POLITIQUE ECONOMIQUE ET DEVELOPPEMENT ANALYSE DE L’EFFICACITE ECONOMIQUE EN COTE D’IVOIRE Wautabouna OUATTARA – Consultant PED N° 11/2008 Cellule d’Analyse de Politiques Economiques du CIRES Année de publication : Juillet 2009 RESUME L’objet de la présente étude est d’identifier les déterminants de l’efficacité ou de l’inefficacité économique en Côte d’Ivoire. A partir d’une frontière stochastique de production, nous estimons et décomposons en efficacité technique et allocative, les niveaux d’efficacité économique. Les facteurs responsables de l’inefficience ont été mis en relief par l’estimation d’un modèle Tobit pour tenir compte du caractère tronqué (0 ou 1) de la variable dépendante (efficacité). Il ressort de l’analyse de 3.000 entreprises observées de 2003 à 2006 que l’économie ivoirienne n’est pas économiquement efficace eu égard aux effets induits de l’instabilité sociopolitique, de l’endettement financier, du niveau d’emploi et de la faiblesse de l’épargne sur la productivité des entreprises. Aussi cette étude recommande-t-elle un réexamen de la politique de recrutement pour une meilleure ergonomie et une maîtrise des effectifs du personnel et la poursuite des efforts de subventions afin d’aider les entreprises à forte valeur ajoutée à parfaire l’organisation de leur appareil productif. L’étude invite enfin les acteurs politiques à instaurer un climat de paix et de stabilité pour une utilisation plus optimale des ressources. Mots clés : Efficacité économique, efficacité technique, efficacité allocative, productivité, rendement. J.E.L. Classification : D24, D21, J24, O47 ABSTRACT This study investigates the determinant factors of efficiency or inefficiency in Cote d’Ivoire. A stochastic analysis of production resulted in technical and allocative efficiency in economic efficiency levels. The inefficiency factors are thrown into relief by a Tobit model estimation to take into account the truncated character (0 or 1) of the dependant variable (efficiency). The findings of an investigation about 3.000 firms observed from 2003 to 2006 reveal that the Ivorian economy is not economically efficient as a consequence of the ensuing: socio-political instabilities; outside debt burden; unemployment rate; and weakness in savings on organizational productivity. Therefore, this study recommends recruitment policies reexamination for a better mastery of workforce and the enforcement of granting financial aid to enterprises to assist them in having high added value to improve organizational productivity. The study lastly invites political actors to establish peace and stability environment for an optimal use of resources. Keywords : Economic efficiency, technical efficiency, allocative efficiency, productivity, profit. J.E.L. Classification : D24, D21, J24, O47 1 1. Introduction Dans cet article, nous nous proposons de mener une réflexion sur l’efficacité économique en Côte d’Ivoire. La notion d’efficacité peut être définie en dissociant ce qui est d’origine technique de ce qui est dû à un mauvais choix, en termes de combinaison des intrants, par rapport au prix des intrants. Selon Farrell (1957) l’efficacité technique mesure la manière dont une firme choisit les quantités d’inputs qui entre dans le processus de production quand les propositions d’utilisation des facteurs sont données. L’efficacité technique se distingue de l’efficacité prix ou efficacité allocative qui évalue la façon dont la firme choisit les proportions des différents inputs par rapport au prix du marché supposé concurrentiel. L’efficacité économique est déterminée par la combinaison de l’efficacité technique et de l’efficacité allocative. Elle fait référence aux concepts de productivité, de performance, de qualité et de rendement d’une part et de réduction des effectifs employés et des coûts d’autre part. Le concept d’efficacité économique sera associé au critère de la valeur. Ainsi, un changement tendant à accroître la valeur est perçu comme un changement efficace et inefficace dans le cas contraire. L’objectif de cette étude est d’identifier les facteurs explicatifs de l’efficacité ou de l’inefficacité économique en Côte d’Ivoire. De façon spécifique, nous souhaitons analyser l’organisation de la production, déterminer la contribution de la forme d’organisation à la productivité, étudier l’impact de l’environnement institutionnel sur la productivité et identifier le niveau de performance des secteurs de production de l’économie. La réponse à ces interrogations conduira à l’identification des sources et des déterminants de l’efficacité ou de l’inefficacité de l’économie ivoirienne. Depuis quelques années, l’instabilité sociopolitique a entraîné une désorganisation de l’appareil de production et une utilisation peu rationnelle des facteurs de production. Cette instabilité a fait perdre, par ailleurs, la main-d’œuvre qualifiée qui a immigré vers d’autres pays. Nous postulons donc pour l’hypothèse principale selon laquelle cette situation a eu des effets négatifs sur l’efficacité de l’économie ivoirienne. Cette étude dont les résultats peuvent être utilisés par les pouvoirs publics pour agir sur les sources de l’inefficacité se veut une contribution à l’amélioration de l’efficacité globale de l’économie. Pour évaluer cette efficacité, nous suivons l’approche des frontières de production. Nous disposons de données de panel non cylindrées relatives à 3.000 entreprises observées de 2003 à 2006 et réparties dans 15 secteurs d’activité de production de l’économie ivoirienne. Etant donné que l’estimation de l’efficacité dépend de la nature de la frontière (déterministe ou stochastique), il s’avère important de la tester. Dans la frontière stochastique, l’efficacité individuelle est estimée par l’espérance mathématique conditionnelle car l’efficacité individuelle n’est pas directement identifiable. Eu égard aux travaux antérieurs de Lesueur et Plane (1995, 1998) se limitant à l’analyse de l’efficacité technique des firmes ivoiriennes, ce travail constitue, à notre connaissance, la première application de l’efficacité économique en Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’estimation des frontières par la méthode du maximum de vraisemblance. Cet article se présente de manière suivante : la première section expose les concepts et les aspects méthodologiques de l’efficacité ; la seconde présente le modèle de frontière et les données relatives aux firmes ivoiriennes ; quant à la troisième, elle indique les résultats de l’analyse. 