.4 % Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS. C. Une estimation de la contribution des transformations structurelles à l’évolution de la productivité Ces transformations structurelles peuvent ou non être favorables au développement de la productivité du travail dans l’économie dans son ensemble.Elles le sont lorsque l’apparition de nouveaux secteurs ou l’expansion des secteurs existants s’accompagne d’une augmentation de leur productivité. Dans cette perspective, les tableaux ci-dessous classent les secteurs économiques suivant leur degré d’expansion durant les deux sous-périodes 1973-1987 et 1987-2014 et associentà ces secteurs leur productivité en fin de période calculée en écart par rapport à la moyenne nationale. Tableau 6 : Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie : 1973-1987 Secteurs Agriculture Industrie BTP Service, Commerce, Administration Augmentation de la part d’emploi 1987-1973(en points de %) - 21.4 + 5.5 + 6.8 Productivité en 1987 (en écart à la moyenne nationale) 0,72(*) 1.08 1.06 + 7.7 1.06 (*) Lire : l’écart de 0.72 observé pour l’agriculture signifie que la productivité du travail dans le secteur de l’agriculture s’est fixée à un niveau égal à 72% du niveau de productivité moyen observé dans l’économie dans son ensemble au cours de l’année 1987. Source :Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS 16 On constate que la productivité des secteurs, durant la sous-période 1987 - 1973, est positivement corrélée au mouvement de main-d’œuvre de sorte que les transformations structurelles de l’économie ont favorisé la croissance de la productivité globale de l’économie. Ces évolutions n’ont pas été toutefois persistantes et n’ont pu être soutenues au cours la période consécutive au premier contre choc pétrolier. En effet, le même exercice effectué pour la période 2014-1987 montre que le secteur agricole a connu une amélioration de sa productivité (celle-ci en 2014 est supérieure de 65 % à la productivité moyenne de l’économie) alors que celle-ci est couplée à une contraction de ce secteur. La productivité des autres secteurs est, par contre,positivement corrélée à l’expansion de ces secteurs. Au total, l’effet de ces dynamiques sectorielles sur l’évolution de la productivité de l’économie est ambigu, l’agriculture y contribuant négativement à l’inverse des autres secteurs dont la contribution est positive. Tableau 7: Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie : 1987-2014 Secteurs Agriculture Industrie BTP Service, Commerce, Administration Augmentation de la part d’emploi 1987-2014(en points de %) - 9.1 + 4.1 0.4 13.6 Productivité en 1987 (en écart à la moyenne nationale) 1.65 0.59 0.93 1.00 Source :tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS. Plus précisément, on a procédé à une « décomposition » de l’évolution de la productivité de l’économie nationale pour distinguer: — la part provenant d’une évolution de la productivité des entreprises dansleur secteur respectif (dimensionintrasectorielle) à travers l’accumulation des facteurs de production et l’apport de la technologie ; — la part relevant des transformations structurelles résultant des mouvements intersectoriels des ressources des secteurs à faible productivité vers des secteurs à plus forte productivité. A cet égard, les tableaux ci-dessous (8 et 9) présententcette décomposition de l’augmentation de la productivité dans l’économie nationale en distinguant respectivement la période 1977-1987 (pré-premier choc pétrolier) et la période 1987-2014 (post-choc pétrolier). 17 Tableau 8 : Décomposition de la productivité du travail – Période 1987-1977(en milliers de DA par employé) Période 1977-1987 Augmentation de la productivité du travail Composante due aux facteurs Sectoriels Structurels Economie dont : 1.29 1.20 0.09 Agriculture 0.18 0.37 - 0.19 Industrie 0.25 0.28 - 0.03 BTP 0.24 0.21 0.03 Services 0.62 0.35 0.27 Source :Tableau élaboré par l’auteurd’après les données de l’ONS Tableau 9 : Décomposition de la productivité du travail – Période 2014-1987 (en milliers de DA par employé) Période 1987-2014 Augmentation de la productivité du travail Composante due aux facteurs Sectoriels Structurels Economie dont : 37.30 38.95 - 1.65 Agriculture 5.93 11.83 - 5.90 Industrie 2.55 3.52 - 0.97 BTP 5.68 5.83 - 0.15 Services 23.14 17.77 5.37 Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS - 18 La figure 4 reproduit la contribution en pourcentage de la composante intra et intersectorielle dans chacun des grands secteurs économiques. Figure 4 : Contribution des transformations structurelles à la productivité globale de l’économie Source : Figure réalisée par les calculs de l’auteur On constate,pour les deux sous périodes, que la croissance de la productivité enregistrée est principalement tirée par les services (primaires) de par l’importance de la taille de ce secteur dans l’économie nationale. Mais bien plus, la productivité de l’économie est le fait quasi exclusif des productivités intra-sectorielles des entreprises. Ainsi : — les transformations structurelles n’ont contribué que de façon marginale à l’évolution de la productivité globale durant la première sous-période 1977-1987 ; — durant les vingt-cinq dernières années(1987-2014), les directions de transformationstructurelleont même été un facteur de réduction de la productivité (growth-reducing). Les changements structurels ont ainsi contribué négativement à la croissance d’ensemble de l’économie. Au total, les directions de transformations structurelles n’ont pas été prodéveloppemental : elles ont mêmeentraîné une dynamique perverse qui a privé l’économie nationale d’un gisement important de productivité. Cet aspect est malheureusement peu mis en relief dans les études de diagnostic de l’économie nationale qui se sont surtout penchées sur la dimension microéconomique de la productivité de l’économie nationale (celle des entreprises dans leur secteur) en négligeant la contribution des effets de structure alors même que cette dernière composante a historiquement été un déterminant essentiel à la réussite économique des pays émergents. 19 Ces faibles performances en termes de transformation structurelle appellent un environnement et des incitations qui remodèlent les directions des changements structurelles à l’effet de réaliser le potentiel de productivité qui peut être généré par une réallocation des ressources productives vers les secteurs modernes de l’économie. Des recommandations seront formulées dans cette perspective. III. UNE PREMIERE CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION DE L’ECONOMIE NATIONALE A TRAVERS UNE FAIBLE INDUSTRIALISATION Parmi les facteurs économiques pré-requis à une transformation structurelle et une diversification réussies figurent : — un déclin de la part de la valeur ajoutée ou de la part de l’emploi agricole dans l’économie ; — une élévation en conséquence de la productivité du secteur agricole ; — une élévation de la part de la valeur ajoutée de l’industrie et des services modernes, notamment ceux liés à l’industrie. La figure4 présentéeci-dessus documente ces aspects que l’on retrouve dans la plupartdes expériences modernes de développement. Dans notre payscomme observé, les deux premiers facteurs semblent avoir joué au sens où, parallèlement à une contraction relative du secteur agricole, on observe un regain de la productivité du travail dans ce secteur notamment sur les quinze dernières années. Mais l’autre fait remarquable est que la main d’œuvre libérée par le secteur agricole ne s’est pas orientée vers le secteur industriel ou celui des services supérieurs. Quelle est l’ampleur dugap industriel accumulé dans le cours des changements structurels que le pays a connu ? Il est largement admis quele secteur industriel est le « parent pauvre » du développement économique national depuis plusieurs décennies. La valeur ajoutée de l’industrie manufacturière s’est élevée à 3.9 % du PIB en 2014. Il est vrai qu’un tel rapport peut donner une image biaisée des changements structurels mis en œuvre. Les fortes dévaluations de la monnaie nationale durant les années 90 tout autant que l’envolée du prix des hydrocarbures durant les années 2000 ont eu pour effet d’accroitre la part des hydrocarbures dans le PIB et de réduire, toute chose égale par ailleurs, celle des autres secteurs de l’économie - dont l’industrie - sans que cela n’indique un quelconque changement de structure de l’économie. Recalculée à prix constants pour supprimer l’influence du prix des hydrocarbures, cette part de l’industrie manufacturière dans le PIB augmente légèrement. Elle fluctue entre 6.2 et 7% du PIB tout au long des quinze dernières années et s’est fixée à 7.0% du PIB en 2014. 20 Cependant, quelque puisse être son mode de calcul, c’est dans lecontexte internationalque le gap d’industrialisation peut être correctement apprécié et évalué. A cet égard, on a reproduit dans la figure 5 ci-dessous : — la norme d’industrialisation comme fonction du niveau de développement et de la taille du pays ; — la part de l’industrie dans le PIB de 249 pays, dont l’Algérie, suivant leur PIB par habitant (en moyenne annuelle sur la période 2010-2014). Figure 5 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation – ensemble des économies Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2013 Cette figure montre quele secteur industriel national se situe en deçà des normes d’industrialisation. Autrement dit, notre degré d’industrialisation n’atteint pas encore le niveau moyen observé dans des pays similaires au nôtre en termes de taille et de niveau de développement. Son gap d’industrialisation peut être évalué à environ 9 points de pourcentage de PIB. Ces conclusions doivent cependant être affinées pour tenir compte du fait que dans les pays pétroliers, le secteur des hydrocarbures, en induisant une augmentation du PIB global, réduit, par là même la contribution des autres secteurs au produit intérieur brut. Toutefois, même parmi les pays exportateurs de pétrole, le gap d’industrialisation de l’économie nationale persiste bien qu’avec une plus faible ampleur : comme le montre la figure 6, la part de l’industrie dans le PIB est inférieure d’environ 3% à la moyenne des pays pétroliers comparables au notre en termes de PIB par habitant. 21 Figure 6 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation – économies pétrolières Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2013 Ce faible dynamisme du secteur industriel, par ailleurs source d’apprentissage et d’innovation technologiques et organisationnelles, est révélateur de la direction défavorable du processus de transformation structurelle de l’économie algérienne. La faiblesse de l’industrie est certainement la principale source de la persistance de la domination des hydrocarbures dans les exportations algérienneset du blocage du processus de diversification. IV. UNE DEUXIEME CONSEQUENCE : L’ABSENCE DE DIVERSIFICATION EXTERNE A TRAVERS LA CONCENTRATION DES EXPORTATIONS La faible diversification des exportations est connaissance commune. Les exportations hors hydrocarbures ont représenté 2.8% du total des exportations durant l’année 2014. Mais au-delà de cette observation générale, nous utilisons deux indicateurs – peu souvent investis –pour décrire le processus de concentration/diversification des exportations en Algérie : l’évolution du nombre de produits exportés et la durée des épisodes d’exportation. 22 A. L’évolution du nombre de produits exportés Si onEn observant l’évolution du nombre de produits exportés dans la nomenclature du Système Harmonisé à 6 digits(HS-6) -un indicateur frustre des marges extensives-, onnous constatons que celle-ci ne présente pas de tendance particulière au cours de la dernière décennie. Le nombre de produits exportés par an a été en moyenne de 861 au cours de la période 1992-2012 avec un maximum de 1143 produits en 2002 et un minimum de 554 produits en 1994. A titre de comparaison, le nombre de produits exportés en particulier par le Maroc,sur la même période, a été de 2710 en moyenne (cf. figure ci dessous). Figure 7: Évolution du nombre de produits exportés ; 2012-1992 Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits Cependant, la seule dimension du nombre de produits exportés ne permet pas de rendre totalement compte du processus de diversification des exportations. Tout comme la découverte d’un nouveau produit d’exportation, la pénétration d’un nouveau marché international est également assimilée notamment par l’économiste du développement D. Rodrik à la production d’une innovation. En distinguant les produits exportés selon les pays de destination auxquels ils s’adressent, une relation d’exportation sera alors l’exportation d’un produit donné sur un marché déterminé. La figure ci-dessous présente dans ce cadre l’évolution du nombre de produit-marché sur les deux dernières décennies en Algérie et au Maroc à titre de comparaison. 