Année de publication : Juillet 2009
POLITIQUE ECONOMIQUE
ET DEVELOPPEMENT
ANALYSE DE L’EFFICACITE ECONOMIQUE EN COTE D’IVOIRE
Wautabouna OUATTARA
Consultant
PED N° 11/2008
Cellule d’Analyse de Politiques Economiques du CIRES
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RESUME
L’objet de la présente étude est d’identifier les déterminants de l’efficacité ou de l’inefficacité
économique en Côte d’Ivoire. A partir d’une frontière stochastique de production, nous estimons et
décomposons en efficacité technique et allocative, les niveaux d’efficacité économique. Les facteurs
responsables de l’inefficience ont été mis en relief par l’estimation d’un modèle Tobit pour tenir compte du
caractère tronqué (0 ou 1) de la variable dépendante (efficacité). Il ressort de l’analyse de 3.000 entreprises
observées de 2003 à 2006 que l’économie ivoirienne n’est pas économiquement efficace eu égard aux effets
induits de l’instabilité sociopolitique, de l’endettement financier, du niveau d’emploi et de la faiblesse de
l’épargne sur la productivité des entreprises. Aussi cette étude recommande-t-elle un réexamen de la politique
de recrutement pour une meilleure ergonomie et une maîtrise des effectifs du personnel et la poursuite des
efforts de subventions afin d’aider les entreprises à forte valeur ajoutée à parfaire l’organisation de leur
appareil productif. L’étude invite enfin les acteurs politiques à instaurer un climat de paix et de stabilité pour
une utilisation plus optimale des ressources.
Mots clés : Efficacité économique, efficacité technique, efficacité allocative, productivité, rendement.
J.E.L. Classification : D24, D21, J24, O47
ABSTRACT
This study investigates the determinant factors of efficiency or inefficiency in Cote d’Ivoire. A stochastic
analysis of production resulted in technical and allocative efficiency in economic efficiency levels. The
inefficiency factors are thrown into relief by a Tobit model estimation to take into account the truncated
character (0 or 1) of the dependant variable (efficiency). The findings of an investigation about 3.000 firms
observed from 2003 to 2006 reveal that the Ivorian economy is not economically efficient as a consequence of
the ensuing: socio-political instabilities; outside debt burden; unemployment rate; and weakness in savings on
organizational productivity. Therefore, this study recommends recruitment policies reexamination for a better
mastery of workforce and the enforcement of granting financial aid to enterprises to assist them in having high
added value to improve organizational productivity. The study lastly invites political actors to establish peace
and stability environment for an optimal use of resources.
Keywords : Economic efficiency, technical efficiency, allocative efficiency, productivity, profit.
J.E.L. Classification : D24, D21, J24, O47
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1. Introduction
Dans cet article, nous nous proposons de mener une réflexion sur l’efficacité économique
en Côte d’Ivoire. La notion d’efficacité peut être définie en dissociant ce qui est d’origine
technique de ce qui est à un mauvais choix, en termes de combinaison des intrants, par
rapport au prix des intrants. Selon Farrell (1957) l’efficacité technique mesure la manière dont
une firme choisit les quantités d’inputs qui entre dans le processus de production quand les
propositions d’utilisation des facteurs sont données. L’efficacité technique se distingue de
l’efficaciprix ou efficacité allocative qui évalue la façon dont la firme choisit les proportions des
différents inputs par rapport au prix du marché supposé concurrentiel. L’efficacité économique
est déterminée par la combinaison de l’efficacité technique et de l’efficacité allocative. Elle fait
référence aux concepts de productivité, de performance, de qualité et de rendement d’une part et
de réduction des effectifs employés et des coûts d’autre part. Le concept d’efficacité économique
sera associé au critère de la valeur. Ainsi, un changement tendant à accroître la valeur est perçu
comme un changement efficace et inefficace dans le cas contraire.
L’objectif de cette étude est d’identifier les facteurs explicatifs de l’efficacité ou de
l’inefficaci économique en Côte dIvoire. De façon spécifique, nous souhaitons analyser
l’organisation de la production, déterminer la contribution de la forme d’organisation à la
productivité, étudier l’impact de l’environnement institutionnel sur la productivité et identifier le
niveau de performance des secteurs de production de l’économie. La réponse à ces interrogations
conduira à l’identification des sources et des déterminants de l’efficacité ou de l’inefficacité de
l’économie ivoirienne.
Depuis quelques années, l’instabilité sociopolitique a entraîné une désorganisation de
l’appareil de production et une utilisation peu rationnelle des facteurs de production. Cette
instabilité a fait perdre, par ailleurs, la main-d’œuvre qualifiée qui a immigré vers d’autres pays.