2 2. Concepts et méthodes d’évaluation de l’efficacité Dans cette section, un aperçu des concepts d’efficacité au regard de la littérature économique est présenté. Les méthodes d’estimation de l’efficacité sont ensuite rappelées et un exposé relatif aux déterminants de l’efficacité est fait. 2.1 Concepts d’efficacité La mesure de l’efficacité est apparue dans les travaux de Koopmans (1951) relatifs à l’analyse de la production et de Debreu (1951) qui a introduit le coefficient d’utilisation des ressources. En 1957, Farrell a établit que l’efficacité de la firme peut être empiriquement calculée et a proposé, pour la première fois, une méthode novatrice d’estimation des frontières d’efficacité à partir de l’observation de situations réelles de production. En s’inspirant des travaux de N’Gbo (1991) et Atkinson et Cornwell (1994), on peut considérer qu’une unité de production est techniquement efficace si, à partir du panier d’intrants qu’elle détient, elle produit le maximum d’extrants possible ou si, pour produire une quantité donnée d’extrants, elle utilise les plus petites quantités possibles d’intrants. Briec, Comes et Kerstens (2006) poursuivent en expliquant que la mesure du degré d’efficacité technique d’une unité de production permet de cerner si cette dernière peut accroître sa production sans pour autant consommer plus de ressources, ou diminuer l’utilisation d’au moins un intrant tout en conservant le même niveau de production. Une définition de l’efficacité allocative se retrouve dans l’article de Rodriguez-Alvarez, Tovar et Trujillo (2007). Ils estiment que l’efficacité allocative met en relation les utilisations d’intrants par l’entreprise aux prix en vigueur sur le marché. L’efficacité allocative est nécessaire si l’entreprise maximise ses profits ou minimise ses coûts à un niveau donné de production. Ces deux hypothèses de comportement permettent de définir une combinaison optimale d’intrants et la mesure de l’efficacité allocative est obtenue en comparant le coût minimum de production d’une quantité d’extrant au coût effectivement encouru par l’entreprise. L’efficacité économique se mesure par la performance économique globale de la firme, c’est-à-dire par sa capacité à rentabiliser ses opérations. Farrell (1951) a définit l’efficacité économique par le produit de l’efficacité technique et de l’efficacité allocative. D’après son exemple, il ressort qu’une firme ne peut être 100% économiquement efficace si elle n’est pas 100% techniquement efficace et à la fois 100% allocativement efficace. L’efficacité économique est séparable en deux critères distincts et n’est donc que le résultat de ces deux mesures. Comme le montrent Coelli et al., (1998), Amara et Robert (2000) ou encore Ajibefun et Daramola (2003), cette définition semble être universellement acceptée. 2.2 Méthodes d’estimation de l’efficacité Les méthodes d’estimation de la frontière peuvent être classées selon la forme prévue de la frontière, selon la technique d’estimation utilisée pour l’obtenir et selon la nature et les propriétés supposées de l’écart entre la production observée et la production optimale. Le classement en fonction de la forme de frontière permet de distinguer les approches paramétriques et les approches non paramétriques. L’approche paramétrique présente une fonction comportant des paramètres explicites (Cobb-Douglas, CES, Translog, etc.). Nuama (2006) indique que l’approche paramétrique est celle qui présente une fonction comportant des paramètres explicites. Dans le cas d’une fonction paramétrique, plusieurs techniques économétriques et non économétriques permettent d’estimer les paramètres de la frontière de production ou de coût : la méthode des moindres carrés ou la méthode du maximum de vraisemblance. Les frontières non 3 paramétriques ont la particularité de n’imposer aucune forme préétablie à la frontière (MurilloZmarano, 2004). L’approche non paramétrique est donc utilisée lorsque le processus de production ne peut pas être identifié par une forme fonctionnelle. La convexité de l’ensemble de production est l’unique élément de différenciation des approches non paramétriques. Elle permet de distinguer l’approche non paramétrique convexe de celle non convexe. La première fut utilisée par Farell en 1957 pour la première fois. La frontière de production proposée par Farell est linéaire et elle impose des rendements constants à l’échelle. Deux méthodes (Data Envelopment Analysis et le Free Disposal Hull) servent à estimer les frontières de production de l’approche non paramétrique. La première méthode consiste à estimer une enveloppe convexe tandis que la deuxième permet d’ordonner les entreprises dans un ordre croissant, de manière à estimer une frontière en forme d’escalier. Une application de la première méthode avec des données relatives à la presse écrite ivoirienne peut être observée dans l’étude de Nuama (2002). La programmation mathématique sert à estimer les frontières de l’approche non paramétrique. Il s’agit des méthodes descriptives qui utilisent comme support la programmation linéaire ou la programmation quadratique (Leleu, 2006). La nature des écarts entre la production observée et la production maximale différencie les frontières stochastiques des frontières déterministes. En effet, si l’on suppose que les écarts sont expliqués uniquement par l’inefficience du producteur, on qualifie la frontière de nature déterministe. Si par contre on estime que les écarts sont expliqués à la fois par l’inefficience du producteur et par des éléments aléatoires, qui ne dépendent pas du producteur, on dit que la frontière est de nature stochastique (Kumbakar et Lovell, 2000). En résumé, l’efficacité d’une exploitation ou d’un secteur peut être mesurée par des approches paramétriques ou non paramétriques qui diffèrent essentiellement par les hypothèses concernant les résidus. Une frontière de production de coût ou de profit sera paramétrique si l’on impose une forme fonctionnelle (Cobb-Douglas, Translog, etc.) déterministe si l’on suppose que tout écart entre la fonction estimée et les observations est considéré comme étant de l’inefficacité du producteur, et stochastique si, les écarts sont expliqués à la fois par l’inefficacité du producteur et par des éléments aléatoires qui échappent au contrôle de l’exploitant. Les approches paramétriques imposent une forme fonctionnelle qui présuppose la forme de la frontière, alors que les approches non paramétriques imposent moins de structure à la frontière mais supposent l’absence d’erreurs aléatoires. 