23 Figure 8 : Nombre de relations d’exportation : couple produit-marché. HS-6 digits 2012 - 1992 Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits La prise en compte du couple produit-marché dans l’évolution de l’expansion des exportations accentue le gap de diversification qui existe entre l’Algérie et les autres pays de la région sans tendance à un rattrapage en faisant manifestement de l’Algérie, à travers ces performances d’exportation, un « outlier ». B. La durabilité des exportations A chaque période, des exportations nouvelles (produits ou nouvelles destinations) apparaissent tandis que d’autres exportations meurent. Le processus de diversification possède ainsi une démographie. Il est d’autant plus soutenu que les entrées dans le marché international restent actives et que les relations d’exportation déjà existantes sont persistantes. Dès lors se pose la question de la durabilité des relations d’exportation. Celles-ci sont-elles des relations transitoires entre les partenaires ou subsistent-elles en général sur le long terme ? 24 Dans ce cadre, on retient qu’un épisode de croissance est la période pendant laquelle un produit est exporté sans interruption. Il faut noter cependant qu’un produit peut avoir plusieurs épisodes de croissance au cours de la période d’études(2) . En Algérie, un total de 7850 épisodes d’exportation est observédurant les deux décennies 1992-2012parmi lesquels 4918 ont duré une année seulement. Figure 9 : Répartition des épisodes d’exportation par durée : 2012 - 1992 Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données Comtrade HS 6 digits La figure 9qui présente la répartition des épisodes d’exportation selon leur durée montre une distribution fortement asymétrique avec un étalement de la queue vers la droite conformément à la distribution de la loi de puissance (power lawdistributions). Cependant, une des particularités importantes de l’étude de la durée des exportations, comme dans tout modèle de durée, est que les observations sont incomplètes. Pour les produits d’exportation subsistant jusqu’à la date finale d’observation (2012), le résultat n’est observé que partiellement. Par exemple, l’Algérie a exporté jusqu’en 2012 - date finale d’observation- de l’urée mais nous ne savons pas si cette relation d’exportation a cessé au terme de l’année 2012 ou, sinon, quelle en a été, ou sera, sa durée. (2) Le produit « poissons frais ou réfrigérés » (030262) a été exporté par l’Algérie au cours de l’année 2002 disparaît du panier d’exportation en 2003, est de nouveau exporté durant l’année 2004 disparaît en 2005 avant de connaître un épisode d’exportation d’une durée de 3 ans à partir de 2006 au delà de laquelle il n’est plus observé. 25 Faute d’une observation continue, certaines données sontcensurées. A cet égard, nous avons retenu l’estimateur de Kaplan et Mayer de la fonction de survie qui a la particularité de prendre en compte à la fois les données observées et les données censurées. Le graphe suivant reporte la fonction de survie des exportations algériennes sur la période 1992-2012. Figure 10 : Estimation de la fonction de survie des exportations algériennes Estimateur de Kaplan et Meyer : 1992-2012 Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits On constate que la probabilité pour qu’un produit soit exporté au-delà d’une année est faible, estimée à 32% seulement. Par ailleurs, un produit a moins de 17% de chance d’être exporté au-delà de deux ans. Ainsi, la plupart des exportations meurent au bout de deux années. En moyenne, un produit a une durée de vie à l’exportation de 1.7 année. Il s’agit d’un risque de défaillance important s’il est comparé à la survie des exportations d’autres pays comme les exportations marocaines, à titre d’exemple, où la probabilité de survie au-delà de la première année est estimée à 60%, soit près du double de celle des exportations algériennes. 26 Une autre caractéristique distinctive des exportations algériennes est la relation entre « l’âge » des produits exportés (soit, la durée de leur présence sur les marchés d’exportation) et leur probabilité de défaillance (soit, la cessation de leur exportation). La figure 11 ci-dessous présente la fonction de hasard de la durée de vie des exportations algériennes(c’est-à-dire, la probabilité de cessation de l’exportation du produit en fonction de sa durée de présence sur les marchés d’exportation). Figure 11 : Estimation de la fonction de hasard des exportations : Algérie et Maroc 1992-2012 Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données Comtrade HS-6 digits L’évolution décroissante pour l’Algérie de cette fonction à partir d’une certaine durée est caractéristique d’un système qui s’améliore dans le sens où plus les produits d’exportation restent longtemps présents sur les marchés internationaux plus leur chance de survie sur ces marchés est longue. Ainsi, malgré une forte mortalité des exportations au terme de la première année, le risque de défaillance décroit avec « l’âge »du produit. Ce risque reste toutefois bien plus important que celui d’un pays comme le Maroc. Au total, à côté du faible flux de produits exportés, ces derniers se caractérisent également par une mortalité élevée bien que décroissante avec l’âge des produits sur les marchés internationaux. En conclusion, il ressort de cette analyse que les politiques économiques mises en œuvre depuis les dernières décennies ont induit des changements structurels qui ont entraîné un déclin relatif du secteur de l’agriculture sans pour autant conduire à l’émergence d’un largesecteur industriel moderne. Cette orientation des changements structurels a eu plusieurs conséquences : 27 — elle n’a pas permis à l’économie de réaliser son potentiel de productivité,en l’empêchant de bénéficier du surcroit de productivité qu’une meilleure réallocation sectorielle des ressources aurait permis ; — elle a entraîné une stagnation à partir de la fin de la des années 70s du secteur industriel. L’économie est en deçà des normes d’industrialisation même comparativement aux pays pétroliers ; — les marchés intérieurs sont faiblement couverts par la production industrielle nationale ; — les exportations de l’industrie manufacturière sont marginales en volume et en nombre, l’économie nationale demeurant l’une des plus concentrée sur les exportations dans le monde. Promouvoir la croissance économique et en diversifier ses sources dans une conjoncture adverse qui ne laisse qu’une période de transition de quelques années devient une nécessité impérieuse qui conditionne la préservation des grands équilibres de l’économie nationale. Quelle est l’ampleur de l’effort à fournir ? Sur quel paradigme économique s’appuyer et comment le faire ? 28 PARTIE B. LA PORTEE DU CHALLENGE La diversification n’est pas une entreprise aisée. Dans le monde d’ailleurs, les pays qui ont réussi leur diversification sont rares. I. LES OBJECTIFS DE LA DIVERSIFICATION Pour évaluer l’ampleur de l’effort à fournir en termes de croissance du secteur industriel et de croissance des exportations hors hydrocarbures, nous avons simulé une trajectoire de croissance admissible permettant d’atteindre les objectifs de diversification suivants pour l’économie algérienne : — en ce qui concerne la diversification de la production nationale, l’objectif est d’accroitre la part du secteur industriel dans le PIB d’un point de pourcentage en 2020 (faire passer cette part de 4.9% du PIB en 2014 à 6% en 2020) et de deux points et demi du PIB à l’horizon 2025 ; — en ce qui concerne la diversification des exportations, faire passer la part des exportations hors hydrocarbures dans le total des exportations de 3.8% actuellement à 12.5% en 2020 et à 20% en 2025. II. SIMULATION D’UNE TRAJECTOIRE DE DIVERSIFICATION ET DERIVATION DES CROISSANCES REQUISES Ces objectifs, étalés sur une période de dix ans (2015-2025) avec une accélération progressive du développement industriel, nécessite une croissance de la valeur ajoutée de l’industrie nationale hors hydrocarbures de 9.3 % par an en moyenne sur la période de projection 2015-2025. Tableau 10:La dynamique du secteur industriel projetée (2015-2025) (en milliards DA) 2014 Croissance projetée du PIB 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2025 4.0 % 4.5 % 5.0 % 5.0 % 5.0 % 5.0 % 5.0 % Volume PIB 17200 17900 18700 19500 20500 21500 22600 28900 VA Industrie 0.84 0.89 0.97 1.05 1.15 1.25 1.36 2.16 Part de l›industr / PIB 4.9 % 5.0 % 5.2 % 5.4 % 5.6 % 5.8 % 6.0 % 7.5 % 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2025 6.1 % 8.7 % 8.5 % 8.9 % 8.8 % 8.6 % 9.4 % Croissance requise de l›industrie Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS 29 Tableau 11 : La dynamique des exportations hors hydrocarbures projetée (2015-2025) (en milliards de dollars) 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2025 Croissance projetée du PIB 40 40.2 40.6 41.2 41.8 42.5 45.7 Volume PIB 1.6 2.5 3.3 4.2 5.2 6.2 11.4 VA Industrie 41.6 42.7 43.9 45.5 47 48.6 57.2 Part de l›industr / PIB 3.8 % 5.9 % 7.5 % 9.2 % 11.1 % 12.8 % 20 % Source : Tableau élaboré par l’auteurd’après les données de l’ONS. Ces croissances moyennes peuvent paraître excessives au regard des performances passées de l’industrie et du secteur des exportations. Cependant, on peut relever que : — d’une part, les faibles conditions initiales de ces processus inscrivent ces performances de croissance du domaine du réalisable et ; — d’autre part, au moins 32 pays en développement ou émergents ont connu, au cours des cinquante dernières années, un ou plusieurs épisodes de développement industriel accéléré. Quatre parmi ces pays, sont des économies pétrolières : Tableau 12 : Épisodes de croissance industrielle accélérée parmi les pays pétroliers Pays Rep. Iran Kazakhstan Nigeria Arabie Saoudite Episodes de croissance accélérée 1995 - 2006 2001 -2006 2004 - 2014 2004 - 2011 Taux de croissance moyen sur la période 10.2 % 8.8 % 12.1 % 9.3 % Source : Calculs de l’auteur d’après la base de données WDI/WB - 2014 Ainsi, ce processus peut être ardu mais n’est pas un phénomène totalement exceptionnel. Il est toutefois nécessaire pour sa réalisation d’adopter une vision saine des politiques industrielles et de la nature de l’intervention de l’Etat ainsi que les politiques économiques permettant de réduire à la fois les défaillances du marché et celles des politiques publiques. 30 PARTIE C. LES POLITIQUES INDUSTRIELLES DE DIVERSIFICATION : LES TERMES DU DEBAT I. LES ELEMENTS DE CONSENSUS Aujourd’hui, la nécessité d’une politique industrielle prônant une intervention de l’Etat pour diversifier l’économie nationale est une idée largement partagée. Certes, tant les théories que les expériences internationales mettent en évidence l’importance des mécanismes de marché dans la formation du signal des prix et des incitations pour une allocation efficiente des ressources. Toutefois, ces mécanismes sont loin d’être suffisants et la politique industrielle - en tant qu’interventions de l’Etat dans l’économieà un rôle important à jouer dans le processus de croissance et de diversification des économies en développement. La question importante qui se pose inévitablement est de savoir jusqu’où doit aller l’intervention de l’Etat. Un consensus semble aujourd’hui être établi sur les raisons suivantes justifiant l’intervention de l’Etat : — sans l’intervention de l’Etat, l’innovation ne peut pas se développer. En effet, faute d’une protection suffisante des droits de propriété dans les pays en développement, l’entreprise innovante se trouve pénalisée : en cas de réussite, elle sera immédiatement imitée par ses concurrents et perdra le bénéfice de toute rente d’innovation alors qu’en cas d’échec, elle sera seule à en supporter les pertes. Cependant, du point de vue de l’économie dans son ensemble, l’entreprise innovante, qu’elle réussisse ou non,aura produit une externalité informationnelle positive du fait qu’elle aura permis de savoir si tel produit ou tel procédé peut ou non être avantageusement produit ou utilisé dans le pays. Cette information nouvelle sur les capacités potentielles de l’économie nationale, le marché ne peut pas la valoriser. L’intervention de l’Etat pour subventionner la recherche d’innovation permet de pallier à cette défaillance informationnelle du marché ; — sans l’Etat, il ne peut y avoir un processus de développement industriel coordonné. En effet, les transformations structurelles de l’économie sont un processus complexe mettant en jeu plusieurs dimensions (édification d’infrastructures physiques, scientifiques, financières, procédures de régulation, formation d’une main d’œuvre avec des qualifications spécifiques,etc.)ainsi que plusieurs acteurs économiques. Le plus souvent, le marché ne peut pas être l’institution (ou l’unique institution) qui organise le développement industriel. L’Etat intervient pour pallier à cette défaillance de coordination du marché(3) ; acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de réaliser dépasser que par la coordination des acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de réaliser. Un exemple de défaut de coordination que le pays a actuellement : du point de vue des entreprises nationales, pourquoi produire pour l’exportation sachant qu’il n’y a pas de logistique du commerce extérieur et du point de vue des pouvoirs publics, pourquoi mettre en place une logistique coûteuse de commerce extérieur sachant qu’il n’y a pas d’exportation. Il