Nous postulons donc pour l’hypothèse principale selon laquelle cette situation a eu des effets
négatifs sur l’efficacité de l’économie ivoirienne. Cette étude dont les résultats peuvent être
utilisés par les pouvoirs publics pour agir sur les sources de l’inefficacité se veut une contribution
à l’amélioration de l’efficacité globale de l’économie.
Pour évaluer cette efficacité, nous suivons l’approche des frontières de production. Nous
disposons de données de panel non cylindrées relatives à 3.000 entreprises observées de 2003 à
2006 et réparties dans 15 secteurs d’activité de production de l’économie ivoirienne. Etant donné
que l’estimation de l’efficacidépend de la nature de la frontière (déterministe ou stochastique), il
s’avère important de la tester. Dans la frontière stochastique, l’efficacité individuelle est estimée
par l’espérance mathématique conditionnelle car l’efficacité individuelle n’est pas directement
identifiable.
Eu égard aux travaux antérieurs de Lesueur et Plane (1995, 1998) se limitant à l’analyse de
l’efficacitechnique des firmes ivoiriennes, ce travail constitue, à notre connaissance, la première
application de l’efficacité économique en Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’estimation des
frontières par la méthode du maximum de vraisemblance.
Cet article se présente de manière suivante : la première section expose les concepts et les
aspects méthodologiques de l’efficacité ; la seconde présente le modèle de frontière et les données
relatives aux firmes ivoiriennes ; quant à la troisième, elle indique les résultats de l’analyse.
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2. Concepts et méthodes d’évaluation de l’efficacité
Dans cette section, un aperçu des concepts d’efficacité au regard de la littérature
économique est présenté. Les méthodes d’estimation de l’efficacité sont ensuite rappelées et un
exposé relatif aux déterminants de l’efficacité est fait.
2.1 Concepts d’efficacité
La mesure de l’efficacité est apparue dans les travaux de Koopmans (1951) relatifs à
l’analyse de la production et de Debreu (1951) qui a introduit le coefficient d’utilisation des
ressources. En 1957, Farrell a établit que l’efficacité de la firme peut être empiriquement calculée
et a proposé, pour la première fois, une méthode novatrice d’estimation des frontières d’efficacité
à partir de l’observation de situations réelles de production.
En s’inspirant des travaux de N’Gbo (1991) et Atkinson et Cornwell (1994), on peut
considérer qu’une unité de production est techniquement efficace si, à partir du panier d’intrants
qu’elle détient, elle produit le maximum d’extrants possible ou si, pour produire une quantité
donnée d’extrants, elle utilise les plus petites quantités possibles d’intrants. Briec, Comes et
Kerstens (2006) poursuivent en expliquant que la mesure du degré d’efficacité technique d’une
unité de production permet de cerner si cette dernière peut accroître sa production sans pour
autant consommer plus de ressources, ou diminuer l’utilisation d’au moins un intrant tout en
conservant le même niveau de production.
Une définition de l’efficacité allocative se retrouve dans l’article de Rodriguez-Alvarez,
Tovar et Trujillo (2007). Ils estiment que l’efficacité allocative met en relation les utilisations
d’intrants par l’entreprise aux prix en vigueur sur le marché. L’efficacité allocative est nécessaire si
l’entreprise maximise ses profits ou minimise ses coûts à un niveau donné de production. Ces
deux hypothèses de comportement permettent de définir une combinaison optimale d’intrants et
la mesure de l’efficaci allocative est obtenue en comparant le coût minimum de production
d’une quantité d’extrant au coût effectivement encouru par l’entreprise.
L’efficacité économique se mesure par la performance économique globale de la firme,
c’est-à-dire par sa capacité à rentabiliser ses opérations. Farrell (1951) a finit l’efficacité
économique par le produit de l’efficacité technique et de l’efficacité allocative. D’après son
exemple, il ressort qu’une firme ne peut être 100% économiquement efficace si elle n’est pas
100% techniquement efficace et à la fois 100% allocativement efficace. L’efficacité économique
est séparable en deux critères distincts et n’est donc que le résultat de ces deux mesures. Comme
le montrent Coelli et al., (1998), Amara et Robert (2000) ou encore Ajibefun et Daramola (2003),
cette définition semble être universellement acceptée.
2.2 Méthodes d’estimation de l’efficacité
Les méthodes d’estimation de la frontière peuvent être classées selon la forme prévue de
la frontière, selon la technique d’estimation utilisée pour l’obtenir et selon la nature et les
propriétés suppoes de l’écart entre la production observée et la production optimale. Le
classement en fonction de la forme de frontière permet de distinguer les approches paramétriques
et les approches non paramétriques. L’approche paramétrique présente une fonction comportant
des paramètres explicites (Cobb-Douglas, CES, Translog, etc.). Nuama (2006) indique que
l’approche paramétrique est celle qui présente une fonction comportant des paramètres explicites.