2.3 Déterminants de l’efficacité La mesure de l’efficacité économique permet d’identifier les gains potentiels de profit dans le secteur étudié. L’inefficacité résultante peut être expliquée par certains facteurs tels que la taille de l’exploitation, l’âge et le niveau d’instruction du chef de l’exploitation, etc. D’un point de vue politique, il est intéressant de rechercher les sources de l’inefficacité et d’identifier les déterminants. Les pouvoirs publics peuvent agir sur les déterminants ainsi identifiés pour améliorer l’efficacité globale. La première question habituelle posée est comment expliquer le différentiel d’efficacité aperçu entre les exploitations et/ou entre les secteurs. Plusieurs méthodes sont utilisées à cet effet. Il existe la méthode en une seule étape appelée frontière de production à erreurs composées et à effets d’inefficacité incorporés proposée par Battese et Coelli (1992). Une autre méthode également utilisée pour expliquer les inefficacités procède en deux étapes : d’abord les inefficacités sont estimées à partir d’une frontière paramétrique ou non paramétrique, puis une régression des scores d’efficacité est effectuée sur les variables déterminantes. En général, cela suppose que les variables expliquant l’inefficacité sont celles relatives aux caractéristiques des exploitants et des exploitations, elles sont différentes des facteurs de production. Cette hypothèse est introduite pour éviter le biais inclus dans la première étape, selon lequel le niveau d’efficacité est indépendant de ces variables alors que dans la deuxième étape, ils sont considérés comme dépendants. Selon Murillo Zamorano (2004), les méthodes donnent des résultats équivalents. L’avantage de cette méthode est qu’en cas d’erreur de spécification dans la deuxième étape, le 4 biais affecte uniquement les coefficients estimés des déterminants et non les coefficients de la frontière. Comme le soutient Lovell (2000), cette méthode peut être utilisée pour l’approche non paramétrique comme pour l’approche paramétrique. La régression, effectuée lors de la deuxième étape, est possible grâce à la méthode de MCO ou un modèle Tobit pour tenir compte du caractère tronqué (entre 0 et 1) de la variable dépendante (efficacité). 3. Modèle de frontière et données des firmes ivoiriennes Cette section est relative à la présentation du modèle de frontière retenu et à l’examen des scores d’efficacité économique. Elle s’achève par une analyse des données des firmes ivoiriennes et des variables. 3.1. Le modèle de frontière Nous retenons, dans cette étude, l’approche paramétrique des frontières de production stochastiques. Nous supposons en effet que les écarts ne sont pas expliqués uniquement par l’inefficience du producteur. Ils sont la résultante à la fois de l’inefficience du producteur et des éléments aléatoires qui ne dépendent pas du producteur. A la suite de Meeusen et Van den Broeck (1977) et Lovell et Schmidt (1977) qui ont proposé indépendamment des modèles de frontière de production stochastique, et de N’Gbo (1994) qui a travaillé à partir de données de panel non cylindrées, nous considérons la frontière de production suivante : ln y it ln f ( xit , ) it u i t = 1, 2, …, Ti et i = 1, 2, …, N (1) où yit : est la production de la ième firme à la tième période ; xit : est un vecteur (lxk) des inputs de la ième firme à la tième période ; : est un vecteur (kxl) des paramètres technologiques inconnus de la frontière ; Ti : représente le nombre d’observations de la ième firme ; N : représente le nombre de firmes ; it : est le terme d’erreur symétrique habituel. Il représente l’écart dû aux aléas qui influencent la production et qui ne sont pas directement sous le contrôle du gestionnaire et u i : est un terme d’erreur non négatif représentant l’inefficacité et supposé invariant dans le temps. La frontière (1) est stochastique dans le sens où elle combine les deux termes d’erreur u i et it . Dans la frontière déterministe, le terme it n’apparaît pas explicitement. Ce type de frontière ne prend pas en compte le terme d’erreur classique, et tout écart par rapport à la frontière de production est considéré comme dû à l’inefficacité. La relation (1) peut encore s’écrire sous la forme : ln y it 0 j xit it (2) Avec it it u i Le vecteur d’input xit peut être désagrégé en plusieurs variables explicatives telles que les capitaux propres (CP), la productivité du capital (PC), le niveau de l’emploi (NE), la productivité du travail (PT), le volume des intrants (VI), l’investissement dans la formation continue (FC) et les équipements et autres infrastructures (EI). 5 Ainsi, l’équation (2) devient : ln y it 0 1 ln CPit 2 ln PC it 3 ln NE it 4 ln PTit 5 ln VI it 6 ln FC it 7 ln EI it (3) La frontière de production peut être estimée par les moindres carrés ou par le maximum de vraisemblance si l’on spécifie les distributions des termes d’erreur u i et it . Si nous considérons le maximum de vraisemblance, suivant Aigner, Lovell et Schmidt (1977) et Balk (2003), on prend une distribution normale pour , c’est-à-dire que N (0, 2 ) et une distribution normale centrée, tronquée à gauche en zéro pour U i , c’est-àdire U N (O, 2 ) . La densité jointe pour v et u sachant que les deux distributions sont indépendantes s’écrit alors : f ( , v) 1 exp (u 2 / 2 u2 ) (v 2 / 2 v2 ) u v (4) Si on remplace v en fonction de u, l’on obtient : f ( , ) 1 exp (u 2 / 2 u2 ) ( 2 u 2 2u ) / 2 v2 u v (5) Calculons maintenant la densité de en intégrant l’équation (5) par rapport à u. On a : f ( ) (2 / ) f * ( / )1 F * ( / ) Avec , 2 u2 v2 et (6) u / v . F* (.) désigne la fonction de répartition d’une distribution normale centrée réduite et f* (.) sa densité. Signalons que la paramétrisation de u / v est intéressante ; ce paramètre est considéré comme une mesure de la variabilité relative de deux sources d’inefficacité. 