s’agit d’une situation manifestement sous optimale qu’on ne peut dépasser que par la coordination des acteurs que le marché n’a pas le pouvoir de réaliser. (3) 31 II. LES ELEMENTS DE DIVERGENCE A. Politiques transversales versus politiques sélectives La position des acteurs économiques nationaux cependant n’est plus aussi unanime lorsqu’il s’agit de poursuivre une politique industrielle plus active qui va au-delà des mesures transversales pour aller vers des interventions sélectives. En effet, nous pouvons nous interroger, pourquoi, une politique industrielle sélective? Pourquoi ne pas simplement concentrer ses efforts sur l’assainissement de l’environnement de l’investissement, le Doing-business et la régulation de l’économie ? Après tout, bien des chefs d’entreprise ne revendiquent que « l’assainissement du climat d’affaires ». Ces réformes faites, le marché et la concurrence peuvent alors d’eux-mêmes orienter le développement du pays vers une spécialisation conforme à ses avantages comparatifs et faire émerger « un secteur privé dynamique ». Autrement dit, pour l’Etat, tous les secteurs et toutes les régions doivent être prioritaires à priori et il appartient au marché et aux lois de la concurrence de décider lequel est le meilleur. B. Se conformer ou défier les avantages comparatifs de l’économie nationale L’autre point de divergence sur la conception de la politique industrielle de diversification est celui du choix entre : — se conformer aux avantages comparatifs révélés par les marchés aujourd’hui et mettre en place l’environnement nécessaire pour en faciliter l’exploitation (dans notre cas, exploiter l’avantage salarial) ou, au contraire, — défier ces avantages révélés par le marché pour faire émerger de nouvelles activités (industries naissantes) et/ou promouvoir sélectivementcertaines activités existantes dont on estime qu’elles sont de nature, dans le moyen-long terme, à contribuer au développement « upgrading » industriel et technologique? Se conformer aux avantages comparatifs - déterminés par la dotation en facteurs de production du pays - permet aux entreprises nationales d’être compétitives. Une économie avec une main d’œuvre abondante peut ainsi se diversifier avantageusement dans les industries manufacturières à haute intensité en travail tandis que les entreprises des pays à haut revenu disposant d’un capital abondant seront plus compétitives dans les industries à haute intensité capitalistique. A contrario pourrait-on soutenir que la Corée du Sud serait devenue un pays de grands cultivateurs de riz si elle s’était conformée à ses avantages comparatifs révélés par le marché au lieu d’être le leader mondial des composants électroniques ? La réponse à ce questionnement est importante car elle a une incidence sur le pilotage stratégique des politiques industrielles. Elle est malheureusement loin d’être tranchée et fait encore l’objet de débats avec, comme corollaire, un questionnement sur la rationalité qu’il y a à désigner des secteurs industriels gagnants (ou prioritaires, porteurs, stratégiques suivant les terminologies). 32 C. La démarche préconisée Compte tenu de l’importance du gap industriel et de l’orientation des transformations structurelles à imprimer, il est nécessaire de « marcher sur les deux jambes ». La politique industrielle de diversification devra s’appuyer surles mesures transversalespermettant d’exploiter les avantages comparatifs courants de l’économie nationale et relatives notamment à: — l’amélioration de l’environnement d’affaires et du cadre d’investissement; — l’appui à la compétitivité des PME, à leur mise à niveau et au renforcement de leurs capacités indépendamment de leur secteur d’activité. Cependant, le niveau d’industrialisation actuel de l’économie et l’importance des transformations structurelles à réaliser plaident pour une politique industrielle proactive qui doit, non seulement exploiter les avantages comparatifs existants, mais aussi orienter de façon sélective le développement industriel et technologiqued’une façon volontariste vers de nouveaux secteurs industriels dont on estime qu’ils disposent d’un avantage comparatif latentet vers de nouvelles directions technologiques. Figure 12 : Conditions de mise en œuvre d’une politique de diversification Source : Figure réalisée par l’auteur 33 En réalité, ces politiques ne sont pas indépendantes mais complémentaires: les politiques sectorielles ne peuvent réussir sans les réformes de l’environnement, l’ouverture au partenariat international et l’implication de l’Etat dans l’appui à la modernisation des entreprises et à la pénétration des marchés. Cependant, ces propositions ne résolvent pas toute la question mais déplacent celleci vers un autre terrain : les politiques électives étant admises, comment identifier les secteurs porteurs d’un avantage comparatif lorsque celui-ci est latent ou que les nouveaux secteurs à promouvoir n’existent pas encore ? 34 PARTIE D. L’APPROCHE METHODOLOGIQUE D’IDENTIFICATION DES FILIERES PRIORITAIRES I. MAITRISER LES RISQUES D’UNE STRATEGIE DE FILIERE Si les institutions internationales ont été, jusqu’à une date récente, peu enclines à soutenir les politiques industrielles sélectives, c’est parce qu’elles estimaient que l’Etat n’a pas la capacité d’identifier les filières prioritaires, c’est-à-dire celles qui, à priori, auraient un fort impact sur la croissance et la diversification industrielles. Nous ne disposons pasen effet d’une critériologie définitivement établie qui permette d’identifier les filières porteuses dans une économie donnée.L’argument n’est donc pas totalement dénué de fondement d’autant plus que les expériences réussies de politiques industrielles – en dehors des pays asiatiques – ne sont pas nombreuses. Le premier obstacle qui peut compromettre la réussite d’une politique industrielle est la tentation de l’Etat de cibler des filières qui sont loin des avantages comparatifs potentiels de l’économie ou encore de cibler et de vouloir protéger ou restructurer pour des raisons sociopolitiques des industries qui ont déjà perdu tout avantage comparatif. Cet argument estbien résumé par Justin Lin, ancien vice-président de la Banquemondiale, économisteen chef:‘In fact, governments’ propensity to target industries that are too ambitious and not aligned with a country’s comparative advantage largely explains why their attempts to “pick winners” resulted in “picking losers.” (Justin Lin, 2009). Souvent alors, ces politiques d’appui et de subvention se résolvent en dernier ressort, selon ces institutions, en « aubaines » pour les entreprises avec un gaspillage de ressources rares et sans effet significatif sur la croissance de l’industrie et sa diversification. Le deuxième obstacle est l’identification même des avantages comparatifs latents. Le ciblage des filières porteuses n’est pas évident même lorsque les pouvoirs publics choisissent d’orienter la diversification industrielle du pays vers une direction conforme à ses avantages comparatifs potentiels. La difficulté provient du fait que la priorisation doit être basée sur le potentielde compétitivité des filières –qui renvoie aux avantages comparatifs dynamiques, c’est-à-dire aux avantages que ces filières sont susceptibles de se construire dans le futur– lesquels sont par nature inobservables à priori (4). (4) Par exemple, rien n’indiquait dans les années 70 que la Corée pouvait se construire des avantages comparatifs dans son choix en faveur de l’industrie lourde et de la chimie (lourdement capitalistiques) et qui lui a permis de promouvoir la sidérurgie, la construction navale, la construction automobile.En effet, en cette période, le textile et le cuir (labor intensivesectors) représentaient encore en Corée plus de 30% de la valeur ajoutée de l’industrie. 35 Le mérite de ces arguments est d’appeler à la prudence dans l’identification des filières stratégiques du fait du peu d’informations dont les pouvoirs publics disposent lorsqu’ils adoptent des stratégies sélectives telles que la priorisation des filières industrielles dans le cadre de la diversification de l’économie. Néanmoins, ce risque de défaillance dans la désignation des filières stratégiques, même s’il est bien réel, ne devrait pas conduire les gouvernements à se désengager de toute responsabilité dans la facilitation du développement industriel sachant qu’aucun progrès ne peut être réalisé sans une intervention volontariste de l’Etat à travers des stimulants et des incitations positives, particulièrement dans notre pays au regard de son gap industriel. Il s’agit en fait, non pas d’élaguer les politiques sectorielles de filières mais de se donner les moyens de réduire les incertitudes et le risque de défaillance liés à l’incomplétude de l’information des pouvoirs publics lorsque ceux-ci s’engagent sur des stratégies ciblées de développement industriel. Tenant compte de la nécessaire consistance du choix des filières à cibler avec les avantages comparatifs potentiels du pays, l’orientation suivante est recommandée : Recommandation 1 : Dans le processus de transformation structurelle de l’économie nationale et de diversification, les secteurs à cibler (ou les industries naissantes à promouvoir) doivent êtreconsistants avec les avantages potentielsdont dispose l’économie nationale. En l’état cependant, cette orientation du processus de diversification est relativement peu opérationnelle. Il est nécessaire de lui donner un contenu plus concret et de la traduire en mesures de politique industrielle car c’est précisément le contenu à donner à cette notion de proximité des avantages comparatifs latents qui discrimine entre les différentes approches de diversification susceptibles d’être proposées. Recommandation 2 : Les secteurs ciblés doivent avoir de bonnes perspectives sur le marché mondial. 36 II. L’APPROCHE DE LA BANQUE MONDIALE D’IDENTIFICATION DES SECTEURS PORTEURS DE DIVERSIFICATION Dans sa démarche d’identification des secteurs porteurs préconisée notamment pour l’Algérie, la Banque mondiale développe une méthodologie permettant de donner une première forme opérationnelle au principe énoncé ci-dessus de la nécessaire proximité du processus de diversification des avantages comparatifs dont peut disposer le pays. A. La méthodologie Il s’agit d’évaluer le coût des transformations structurelles afin d’opter pour une direction de diversification optimale. Dans ce cadre, il faut remarquer qu’il est plus facile de produire un produit proche de la structure industrielle existante plutôt qu’un bien qui en est éloigné(5). L’argument avancé est que deux biens proches nécessitent des inputs en biens publics similaires de sorte que si le pays produit avantageusement le premier bien, il pourra tout autant produire le second bien du fait de la similarité des intrants nécessaires à leur production. Il est toutefois nécessaire de se donner une mesure qui puisse rendre compte de la « distance » entre deux produits déterminés. Dans ce cadre, l’étude de la Banque mondiale considère deux produits A et B comme étant proches lorsqu’il est facile pour les différents pays qui exportent le bien A d’exporter le bien B et pour les pays qui exportent le bien B d’exporter le bien A. Autrement dit, deux produits sont proches lorsqu’ils sont souvent exportés de manière avantageuse simultanément. Ainsi, la proximité des produits entre eux n’est pas un attribut physique intrinsèque mais est révélée par les marchés (d’exportation). L’avantage considérable est le caractère opérationnel de cette nouvelle approche de la proximité des biens. (5) La célèbre métaphore utilisée par Haussmann et Klinger pour visualiser l’approche assimile les produits à des arbres plus ou moins productifs (degré de qualité des produits), l’espace des produits à la forêtet les firmes à des singes qui se nourrissent des fruits de ces arbres. Le processus de changement structurel est le mouvement de ces animaux de la partie la moins productive de la forêt vers la partie la plus productive. L’idée de base est que ce mouvement est plus ou moins facilité par la proximité entre les arbres entre eux c’est-à-dire, la similarité entre les produits. Par ailleurs, plus la forêt est dense (et donc que la base d’exportation et son voisinage sont denses) et plus le changement structurel (la migration des animaux) est plus facile à réaliser et, à l’inverse, plus cette forêt est clairsemée et plus cette transformation sera difficile. 