Dans le cas d’une fonction paramétrique, plusieurs techniques économétriques et non
économétriques permettent d’estimer les paramètres de la frontière de production ou de coût : la
méthode des moindres carrés ou la méthode du maximum de vraisemblance. Les frontières non
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paramétriques ont la particularité de n’imposer aucune forme préétablie à la frontière (Murillo-
Zmarano, 2004). L’approche non paramétrique est donc utilisée lorsque le processus de
production ne peut pas être identifié par une forme fonctionnelle. La convexité de l’ensemble de
production est l’unique élément de différenciation des approches non paramétriques. Elle permet
de distinguer l’approche non paramétrique convexe de celle non convexe. La première fut utilisée
par Farell en 1957 pour la première fois. La frontière de production proposée par Farell est
linéaire et elle impose des rendements constants à l’échelle. Deux méthodes (Data Envelopment
Analysis et le Free Disposal Hull) servent à estimer les frontières de production de l’approche
non paramétrique. La première méthode consiste à estimer une enveloppe convexe tandis que la
deuxième permet d’ordonner les entreprises dans un ordre croissant, de manière à estimer une
frontière en forme d’escalier. Une application de la premre méthode avec des données relatives
à la presse écrite ivoirienne peut être observée dans l’étude de Nuama (2002). La programmation
mathématique sert à estimer les frontières de l’approche non paramétrique. Il s’agit des méthodes
descriptives qui utilisent comme support la programmation linéaire ou la programmation
quadratique (Leleu, 2006). La nature des écarts entre la production observée et la production
maximale différencie les frontières stochastiques des frontières déterministes. En effet, si l’on
suppose que les écarts sont expliqués uniquement par l’inefficience du producteur, on qualifie la
frontière de nature déterministe. Si par contre on estime que les écarts sont expliqués à la fois par
l’inefficience du producteur et par des éléments aléatoires, qui ne dépendent pas du producteur,
on dit que la frontière est de nature stochastique (Kumbakar et Lovell, 2000).
En résumé, l’efficacité d’une exploitation ou d’un secteur peut être mesurée par des
approches paramétriques ou non paramétriques qui diffèrent essentiellement par les hypothèses
concernant les résidus. Une frontière de production de coût ou de profit sera paramétrique si l’on
impose une forme fonctionnelle (Cobb-Douglas, Translog, etc.) déterministe si l’on suppose que
tout écart entre la fonction estimée et les observations est considéré comme étant de l’inefficacité
du producteur, et stochastique si, les écarts sont expliqués à la fois par l’inefficacité du producteur
et par des éléments aléatoires qui échappent au contrôle de l’exploitant. Les approches
paramétriques imposent une forme fonctionnelle qui présuppose la forme de la frontière, alors
que les approches non paramétriques imposent moins de structure à la frontière mais supposent
l’absence d’erreurs aléatoires.
2.3 Déterminants de l’efficacité
La mesure de l’efficacité économique permet d’identifier les gains potentiels de profit
dans le secteur étudié. L’inefficacité résultante peut être expliquée par certains facteurs tels que la
taille de l’exploitation, l’âge et le niveau d’instruction du chef de l’exploitation, etc. D’un point de
vue politique, il est intéressant de rechercher les sources de l’inefficacité et d’identifier les
déterminants. Les pouvoirs publics peuvent agir sur les déterminants ainsi identifiés pour
améliorer l’efficacité globale. La première question habituelle posée est comment expliquer le
différentiel d’efficacité aperçu entre les exploitations et/ou entre les secteurs. Plusieurs méthodes
sont utilisées à cet effet. Il existe la méthode en une seule étape appelée frontière de production à
erreurs composées et à effets d’inefficacité incorporés proposée par Battese et Coelli (1992). Une
autre méthode également utilisée pour expliquer les inefficacités procède en deux étapes : d’abord
les inefficacités sont estimées à partir d’une frontière paramétrique ou non paramétrique, puis une
régression des scores d’efficacité est effectuée sur les variables déterminantes. En général, cela
suppose que les variables expliquant l’inefficacité sont celles relatives aux caractéristiques des
exploitants et des exploitations, elles sont différentes des facteurs de production. Cette hypothèse
est introduite pour éviter le biais inclus dans la première étape, selon lequel le niveau d’efficacité
est indépendant de ces variables alors que dans la deuxième étape, ils sont considérés comme
dépendants. Selon Murillo Zamorano (2004), les méthodes donnent des résultats équivalents.
L’avantage de cette méthode est qu’en cas d’erreur de spécification dans la deuxième étape, le
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