2 0 implique que v2 et/ou que u2 0 , ce qui veut dire que les chocs aléatoires dominent dans l’explication de l’inefficacité. De même, lorsque v2 0 alors les écarts à la frontière sont essentiellement dus à l’inefficacité technique. Si nous considérons la méthode des moindres carrés, le modèle (2) peut s’écrire : ln y it 0 j ln xit (vit (u i )) (7) On peut le reparamétriser comme suit : ln y it 0 ' j ln xit ' it (8) Avec 0 ' ( 0 ) ; ' v (u i E (u )) vit (u i ) . La procédure d’estimation de (8) peut se faire en deux étapes. Dans un premier temps, étant donné que la distribution de it ' est symétrique, on estime (8) par la méthode des moindres carrés ordinaires ; tous les j seront sans biais. Dans le second temps, on identifie complètement la frontière en 6 0 estimant et donc . Pour ce faire, il faut spécifier une distribution particulière pour chacun des termes d’erreur. On peut alors estimer par la méthode des moments et, par suite 0 . Nous déterminons l’efficacité économique à partir de l’estimation d’un système d’équations composé d’une fonction de production et des conditions de premier ordre de la minimisation du coût de production. Cette méthode développée par Schmidt et Lovell (1979) est mise en application par Ferriera et Steel (2007). 3.2 Les scores d’efficacité économique Les scores d’efficacité économique sont obtenus par le produit entre les scores d’efficacité technique et ceux d’efficacité allocative. L’efficacité de chaque exploitation en termes de profit peut être estimée à partir des modèles de frontière utilisés pour mesurer l’efficacité technique des entreprises (Ali et Flinn, 1989). Pour un modèle sous forme logarithme, l’efficacité technique (ET) de la firme i est donnée par : ETi xij ij exp( it ) / x ij ij exp( ˆ it ) Avec Uˆ i max j (ˆi* ) ˆi* (9) (10) A la suite de Schmidt et Sickles (1984) et Goaïed et Ben Ayed-Mouelhi (2000), nous considérons que l’estimation de l’efficacité technique repose sur l’utilisation du prédicteur ( i* ) qui est BLUP (Best linear unbiaised predictor). Après l’estimation de la frontière (3), on obtient : T ˆ i* 2 Yit ˆ0* Ln( X it ) ˆ t 1 Ti ˆ 2 ˆ v2 (11) En utilisant l’approche paramétrique pour la détermination des scores d’efficacité technique, nous estimerons une frontière de production stochastique de type Cobb-Douglas à l’aide du programme de Frontier 4.11 (Coelli, 1996). Le logiciel de Frontier 4.1 fournit par itération les élasticités de la frontière de production, les scores d’efficacité technique et les coefficients des déterminants. Les paramètres de la frontière de production stochastique seront estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. Après initialisation de la fonction par la méthode des moindres carrés ordinaires, le programme procède à des itérations. De ce fait, en choisissant son programme de production, la firme doit en plus des paramètres techniques, tenir compte de leurs prix relatifs sur le marché. L’efficacité allocative consiste donc à choisir la meilleure combinaison productive d’inputs compte tenu de leurs prix en vue d’optimiser le profit ou de minimiser les coûts à un niveau de production donné. Ainsi, pour un vecteur de prix des facteurs, le coût de production est donné par l’équation : 1 Le programme informatique, Frontier version 4.1, peut être utilisé pour obtenir les estimations du maximum de vraisemblance d’un sous-ensemble des fonctions d’une frontière de production stochastique ou de coûts. Ce programme est compatible avec les données de panel, les séries temporelles, les fonctions de coûts et de production, les distributions normales tronquées ou non, etc. Il est incompatible aux distributions exponentielles et gamma. La mise en œuvre de Frontier 4.1 se fait avec les 5 fichiers suivants : Frontier 41 EXE (fichier d’exécution), Front 41.000 (fichier de démarrage), Data File (fichier de base de données), Instruction File (fichier de commande) et Output File (fichier d’affichage des résultats). Il est bon de préciser que les données sont listées par observations dans un fichier texte. 7 7 C Pi X i (12) 1 Xi étant les quantités des facteurs de production et i variant de 1 à 7 et correspondant aux différentes variables de la frontière (3). Sous l’hypothèse que les tous les facteurs sont variables et ont des prix sur le marché, nous associons des prix (Pi) aux intrants. Les entreprises cherchent donc à minimiser leur coût de production. La minimisation du coût dans les secteurs d’activité susmentionnés sera considérée comme un problème d’optimisation sous contrainte : 7 Min C Pi X i s/c Y f (CP, PC , NE , PT , VI , FC , EI ) (13) 1 La résolution de ce problème d’optimisation par le Lagrangien permet d’obtenir l’équation de demande d’intrants suivante : X i Y i / Pi (14) Afin d’éliminer les variables et Y, considérons les ratios des quantités demandées d’intrant : X j / X 1 , avec j variant de 2 à 7. Après résolution de ces ratios, nous pouvons déduire les équations X2,…,X7 et les substituer dans la frontière. Nous obtenons ainsi X1 comme une fonction du niveau de production Y, des paramètres de la frontière de production Cobb-Douglas et des prix des facteurs de production. On arrive alors une fonction de coût dual égale à : C KY zt* 1/ r P11 / r P2 2 / r P3 3 / r P4 4 / r P55 / r P66 / r P7 7 / r (15) 7 où r i et K r * A * 11 * 2 2 * 3 3 * 4 4 * 5 5 * 6 6 * 7 7 1 / r i 1 Avec r correspondant au rendement d’échelle, Yzt* Yzt v zt qui est défini comme la production observée du secteur z (avec z variant de 1 à 15 pour tenir compte des 15 secteurs d’activité2) au cours de l’année t, ajustée par le terme d’erreur aléatoire. Sous sa forme linéaire, la frontière de coût dual devient : LnC zt K 1 / rLn(Yzt* ) 1 Ln( P1zt ) 2 Ln( P 2 zt ) 3 Ln( P3 zt ) 4 Ln( P 4 zt ) 5 Ln( P 5 zt ) 6 Ln( P 6 zt ) 7 Ln( P 7 zt ) (16) i . Les différents Pi sont caractéristiques des prix des facteurs de production. r Les coefficients K, 1 ,..., 7 sont des paramètres obtenus analytiquement et minimisant la fonction de coût sous la contrainte du niveau de production atteint. Pour un niveau donné de production, l’efficacité économique est par définition le rapport entre le coût minimum et le coût observé. A la suite de Albouchi, Bachta et Jacquet (2005), nous notons que l’efficacité économique s’écrit ainsi : Avec i 2 Dans les travaux antérieurs de Lesueur et Plane (1998), les différents secteurs d’activité sont regroupés en quatre. Ce sont le secteur de l’industrie agro-alimentaire (IAA), le secteur des biens de consommation (BC), le secteur des biens d’équipement (BE) et le secteur des biens intermédiaires (BI). Cette nouvelle classification que nous adoptons est conforme aux normes internationales de la Nomenclature des Activités des Etats Membres d’AFRISTAT (NAEMA) mises en place depuis l’année 2000. 