37 Concrètement, l’évaluation de la distance entre les biens est menée de la façon suivante : pour chaque paire de produits, on calcule le nombre de pays qui exportent ces deux produits en tandem avec un avantage comparatif révélé supérieur à 1. Plus le nombre de ces pays est grand et plus on estime que ces produits sont proches. Supposons que le nombre de pays dans le monde exportant simultanément- avec un avantage comparatif révélé supérieur à 1 - les asperges et les artichauts sont au nombre de 100 et ceux exportant les asperges et les téléviseurs à écran plat est de 20, alors on considérera que les asperges sont relativement plus proches des artichauts que des téléviseurs. Cette approche permet ainsi de cartographier l’espace des produits sous la forme d’une matrice évaluant la distance entre chaque paire de produits. Comme le montre l’illustration ci-dessous, les directions de diversification vont alors dépendre de la base d’exportation existante : Figure 13 : La distance d’évaluation entre les paires de produits Produit 1 Produit 2 X1 X2 X3 BASE D’EXPORTATION X4 Source : Banque mondiale Dans ce cas de figure, la base d’exportation est constituée des produits X1, X2, X3 et X4 qui sont déjà exportés par l’Algérie. La direction de diversification la plus avantageuse est celle consistant à cibler l’exportation du nouveau produit (Produit1) plutôt que le (Produit 2) car le premier est plus proche que le second de la base d’exportation (et par conséquent, sa production et son exportation requièrent des biens publics relativement similaires à ceux entrant dans les produits de la base d’exportation). 38 B. Le potentiel de diversification de l’économie nationale Ainsi, à chaque produit nouveau peut être associé un indice de densité qui mesure sa proximité de la base d’exportation existante. Cet indice, autrement dit, mesure le degré de connectivité du bien nouveau à la base d’exportation. En agrégeant ensuite l’indice de densité de l’ensemble des produits nouveaux et en pondérant par leur niveau de sophistication (qualité).De cette approche dérive un indicateur synthétique important qui va rendre compte du potentiel de diversification industrielle du pays et permettre de suivre son évolution dans le temps. Plus cet indicateur est élevé et plus les possibilités de transformations structurelles de l’économie (i.e. l’augmentation du nombre de produits exportés et leur degré de sophistication) sont importantes. Des pays différents possèdent naturellement des potentialités de diversification différentes selon la densité du voisinage de leur panier d’exportation. Cette méthodologie, appliquée à l’Algérie, aboutit à une conclusion bien décevante : le pays possède le plus faible potentiel de diversification dans le monde (du moins dans l’échantillon de pays analysés par le Rapport de la Banque mondiale). La raison est la spécialisation excessive sur les hydrocarbures et leurs dérivés alors que ces produits ne possèdent pas de potentiel de diversification étant plutôt une enclave sans connexion avec l’espace des autres produits. C. L’application de cette méthode à l’économie algérienne et ses limites i. L’identification des secteurs porteurs de transformation structurelle Dès lors, étant donnée la base d’exportation d’un pays (ensemble des biens que ce pays exporte avantageusement), la direction de diversification industrielle du pays sera orientée vers les produits qui sont (i) les plus proches de la base d’exportations de ce pays (cf. recommandation 1 ci-dessus) et (ii) qui, en même temps, ont le plus fort contenu en sophistication permettant une montée en gamme technologique. Cette méthode d’indentification des secteurs porteurs a été appliquée à l’économie algérienne par la Banque mondiale (2008) avec les résultats suivants : «L’Aluminium, l’Acier et autres métaux utilisés en métallurgie sont, sans conteste, sur la frontière d›efficience de l’Algérie. La Pétrochimie, en revanche, est plus à l›intérieur de cette frontière d’efficience, ainsi que la majorité des produits dérivés qui restent bien éloignés de la structure actuelle de la production en l›Algérie. Les secteurs de l’Automobile et de la Construction navale sont également des secteurs très éloignés de la frontière d›efficience. Cependant, un rapprochement vers le secteur de la construction navale semble être plus évident que vers celui de l’automobile. 39 Pour finir, en ce qui concerne les autres produits sélectionnés à savoir, les produits Pharmaceutiques, l›Electronique, et les Fibres synthétiques sont bien à l›intérieur des deux frontières d›efficience à cause de leur éloignement de la structure actuelle de la production. Compte tenu de leur faible densité, il est peu probable que ces secteurs vont émerger prochainement en Algérie. » (Traduction libre). Se trouvent ainsi définitivement exclus les secteurs de la pétrochimie, de l’automobile, de l’industrie pharmaceutique, de l’électronique de spécialité et des fibres synthétiques. En revanche, étant donnée la base d’exportation existante de l’économie nationale, les produits désignés comme les plus attractifs en termes de diversification des exportations sont par ordre de priorité: — la pêche, le lait et les produits de viande ; — les autres produits agro-industriels et produits chimiques ; — la sidérurgie, l’aluminium la fabrication de métal et la construction navale. ii. Les limites de l’approche La faible robustesse de la démarche pour cibler les activités de diversification des exportations. Cette approche a le mérite de livrer des résultats opérationnels avec un grand niveau de désagrégation. Elle contient cependant des limites sérieuses lorsqu’elle est appliquée aux cas spécifiques des pays dépendants des ressources primaires. L’étude de la Banque mondiale exclut à juste titre les ressources en hydrocarbures (postes 33 et 34 de la nomenclature des exportations de produits industriels (SITIC) et 27 de la HS) dans la détermination des caractéristiques des produits car la prise en compte de ces postes qui représentent à eux seuls plus de 98 % du total des exportations auraient, par leur importance, réduit à un niveau insignifiant toutes les exportations hors hydrocarbures. Elle retient en retour toutes les exportations hors hydrocarbures quel que soit leur niveau d’avantages comparatifs y compris donc les exportations ‘sporadiques ’ qui sont manifestement sans rapport avec une disponibilité particulière de biens publics dans le secteur en question. De façon plus générale, nous arguons que, dans le cas d’un pays dépendant fortement des ressources naturelles comme l’Algérie, la base d’exportation existante (hors hydrocarbures) ne peut pas révéler les avantages comparatifs latents du pays parce que celle-ci est étroite, trop volatile et peu robuste. Pour rappel, l’analyse menée précédemment a montré que sur les vingt dernières années, un produit exporté une année n’a que 32% de chances d’être réexportés l’année suivante et moins de 17 % de chance d’être exporté au-delà de deux ans ; que la durée de vie moyenne des exportations de son côté est d’à peine 1.7 années. 40 Manifestement, la base d’exportation actuelle sur laquelle repose la détermination du potentiel de diversification du pays suivant la méthodologie en question est loin de constituer un révélateur des avantages dynamiques de notre pays pour la simple raison que cette base d’exportation n’existe pas encore. C’est pour cette raison que la méthodologie proposée à l’Algérie par la Banque mondiale est fondamentalement inapte à rendre compte des possibilités de diversification du pays et, plus généralement, des pays à forte dépendance des ressources primaires. L’énigme de la pétrochimie La dotation du pays en gaz naturel est manifestement une source d’avantages comparatifs pour l’Algérie. Beaucoup de pays ont réussi leur diversification en partant de leurs ressources naturelles. La démarche de la Banque mondiale exclue la pétrochimie en estimant que celle-ci est loin de la base d’exportation existante et nécessite des biens publics qui n’existent pas dans le pays. Le fait que cette distance soit déterminée par rapport à un panier de bien d’exportation qui exclue les hydrocarbures expliquerait probablement, du moins en partie, la distance élevée entre la pétrochimie et les produits d’exportation existant. Plus fondamentalement, et d’un point de vue prospectif, l’industrie de la pétrochimie évolue aujourd’hui dans un environnement caractérisé par la délocalisation de son développement de l’Europe et des Etats-Unis vers le Moyen Orient. Ce mouvement est porté par les prix compétitifs du gaz et de l’éthane dans cette région. La part de la région MENA dans l’offre mondiale d’éthylène sera de plus de 25%. Ce seul fait aura pour conséquence une nouvelle évaluation des niveaux de sophistication des produits de la pétrochimie (puisqu’ils seront produits dans des pays à niveau de développement différent), ainsi de leur potentiel de diversification. En fait, la pétrochimie est en passe de devenir dans certains pays du MENA un puissant vecteur de diversification. Nous constatons une fois encore à travers cet exemple que les exportations actuelles de l’Algérie-qui ont amené méthodologiquement à exclure la pétrochimie des branches à promouvoir- sont loin d’avoir un pouvoir de prédication des potentialités futures qui s’offrent au pays en termes de diversification des exportations dans certains domaines branches industrielles. iii. L’application de cette méthode au ciblage des activités de substitution d’importations Cette limitation de la méthodene s’applique pas lorsqu’il s’agit de cibler les produits permettant une substitution à l’importation dès lors que les biens nouveaux sont dans ce cas comparés non pas à la base d’exportation encore peu robuste mais à la base de production nationale. 41 Aussi avons-nous adaptéla méthodologie de la Banque mondiale àla déterminationdes opportunités d’import-substitution dans l’économie algérienne. La difficulté provient de la non correspondance de la nomenclature de ONS à 55 branches industrielles avec les nomenclatures internationales (HS ou nomenclature deL›Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel(ONUDI)). L’appariement a nécessité la mise en correspondance des 55 branches industrielles de l’ONS avec les 5000 produits de la nomenclature HS à 6 digits. Seulement, le fort niveau d’agrégation des branches dans la nomenclature utilisée donne naturellement des résultats moins « opérationnels » comparativement à ceux obtenus dans l’étude de la diversification des exportations. Les branches (dans la nomenclature de l’ONS) identifiées comme susceptibles de faire l’objet d’une substitution d’importation sont : Tableau 13 : Les branches prioritaires dans le cadre de l’import-substitution Segments privilégiés pour l’import-substitution Densité de Niveau de suivant les trois critères voisinage sophistication importations (>0.75) (>9.25) (>0.01) Chimie organique de base 1.11 9.98 1.7 % Industrie de lait 1.05 9.85 4.0 % Rod et 1ére transfo des métaux non ferreux 1.04 9.39 1.7 % Fb de produits alimentaires 1.02 9.53 1.0 % Fabrication et transformation de papier 1.02 9.94 1.4 % Fb de résines synthétiques 1.00 10.38 3.2 % Menuiserie générale et bien interne. en bois 0.99 9.57 1.9 % Industrie chimique minérale de base 0.98 9.69 1.0 % Fabrication de biens d›équipements mécaniques 0.97 10.22 9.2 % Mécanique de précision destinée à l›équipement 0.92 9.91 3.3 % Fabrication de produits pharmaceutiques 0.88 10.38 5.0 % Sidérurgie et 1ére transfo de la fonte et de l›acier 0.86 9.86 10.9 % Fabrication de biens d›équipements métalliques 0.79 10.07 3.7 % Fabrication de biens d›équipements électriques 0.77 10.80 5.7 % Source :Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de l’ONS. 42 Part dans les Une nomenclature plus fine aurait naturellement permis de préciser davantage les produits susceptibles de faire l’objet d’une substitution des importations conforme au potentiel de l’économie nationale. En conclusion, il faut souligner que cette approche ajoute beaucoup à notre compréhension du processus de diversification d’une économie comme la nôtre. En ce qui concerne la diversification de la production nationale, elle permet de cibler les produits qui substituent avantageusement aux importations comme nous l’avons fait en adaptant cette méthodologie au contexte de l’import substitution. En revanche, en ce qui concerne la diversification des exportations, son application à l’économie algérienne, et d’une façon générale aux économies fortement concentrées sur une ressource ponctuelle, pose un certain nombre de problèmes. La prise en compte des hydrocarbures biaiserait fortement les résultats de par leur importance par rapport à tous les autres postes d’exportation. Inversement, l’exclusion des hydrocarbures (l’option retenue par la Banque mondiale) fragilise la démarche de par le caractère insignifiant des exportations hors hydrocarbures qui ne peuvent constituer alors un référent. Cela a des conséquences sérieuses sur la portée de la démarche préconisée pour l’identification des secteurs porteurs de la diversification des exportations. Il ne s’agit pas d’un simple problème statistique mais cette limite est symptomatique des difficultés à appliquer cette démarche à des économies qui se trouvent à des étapes différentes dans le processus de développement de leurs exportations. En fait, les politiques qui permettent de soutenir un processus de diversification des exportations déjà en cours sont probablement différentes de celles qui doivent initier ce processus. Dans l’étape actuelle de l’économie algérienne où ses exportations sont dépendantes quasi-totalement de ses ressources naturelles, la question de la diversification ne se pose pas de la même manière que pour des économies disposant déjà d’une structure d’exportation équilibrée. Il s’agit pour l’Algérie de créer une base d’exportation et non pas de développer une base d’exportation déjà existante. La démarche doit alors être différente et le pari d’ailleurs plus risqué. III. LA DEMARCHE PROPOSEE Que faire ? Pour notre part, et en termes de diversification et de transformations structurelles, on considère l’Algérie comme une « économie naissante ». Ce qui est alors en question est un processus d’initiation de la diversification économique (ignition of diversification) et non un processus de développement de celle-ci comme semble le croire la Banque mondiale en conditionnant les directions de diversification de l’économie algérienne à sa base d’exportation courante. Selon le cas, les politiques industrielles de diversification ne sont pas nécessairement identiques. 43 A. Une nouvelle méthodologie Dans le cours historique du développement des pays asiatiques, nous constatons que le Japon a été imité par la Corée, Taiwan et Hong-Kong dans les années 1960 et 1970 avant que ces derniers pays ne soient imités à leur tour par la Chine dans les années 1980 laquelle tend à être imitée par le Vietnam de nos jours. En suivant Lin et al. (2011), il serait utile que le pays se projette, en termes de diversification de ses exportations et de modernisation technologique, sur des pays à niveau de développement économique proche et à dotation factorielle plutôt similaires (Maroc, Tunisie, Iran, etc.) ou plus encore sur des pays d’aspiration comme la Turquie ou la Malaisie. En somme, plutôt que de se diversifier en ciblant des produits nouveaux similaires aux produits existants (ce qui n’est pas toujours possible lorsqu’il s’agit précisément de construire une base d’exportation hors hydrocarbure encore peu robuste), cette méthodologie alternative revient à cibler la production de pays similaires au notre et qui ont réussi leur processus de diversification des exportations. Ainsi, à la similitude des produits est substituée la similitude des économies qui serviront de cibles de rattrapage ou d’aspiration. La méthodologie sera alors déclinée en plusieurs étapes (6) : — un échantillon de pays ayant des caractéristiques similaires au nôtre et ayant réalisé leurs réformes économiques et assaini leur environnement d’affaires sera sélectionné ; — les types de produits pour lesquels ces pays présentent une certaine spécialisation à l’exportation seront étudiés : si ces pays arrivent à pénétrer d’une manière significative le marché international pour ces catégories de biens, alors nous admettrons que pour le même type de produits nos entreprises peuvent acquérir une compétitivité réelle à travers un soutien de l’Etat une mise à niveau de l’environnement. B. Le choix des pays du panel de référence Pour constituer un panel de pays ayant des caractéristiques similaires à ceux de l’Algérie en vue d’observer le volume et la structure de leurs exportations, plusieurs critères d’identification ont été retenus : (6) Cette méthode d’identification des avantages comparatifs latents et de ciblage des activités correspondantes a été utilisée initialement par R. Bouklia-Hassane, ‘Les politiques de déploiement sectoriel de l’industrie algérienne’, document de travail MPPI, Alger mai 2007. Pour une approche similaire qui s’inspire des expériences de rattrapage des pays asiatiques - et qui fait le lien avec le paradigme des ‘flyinggees’ de Akamatsu -, Cf : J. Lin. et C. Monga, ‘Growth identification and facilitation: the role of the state in the dynamics of structural change’. World Bank Policy ResearchWPaperSeries, 2011. 44 — un premier critère compare le niveau de développement du pays considéré à travers le PIB par habitant ; — un deuxièmecritère est la disponibilité de ressources primaires, notamment des ressources en hydrocarbures, qui affectent naturellement la structure et la politique industrielle. Cet aspect a été pris en compte en introduisant dans l’échantillon des pays exportateurs de pétrole ; — une proximité régionale et culturelle sachant que celle-ci peut s’avérer dans une certaine mesure un facteur déterminant la croissance. Dans cette perspective, les pays du MENA sont surreprésentés dans l’échantillon. Sur la base de ces critères, le groupe de référence considéré comprend huit pays à savoir quatre pays euro-méditerranéens spécialisés dans l’industrie manufacturière (Maroc, Tunisie, Egypte, Jordanie), et quatre pays exportateurs d’hydrocarbures (Arabie Saoudite, Iran, Nigeria, Venezuela). Comme le relève le tableau ci-dessous, l’Algérie présente, par rapport à ce panel, un niveau de revenu par habitant supérieur à la moyenne des pays du panel. Toutefois, les écarts de développement se réduisent si évalués de façon plus robuste par le PIB per capita auquel on retranche la rente des hydrocarbures qui relève de la dotation en ressources naturelles du pays et non de ses capacités productives. Tableau 14 : Produit Intérieur Brut par Habitant en 2013 en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) (en dollars international) Pays Algérie Egypte Jordanie Maroc PIB par tête (*) 13741.2 10382.9 11782.5 7310.49 PIB hors hydrocarbures par tête (**) 10770.9 9652.1 11782.2 7310.2 Pays Tunisie Nigeria PIB par tête (*) 11086.3 PIB hors hydrocarbures 10635.3 par tête (**) Iran Venezuela 5628.19 Arabie Saoudite 50585.1 16553.8 18275.5 4862.2 28528.7 12775.5 13959.5 Note : (*) PIB per capita en PPA (en dollar international courant) (**) Le PIB hors hydrocarbures par tête a été estimé par le PIB diminué de la rente pétrolière par tête. La rente pétrolière provient de la base de données WDI/WB. Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de WDI/WB. Par ailleurs, hormis les pays d’aspiration, les pays du panel disposent d’un avantage du coût salarial unitaire et/ou de la disponibilité de ressources naturelles (hydrocarbures principalement ou phosphates). 45 Tableau 15 : Avantages comparatifs des pays du panel Pays Principales Ressources naturelles / avantages comparatif Hydrocarbures – phosphates (fer?) Algérie Egypte Coût salarial Jordanie Coût salarial Maroc Coût salarial et Phosphates Tunisie Coût salarial unitaire Arabie Saoudite Hydrocarbures Iran Hydrocarbures Vénézuela Hydrocarbures Nigeria Hydrocarbures Source : Tableau élaboré par l’auteur Dès lors, il s’agit -par une exploration des exportations de l’ensemble de ces pays sur les cinq dernières années (2010-2014) dans la nomenclature HS4 à 1050 produits - de déterminer les produits qui font l’objet d’exportations significatives par le panel de pays et ceux-ci seront un premier indicateur des potentialités d’exportation des entreprises nationales. C. Les produits d’exportation significatifs de l’échantillon de pays de référence Pour chacun des pays du panel, nous observons les exportations sur les dernières annéesselon les données disponibles. Le nombre d’années d’observation par pays est reporté dans le tableau ci-dessous : 46 Tableau 16 : Période d’observation des pays du panel Période d’observation Pays 5 ans Algérie- Maroc – Jordanie –Egypte 4 ans Arabie Saoudite – Tunisie- Venezuela - Nigéria 2 ans Iran Source : Tableau élaboré par l’auteur Nous n’avons retenu, dans un niveau d’agrégation à quatre digitsdans la nomenclature du Système Harmonisé (HS4), que les produits pour lesquels il existe au moins un pays du panel dont le montant des exportions de ce produit dépasse 300 millions de dollars. Ce seuil est déterminé en moyenne annuelle sur l’ensemble de la période d’observation pour s’assurer de la robustesse de ces exportations. Autrement dit, nous avons imposé cette contrainte pour ne retenir que les exportations significatives qui reflètent effectivement des avantages comparatifs d’au moins un pays de l’échantillon. Sur cette base, une analyse qualitative mais chiffrée montre que les produits importants concernent les secteurs suivants : la pétrochimie, les produits des industries chimiques et pharmaceutiques, l’agroalimentaire, le textile, l’électricité et l’électronique, l’automobile, les métaux ferreux et non ferreux ainsi que le secteur des services supérieurs. i. LES PRODUITS DE LA CHIMIE Les activités liées aux exportations des pays du panel dans le secteur de la Chimie sont — la pétrochimie (produits de la chimie organique et les plastiques) ; — les engrais ; — les industries pharmaceutiques. La Pétrochimie Les exportations d’éthylène de l’ArabieSaoudite sont passées de 41.5 à 340 millions de dollars entre 2010 et 2013, soit une croissance annuelle moyenne de 102%. En dehors de l’éthylène, l’Arabie Saoudite développe à l’exportation surtout les dérivées des hydrocarbures (styrène) ainsi que l’exportation de l’éthylène glycol. Sur l’ensemble des produits de la chimie organique, les exportations de ce pays se sont élevées en moyenne à 10.8 milliards de dollars par an entre 2010 et 2013. Dans ce même secteur, l’Iran et le Venezuela (dans le méthanol) réalisent 3.15 et 0.36 milliards de dollars d’exportation alors que l’Algérie n’en exporte que 68.7 millions de dollars. 47 Le polyéthylèneest exporté principalement par l’Arabie Saoudite et l’Iran à hauteur d’une moyenne annuelle de 8.0 et 1.9 milliards de dollars respectivement. De même, l’Égypte dispose d’une capacité d’exportation de polyéthylène de 270 millions de dollars par an. D‘autres produits de la pétrochimie sont également avantageusement exportés par les pays pétroliers du panel. Ainsi, l’ArabieSaoudite exporte notamment un montant annuel moyen de 4.7 milliards de polypropylène tandis-que l’Iran exporte un montant de 342 millions de dollars de polyacétals. L’Algérie a été l’un des pionniers de l’industrie pétrochimique dans la région MENA avec la construction du complexe d’ammoniac d’Arzew en 1967 puis celle du complexe pétrochimique de Skikda en 1978. Malheureusement, pour des raisons difficiles à comprendre, elle a cédé la place à d’autres pays qui occupent aujourd’hui une place prépondérante dans le marché. La figure suivante représente l’évolution de la production nationale d’éthylène – qui est le produit de base de l’industrie pétrochimique- entre 1990 et 2005 : Figure 14 :Production d’éthylène en Algérie Source : ONS. L’arrêt de la production d’éthylène a entraîné l’effondrement de l’industrie pétrochimique : l’Algérie est le seul pays du panel (y compris parmi les économies non pétrolières) à ne pas exporter de polyéthylène, de polypropylène et de polyacétals alors que ses importations dans ces produits ont dépassé 1.03 milliards de dollars en 2014. L’Algérie possède ainsi un fort potentiel de développement et d’exportation dans le domaine de lapétrochimie plastique. 48 Les engrais Les engrais minéraux ou chimiques phosphatés et potassiques sont l’apanage du Maroc, de la Jordanie et de la Tunisie dont les exportations se sont respectivement élevées à 2.9, 0.75 et 0.61 milliards de dollars en 2014. Par contre, les engrais azotés sont avantageusement exportés tant par les pays pétroliers comme l’Arabie Saoudite et l’Iran (avec un montant respectif de 1.36 et 0.63 milliards de dollars) que par les pays manufacturiers comme l’Egypte ou la Jordanie avec 1.07 et 0.29 milliards de dollars. Les exportations algériennes d’urée sont en progression rapide passant de 2.6 à 294 millions de dollars entre 2010 et 2014. Cependant, elles restent loin des performances des principaux pays exportateurs du MENA. Le Maroc parvient à exporter avantageusement l’acide phosphorique à hauteur de 1.6 milliards annuellement en moyenne sur les cinq dernières années. Enfin, l’exportation de phosphates naturels constitue également une source importante de revenus externes pour le Maroc avec des recettes annuelles de plus de 1.25 milliards de dollars et, à un degré moindre, pour la Jordanie. Le tableau compare les performances d’exportation des pays du panel concernés parmi lesquels l’Algérie réalise les plus faibles résultats alors qu’il est le seul pays à disposer de l’avantage du gaz naturel et des phosphates. Tableau 17: Exportation d’engrais et de phosphates –Moyenne annuelle sur la période (en millions de dollars) Maroc Tunisie Jordanie Egypte Arabie Algérie Saoudite Engrais phosphatés et potassiques 2060.0 608.4 756.9 92.9 21.7 0.2 Engrais azotés 0.3 0.8 288.0 1070.0 1360.0 70.7 Engrais azotés 1670.0 287.0 112.0 Phosphates 1250.0 22.8 490.0 225.0 Total Phosphates et engrais 4980.4 919.0 1646.9 1387.9 Source : Calculs d’après la base de données Comtrade HS 6 digits 49 104.0 1381.7 174.9 Lesprincipales matières premières des engrais sont constituées de gaz naturel, de phosphates, de soufre et de potasse qui sont localement disponibles en très grandes quantités. Les réserves de phosphates, situées dans le Djebel Onk (Wilaya de Tébessa), sont estimées à environ 2 milliards de tonnes. L’importance de ce gisement place l’Algérie parmi les principaux pays détenteurs au niveau mondial de cette ressource. Cependant, la production de phosphates et d’engrais n’est pas encore à la hauteur des potentialités que le pays recèle. Entre 2006 et 2012, la production de phosphates a diminué au rythme de -5% par an malgré la grande dotation en cette ressource du pays. Figure 15 : Évolution de la production de phosphates : 2006-2012 Source : ONS – Annuaire statistique de l›Algérie Une stratégie de valorisation et de transformation des ressources primaires doit permettre une intégration de la filière alliant l’extraction du minerai et sa transformation première en acide phosphorique destiné à la production de fertilisants ainsi qu’aux autres types d’engrais notamment phosphatés (diammonium phosphates, nitrophosphates, TSP). L’Algérie peut prendre sa place sur le marché international. Elle peut avoir un accès facile au marché européen ainsi qu’au marché asiatique (Inde, Chine). Un partenariat public-privé avec l’Inde, par exemple, permettrait d’accéder au marché local important de ce pays et de nouer des contrats de long terme. 