8 7 7 EEizt X iezt * Pizt / X izt * Pizt i 1 (17) i 1 Le sigle EE désignant l’efficacité économique et Xiezt étant la quantité de facteur économiquement efficace. 3.3 L’analyse des données des firmes ivoiriennes et des variables Nous disposons d’une base de données fournies par la Banque des données financières (BDF) de l’Institut national de la statistique (INS). L’échantillon de l’étude concerne un total de 3.000 entreprises reparties dans les 15 secteurs d’activité de l’économie ivoirienne conformément à la nomenclature d’activités des Etats membres d’AFRISTAT. Ces entreprises représentent à elles seules près de 63% de la valeur ajoutée nationale et 72% de l’emploi. Les données collectées concernent le capital technique, la productivité du capital, le niveau d’emploi, la productivité du travail, le volume des intrants, les investissements dans la formation continue et les équipements et autres infrastructures. Elles sont observées sur la période allant de 2003 à 2006. Il nous a été difficile d’obtenir les données pour les années 2007 et 2008 car elles ne sont pas encore épurées par les structures compétentes de l’INS. Le tableau ci-après indique la représentativité de la couverture sectorielle du panel de quelques variables de la frontière. La valeur ajoutée est implicitement prise en compte dans le calcul de la productivité du capital et de la productivité du travail. Tableau n° 1 : La représentativité moyenne de la couverture sectorielle du panel d’entreprises Les différents secteurs d’activité Agriculture, chasse et sylviculture Pêche, pisciculture, aquaculture Activités extractives Activités de fabrication Production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau Construction et travaux publics Commerce, réparation de véhicules automobiles et d’articles dom. Hôtels et restaurants Transports, activités des auxiliaires de transport et communications Activités financières Services immobiliers, locations et services aux entreprises Activités d’administration publique Éducation Activités de santé et d’action sociale Activités à caractère collectif ou personnel Activités des ménages en tant qu’employeurs de personnel dom. Activités des organisations extraterritoriales TOTAL Nombres de firmes Valeur ajoutée (%) 70 8 24 454 8 173 1321 38 221 70 459 5 82 38 29 0 0 3 000 6 5 4 7 5 6 12 8 8 11 9 6 6 5 4 0 0 100% Source : Banque des données financières de l’INS, Côte d’Ivoire. 9 La taille totale du panel utilisé est de 12.000 observations car 3.000 entreprises sont observées sur quatre années de 2003 à 2006. Au regard du tableau n°1, une bonne représentativité du secteur « commerce, réparation de véhicules automobiles et d’articles domestiques » est remarquable. C’est de loin, le secteur d’activité qui regroupe le plus grand nombres d’entreprises. Viennent ensuite, par ordre de représentativité, les secteurs « services immobiliers, locations et services aux entreprises » et « activités de fabrication ». Les secteurs d’activité où l’on retrouve le moins de firmes sont le secteur « activités des ménages en tant qu’employeurs de personnel domestique » et le secteur « activités des organisations extraterritoriales ». Ces secteurs restent sous-représentés à cause de l’indisponibilité des données. Ce biais d’échantillonnage n’a toutefois pas d’incidence sur les résultats empiriques, dans la mesure où les estimations de la frontière de production stochastique sont réalisées par secteur. Avec l’examen des pourcentages des contributions en termes de valeurs ajoutées, l’on peut observer que les secteurs les plus représentés sont « commerce, réparation de véhicules automobiles et d’articles domestiques », « activités financières » et « services immobiliers, locations et services aux entreprises » et « activités de fabrication ». Il semble avoir une très forte corrélation entre le nombre de firmes dans un secteur donné et sa contribution en termes de valeur ajoutée. Sept (7) variables ont été retenues dans la frontière de production. La disponibilité des variables telles que le niveau de l’emploi (qui regroupe les cadres supérieurs, les techniciens supérieurs et cadres moyens, les techniciens, agents de maîtrise et ouvriers qualifiés, les employés, les manœuvres et apprentis), le volume des intrants, le montant des investissements dans la formation continue et le volume des équipements et autres infrastructures a été relativement aisée. La disponibilité des variables relatives à la productivité du capital et à la productivité du travail n’était pas évidente. Les différentes productivités du capital ont été calculées à partir de la valeur ajoutée brute déflatée par l’indice général des prix à la consommation. La productivité du travail tient compte du salaire. Le salaire relatif du personnel a été mesuré en rapportant le salaire moyen de chaque entreprise au salaire moyen de leur branche d’activité d’appartenance respective. Afin de tenir compte de l’effet de structure de qualification, le salaire moyen a été dans un premier temps régressé sur le taux d’encadrement (rapport des cadres et agents de maîtrise à l’emploi global). Le résidu du salaire relatif issu de cette régression a été retenu comme mesure de l’incitant salarial du personnel. Comme l’ont indiqué Lesueur et Plane (1998), nous soutenons que l’évaluation du stock de capital à partir des données de la BDF est délicate. La règle comptable impose généralement aux entreprises d’enregistrer leurs investissements à l’actif pour la valeur d’acquisition du bien. Les