50 ii. LES PRODUITS PHARMACEUTIQUES. Avec un PIB par habitant inférieur à celui de l’Algérie et une population de moindre taille, la Jordanie parvient à se construire des avantages comparatifs lui permettant d’exporter plus de 450 millions de dollars de médicaments en moyenne par an. Les exportations de l’ensemble des pays du panel s’élèvent à 1.6 milliards de dollars dont 60% proviennent de la Jordanie, de l’Egypte et de l’ArabieSaoudite. Le marché algérien se caractérise par l’existence d’un système de santé publique extensif ainsi que par la couverture d’une large partie de la population par la Sécurité Sociale. Dès lors, les capacités de développement d’une industrie pharmaceutique sont importantes. La production nationale peut contribuer à porter la couverture du marché national à 50% à moyen terme permettant d’envisager l’exportation de médicaments notamment vers l’Afrique et le Moyen Orient. iii. LES PRODUITS AGROALIMENTAIRES Dans ce secteur, les exportations sont principalement ceux des produits de la pêche par le Maroc (490 millions de dollars), des jus de fruits par l’ArabieSaoudite (330 millions de dollars), des légumes et fruits comestibles notamment par l’Iran (1.5 millions de dollars), l’Egypte et le Nigéria, des graines oléagineuses par le Nigéria (600 millions de dollars). Alors que les industries agroalimentaires représentent la moitié de la valeur ajoutée industrielle dans le pays, seul le développement d’une logistique de commerce extérieure et d’une industrie de support, permettront une pénétration significative de l’Algérie dans les marchés extérieurs, notamment européens. Dans ce seul secteur, l’Iran réalise près de 1.5 milliards de dollars de recettes d’exportions, soit sensiblement l’équivalent de l’ensemble des recettes d’exportation hors hydrocarbures algériennes alors que la Tunisie exporte en moyenne 370 millions de dollars d’huile d’olive par an. iv. LE CIMENT L’Iran, pays pétrolier exporte, sur la période considérée, les plus grandes quantités de ciment portland parmi les pays du panel réalisant des recettes d’exportation de 596 millions de dollars par an en moyenne sur la dernière période. Compte tenu des investissements projetés notamment par le groupe public GICA (Groupe Industriel des Ciments d›Algérie)mais également par des opérateurs privés nationaux et étranger, le marché sera en excédent d’offre dès 2017, ce qui devra inexorablement pousser les producteurs algériens à rechercher des débouchés externes régionaux notamment en direction des marchés africains et méditerranéens. v. LE SECTEUR DE LA SIDERURGIE La sidérurgie est une industrie qui se situe au croisement de plusieurs filières susceptibles de fournir des intrants pour les industries automobiles, électroménagères, pour le secteur du bâtiment et de la construction, le secteur des hydrocarbures à travers la 51 production de tubes d’acier. Les exportations des pays du panel sont surtout dominées par les pays pétroliers : le Venezuela (490 millions de dollars), l’Arabie Saoudite (430) et l’Iran (309 millions). Toutefois, l’Egypte a également réussi à construire des capacités d’exportation de fer et d’acier de plus de 380 millions de dollars. Sur le plan national, la disponibilité de gaz naturel et de minerai de fer à Gara Djebilet (Wilaya de Tindouf) constitue un avantage considérable. Toutefois, la capacité de production ne s’est élevéequ’à 475000 tonnes en 2014 après avoir dépassé le million de tonnes durant certaines années antérieures. En perspective, le marché des produits sidérurgiques présente une configuration similaire à celle du marché du ciment dans la mesure où les investissements envisagés tant par le groupe public que les opérateurs privés permettront, une fois réalisés, de satisfaire le marché dès 2017 et de dégager un excès d’offre exportable sur le marché régional. Le potentiel de diversification porté par ce secteur est donc substantiel. L’objectif pour l’Algérie dans ce domaine serait de porter la capacité de production en 2017 à 6 millions de tonnes d’acier permettant de satisfaire le marché local et d’envisager la perspective d’exportation sur les marchés régionaux au-delà de cette période. vi.L’ALUMINIUM L’ensemble des pays du panel exportent pour près de 1 milliard de dollars par an d’aluminium sous forme brute dont 34% sont le fait des exportations iraniennes. Compte tenu de sa dotation en gaz, l’Algérie dispose d’un atout qui lui permet d’être présente dans le marché de l’aluminium. Le pays peut envisager la création d’une entreprise de production d’aluminium en partenariat avec un leader international avec la participation de capitaux privés nationaux. Dans ce cadre et afin d’optimiser l’investissement pour l’Algérie, devront être étudiés et précisés (i) le prix de cession du gaz dans cette activité particulièrement énergivore, (ii) les capacités de production du smelter à installer, (iii) le niveau de prise de participation de l’Algérie de façon à internaliser l’utilisation de la rente gazière, (iv) le downstream – qui pose la question d’accompagnement de l’investissement par l’installation d’un laminoir– de façon à transformer le plus possible l’aluminium brut par les PME locales aux fins d’un densification du tissu industriel et d’une diversification des exportations. vii. LE TEXTILE ET LA CONFECTION Domaine de prédilection des pays manufacturiers du panel, ces secteurs bénéficient de l’avantage comparatif des coûts salariaux unitaires des pays manufacturiers de la région. Ces secteurs représentent une part importante des exportations du Maroc, de la Tunisie, de l’Egypte et de la Jordanie malgré une concurrence sévère de la part des 52 économies asiatiques depuis la fin de l’accord multifibre. En moyenne annuelle sur la période 2010-2014, les exportations ont représenté 3.6 milliards de dollars pour le Maroc qui tient le leadership dans ce secteur parmi les pays du panel. Les exportations de la Tunisie et de l’Egypte sont toutefois de même ordre avec 3.4 milliards et 3.1 milliards respectivement. Les vêtements pour hommes et femmes en tissu et les accessoires du vêtement représentent une composante essentielle des exportations de ce secteur. Le textile et la confection tout autant que le textile technique sont des secteurs « naturels»pour une économie du niveau de développement de l’Algérie. Au moins deux pré-requis doivent cependant être satisfaits pour promouvoir ce secteur : (i) le recours au partenariat international afin d’engranger les gains de productivité sans lesquels l’avantage du coût salarial resterait purement potentiel ainsi que (ii) le développement de la logistique du commerce extérieur dans un secteur qui exige une grande réactivité aux commandes (juste à temps) et une flexibilité significative pour répondre aux évolutions rapides du marché international. viii.L’ELECTRICITE-ELECTRONIQUE. A l’image du textile, ce secteur permet également la valorisation de l’avantage du coût salarial. C’est dans ce cadre que le Maroc et la Tunisie se distinguent par un dynamisme dans ce secteur avec des exportations significatives à hauteur de 2.9 milliards de dollars pour le Maroc et de 2.8 milliards pour la Tunisie par an. Ces revenus sont essentiellement portés par l’exportation des câbles et la fabrication de pièces électroniques (diodes, transistors, semi-conducteurs) pour le Maroc et l’exportation de matériels électriques, de postes téléphoniques et de téléviseurs pour la Tunisie. A l’instar du textile, ce secteur est soumis à une concurrence intense des pays de la région à bas salaires ainsi que des pays asiatiques. Cette situation de la concurrence requiert l’identification de niches de spécialisation dans le cadre de relations partenariales à l’international. ix. LE SECTEUR DE L’AUTOMOBILE Celui-ci est, parmi les pays du panel, l’apanage du Maroc dont les exportations de voitures de tourisme et autres véhicules automobiles conçus pour le transport de personnes sont passées de 265 millions de dollars en 2010 à 2.3 milliards 4 années plus tard. Dans ce même créneau se distingue également l’Arabie Saoudite et l’Iran dont les exportations se sont élevées en moyenne à 645 et 280 millions de dollars respectivement. Il s’agit d’un secteur structurant dans lequel l’Algérie, bien que pénalisée par sa position de « latecomer », s’engage progressivement. 53 x. LE SECTEUR DES SERVICES DE CONNAISSANCES Nous nous sommes jusque-là focalisé sur les biens échangeables dans le cadre de la diversification des exportations. Toutefois, la figure 15présentée ci-dessus montre que le développement industriel s’accompagne, lors des épisodes de croissance accélérée, d’un développement du secteur des services supérieurs, notamment ceux liés à l’industrie du fait de la complémentarité entre les deux secteurs. De plus, le secteur des services de connaissance, en se situant aux extrémités de la chaîne de valeur, génère l’essentiel de la valeur ajoutée (R&D en input, marketing et finance en aval de la chaîne de valeur). Figure 16 : Impact des services supérieurs sur le développement industriel Source : Figure réalisée par l’auteur C’est pour ces raisons que les pays occidentaux appuient prioritairement le développement du secteur des services. Ainsi, les services représentent 75% de la valeur ajoutée globale de l’économie en 2014 en moyenne pour les pays de l’OCDE (en France: 78%; en Grande-Bretagne 80%; en Allemagne 69%). En Algérie, le secteur des services est faiblement développé. Il se situe en deçà de la moyenne des pays du MENA comme le montre le tableau ci-dessous. Il ne couvre que partiellement les besoins de l’économie nationale : les importations de services - principalement les services techniques et ceux liés au bâtiment et travaux publics sont persistantes et se situent autour de 10 milliards de dollars par an. 54 Figure 17 : Part des services dans le PIB – pays du MENA Source : Figure élaborée par l’auteur sur la base des données de WDI/WB. Par ailleurs, ce secteur est principalement constitué en Algérie de services primaires – les services de transport qui se saturent - bien que des entreprises dynamiques de services de connaissances émergent progressivement. Or, l’apport des services peut être décisif dans le processus de modernisation et de diversification de l’économie appelant à cibler et appuyer plus résolument la production des services de connaissance liés à la diversification et la modernisation de l’économie nationale. 55 Tableau 18 : Directions potentielles de diversification des exportations (en millions de dollars US) Exports (Moyenne annuelle Désignation produits (à 2 digits) cumulée de l’ensemble des pays Pays Leaders et montant de leurs exportations du Panel Industries basées sur les ressources Pétrochimie (polyéthylène- 16200 SAU (200 13) 7130 MAR ( 2060 ) –SAU ( 1360 ) - polypropylène-polyacétal) (*) Engrais JOR ( 684 ) Acide phosphorique 2070 MAR ( 1670 ) Phosphate 2090 MAR ( 1250 ) Ciment 950 IRN (596) Fer et Acier 1660 SAU (412) - VEN (381) Aluminium 977 IRN (336) Industries manufacturières Produits pharmaceutiques 1160 JOR (453 ) Segments de l’Industrie 7720 MAR (520 1) – IRN (430 1) – EGY Agroalimentaire (931) – NGA (939) Electricité-Electronique 7930 MAR ( 2550 ( - ) 1220 ) Textile 5800 TUN ( 1680 ) – MAR ( 1020 ) – JOR (805) Voiture tourisme et de transport 2010 MAR (992) de personnes (*) Lire : dans le secteur de la pétrochimie, la somme des exportations de l’ensemble des pays du panel est en moyenne de 16.2 milliards de dollars par an sur la période 2014-2010. Le pays ayant réalisé, dans la pétrochimie, le montant d’exportation le plus élevé parmi les pays du panel est l’Arabie-Saoudite avec une moyenne de 13.2 milliards par an sur la période d’analyse Source : Tableau élaboré par l’auteur d’après les données de WDI/WB. Ces domaines concernent tant des produits exploitant l’avantage salarial que ceux exploitant la disponibilité de ressources naturelles. L’exploitation de ces avantages, à l’instar des pays similaires à l’Algérie, permettra de donner un élan rapide et décisif à la diversification de l’économie nationale. A titre d’illustration, dans la seule activité de production de polyéthylène (pétrochimie), l’Arabie Saoudite parvient à exporter 56 une moyenne annuelle de 7 milliards de dollars tandis-que l’Iran, malgré les sanctions économiques dont il a fait l’objet, exporte plus de 1.9 milliards de dollars. Or, nous disposons des mêmes ressources que ces pays dans ces domaines industrielles. Dans le domaine de fertilisants (engrais, acide phosphorique et phosphate), le Maroc s’est construit des avantages comparatifs (salariaux et de dotation en ressources) qui lui ont permis d’exporter près de 5 milliards de dollars par an en moyenne sur les 5 dernières années dans cette seule activité. Là encore, l’économie nationale dispose des mêmes avantages comparatifs que ce pays tant en termes de dotation factorielle que de coût salarial. Ces domaines d’activité sont un livre ouvert pour la diversification de l’économie nationale pour peu que le pays se donne les moyens et se dote du volontarisme nécessaire pour entrer dans ces marchés en dépit de sa position de latecomer. 