équipements sont ensuite amortis en tenant compte de leur durée de vie probable selon un mode linéaire ou dégressif. La valeur brute des immobilisations, plus proche de l’interprétation économique du capital fixe, est donc conservée à l’actif du bilan tant que le bien n’est pas déclassé, alors que la valeur nette comptable décroît compte tenu de la loi de mortalité supposée. Pour évaluer correctement le stock de capital brut de chaque période, des informations complémentaires (non disponibles dans la base de données) sont généralement nécessaires telles que l’âge de sortie des équipements et leur valeur de remplacement. Par ailleurs, les données ne nous permettent pas de tenir compte des éventuelles opérations de réévaluation légale des bilans qui ont pu se manifester pour certaines entreprises. Pour toutes ces raisons, nous avons préféré évaluer le stock de capital fixe à partir des investissements nets cumulés. Autrement dit, on suppose que la valeur du capital disponible est mieux approximée en tenant compte des modalités légales d’amortissement qu’en faisant abstraction de son usure. Un indice de prix de la formation brute de capital fixe du secteur productif ivoirien, base 100 en 1995, a été retenu comme déflateur des investissements nets cumulés. Nous donnons un aperçu des statistiques concernant les différentes variables utilisées dans la frontière de production. 10 Tableau n° 2 : La statistique descriptive des variables de la frontière de production Variables de la frontière Moyenne Minimum Maximum Std. Dev. Capital technique 6,54 e+09 256 980 1,55 e+11 6,45 e+09 Productivité du capital Niveau de l’emploi Productivité du travail Volume des intrants Formation continue Equipements et autres infrastructures 52,98 63,01 53,31 1,39 e+08 5,02 e+08 1,26 e+08 135 5 204 143 678 508 402 198 231 68 623,05 11 451 38 032,50 7,18 e+10 8,18 e+10 8,47 e+10 974,81 338,64 611,59 1,28 e+09 3,86 e+09 1,50 e+09 Source : Estimation à partir des statistiques de la Banque des données financières de l’INS (2006). Comme il est possible de l’observer à travers la dernière colonne du tableau n° 2, les écarts entre les secteurs d’activités pour une même variable sont très grands. Ils peuvent éventuellement introduire des biais dans les estimations. C’est pourquoi, le recours au logarithme est recommandé. Cette procédure mathématique de transformation des variables, en séries chronologiques, a l’avantage de les normaliser et de les stabiliser (Greene, 2005). 4. Présentation des résultats La présentation des résultats se fera en trois phases. Il s’agira d’abord d’indiquer les résultats de l’estimation de la frontière de production, ensuite de présenter les scores d’efficacité, technique, allocative et économique et enfin de mettre en relief les déterminants de l’efficacité des entreprises ivoiriennes. Pour obtenir les résultats de l’estimation de la frontière de production, nous avons eu recours à la méthode de maximum de vraisemblance mise en œuvre par le programme Frontier 4.1. Les résultats de l’estimation de la frontière de production spécifiée dans l’équation (3) sont présentés dans le tableau 3. Tableau n° 3 : L’estimation des paramètres de la frontière de production stochastique Variables explicatives Constante Capital technique Productivité du capital Niveau de l’emploi Productivité du travail Volume des intrants Formation continue Equipements et autres infrastructures Sigma carré Coefficients Valeurs t-test 0 1 2 3 4 5 6 7 0,167 1,462 0,535* 0,005 0,133*** 0,081 0,098 3,337 0,267** 0,049 0,510* 0,002 0,129*** 0,091 0,334** 0,038 0,043*** 0,065 2 Gamma 0,582** 2,052 Eta 0,026 0,019 Log Likelihood LL -0,703** 0,047 Source : Estimation à partir des statistiques de la Banque des données financières de l’INS, Côte d’Ivoire. (*) Significatif à 1%, (**) Significatif à 5%, (***) Significatif à 10%. 11 Ces résultats portent sur l’ensemble des 15 secteurs d’activités observés sur la période de 2003 à 2006. La valeur de gamma ( ) nous enseigne que l’écart par rapport à la frontière est expliquée par l’inefficacité des secteurs à 58%. L’évaluation de ( ), significativement différente de zéro, indique l’existence des inefficacités productives. Ce résultat signifie que l’écart entre la production observée et la production potentielle des secteurs étudiés est en partie dû leur inefficacité. La valeur de gamma ( ) peut paraître relativement faible par rapport aux études réalisées en particulier pour la détermination de l’efficacité individuelle des exploitations (N’Gbo, 1994). En effet, dans notre étude, 42% des écarts entre la production observée et la production potentielle des 15 secteurs d’activité sont liés à des effets aléatoires y compris à des erreurs de mesure, ce qui peut provenir de la nature des données. Toutefois, ( ) est significativement inférieur à 13, ce qui justifie l’importance du terme d’erreur stochastique. Plus la valeur de ( ) se rapproche de 1, plus la différence entre les résultats issus d’une estimation stochastique et ceux d’une estimation déterministe est faible (Briec, Comes et Kerstens, 2006). En revanche, la valeur de ( ) n’est pas considérablement différente de zéro, ce qui montre que le niveau de l’inefficacité technique n’a pas beaucoup changé sur la période d’observation. Pour une analyse plus approfondie, nous considérons à présent la frontière de coût telle que identifiée dans l’équation (16). La frontière du coût dual est dérivée analytiquement de la frontière de production stochastique. Elle a permis d’estimer et de décomposer l’efficacité économique en deux composantes efficacité technique et allocative. Les résultats sont présentés dans le tableau 4 par secteur d’activité. Tableau n° 4 : La comparaison des scores d’efficacité par secteur Les différents secteurs d’activité Agriculture, chasse et sylviculture Pêche, pisciculture, aquaculture Activités extractives Activités de fabrication Production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau Construction et travaux publics Commerce, réparation de véhicules automobiles et d’articles dom. Hôtels et restaurants Transports, activités des auxiliaires de transport et communications Activités financières Services immobiliers, locations et services aux entreprises