57 PARTIE E. LES IMPLICATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES : REALISER LE POTENTIEL D’AVANTAGE COMPARATIF Sur le plan opérationnel, suffit-il d’identifier le potentiel de compétitivité de l’économie nationale pour clore la question de la diversification économique ? Que faire avec la « liste » des secteurs « gagnant » ? En fait, après avoir identifié les industries qui peuvent porter des avantages comparatifs latents, il y a lieu d’examiner les moyens par lesquels les obstacles peuvent être levés afin de faciliter l’entrée des entreprises notamment privées dans ces industries. Mais plus qu’une politique précise et ciblée, la diversification de l’économie appelle en réalité la réforme de tout un ensemble de règles de fonctionnement de l’économie dont elle va en constituer la résultante. Qui plus est, la conjoncture particulière du moment – rappelée au début de cette étude – impose une urgence supplémentaire : celle de stabiliser le cadre macroéconomique et de préserver les grands équilibres économiques actuellement sous tension. Axe1- Stabiliserle cadre macroéconomique et consacrer une discipline budgétaire Au commencement, et bien que les politiques macroéconomiques ne soient pas l’objet de cette présentation, leur examen reste nécessaire car l’instabilité du cadre macroéconomique peut bloquer tout processus de transformation structurelle. 1. Substituer les règles budgétaires à la discrétion et adopterun cadre budgétaire pluriannuel : — mettre en place un cadre budgétaire pluriannuel qui trace le cheminement à moyen terme des comptes publics afin de s’assurer de leur soutenabilité sur le court et moyenterme ; — substituer des règles budgétaires à la discrétion notamment pour le niveau du déficit publicainsi quel’évolution des dépenses dans son rapport avec la fiscalité pétrolière ; — envisager l’adoption d’une loi organique qui consacre les nouvelles règles de gestion publique. 2. Rationaliser les dépenses publiques Le poste le plus important est celui des transferts dont la révision est nécessaire à travers une nouvelle politique de redistributionciblée et unemeilleure protection sociale des populations démunies. 3. Diversifier les sources de financement des dépenses en infrastructureset des déficits publics Il s’agit de consolider l’investissement dans les infrastructures en recourant à la 58 délégation de services prévue dans le nouveau code des marchéset d’une façon générale en recourant aux partenariats public-privé tout en préservant les intérêts de l’Etat. 4. Assurer la coordination des politiques économiques — entre les politiques macroéconomiques(notamment la politique monétaire et de change de la Banque d’Algérie et la politique budgétaire du ministère des finances); — et entre les politiques macroéconomiques etles politiquessectorielles (industrielle et commerciale)afin que les directions d’ajustement macroéconomique (notamment la politique monétaire et la fixation du taux de change) soient en faveur de la compétitivité des entreprises. Une manière de procéder serait de soumettre systématiquement les mesures de stabilisation et d’ajustement à une évaluation d’impact sur la compétitivité des entreprises. Ces mesures de court terme sont posées pour parer à l’urgence de préserver les grands équilibres économiques. Toutefois continuer avec le même régime de croissance qui a jusque-là prévalu n’est pas soutenable même dans le cas où les réformes fiscales et la modernisation du cadre budgétaire parviennent à créer plus d’espace fiscal. La soutenabilité de tout modèlede croissance passe par la diversification de l’économie hors des hydrocarbures. Dans ce cadre, l’un des rôles majeurs de l’Etat est d’accélérer les transformations structurelles à travers, d’une part, la levéede tout obstacle à la mobilité des ressources productives et, d’autre part, la promotion des directions de diversification qui ont été préalablement identifiées. Axe 2- Lever les contraintes aux transformations structurelles de l’économie 1. Réduire les rigidités du marché du travail pour faciliter la mobilité des ressources Un marché du travail rigide freine la réallocation des ressources et bloque les changements structurels de l’économie. Or, du point de vue notamment des pratiques d’embauche et de licenciement, l’Algérie est classée par le World Economic Forum à la 103èmeplace sur 140 pays. Associées au coût élevé des charges sociales (cf. indicateur du DoingBusiness), ces pratiques figent le marché du travail et affectent négativement la réallocation des ressources. L’argument de la protection sociale pour justifier une rigidité du marché du travail n’est pas recevable : dans un marché du travail rigide, le travailleur (insider) a certes plus de chance de préserver son emploi mais le chômeur (outsiders) a également plus de chance de rester chômeur.Introduire plus de flexibilité permet une meilleure réallocation des ressources tout en se devant de préserver la robustesse de la relation de travail. 59 2. Libérer l’investissement pour faciliter la mobilité des capitaux et les transformations structurelles de l’économie. Jusqu’à un passé récent, les codes de l’investissement qui se sont succédés ont eu surtout pour préoccupation de délimiter le champ d’intervention de chacun des acteurs (Etat, secteur privé local et entreprises étrangères) dans l’acte d’investir. Cette focalisationsur les restrictions à l’investissement a affecté négativement la mobilité intersectorielle du capital. Une disposition indispensable à prendre pour faciliter les transformations structurelles est (i) d’ouvrir au secteur privé national tous les secteurs hors ceux jugés stratégiques, lesquels exceptions serontexpressément désignés, et(ii) demener une politique résolue d’attraction des Investissements Directs à l’Etranger(IDE). 3. Lever lesentravesà la concurrencepourfaciliternotamment l’entrée dans les marchés des entreprises nouvelles Les obstacles à la concurrence réduisent également la mobilité des facteurs etentravent le rythme des transformations structurelles.Dans ce cadre, le pays doit : — se doter d’une doctrine de régulation et l’annoncer ; — réformer par ailleurs le Conseil de la concurrence dans le sens d’une plus grande indépendance et d’un élargissement de son périmètre d’actions afin de lui permette de jouer son rôle de régulateur des marchés et de garant de la concurrence. Axe 3- Faciliter les transformations structurelles favorables à la croissance 1. Développerles infrastructuresphysiques d’exportation Identifier, dans une coordination Pouvoirs publics-Entreprises, les goulots d’étranglement – notamment dans la logistique du commerce –et développer les infrastructures manquantes tout en s’assurant de leur qualité. Toutefois, des infrastructures denses et de qualité, bien que nécessaires, ne sont pas la garantie d’une diversification. Un des exemples d’un développement des infrastructures sans une diversification réelle est celui des pays du Golf. Aussi faut-il donner la priorité au développement des infrastructures liées aux exportations. Dans ce cadre, il serait utile de : — réaliser un audit de la logistique nationale du commerce extérieur ; — réviser le cas échéant les Schémas directeurs de la logistique et des transports adossés au Schéma National d›Aménagement du Territoire (SNAT) dans le sens d’une plus grande contribution de ces secteurs à la diversification de l’économie. 2. Soutenir le développement du capital humain et l’amélioration de sa qualité L’Algérie, à l’instar de la plupart des pays du MENA, consacre des moyens financiers considérables pour soutenir l’accumulation du capital humain. Cependant les résultats en termes de nombre moyen d’années d’études en Algérie et d’adéquation du système 60 de formation aux besoins économiques demeurent encore insuffisants. Une des mesures est de faciliter – à l’instar des pratiques de tous les pays dans le monde - la création d’établissements privées d’éducation à tous les paliers –complément indispensable aux institutions éducatives publiques - en veille à : — assurer la qualité de l’enseignement dispensé ; — faciliter l’accès à travers un système de subvention et d’aide au financement de la formation. 3. Appuyer l’entrée de nouvelles entreprises notamment dans les filières réputées à avantage comparatif potentiel De manière opérationnelle, il s’agit notamment de : — déployer un programme d’incubateurs permettant de catalyser l’entrée des nouvelles entreprises locales dans les activités ciblées ; — attirer, par des appels à projet, et lorsque la densité des entreprises existantes est faible, l’investissement étranger qui sera appelé à jouer également le rôle de catalyseur ; — développer les zones spéciales d’exportation (zones franches) en revenant à l’ordonnance 03-02 abrogée en 2006. Chacun des trois pays qui ont réussi leur politique de diversification hors des hydrocarbures (Mexique, Indonésie, Malaisie) a adopté une stratégie de zones spéciales d’exportation avec des taxes spécifiques pour attirer les investisseurs dans les industries manufacturières. Ces zones spécialisées doivent cependant se caractériser par un microclimat d’affaires très favorable et la disponibilité locale d’infrastructures de grande qualité faute de pouvoir apporter ces améliorations à l’ensemble du territoire. Ces zones peuvent remplir plusieurs fonctions : elles sont un support pour la clustérisation industrielles, elles servent également d’incubateurs des jeunes entreprises tout autant que d’accueil pour les grandes entreprises dans les filières ciblées à l’image de la zone industrielle deBellara (wilaya de Jijel). 4. Informer sur les opportunités d’investissement dans les industries ciblées — Mener des études de filière visant à identifier (i) la structure des coûts dans l’économie nationale et anticiper les segments de filière dans lesquels on peut développer des avantages comparatifs et s’inscrire avantageusement dans les CVM ainsi que (ii)les marchés potentiels d’exportation. Ce sont autant d’informations qui sont insuffisamment produites par le marché et qui relèvent dans ce cas de l’intervention de l’Etat sous forme notamment d’un organisme national de veille stratégique. 61 Axe 4 : Etablir des masters plans pour les filières ciblées Pour rappel, il s’agit d’exploiter avantageusement : — d’une part, la dotation du pays en ressources naturelles (notamment les hydrocarbures et le phosphate)car le développement de ces activités permettra, dans un laps de temps relativement court, une croissance significative des exportations hors hydrocarbures. La pétrochimie, les engrais, le ciment participent de cette première catégorie d’industries à développer permettant d’initier rapidement une diversification industrielle ; — d’autre part, dans une démarche graduelle, la compétitivité du coût salarial unitairepour promouvoir une industrie manufacturière nationale, seule à même de conduire la modernisation technologique et de contribuer à la création d’emplois à une émancipation effective des ressources naturelles.Les Industries Agroalimentaires (IAA), la pharmacie, les industries électriques et électroniques, l’industrie automobile et le textile participent de cette deuxième catégorie d’industries qui jetteront les bases robustes de la diversification de l’économie nationale. Enfin, l’appui au développement du secteur des services de connaissance contribuera à la montée en gamme progressive de la production industrielle. Une vision de développement de ces filières est donc nécessaire et sera générée par une concertation entre les pouvoirs publics et les parties prenantes au développement de ces activités pour identifier les contraintes et les facteurs de succès. 1. En ce qui concerne les industries basées sur les ressources, élaborer un Schéma directeur de valorisation des hydrocarbures ainsi que des ressources minières. Depuis le plan de valorisation des hydrocarbures (plan Valhyd), la valorisation des ressources d’hydrocarbures n’a plus fait l’objet de programmation, la préférence implicite ayant été donnée à la commercialisation plutôt qu’à la valorisation. L’adoption concertée d’un Schéma directeur de valorisation des hydrocarbures et des ressources minières adossée à un programme de mise en œuvre opérationnel permettra d’inverser les termes de cette équation et de donner la primauté à la dimension industrielle. 2. En ce qui concerne les industries manufacturières,élaborer,en concertation avec les parties prenantes dans le cadre de Comités de filières, un programme de développement des filières porteuses de potentiel de diversification. Cette stratégie, en cours au sein du Ministère de l’Industrie et des Mines (MIM), inclue notamment : - (i) l’identification des segments porteurs des filières ; - (ii) le renforcement des capacités existantes ; - (iii) la promotion d’investissements nouveaux et du partenariat ; - (iv) une adaptation de la structure des incitations ; 62 - (v) le développement des infrastructures dans leur dimension non seulement physique et technologique, mais également de formation et d’intermédiation financière ; - (vi) un appui à la structuration de la filière. 3. En ce qui concernant les services, mettre en place un dispositif de soutien actuellement inexistant - à la production de services de connaissances. Les services ciblés par ce dispositif seront ceux liés: — au développement des exportations (logistique du commerce extérieur); — à la modernisation de l’économie nationale (notamment les services liés à l’industrie); — à la compétitivité industrielle (notamment les services liés aux NTIC); — à la sécurité numérique. Axe 5 : La contribution des mesures transversalesà la facilitation des transformations structurelles Comme cela a été souligné plus haut, les politiques de diversification doivent égalementpallier, à leur dimension sélective,des mesures transversales permettant d’exploiter les avantages comparatifs existantsde l’économie nationale.Ces mesures sont aujourd’hui assez largement discutées dans le pays notamment au sein du Comité Doing-Business ainsi qu’à l’occasion de l’évaluation du Pacte économique et social. On se limite à rappeler les préconisations suivantes: 1. Réserver la règle des 49/51 aux secteurs stratégiques clairement désignés et appuyer le développement des IDE dans les filières prioritaires 2. Réviser les priorités des réformes du Doing business sur la base de la facilité de mise en œuvre des mesures et de l’importance de leur impact sur le classement du Doing Business. Le classement du Doing Business, bien que sujet à de fortes critiques, constitue, aux yeux des investisseurs notamment étrangers –le signal d’un climat favorable aux affaires. La pratique de mise en œuvre des réformes across the board, bien qu’ayant dans l’absolu réduit notre distance à la frontière des meilleures pratiques internationales, n’a toutefois, pas donné de résultats probants en termes relatifs, c’est-à-dire de classement par rapport aux autres économies dans le monde. Ces résultats invitent à une mise en œuvre séquentielle des réformes qui aura le mérite de mettre l’accent sur les mesures susceptibles d’être rapidement mises en œuvre ainsi que sur celles où nous avons les plus grandes marges de progression par rapport aux autres pays. A titre d’exemple,sur la base d’une comparaison internationale de l’ensemble des pratiques de ces réformes dans le monde, et s’appuyant sur les résultats du classement de 2014, le tableau ci-dessous synthétise le potentiel de rattrapage pour notre pays et le degré de facilité de mise en œuvre des différentes dimensions du climat d’affaires 63 desquels peut être dérivée une séquentialité des réformes à mener. Tableau 19 : Séquentialité révélée des réformes du Doing Business Dimension du climat d’affaires Potentiel de rattrapage Création entreprise Faible Permis construire Faible Fort P Electricité Moyen Moyen P Trsft. Propriété Moyen Fort P Obtention de prêt Fort Moyen l Protection invest. Moyen Moyen l Fort Faible P Faible Faible P Moyen Moyen l Fort Fort l Paiement des taxes et impôts Commerce transfrontalier Exécution des contrats Règlement de l›insolvabilité Facilité de mise en œuvre Indice de facilité de Nature procédurale mise en œuvre (P) ou institutionnel (I) de la réforme Moyen P Source : Tableau élaboré par l’auteur. 3. Coupler le classement du DoingBusiness à une enquête régulière sur l’environnement de l’investissement afin d’identifier les contraintes à l’investissement telles que perçues par les entreprises Cette enquête, à l’instar de celle menée opportunément cette année par le MIM et qu’il convient de pérenniser, offre un cadre dans lequel peuvent être identifiées les contraintes dominantes.Il constitue de ce fait un puissant instrument d’orientation des politiques publiques versplus de gains en efficacité. 4. Concernant plus particulièrement l’appui aux entreprises exportatrices — permettre à celles-cil’ouverture de bureaux de liaisons et encourager l’installation d’agences bancaires dans les principaux pays partenaires ; — plus généralement, réaliser un audit du dispositif d’appui aux exportations dans son rapport aux meilleures pratiques internationales sur le plan notamment de (i)l’appui 64 institutionnel, (ii) de l›appui financier, (iii) du régime fiscal, (iv) du régime douanier, (v) des facilitations douanières, (vi) du contrôle des changes et (vii) de la réglementation bancaire. 5. Subventionner les exportations naissantes en considérant la découverte d’un nouveau produit d’exportation ou d’un nouveau marché d’exportation comme une innovation Il s’agit de transformer le biais anti-exportation actuel en un biais favorable aux exportations. Dans ce cadre, il serait utile de subventionner les exportations nouvelles de faible montant à hauteur de 10% de leur valeur. Ce taux décroitra de moitié lorsque la ligne tarifaire dépassera 10 millions de dollars et disparaîtra lorsqu’elle atteindra 20 millions de dollars. Cette mesure, qui a fait ses preuves dans certains pays latinoaméricains, favorisera le développement extensif des exportations. Axe 6- Améliorer la gouvernance des politiques économiques de diversification Les challenges adressés aux pouvoirs publics sont multiples : ils doivent disposer de l’information nécessaire pour cibler efficacement leurs interventions ; ils doivent disposer de la volonté nécessaire pour s’ériger en leadership du développement économique ainsi que d’une administrationforte et compétente pouren assurer l’exercice ; ils doivent également s’assurer que les incitations ne soient pas détournées de leurs objectifs de développement pour se résoudre simplement en aubaines. Parce quedans le cheminement du développement,l’asymétrie d’information, l’incertitude et les risquesdedéraillagede la dynamique industrielle de diversification sont partout, nous arguons que ces challenges ne peuvent être relevés avec succès qu’en modifiant la structure du jeu entre les acteurs de l’économie de façon à implémenter une coordination stratégique entre les pouvoirs publics et le secteur des entreprises. Plus qu’une batterie de mesures - dont les résultats du reste sont largement aléatoires- la politique de diversification sera un processus dynamique de coordination et d’organisation du développement économique dans l’objectif d’accélérer les transformations structurelles et d’en réduire les incertitudes. C’est très certainement cette dernière dimension qui établit une discrimination entre les pays qui réussissent dans leur projet industriel de diversification et ceux dont le projet reste un blue-print, c’est-à-dire une compilation de mesures éphémères. La question cruciale est alors : quel type de relation ‘pouvoirs publics- entreprises’ implémenter pour que la politique industrielle soit effective et conduise à une transformation rapide des structures productives de l’économie ?Dans ce domaine, l’innovation institutionnelle est aussi importante que l’innovation productive dans la 65 réussite du projet industriel. 1. Mettre en place un partenariat Public-Privé sous la forme de Contratsprogrammes pour chaque filière Ces contrats-programmes entre les pouvoirs publics et les entreprises ou leurs associations consignent : les engagements des pouvoirs publics en termes de soutien et d’incitations ; les engagements des entreprises (et associations professionnelles) en termes d’objectifs chiffrés de développement à atteindre. Ils dériveront du Plan national de développement des filières. Ces contrats-programmes de filière seront annexés au Pacte économique et social. Ils constitueront la dimension économique sectorielle de ce Pacte et lui conféreront le caractère opérationnel qui lui manque actuellement. 2. Dynamiser le Conseil national consultatif de promotion des exportations 3. Appuyer la création d’associations professionnelles et soutenir les associations professionnelles d’exportateurs 4. Assurer une meilleure coordination entre les politiques économiques et les politiques sectorielles et entre les politiques sectorielles elles-mêmes. En l’absence d’un Ministère de l’économie, cette recommandation peut être concrétisée par : — le regroupement dans une même structure du Ministère en charge du commerce extérieur et de la promotion des exportations et du Ministère en charge du développement industriel afin de préserver la cohérence de la stratégie nationale de diversification économique ; — la(re) créationdu Commissariat général à la planification et la prospective et son placement, compte tenu de sa dimension transversale, auprès du Premier Ministère ou de la Présidence. 5. Mener enfin une révision profonde du Système national d’information statistique. 66 LISTE DES FIGURES Figure 1 : Evolution du cours du baril de pétrole Figure 2 : Evolution comparée de la structure sectorielle du PIB des pays asiatiques Figure 3 : Relation entre la part dans le PIB de l’industrie, de l’agriculture et des services et le niveau de développement des économies dans le monde Figure 4 : Contribution des transformations structurelles à la productivité globale de l’économie Figure 5 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation – ensemble des économies Figure 6 : Gap d’industrialisation de l’Algérie relativement à la norme d’industrialisation –économies pétrolières Figure 7 : Evolution du nombre de produits exportés : 1992-2012 Figure 8 : Nombre de relations d’exportation : couple produit-marché. HS-6 digits - 1992-2010Figure 9 : Répartition des épisodes d’exportation par durée : 1992-2012 Figure 10 : Estimation de la fonction de survie des exportations algériennes Estimateur de Kaplan et Meyer : 1992-2012 Figure 11 : Estimation de la fonction de hasard des exportations : Algérie et Maroc 1992-2012 Figure 12 : Conditions de mise en œuvre d›une politique de diversification Figure 13 : La distance d›évaluation entre les paires de produits Figure 14 : Production d’éthylène en Algérie Figure 15 : Evolution de la production de phosphates : 2006-2012 Figure 16 : Impact des services supérieurs sur le développement industriel Figure 17 : Part des services dans le PIB – pays du MENA 67 7 10 11 19 21 22 23 24 25 26 27 33 48 50 54 55 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1: Quelques indicateurs de conjoncture Tableau 2 : Croissance réelle du PIB et sa répartition sectorielle (en pourcentage) Tableau 3 :Productivité moyenne annuelle entre 2010-2014 (en milliers de DA prix constants 1999) Tableau 4 :Productivité des secteurs (en milliers de DA constants 1999) Tableau 5 :Réallocation sectorielle des ressources dans l’économie nationale : 1973-2014 Tableau 6 : Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie : 1973-1987 Tableau 7 :Corrélation entre les transformations structurelles et la productivité de l’économie : 1987-2014 Tableau 8 :Décomposition de la productivité du travail – Période 1977-1987 (en milliers de DA par employé Tableau 9 :Décomposition de la productivité du travail – Période 1987-2014 (en milliers de DA par employé) Tableau 10 :La dynamique du secteur industriel projetée (2015-2015) (en milliards DA) Tableau 11 :La dynamique des exportations hors hydrocarbures projetée (2015-2015) (en milliards de dollars) Tableau 12 :Episodes de croissance industrielle accélérée parmi les pays pétroliers Tableau 13 :Les branches prioritaires dans le cadre de l’import-substitution Tableau 14 :Produit Intérieur Brut par Habitant en 2013 (en dollars international PPA courants) Tableau 15 :Avantages comparatifs des pays du panel Tableau 16:Période d’observation des pays du panel Tableau 17 :Exportation d’engrais et de phosphates –Moyenne annuelle sur la période (en millions de dollars) Tableau 18 :Directions potentielles de diversification des exportations (en millions de dollars US) Tableau 19 : Séquentialité révélée des réformes du Doing Business 5 6 13 14 16 16 17 18 18 29 30 30 42 45 46 47 49 56 64 BIBLIOGRAPHIE BanqueMondiale (2015). World Bank Development Indicators. Washington DC. Booz Allen&Hamilton (2015). Développement des Filières Industrielles. Ministère de l’Industrie et de la Restructuration, Alger Bouklia-Hassane, R. (2015). L’économie algérienne face à la diversification: Quelles perspectives? Les Cahiers du Cread, 105(1), 37-62. Hausmann, R., Klinger, B., & Lopez-Calix, J. (2010). Export diversification in Algeria. Trade Competitiveness of the Middle East and North Africa: Policies for Export Diversification, 63. Korea Institute for Industrial Economics and Trade (2010). Etude de stratégie industrielle. Ministère de l’Industrie et de la Promotion des Investissements. Alger. Lin, J., & Chang, H. J. (2009). Should Industrial Policy in developing countries conform to comparative advantage or defy it? A debate between Justin Lin and Ha‐Joon Chang. Development policy review, 27(5), 483-502. McMillan, M. S., &Rodrik, D. (2011). Globalization, structural change and productivity growth (No. w17143). 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