Activités d’administration publique Éducation Activités de santé et d’action sociale Activités à caractère collectif ou personnel Activités des ménages en tant qu’employeurs de personnel dom. Activités des organisations extraterritoriales Maximum Minimum Moyenne Efficacité technique Efficacité allocative Efficacité économique 0,932 0,855 0,954 0,870 0,947 0,891 0,673 0,848 0,889 0,872 0,763 0,776 0,635 0,594 0,572 0 0 0,954 0,635 0,805 0,637 0,539 0,861 0,662 0,819 0,762 0,675 0,607 0,491 0,723 0,581 0,527 0,620 0,648 0,683 0 0 0,861 0,491 0,656 0,594 0,461 0,821 0,576 0,776 0,679 0,454 0,515 0,436 0,630 0,443 0,409 0,394 0,384 0,390 0 0 0,821 0,312 0,528 Source : Estimation à partir de statistiques de la Banque des données financières de l’INS, Côte d’Ivoire. Nous avons testé la valeur de ( ) en posant comme hypothèse nulle ( ) = 1 et comme hypothèse alternative ( ) < 1. Les résultats du test de Student indiquent que ( ) est statistiquement et significativement inférieur à 1. 3 12 Les résultats de l’estimation de la frontière de coût (16) inspirent les commentaires suivants : aucun des secteurs d’activité n’est à 100% efficace. Les scores d’efficacité obtenus permettent de conclure que le secteur « activités extractives » est le plus efficace aussi bien sur le plan technique qu’économique. Ce secteur valorise donc mieux ses ressources productives que les autres. Viennent ensuite par ordre d’efficacité économique, les secteurs « production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau », « construction et travaux publics » et « activités financières ». Cependant, les secteurs techniquement et allocativement moins efficaces sont les secteurs « pêche, pisciculture, aquaculture », « activités de santé et action sociale » et « transports, activités auxiliaires de transport et communications ». Globalement, sur la période 2003 à 2006 avec un panel de 3.000 entreprises, on peut considérer que l’économie ivoirienne n’est pas économiquement efficace. Le score moyen de l’efficacité économique étant de 0,528. Ces résultats indiquent que les connaissances scientifiques et l’innovation produites localement sont utilisées pour produire des biens avec des emplois et des combinaisons des inputs disponibles moins efficients. L’environnement d’instabilité sociopolitique a alors désorganisé l’appareil productif et a eu des effets négatifs sur l’efficacité économique en Côte d’Ivoire. Les résultats issus du modèle Tobit concernant des niveaux d’efficacité technique, allocative et économique des 15 secteurs d’activité sont représentés dans le tableau 5. Nous avons recours au modèle Tobit pour tenir compte du caractère tronqué (entre 0 et 1) des scores d’efficacité. Nous supposons, dans cette étude que les facteurs qui affectent le niveau d’efficacité technique, allocative et économique des 15 secteurs d’activité sont les suivants : la taille de l’entreprise (TE) mesurée par le personnel, l’environnement institutionnel (EVI), la forme d’organisation (FO), la valeur ajoutée (VA), les actifs immobilisés (AI), l’épargne nationale (EN), les dettes financières (DF) et le taux de chômage annuel (TC). La variable (EVI) est une variable muette. Elle prend la valeur 0 entre 2003 et 2004 et la valeur 1 en 2005 et 2006. Le chiffre 0 signifie que l’environnement sociopolitique est instable et le chiffre 1 indique qu’il est serein. Ces différentes valeurs sont en phase avec les variations de l’indice risque-pays. La variable FO est relative à la structure juridique des entreprises sera considérée comme une variable muette également. Elle prendra la valeur 1 pour les Sociétés Anonymes (SA) et 0 pour les autres formes d’organisation. Les effets de ces facteurs sur les niveaux d’efficacité sont estimés par la méthode de régression Tobit en utilisant le logiciel Shazam, qui présente deux avantages : sa facilité de manipulation et la prise en compte du caractère tronqué des scores d’efficacité qui prennent des valeurs comprises entre 0 et 1. Le modèle est le suivant : EFFit f (TEit , EVI it , FOit , VAit , AI it , EN it , DFit , TC it ) (18) Avec t = 2003 à 2006, i = ET, EA, EE et ET représentant l’efficacité technique, EA désignant l’efficacité allocative et EE étant l’efficacité économique. Les résultats sont indiqués comme suit : 13 Tableau n° 5 : L’estimation des déterminants des scores d’efficacité Déterminants Efficacité technique coefficients t-test Efficacité allocative coefficients t-test Efficacité économique coefficients t-test Constante 1,875* 1,631 0,372 2,037 4,803* TE 0,076* 0,005 0,348 1,734 0,123* EVI -0,641* -0,008 0,701** 0,038 0,649** FO 0,482* 0,007 -0,567 -3,126 0,495*** VA -0,785* -0,001 0,832* 0,005 -0,788* AI -0,690* -0,003 -0,734 -1,748 -0,695* EN -0,953* -0,007 0,765* 0,019 0,801** DF -0,902* -0,011 0,873 2,147 -0,894* TC -0,437 10-05** -0,048 -0,677 10-08** -0,023 0,522 10-09** R2 0,938 0,876 0,914 Log likelihood -138 -113 -127 Source : Estimation à partir des statistiques de la Banque des données financières de l’INS, Côte d’Ivoire. (*) Significatif à 1%, (**) Significatif à 5%, (***) Significatif à 10%. 0,002 0,007 0,039 0,092 -0,001 -0,003 0,035 -0,006 0,044 - Au regard de ces résultats, nous pouvons affirmer que les effets de la taille de l’entreprise, de l’environnement institutionnel, de la forme d’organisation, de l’épargne nationale, les dettes financières et le taux de chômage sont statistiquement significatifs. Une firme de plus grande taille améliore son efficacité économique, allocative et technique. C’est l’exemple des grandes sociétés installées en Côte d’Ivoire telles que Unilever, Filtisac ou encore Nestlé qui sont très bien cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM). De même, un environnement institutionnel de plus en plus stable et crédible favorise l’efficacité économique et allocative. Cette assertion est conforme aux conclusions de l’analyse de Girod (2006). Les résultats montrent également que la forme d’organisation est un facteur qui améliore l’efficacité économique et l’efficacité technique. La mobilisation de l’épargne nationale constitue un vecteur d’amélioration de l’efficacité économique et allocative. Cette contribution de l’épargne à la productivité globale a été analysée par de nombreux auteurs tels que Alesina et al (2002), ou encore De Mello et al (2004). La relation entre le niveau d’efficacité et les dettes financières montre que les entreprises les plus endettées sont techniquement et économiquement les moins efficaces. Ceci s’explique par le fait que le fardeau de la dette contractée auprès des fournisseurs annihile les efforts d’organisation stratégique et d’investissements productifs. Une entreprise en capacité de financement et une entreprise à besoin de financement n’ont pas les mêmes politiques générales stratégiques. Ces questions d’efficience de la dette extérieure ont été récemment abordées par Loxley et Sackey (2008). Les résultats auxquels ils parviennent sont identiques aux nôtres. En ce qui concerne la valeur ajoutée, elle a un effet négatif et statistiquement significatif sur le niveau d’efficacité technique et économique. Ce résultat indique qu’un important volume du chiffre d’affaires ou de la valeur ajoutée n’est pas nécessairement l’expression d’une efficacité économique ou technique. La relation entre les actifs immobilisés et le niveau d’efficacité est négative. Economiquement, cela peut s’expliquer par la nature spécifique des actifs immobilisés et les distorsions du prix de ces actifs sur le marché où les prix ne reflètent pas la réalité économique. L’effet du taux de chômage sur les niveaux d’efficacité est significatif. Il est alors possible de soutenir que la structure de l’emploi a un déterminant essentiel des niveaux d’efficacité technique, allocative ou économique. Ces résultats sont conformes aux analyses de Gavrel et Lebon (2004) portant sur les liens entre le niveau de chômage et l’efficacité du marché du travail. En effet, en utilisant un modèle d’appariement avec différenciation des qualifications, ils montrent que l’introduction d’un salaire minimum améliore l’adéquation des travailleurs aux 14 emplois en rendant les « mauvaises » associations impossibles et donc améliore l’efficacité du marché du travail. Au total, nous pouvons retenir que le système productif ivoirien a été désorganisé par la crise sociopolitique intervenue en septembre 2002. Elle justifie en partie l’inefficacité économique observée empiriquement. Cette inefficacité est essentiellement déterminée par la taille des entreprises, l’environnement institutionnel, la forme d’organisation, l’épargne nationale, les dettes financières et le niveau de l’emploi. Aussi, à la lumière de ces résultats, des propositions pour une meilleure utilisation des ressources peuvent-elles être formulées. 5. Conclusion et recommandations Notre analyse a cherché à comprendre et expliquer les déterminants de l’efficacité ou de l’inefficacité économique en Côte d’Ivoire. Cette étude tire sa justification à la faveur de la crise sociopolitique qui a instauré une instabilité sociopolitique et désorganisé l’appareil de production. L’effet additionnel de l’utilisation peu rationnelle des facteurs de production et de la main d’œuvre qualifiée qui a immigré vers d’autres pays a probablement eu une influence sur l’efficacité économique. Aussi des interrogations se sont-elles posées : est-il possible de soutenir que les entreprises ivoiriennes sont économiquement efficaces ? Quels sont alors les déterminants de cette efficacité ou de cette inefficacité ? Telles sont les questions de problématique. Pour y répondre, nous avons utilisé les données issues de la Banque des données financières de l’INS relatives à 3.000 entreprises observées sur la période de 2003 à 2006. L’estimation d’une frontière de production stochastique et l’analyse des scores d’efficacité ont permis de montrer que le système de production n’est pas économiquement efficace. L’analyse économétrique a, de ce fait, permis de confirmer l’hypothèse principale de recherches. Les résultats indiquent que l’écart entre la production observée et la production potentielle est de 20%. Cet important écart entre les degrés d’efficacité des 15 secteurs d’activité montre qu’il y a d’énormes possibilités d’accroître leur efficacité. L’estimation d’un modèle Tobit a permis ensuite d’identifiant les facteurs explicatifs de l’inefficience économique. Il s’agit entre autres de la taille des entreprises, l’environnement institutionnel, la forme d’organisation, l’épargne nationale, les dettes financières et le niveau de l’emploi. Sur la base de ces résultats, des recommandations en termes de politiques économiques peuvent être formulées. Le manque d’informations sur les mouvements des populations liés à l’instabilité sociopolitique ne nous permet pas de soutenir que la main d’œuvre qualifiée qui a immigré vers d’autres pays a désorganisé l’appareil productif. Toutefois, étant donné que la taille des entreprises est un facteur explicatif de l’inefficacité économique, nous suggérons que les décideurs et les managers fassent preuve d’une meilleure maîtrise des effectifs de leur personnel. Cela induit un réexamen de la politique de recrutement et une ergonomie plus adaptée. Les résultats indiquent par ailleurs que l’environnement institutionnel a eu des effets négatifs sur l’efficacité économique en Côte d’Ivoire. La crise sociopolitique a donc fragilisé les fondamentaux de l’économie et entraîné une combinaison non optimale des inputs disponibles. C’est le lieu d’inviter les acteurs politiques à continuer de ne ménager aucun effort pour instaurer un climat de paix et de stabilité afin d’améliorer l’efficacité des entreprises installées en Côte d’Ivoire. Selon les résultats obtenus, l’épargne nationale est un facteur de l’inefficacité économique. Aussi, estimons-nous que l’Etat devrait continuer les efforts de sensibilisation auprès des populations sur le bien-fondé de la mobilisation de l’épargne pour une plus grande assistance aux entreprises. Il faut également poursuivre les efforts de subventions qui nous apparaissent nécessaires afin d’aider les entreprises à forte valeur ajoutée et pourvoyeuses 15 d’emplois à parfaire l’organisation de leur appareil productif. Nous restons convaincus que la mise en œuvre de toutes ces propositions contribuera à une meilleure utilisation des ressources. Références bibliographiques Aigner D.J., Lovell C.A.K. et P. 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